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Document 61989TJ0056

    Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 8 novembre 1990.
    Brigitte Bataille e.a. contre Parlement européen.
    Fonctionnaires - Dédoublement de la procédure précontentieuse - Non-admission d'agents temporaires à un concours interne.
    Affaire T-56/89.

    Recueil de jurisprudence 1990 II-00597

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:1990:64

    61989A0056

    Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 8 novembre 1990. - Brigitte Bataille e.a. contre Parlement européen. - Fonctionnaires - Dédoublement de la procédure précontentieuse - Non-admission d'agents temporaires à un concours interne. - Affaire T-56/89.

    Recueil de jurisprudence 1990 page II-00597


    Sommaire
    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Mots clés


    ++++

    1 . Fonctionnaires - Recrutement - Concours - Concours internes - Droit de participation des agents temporaires

    (( Statut des fonctionnaires, art . 29, § 1, sous b ) ))

    2 . Fonctionnaires - Recours - Exception d' illégalité - Actes dont l' illégalité peut être excipée - Directives internes d' une l' institution

    ( Statut des fonctionnaires, art . 91 )

    3 . Fonctionnaires - Droits et obligations - Restrictions apportées par une institution à l' exercice de droits statutaires - Inadmissibilité - Possibilité de dérogations individuelles - Absence d' incidence

    4 . Fonctionnaires - Recrutement - Concours - Concours internes - Exclusion des agents temporaires recrutés en dehors des listes de réserve établies à l' issue de concours généraux - Inadmissibilité - Égalité de traitement - Violation

    (( Statut des fonctionnaires, art . 27, alinéa 1, et 29, § 1; annexe III, art . 1er, § 1, sous d ) ))

    Sommaire


    1 . Aucune disposition du statut ou de ses annexes n' exclut la participation des agents temporaires aux concours internes . Ces agents ont, en principe, le droit de participer aux concours internes de leur institution . Ce droit statutaire ne constitue pas à leur profit un privilège illicite, générateur d' une discrimination au détriment des personnes étrangères au personnel des institutions .

    2 . Des requérants peuvent attaquer les décisions individuelles rejetant leur candidature à un concours interne en invoquant l' illégalité, au regard des règles impératives du statut, des directives internes de l' institution sur lesquelles les décisions attaquées sont fondées .

    3 . Une règle de conduite adoptée par une institution et qui restreint, en violation du statut, l' exercice d' un droit statutaire de ses agents, ne saurait être considérée comme conforme au statut du seul fait que l' autorité investie du pouvoir de nomination se réserve la possibilité de prendre des décisions discrétionnaires dans des cas particuliers . Une telle possibilité ne suffit pas pour garantir le plein exercice du droit statutaire en question, puisque cet exercice est soumis à une appréciation discrétionnaire de ladite autorité non prévue par le statut .

    4 . En n' admettant pas à participer aux concours internes les agents temporaires recrutés en dehors des listes de réserve établies à la suite de concours généraux, une institution retient comme critère préalable d' admission au concours la simple circonstance factuelle que l' opération de recrutement de l' agent temporaire se soit effectuée sur la base d' une telle liste, sans que cette circonstance présente nécessairement un lien avec la possession de certains titres ou qualifications .

    Un tel critère, fondé sur une circonstance factuelle relative au recrutement des agents temporaires, ne correspond pas à la finalité des concours internes, le statut ouvrant, en principe, la possibilité de titulariser les agents temporaires d' une institution par la voie d' un concours interne . Ce critère est, en outre, manifestement contraire à la finalité des voies de recrutement prévues par les dispositions impératives des articles 27, premier alinéa, et 29, paragraphe 1, du statut, qui tendent au recrutement des fonctionnaires possédant les plus hautes qualités . Enfin, il engendre au sein d' une même catégorie de personnel une différenciation de traitement injustifiable entre les agents temporaires recrutés "en dehors" d' une liste de réserve et les autres agents temporaires .

