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Document 61989TJ0111

    Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 12 juillet 1990.
    Robert Scheiber contre Conseil des Communautés européennes.
    Fonctionnaires - Pension d'ancienneté - Cumul avec traitement perçu comme agent de l'AEC - Répétition de l'indu.
    Affaire T-111/89.

    Recueil de jurisprudence 1990 II-00429

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:1990:46

    61989A0111

    Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 12 juillet 1990. - Robert Scheiber contre Conseil des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Pension d'ancienneté - Cumul avec traitement perçu comme agent de l'AEC - Répétition de l'indu. - Affaire T-111/89.

    Recueil de jurisprudence 1990 page II-00429


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    ++++

    1 . Fonctionnaires - Pensions - Non-cumul avec un traitement communautaire - Objet - Conditions d' application - Inscription du traitement au budget d' une institution - Relation de travail entre l' agent et l' institution - Condition non nécessaire

    ( Statut des fonctionnaires, annexe VIII, art . 40, alinéa 2 )

    2 . Fonctionnaires - Pensions - Non-cumul avec un traitement communautaire - Fonctionnaire bénéficiaire d' une mesure particulière de cessation définitive de fonctions - Clause autorisant le cumul de l' indemnité de cessation définitive de fonctions avec des revenus perçus ultérieurement - Inapplicabilité au cumul d' une pension d' ancienneté et d' un traitement communautaire

    ( Statut des fonctionnaires, annexe VIII, art . 40, alinéa 2; règlement du Conseil n 2530/72, art . 5, § 3 )

    3 . Fonctionnaires - Répétition de l' indu - Conditions - Irrégularité évidente du versement - Critères ( Statut des fonctionnaires, art . 85 )

    Sommaire


    1 . Comme la règle du non-cumul d' une pension avec le bénéfice d' un traitement, inscrite à l' article 40 de l' annexe VIII du statut, puise sa justification dans la nécessité de protéger les ressources des Communautés, elle doit trouver application chaque fois que la pension liquidée par une des institutions communautaires se cumule avec le bénéfice d' un traitement qui se trouve également à la charge d' une de celles-ci . Il suffit, pour que la règle du non-cumul trouve application, que le traitement versé par une institution soit intégralement financé au moyen des crédits inscrits dans l' état des dépenses de l' une des institutions figurant au budget général des Communautés européennes, l' existence d' une relation de travail entre l' agent rémunéré et l' institution supportant la charge des dépenses de rémunération ne constituant pas, à cet égard, une condition d' application de la disposition précitée .

    2 . Les dispositions du règlement n 2530/72, instituant des mesures particulières et temporaires concernant notamment la cessation définitive des fonctions de fonctionnaires des Communautés en raison de l' adhésion de nouveaux États membres, ne prévoient aucune dérogation à la règle du non-cumul d' une pension d' ancienneté et d' un traitement communautaire édictée à l' article 40, deuxième alinéa, de l' annexe VIII du statut . Un fonctionnaire ayant bénéficié d' une mesure de dégagement en application dudit règlement ne saurait donc faire valoir que, dès lors que l' article 5, paragraphe 3, du règlement autorise le cumul de l' indemnité de dégagement avec des revenus professionnels perçus après le dégagement, cette disposition doit être placée sur un pied d' égalité avec la règle de non-cumul précitée pour en déduire qu' il peut légalement cumuler sa pension d' anciennetécommunautaire avec le traitement qu' il perçoit à charge du budget d' une institution communautaire en tant que délégué de la Commission auprès de l' Association européenne pour la coopération .

    3 . Ne peut être considérée comme évidente au sens de l' article 85 du statut l' irrégularité des versements d' une pension d' ancienneté qui n' a pas été constatée par l' intéressé, malgré le grade élevé qu' il a occupé et son ancienneté de service, alors que des avis juridiques contradictoires ont été exprimés sur la question litigieuse par deux institutions communautaires disposant de services ayant des connaissances approfondies dans le domaine du paiement et de la liquidation de droits à pension et qu' il n' a pas été établi que l' intéressé dispose, en raison de sa formation ou de ses activités, de connaissances particulières en la matière .