    Parties


    Dans l' affaire T-56/89,

    Brigitte Bataille, Rosalia Bellomo-Gullo, Eirwen Butland-Deboeck, Elisabeth Couzon, Elke Eggerder, Nadine Germeaux-Timmermans, Ursula Gresch-Bothe, Wiebke Kaeselau, Enrica Malcotti-Tucci, Isabelle Mertz, Mireille Meskens, Christiane Muller, Freddy Naegels, Marie-Jeanne Olejniczak, Anna Pettinicchio, Marie-Claude Schiltz, Christa Schwan, Ludivine Weech, agents temporaires auprès des groupes socialiste et communiste et apparentés du Parlement européen, représentés par Me Georges Vandersanden, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me A . Schmitt, 62, avenue Guillaume,

    parties requérantes,

    contre

    Parlement européen, représenté par MM . Jorge Campinos, jurisconsulte, et Manfred Peter, chef de division, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet l' annulation des décisions rejetant leurs candidatures au concours interne n B/164 organisé par le Parlement européen et, accessoirement, des décisions rejetant leurs réclamations,

    LE TRIBUNAL ( cinquième chambre ),

    composé de MM . H . Kirschner, président, C . P . Briët et J . Biancarelli, juges,

    greffier : M . H . Jung

    vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 3 juillet 1990,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    Les faits à l' origine du recours

    1 Il ressort du tableau annexé au budget général des Communautés européennes pour l' exercice 1988 que les effectifs du Parlement européen ( ci-après "Parlement ") comprenaient, pendant cette période, 2 975 postes permanents et 430 postes temporaires, dont 392 pour le personnel des groupes politiques . Ces chiffres et cette répartition sont demeurés à peu près inchangés au cours des exercices suivants .

    2 Lorsqu' il s' agit du recrutement des agents affectés aux groupes politiques, les fonctions de l' autorité investie du pouvoir de nomination ( ci-après "AIPN ") sont exercées par le président du groupe politique concerné . Les conditions d' accès des agents temporaires du Parlement, qu' ils soient ou non affectés à un groupe politique, à la fonction publique européenne par la voie d' un concours interne ont été définies par les instructions internes de service concernant le recrutement de fonctionnaires, d' agents temporaires, d' agents auxiliaires et d' agents locaux ( ci -après "instructions "), arrêtées par le bureau élargi du Parlement en 1979 .

    3 L' article 1er de ces instructions dispose :

    "Nul ne peut être nommé fonctionnaire, au sens de l' article 1er du statut - sous réserve des dispositions de l' article 29, paragraphe 2 -, si son nom ne figure pas sur une liste de réserve en cours de validité, établie à la suite d' un concours général externe sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves ."

    4 L' article 3, deuxième alinéa, précise :

    "Les agents temporaires, recrutés en dehors des listes de réserve établies à la suite de concours généraux externes, ne sont pas admis à participer aux concours internes, sauf décision spéciale de l' AIPN après avis de la commission paritaire ."

    5 Enfin, aux termes de l' article 11,

    "les dispositions des articles 1er, 3, 6 et 8 ne s' appliquent pas aux agents locaux, temporaires et auxiliaires ( à l' exception des auxiliaires 'de remplacement' ) en service au Parlement européen à la date d' entrée en vigueur des présentes instructions internes de service ".

    6 Les requérants ont été engagés par le Parlement, représenté en l' occurrence par le président du groupe politique auquel ils devaient être affectés, dans le cadre de contrats d' agents temporaires . Conformément à la pratique que l' institution suivait en la matière, ces contrats contenaient la clause suivante :

    "- nom de l' intéressé/e - reconnaît avoir pris connaissance du régime applicable aux autres agents de la Communauté ( spécialement son titre II ) et des dispositions d' exécution qui lui sont applicables et s' engage à ne pas participer à des concours internes, conformément à la décision du bureau élargi du Parlement des 25-26 juin 1979 ".

    7 Le 22 février 1988, le Parlement a publié l' avis de concours interne n B/164 pour le recrutement d' assistants adjoints ( f/m ) de la carrière B 5/B 4 . Cet avis indiquait les qualifications et connaissances requises pour être admis à concourir et n' énonçait aucune autre condition d' admission . Les requérants ont présenté leur candidature à ce concours .