    Parties


    Dans l' affaire T-111/89,

    Robert Scheiber, ancien fonctionnaire du Conseil des Communautés européennes, demeurant à l' île Maurice, représenté par Me Georges Vandersanden, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Alex Schmitt, 62, avenue Guillaume,

    partie requérante,

    contre

    Conseil des Communautés européennes, représenté par M . A . Dashwood, directeur du service juridique, en qualité d' agent, assisté de Me Marc Grossmann, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Joerg Kaeser, directeur du service juridique de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad-Adenauer,

    partie défenderesse,

    soutenu par

    Commission des Communautés européennes, représentée par M . Sean Van Raepenbusch, membre du service juridique, en qualité d' agent, assisté de Mes Claude Verbraeken et Denis Waelbroeck, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

    partie intervenante,

    ayant pour objet l' annulation de la décision du Conseil du 2 septembre 1988 de ne pas effectuer le versement des montants bloqués de la pension du requérant du 1er novembre 1983 au 30 juin 1986 et de procéder à la récupération des sommes perçues à ce titre du 1er janvier 1981 au 31 octobre 1983 et du 1er juillet 1986 au 19 septembre 1987,

    LE TRIBUNAL ( quatrième chambre ),

    composé de MM . D . A . O . Edward, président de chambre, R . Schintgen et R . Garcia-Valdecasas, juges,

    greffier : Mme B . Pastor, administrateur

    vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 2 mai 1990,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    Les faits à l' origine du recours

    1 Le requérant a été engagé en 1953 comme fonctionnaire du Conseil de la Communauté européenne du charbon et de l' acier . Il est, par la suite, devenu fonctionnaire du Conseil des Communautés européennes, où, après avoir été successivement affecté aux emplois de chef de service et de chef de division des relations avec les pays africains au sud du Sahara, il a été promu directeur le 1er janvier 1967 .

    2 Le requérant a été dégagé des cadres, à sa demande, sur la base du règlement ( Euratom, CECA, CEE ) n 2530/72 du Conseil, du 4 décembre 1972, instituant des mesures particulières et temporaires concernant le recrutement de fonctionnaires des Communautés européennes en raison de l' adhésion de nouveaux États membres ainsi que la cessation définitive des fonctions de fonctionnaires de ces Communautés ( JO L 272, p . 1, ci-après "règlement n 2530/72 "), avec effet au 1er janvier 1974 . Il a été promu directeur général honoraire au mois de janvier 1974 .

    3 Le 1er janvier 1974, le requérant a été recruté par l' Association européenne pour la coopération ( ci-après "AEC ") pour exercer les fonctions d' abord de contrôleur délégué du Fonds européen de développement, à Madagascar et à Djibouti ( de 1974 à 1978 ), puis de délégué de la Commission au Cameroun et en Guinée équatoriale ( jusqu' en 1982 ), et dans l' océan Indien ( jusqu' au 31 juillet 1987 ). Le 31 juillet 1987, il a démissionné de ce poste . Compte tenu du congé auquel il avait encore droit, il a cessé définitivement ses fonctions le 19 septembre 1987 .

    4 A compter du 1er janvier 1979, le requérant a perçu du Conseil une pension d' ancienneté au titre de l' article 77 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut "). Cette pension lui a été versée par la Commission, conformément aux décisions prises par le Conseil en application de l' article 45, deuxième alinéa, de l' annexe VIII du statut .

    5 Le 10 octobre 1983, le requérant a demandé au Conseil, pour des raisons strictement personnelles, de suspendre provisoirement le versement de sa pension à partir du 1er novembre 1983 . Le 29 juin 1986, il a sollicité la reprise du paiement de sa pension d' ancienneté à partir du mois de juillet 1986 .

    6 A la suite de cette dernière demande, le directeur de l' administration et du personnel du Conseil, M . Gueben, a donné instruction à la Commission de reprendre le paiement de la pension d' ancienneté à compter du mois de juillet 1986 . Il en a informé le requérant, tout en l' invitant à lui faire parvenir des précisions concernant sa demande antérieure de suspension du versement de sa pension .