    8 A la fin du mois d' avril et au début du mois de mai 1988, chacun des requérants a reçu une lettre signée au nom du secrétaire général du Parlement par M . Katgerman, chef du service de recrutement, l' informant que sa candidature ne pouvait pas être prise en considération, au motif que les instructions susmentionnées prévoyaient que "les agents temporaires recrutés en dehors des listes de réserve établies à la suite de concours généraux externes ne sont pas admis à participer aux concours internes ".

    9 Au début du mois de juillet, tous les requérants ont introduit une réclamation, en termes identiques, contre le rejet de leur candidature . Les réclamations étaient fondées sur deux moyens . En premier lieu, les requérants faisaient valoir que le Parlement avait violé "le principe de la priorité qui doit être accordée aux procédures de recrutement internes, quelles qu' elles soient, sur le concours externe ". En second lieu, les requérants soutenaient que le principe de l' égalité de traitement avait été méconnu sous plusieurs aspects par le Parlement . Les requérants faisaient valoir notamment que la clause de leur contrat d' engagement leur interdisant, conformément à la décision du bureau élargi portant adoption des instructions précitées, de participer aux concours internes est contraire, d' une part, aux dispositions du statut et du régime applicable aux autres agents, qui sont fondées sur le principe de l' égalité de traitement, et, d' autre part, à la jurisprudence de la Cour .

    10 Le 12 septembre 1988, le secrétaire général du Parlement a rejeté les réclamations au motif que, si l' AIPN avait bien la possibilité d' ouvrir les concours internes à tous les agents de l' institution, elle n' y était toutefois pas obligée . Le principe de l' égalité de traitement aurait été respecté, la situation d' un agent ayant réussi un concours général étant différente de celle d' un agent n' ayant pas franchi cette épreuve . Tous les agents recrutés, tels les requérants, en dehors des listes de réserve établies à la suite de concours généraux externes, auraient d' ailleurs été exclus de la participation au concours .

    11 Deux requérantes, à savoir Mlle Meskens et Mme Schiltz, se trouvent dans une situation particulière . Elles ont été inscrites, après leur entrée en fonctions auprès du Parlement, sur des listes de réserve établies à la suite de concours généraux . Indépendamment de leurs réclamations qui ne faisaient pas référence à cette situation particulière, chacune d' elles a adressé, le 4 juillet 1988, une lettre au secrétaire général du Parlement faisant valoir que la décision de ne pas les admettre au concours interne constituait une erreur manifeste et demandant le réexamen de cette décision .

    12 Le 30 août 1988, le secrétaire général a refusé de donner une suite favorable à ces demandes, au motif que la réussite des intéressées à des concours généraux n' avait pas été à la base de leur recrutement, lequel avait précédé la clôture desdits concours .

    13 Le 27 février 1989, le Parlement a modifié sa réglementation interne relative au recrutement des fonctionnaires et autres agents . Il ressort du texte versé au dossier que, selon cette nouvelle réglementation, les agents temporaires ne sont plus exclus de la participation aux concours internes, mais qu' en règle générale ils doivent satisfaire à une condition d' ancienneté de sept ans au sein de l' institution afin d' y être admis dans les mêmes conditions que les fonctionnaires . Ces nouvelles instructions sont entrées en vigueur le 1er mars 1989 et leur application rétroactive n' était pas prévue . Les épreuves du concours interne n B/164 se sont donc déroulées le 6 mars 1989, sans que les requérants aient pu y participer .

    Le déroulement de la procédure

    14 C' est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe de la Cour le 23 novembre 1988, les requérants ont introduit le présent recours visant à l' annulation du rejet de leurs candidatures au concours interne en question .

    15 Les requérants concluent à ce qu' il plaise au Tribunal :

    - reconnaître le recours recevable et fondé;

    - en conséquence, annuler la décision du secrétaire général du Parlement refusant la candidature des requérants au concours interne n B/164 et les autoriser à participer audit concours et, accessoirement, annuler les décisions du secrétaire général rejetant les réclamations des requérants;

    - condamner la partie défenderesse à l' ensemble des dépens .

    Le Parlement conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

    - faire droit aux conclusions exposées dans son mémoire en défense;

    - statuer sur les dépens, conformément aux dispositions applicables .

    16 La procédure écrite s' est entièrement déroulée devant la Cour . Par ordonnance de la Cour du 15 novembre 1989, l' affaire a été renvoyée devant le Tribunal en application de l' article 14 de la décision du Conseil du 24 novembre 1988 instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes .

    17 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal ( cinquième chambre ) a décidé d' ouvrir la procédure orale sans instruction préalable . A la fin de l' audience qui a eu lieu le 3 juillet 1990, le président a prononcé la clôture de la procédure orale .

    Sur la recevabilité du recours

    18 Le Parlement, sans contester expressément la recevabilité du recours, a cependant fait valoir que l' exclusion des requérants de la participation au concours découle de l' article 3, deuxième alinéa, des instructions . Selon le Parlement, il s' ensuit qu' il n' y a pas eu de décisions individuelles de refus d' admission à concourir .

    19 Or, il y a lieu de constater que l' AIPN, en faisant application de l' article 3, deuxième alinéa, des instructions, a nécessairement dû procéder à un examen des candidatures des requérants . Il ressort des lettres du chef du service de recrutement du Parlement que l' AIPN a refusé de prendre en considération les candidatures des requérants au motif qu' ils avaient été recrutés en dehors des listes de réserve établies à la suite de concours généraux externes, critère retenu par l' article 3, deuxième alinéa, des instructions . Il en résulte que les doutes exprimés par le Parlement ne sont pas fondés .

    20 Il convient en outre, à ce stade, d' examiner d' office un aspect particulier de la procédure précontentieuse . Parallèlement aux réclamations qu' elles ont introduites avec les autres requérants, les requérantes Meskens et Schiltz ont demandé, dans leurs lettres adressées au secrétaire général du Parlement le 4 juillet 1988, la reconsidération des décisions litigieuses les concernant en faisant état d' un motif qui leur était particulier, à savoir qu' elles avaient été inscrites sur des listes de réserve à la suite de concours généraux . Il y a lieu de constater que ces lettres contiennent, par conséquent, un moyen supplémentaire à l' appui de la réclamation des requérantes Meskens et Schiltz .

    21 Le secrétaire général a refusé de donner suite, sur ce point particulier, à ces deux réclamations par lettre du 30 août 1988, avant de rejeter toutes les réclamations le 12 septembre 1988 .

    22 Il convient de relever qu' un tel déroulement de la procédure précontentieuse, quoiqu' il ne soit pas prévu par les articles 46 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes ( ci-après "RAA ") et 90 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut "), n' est pas contraire aux dispositions précitées . Dans le cadre d' une procédure précontentieuse collective, il peut être utile que certains griefs, ne concernant que quelques-uns des futurs requérants, soient traités par des lettres séparées . Par conséquent, la procédure précontentieuse s' est déroulée d' une façon régulière et s' est terminée le 12 septembre 1988 avec les décisions de l' AIPN la clôturant .

    23 Par ces motifs, il y a lieu de constater que le recours est recevable .

    Sur le fond

    24 Les requérants fondent leur recours essentiellement sur les deux moyens déjà invoqués dans leurs réclamations, à savoir, d' une part, la violation du principe de la priorité que revêtent les procédures de recrutement interne par rapport aux concours externes et, d' autre part, la violation du principe de l' égalité de traitement .

    Sur le premier moyen

    25 Les requérants soutiennent d' abord que le Parlement, en réservant la nomination comme fonctionnaire aux personnes figurant sur une liste de réserve établie à la suite d' un concours général externe, fait prévaloir la procédure du concours externe sur le recrutement par voie de concours interne . Selon eux, une telle pratique est en contradiction flagrante avec l' article 4, troisième alinéa, du statut . A cet égard, ils invoquent l' arrêt du 3 février 1971, Rittweger/Commission ( 21/70, Rec . p . 7, 15 ), dans lequel la Cour aurait reconnu la priorité des procédures de recrutement interne, quelles qu' elles soient, sur le concours externe .