    7 Par lettre du 25 juin 1987, M . Gueben a informé le service "pensions" de la Commission qu' il venait de constater que le nom de M . Scheiber figurait dans l' organigramme de la Commission comme délégué de la Commission, ce qui impliquait un traitement à charge du budget de la Commission . Il ajoutait : "Au cas où vous constateriez que M . Scheiber reçoit effectivement un traitement à charge du budget de la Commission, vous voudrez bien ne plus liquider la pension d' ancienneté conformément à l' article 40, deuxième alinéa, de l' annexe VIII au statut ."

    8 Par lettre du 10 juillet 1987 adressée à M . Gueben, le requérant a fait valoir que la règle du non-cumul prévue par ledit article 40 ne s' appliquait pas à son cas . Il demandait que le versement de sa pension ne soit pas interrompu et que les sommes bloquées sur le compte d' attente lui soient versées .

    9 Par lettre du 12 novembre 1987, M . Gueben a fait savoir au service "pensions" de la Commission que, suite à l' avis du service juridique du Conseil, l' administration du secrétariat général du Conseil ne voyait plus d' objection à ce que les montants bloqués soient versés à M . Scheiber . Il priait en conséquence la Commission de donner suite à la demande du requérant du 10 juillet 1987 . Il en a informé le requérant par lettre du même jour, à laquelle il a joint une copie de la lettre adressée au service"pensions" de la Commission ainsi qu' une copie de l' avis établi par le service juridique .

    10 Par lettre du 2 septembre 1988, M . Gueben a informé le requérant que le Conseil avait changé d' attitude, suite à un avis du service du contrôle financier de la Commission, appuyé par le service juridique de cette même institution, et qu' en conséquence il avait prié la Commission de ne pas effectuer le versement des montants bloqués de la pension du 1er novembre 1983 au 30 juin 1986 et de procéder à la récupération des sommes indûment perçues du 1er janvier 1981 au 30 octobre 1983 et du 1er juillet 1986 au 19 septembre 1987 .

    11 Par lettre du 12 octobre 1988, le requérant a introduit une réclamation contre la décision contenue dans la lettre du 2 septembre 1988 .

    12 Par note du 14 février 1989, le secrétaire général du Conseil a rejeté cette réclamation . Il exposait que, jusqu' au 31 décembre 1980, la pension versée à M . Scheiber lui était bien due, étant donné que, jusqu' à cette date, son traitement de délégué de la Commission lui avait été payé par l' AEC . A compter du 1er janvier 1981, en revanche, les frais de fonctionnement des délégations de la Commission dans les États ACP, y compris les traitements des délégués, auraient été pris en charge par le budget général des Communautés européennes, au titre du chapitre 98 du budget de la Commission, conformément à la déclaration ad article 95 de la deuxième convention ACP-CEE, signée à Lomé le 31 octobre 1979, entre les États d' Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d' une part, et la Communauté économique européenne et ses États membres, d' autre part ( ci-après "convention de Lomé II "). Le traitement de M . Scheiber serait donc depuis cette date à la charge de ce budget . Cette situation serait contraire àl' article 40, deuxième alinéa, de l' annexe VIII au statut, et il y aurait lieu de faire application des articles 85 du statut et 41 de l' annexe VIII du statut .

    La procédure

    13 C' est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe de la Cour de justice le 10 mai 1989, le requérant a introduit le présent recours contre le Conseil visant à l' annulation de la décision du 2 septembre 1988 .

    14 Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 septembre 1989, la Commission des Communautés européennes a demandé à intervenir dans l' affaire à l' appui des conclusions de la partie défenderesse, conformément à l' article 93, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure de la Cour . Par ordonnance de la Cour du 19 septembre 1989, la Commission a été admise à intervenir .

    15 La procédure écrite s' est entièrement déroulée devant la Cour . Cette dernière, par ordonnance du 15 novembre 1989, a renvoyé l' affaire devant le Tribunal, en application de l' article 14 de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes .

    16 La partie requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

    - ordonner le recours recevable et fondé;

    - annuler la décision du Conseil contenue dans la lettre du 2 septembre 1988 de M . Gueben, directeur de l' administration et du personnel au secrétariat général, de ne pas effectuer le versement des montants bloqués de la pension d' ancienneté du requérant du 1ernovembre 1983 au 30 juin 1986 et, d' autre part, de procéder à la récupération des sommes indûment perçues du 1er janvier 1981 au 30 octobre 1983 et du 1er juillet 1986 au 19 septembre 1987;

    - en conséquence, ordonner le remboursement des sommes déduites de la pension du requérant à partir du 1er décembre 1988;

    - condamner le défendeur à l' ensemble des dépens .

    17 La partie défenderesse conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

    - dire la deuxième fin du recours irrecevable;

    - dire le recours inscrit au registre de la Cour sous le numéro d' ordre 164/89 non fondé et, en conséquence,

    - condamner le requérant à l' entièreté des dépens .

    18 La partie intervenante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

    - dire le recours non fondé;

    - condamner le requérant aux dépens exposés par lui conformément à l' article 70 du règlement de procédure de la Cour de justice des Communautés européennes .

    19 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables .

    20 La procédure orale s' est déroulée le 2 mai 1990 . Les représentants des parties ont été entendus en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal . Le représentant du requérant a limité sa demande à l' annulation de la décision attaquée . Suite à la demande du Tribunal, le représentant de la Commission a déposé une copie du chapitre 98 des crédits opérationnels de l' état des dépenses de la Commission inscrit au budget général des Communautés européennes pour l' exercice 1989 .

    Sur le fond

    21 Le requérant demande, en premier lieu, l' annulation de la décision du Conseil, contenue dans la lettre que lui a adressée le 2 septembre 1988 le directeur de l' administration et du personnel, en ce qu' elle invite la Commission à ne pas effectuer le versement au requérant des arrérages bloqués de sa pension couvrant la période du 1er novembre 1983 au 30 juin 1986 . Il demande, en second lieu, l' annulation de cette même décision du Conseil en ce qu' elle invite la Commission à procéder à la récupération des sommes indûment perçues du 1er janvier 1981 au 31 octobre 1983 et du 1er juillet 1986 au 19 septembre 1987 .

    22 A cet effet, le requérant invoque sept moyens : en premier lieu, le maintien inchangé de sa situation juridique dans ses rapports avec l' AEC; en second lieu, l' autonomie de l' AEC vis-à-vis de la Communauté; en troisième lieu, l' illégalité et l' absence de signification de la cession de dette; en quatrième lieu, la légalité du cumul en application du règlement n 2530/72; en cinquième lieu, la violation du principe de la confiance légitime; en sixième lieu, la violation du principe de saine gestion et de bonne administration; et, en septième lieu, l' application incorrecte de l' article 85 du statut .

    23 A l' appui des deux premiers moyens, le requérant fait valoir que la prise en charge de son traitement, à partir du 1er janvier 1981, par le budget général des Communautés européennes n' a pas été de nature à modifier la situation juridique dans laquelle il s' est trouvé placé depuis le 1er janvier 1974, date de son entrée au service de l' AEC, qui est une personne juridique autonome et qui a été, depuis lors, son seul et unique employeur .

    24 Au soutien de sa décision, le Conseil oppose les dispositions de l' article 40, deuxième alinéa, de l' annexe VIII du statut aux termes duquel "la pension d' ancienneté ... ne peut se cumuler ... avec le bénéfice d' un traitement à la charge d' une des institutions des trois Communautés européennes ...".

    25 Se fondant sur les dispositions du point 1 de l' annexe XXXI de la convention de Lomé II, concernant l' article 95 de cette convention, suivant lesquelles "la Communauté s' engage à ce que les frais de fonctionnement des délégations de la Commission dans les États ACP, antérieurement imputés au budget du Fonds européen de développement, seront pris en charge, à compter de l' entrée en vigueur de la convention, par le budget général des Communautés européennes", le Conseil fait valoir que les traitements versés au requérant par l' AEC se trouvent à la charge de la Commission et, par conséquent, ne peuvent pas se cumuler avec la pension d' ancienneté que lui a attribuée le Conseil .

    26 Il est constant que, depuis l' exercice 1981, le budget général des Communautés européennes contient, sous le "chapitre 98 - Association européenne pour la coopération", un crédit destiné à couvrir les rémunérations et indemnités diverses du personnel affecté au siège de l' Association ainsi que les frais de fonctionnement du siège proprement dits, la décomposition entreles dépenses de personnel et les dépenses de fonctionnement étant effectuée par le budget lui-même .

    27 S' il est vrai qu' une jurisprudence constante, affirmant l' autonomie institutionnelle de l' AEC par rapport à la Commission, refuse de considérer la Commission comme étant l' employeur des agents de l' AEC ( voir, en dernier lieu, arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Alexis e.a./Commission, 286/83, Rec . p . 0000, et arrêt du Tribunal du 29 mars 1990, Pinto Teixeira/Commission, T-62/89, Rec . p . 0000 ), il n' en reste pas moins que les rémunérations et indemnités du personnel affecté au siège de l' AEC sont couvertes par un crédit inscrit dans l' état des dépenses de la Commission parmi les crédits opérationnels de cette institution .

    28 Comme la règle du non-cumul d' une pension avec le bénéfice d' un traitement, inscrite à l' article 40 de l' annexe VIII du statut, puise sa justification dans la nécessité de protéger les ressources des Communautés, elle doit trouver application chaque fois que la pension liquidée par une des institutions des Communautés européennes se cumule avec le bénéfice d' un traitement qui se trouve également à la charge d' une des institutions des Communautés européennes . Il suffit, pour que la règle du non-cumul trouve application, que le traitement versé par une institution des Communautés européennes soit intégralement financé au moyen des crédits inscrits dans l' état des dépenses de l' une des institutions figurant au budget général des Communautés européennes, l' existence d' une relation de travail entre l' agent rémunéré et l' institution supportant la charge des dépenses de rémunération ne constituant pas, à cet égard, une condition d' application de l' article 40, deuxième alinéa, de l' annexe VIII du statut .

    29 En l' espèce, il est constant entre les parties que la Commission a assumé, à partir du 1er janvier 1981 et jusqu' au 19 septembre 1987, la charge intégrale des dépenses afférentes au traitement du requérant en sa qualité de délégué dans un État ACP .

    30 Il s' ensuit que les deux premiers moyens, tirés de la situation juridique du requérant dans ses rapports avec l' AEC, doivent être rejetés .

    31 Dans le troisième moyen, le requérant affirme que la prise en charge du fonctionnement de l' AEC, à partir de 1981, par le budget des Communautés constitue à son égard une cession de dette qui n' est pas prévue par les textes légaux et qui, en outre, lui est inopposable, parce qu' elle ne lui a pas été préalablement signifiée . Dès lors, la modification purement formelle intervenue dans le financement de l' AEC ne saurait avoir une répercussion sur ses droits acquis .

    32 La défenderesse fait valoir qu' il n' y a pas eu cession de dette, l' AEC étant demeurée débitrice des traitements à l' égard de ses agents . En revanche, il serait exact que la Commission a supporté la charge financière de ces traitements par voie de subvention .

    33 La partie intervenante ajoute aux arguments de la défenderesse que son engagement de prendre en charge la rémunération des agents de l' AEC à partir du 1er janvier 1981 ne s' analyserait pas comme une cession de dette, mais comme une stipulation pour autrui parfaitement licite .

    34 A cet égard, il convient de rappeler que la décision attaquée du 2 septembre 1988 ne vise pas le traitement versé au requérant par l' AEC depuis le 1er janvier 1981, mais qu' elle visela pension qui lui est servie depuis cette date pour le compte du Conseil . En effet, la règle du non-cumul inscrite à l' article 40, deuxième alinéa, de l' annexe VIII du statut interdit, en situation de cumul, le versement de la pension, et non pas celui du traitement . Dès lors, il n' est pas nécessaire d' examiner les arguments concernant le mécanisme juridique de paiement du traitement .