    26 Selon les requérants, la priorité du concours interne sur le concours externe ne constitue pas une simple possibilité qu' il appartiendrait à l' AIPN d' évaluer, mais une règle que les institutions doivent respecter . Ils estiment que, s' il est vrai que cette règle n' oblige pas l' AIPN à ouvrir systématiquement un concours interne avant de procéder à l' organisation d' un concours externe mais seulement à examiner cette possibilité, ce pouvoir d' appréciation n' a aucune incidence sur le fait que les agents temporaires doivent être admis à concourir au même titre que les fonctionnaires, une fois que l' AIPN a jugé utile d' organiser un concours interne . Il s' ensuivrait que les instructions précitées seraient inopposables aux requérants, dans la mesure où elles contreviendraient aux dispositions du statut . Les requérants déduisent, en outre, du fait que le Parlement a modifié ses instructions internes, en cours d' instance, qu' il n' oppose plus désormais une attitude de rejet de principe à l' encontre de la thèse soutenue et défendue par eux .

    27 Les requérants estiment qu' il est également illégal que le Parlement refuse d' admettre des agents temporaires à un concours interne . A ce propos, ils se réfèrent à l' arrêt du 31 mars 1965, Rauch/Commission ( 16/64, Rec . p . 179 ), dans lequel la Cour a jugé que les "autres agents" peuvent être admis aux concours internes . Ils ajoutent que la Cour a reconnu, dans son arrêt du 28 octobre 1982, Giannini/Commission ( 265/81, Rec . p . 3865, 3875 ), le droit d' un agent temporaire à participer à un concours interne et d' agir en justice pour défendre ce droit .

    28 L' interprétation selon laquelle les personnes se trouvant au service d' une institution ont accès aux concours internes est confirmée, selon les requérants, par l' article 27 du statut, aux termes duquel la procédure de recrutement doit viser à "assurer à l' institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d' intégrité", ce qui implique la nécessité de recruter les fonctionnaires sur une base aussi large que possible . Les requérants s' appuient sur l' arrêt de la Cour du 25 novembre 1976, Kuester/Parlement ( 123/75, Rec . p . 1701, 1710 ), pour affirmer que l' ouverture d' une procédure de concours interne a pour but d' élargir le plus possible le cercle des candidats afin de permettre à l' AIPN de faire le choix le plus judicieux et le plus approprié parmi ces derniers .

    29 Les requérants invoquent ensuite l' article 4, deuxième alinéa, du statut, selon lequel la publicité des vacances d' emploi doit être faite à l' intention du personnel de l' institution . Ils estiment que cette disposition vise le personnel dans son intégralité et non pas seulement les personnes figurant sur des listes de réserve établies à la suite de concours généraux externes . Ils en déduisent qu' elle confirme et renforce leur position quant à l' admission des "autres agents" à des concours internes .

    30 Les requérants considèrent enfin que leur contrat d' engagement est entaché d' illégalité, dans la mesure où il leur interdit de participer à des concours internes . Ils estiment que le fait d' avoir signé ce contrat ne saurait être qualifié de renonciation au droit de contester la validité des instructions précitées . Ils font valoir qu' ils n' avaient pas d' autre possibilité que de signer ce contrat, sous peine de ne pas être nommés agents temporaires, qu' ils ne pouvaient pas connaître leurs droits à ce moment-là et que l' accord qu' ils ont donné de bonne foi et en ignorance de l' illégalité de cette clause ne saurait s' opposer à ce qu' ils contestent la légalité de la décision que le Parlement leur oppose .

    31 Eu égard à leur situation particulière, Mlle Meskens et Mme Schiltz font, en outre, valoir que leurs candidatures au concours interne n B/164 n' auraient pas dû être rejetées au motif qu' elles n' avaient réussi à un concours externe qu' après avoir été engagées comme agents temporaires auprès du Parlement . D' une part, elles soulignent que, même si le Parlement pouvait restreindre l' accès au concours interne, quod non, rien ne permet de déduire des instructions internes de service que la réussite à un concours général externe devait nécessairement être antérieure à l' engagement comme agent temporaire . Elles estiment que cette exigence supplémentaire est même contraire à la position du Parlement, selon laquelle il y a lieu d' assimiler aux fonctionnaires les agents qui ont réussi à un concours externe, parce qu' ils offrent les mêmes garanties d' indépendance et de qualité . D' autre part, les requérantes sont d' avis que la position du Parlement aboutit à faire, en quelque sorte, dépendre le recrutement comme agent temporaire de la réussite préalable à un concours général . Cela serait contraire aux articles 12 à 15 du RAA, selon lesquels l' engagement des agents temporaires n' est pas soumis à la nécessité préalable d' un concours .