    35 Il en résulte que le troisième moyen doit également être écarté .

    36 Dans le quatrième moyen, le requérant se prévaut des dispositions du règlement n 2530/72, précité, pour conclure à la légalité du cumul . Il fait valoir que l' article 3, paragraphe 4, de ce règlement, qui limite à la dernière rémunération globale le cumul de l' indemnité de dégagement avec le montant des revenus perçus après le dégagement, ne lui est pas applicable en vertu de l' article 5, paragraphe 3, du même règlement . Selon le requérant, ces dispositions, qui autorisent le cumul en cas de dégagement, doivent être placées sur un pied d' égalité avec la règle du non-cumul prévue en matière de pensions par l' article 40 de l' annexe VIII du statut . Il en déduit qu' il n' y a pas d' obstacle légal à ce que sa pension d' ancienneté puisse être cumulée avec son traitement de délégué à la Commission .

    37 La partie défenderesse, appuyée par la partie intervenante, rétorque que la seule règle de non-cumul applicable en l' espèce est la règle générale prévue en matière de pensions par l' article 40 de l' annexe VIII du statut .

    38 A cet égard, il suffit de constater que les dispositions du règlement n 2530/72 ne prévoient aucune dérogation à la règle dunon-cumul édictée à l' article 40, deuxième alinéa, de l' annexe VIII du statut, qui demeure donc seule applicable en l' espèce .

    39 La référence à ce texte est dès lors sans pertinence, de sorte que ce moyen doit également être rejeté .

    40 Il résulte de l' ensemble des considérations qui précèdent que le Conseil a fait une juste application des dispositions de l' article 40, deuxième alinéa, de l' annexe VIII du statut en les déclarant applicables à la pension d' ancienneté du requérant à partir du 1er janvier 1981 .

    41 Il convient néanmoins d' examiner les trois derniers moyens tirés, respectivement, de la violation du principe de la confiance légitime, de la violation du principe de saine gestion et de bonne administration et de l' application incorrecte de l' article 85 du statut, avancés par le requérant pour s' opposer au remboursement des arrérages de pension déjà touchés et pour obtenir le déblocage des montants retenus .

    42 Il y a lieu de rappeler que l' article 85 du statut dispose que "toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l' irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu' il ne pouvait manquer d' en avoir connaissance ".

    43 Le requérant constestant avoir eu connaissance de l' irrégularité du versement et l' administration n' ayant pas rapporté la preuve, qui lui incombait, d' une telle connaissance, il y a lieu d' examiner les circonstances dans lesquelles le versement a été effectué, afin d' établir si l' irrégularité du versement devait apparaître avec évidence ( voir les arrêts de laCour du 27 juin 1973, Kuhl/Conseil, 71/72, Rec . p . 705, et du 11 octobre 1979, Berghmanse/Commission, 142/78, Rec . p . 3125 ).

    44 Les parties défenderesse et intervenante, s' appuyant sur deux arrêts de la Cour ( arrêts du 11 juillet 1979, Broe/Commission, 252/78, Rec . p . 2393, et du 17 janvier 1989, Stempels/Commission, 310/87, Rec . p . 43 ), soutiennent que, pour le requérant, qui possède de solides connaissances de la technique budgétaire, l' irrégularité en cause devait être si évidente qu' il n' a pu manquer d' en avoir connaissance; elles lui reprochent d' avoir commis une erreur qui n' aurait pas dû échapper à un fonctionnaire normalement diligent .

    45 Le requérant tire argument de ce que la régularité des versements effectués jusqu' au 1er janvier 1981 était restée à l' abri de toute contestation et de ce que l' imputation des dépenses de rémunération du personnel de l' AEC sur le budget des Communautés à partir de l' exercice 1981 ne lui a pas été notifiée pour faire valoir qu' il n' a pas pu avoir connaissance du fait que les versements dont le remboursement est sollicité seraient devenus irréguliers à compter du 1er janvier 1981 . Il ajoute qu' en tout état de cause l' irrégularité de ces versements n' était pas évidente, ce qui serait démontré par le fait que le Conseil et la Commission ne l' auraient pas décelée pendant une période de près de huit ans .

    46 Il convient de constater tout d' abord qu' en l' espèce aucun élément au dossier ne permet d' établir que le requérant possède, en raison de sa formation ou de ses activités, des connaissances particulières sur la question litigieuse, à savoir le paiement et la liquidation des pensions des anciens fonctionnaires des Communautés européennes .

    47 Il ressort ensuite des pièces versées au dossier que l' irrégularité en cause est loin d' être évidente . En effet, même après avoir eu connaissance du cumul par le requérant d' un traitement de délégué avec sa pension d' ancienneté, l' administration, qui a d' ailleurs mis près de huit ans pour le déceler "fortuitement", a continué de servir au requérant ladite pension et l' a expressément informé, par lettre du 12 novembre 1987, que, suite à un avis du service juridique du Conseil, elle ne voyait pas d' objection à lui verser les montants bloqués et à continuer de lui payer sa pension .

    48 Ce n' est que suite à un autre avis, émanant du service du contrôle financier de la Commission, appuyé par le service juridique de cette même institution, que le Conseil a modifié son point de vue et a adopté la décision attaquée .

    49 En présence des avis juridiques contradictoires exprimés par deux institutions des Communautés disposant de services ayant des connaissances approfondies en la matière, on ne saurait faire grief au requérant, malgré le grade élevé qu' il avait occupé au sein du Conseil et son ancienneté de service, de ne pas avoir constaté l' irrégularité en cause .

    50 Il résulte de l' ensemble de ces développements que l' irrégularité dont étaient entachés les versements de pension effectués par l' administration n' a pu apparaître avec évidence au requérant .

    51 Il découle de ce qui précède, et sans qu' il soit besoin d' examiner les deux autres moyens invoqués par le requérant, que l' administration n' est pas fondée à réclamer au requérant la restitution des sommes indûment versées, à savoir aussi bien les montants qu' il a effectivement perçus pour les périodes du 1erjanvier 1981 au 31 octobre 1983 et du 1er juillet 1986 au 19 septembre 1987, que ceux qui ont été bloqués pendant la période du 1er novembre 1983 au 30 juin 1986, ces derniers devant être considérés comme partie intégrante de son patrimoine .

    52 La décision du 2 septembre 1988 doit, dès lors, être annulée .

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    53 Selon l' article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis au Tribunal en vertu de l' article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, précitée, le Tribunal peut compenser les dépens en totalité ou en partie si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels .

    54 En l' espèce, ce n' est qu' à l' audience du 2 mai 1990 que le requérant, en réponse à une question du Tribunal, a renoncé à ses conclusions tendant à la condamnation de la partie défenderesse au remboursement des sommes déduites de sa pension à compter du 1er décembre 1988 . Au surplus, il a succombé en ses moyens quant à la question principale, à savoir la régularité du cumul de sa pension d' ancienneté et de son traitement de délégué . Il convient dès lors de laisser à sa charge un tiers des dépens qu' il a exposés et de faire supporter par la partie défenderesse et la partie intervenante les deux tiers restants .

    55 En outre, aux termes de l' article 70 du même règlement de procédure, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à charge de celles-ci . La partie défenderesse et la partie intervenante supporteront dèslors chacune ses propres dépens, la partie intervenante supportant en outre ceux que son intervention a causés .

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL ( quatrième chambre )

    déclare et arrête :

    1 ) La décision du Conseil, contenue dans la lettre du 2 septembre 1988 du directeur de l' administration et du personnel au secrétariat général, de ne pas effectuer le versement des montants bloqués de la pension d' ancienneté du requérant du 1er novembre 1983 au 30 juin 1986 et, d' autre part, de procéder à la récupération des sommes indûment perçues du 1er janvier 1981 au 31 octobre 1983 et du 1er juillet 1986 au 19 septembre 1987 est annulée .

    2 ) Les parties défenderesse et intervenante supporteront les deux tiers des dépens du requérant .

    3 ) Les parties défenderesse et intervenante supporteront chacune ses propres dépens, l' intervenante supportant en outre ceux que son intervention a causés .

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