    32 Le Parlement soutient qu' une obligation d' admettre tous ses agents à participer à un concours interne ne découle ni de l' arrêt du 31 mars 1965, Rauch ( 16/64, précité ), ni de l' article 27 du statut . Cet article ferait référence à la finalité du recrutement . Il n' appartiendrait pas aux requérants de déterminer quels seraient les moyens les plus adéquats pour l' atteindre . En l' espèce, l' institution aurait considéré que la participation des agents temporaires recrutés en dehors des listes de réserve établies à la suite de concours généraux externes n' était pas le meilleur moyen à cet effet . L' arrêt Rauch, lu dans son contexte, ne ferait que sanctionner le pouvoir d' appréciation dont jouit l' administration en la matière .

    33 Le Parlement fait valoir que l' arrêt du 25 novembre 1976, Kuester ( 123/75 ), invoqué par les requérants pour démontrer que la procédure de concours interne vise à élargir le plus possible le cercle des candidats afin que l' AIPN dispose d' un "choix suffisamment large", concernait la décision d' ouvrir un concours interne au lieu de procéder à une promotion à laquelle un seul candidat pouvait prétendre . Selon l' institution défenderesse, cet arrêt a été rendu dans une situation tout à fait différente de la présente, dans laquelle 702 candidats ont été admis à concourir, alors que la liste de réserve ne devait comprendre que 44 candidats au maximum .

    34 Selon le Parlement, l' obligation de publier les vacances d' emploi n' implique pas que tout le personnel de l' institution puisse poser sa candidature, mais laisse à l' AIPN la liberté de déterminer quelles sont les conditions requises à cet effet, eu égard, par exemple, aux titres, aux qualifications professionnelles ou à la situation administrative des candidats . L' article 4, deuxième alinéa, du statut n' établirait le principe de la publicité des vacances d' emploi que pour que toutes les personnes remplissant ces conditions puissent poser leur candidature . Or, les requérants n' auraient pas rempli ces conditions, notamment quant à leur situation administrative .

    35 Le Parlement reconnaît la priorité des voies de recrutement interne par rapport aux concours externes, mais il conteste qu' il en découle l' obligation, pour l' institution concernée, d' ouvrir les concours internes à tous ses agents . L' arrêt du 31 mars 1965, Rauch ( 16/64, précité ), n' affirmerait nullement une telle obligation des institutions, mais leur reconnaîtrait seulement la possibilité d' admettre des agents autres que les fonctionnaires aux concours internes .

    36 Le Parlement considère que la logique du concours interne prévu à l' article 29 du statut implique qu' il ne s' agit que d' une possibilité ouverte à l' institution et non d' une obligation qui pèse sur elle . Selon l' arrêt de la Cour du 31 mars 1965, Ley/Commission ( 12/64 et 29/64, Rec . p . 143, 161 ), l' AIPN ne serait pas tenue d' organiser un concours interne, mais simplement d' en examiner les possibilités d' organisation avant d' ouvrir un concours externe . Le Parlement estime qu' il doit, à plus forte raison, entrer dans son pouvoir d' appréciation de déterminer les conditions dans lesquelles se déroule un concours interne et, notamment, quelles catégories de son personnel peuvent s' y présenter . Il souligne que le pouvoir d' appréciation des institutions pour l' organisation de leurs services a été reconnu par la Cour ( par exemple, dans l' arrêt du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, Rec . p . 2447, 2463 ). Les dispositions litigieuses des instructions de service ainsi que la clause correspondante insérée dans les contrats d' engagement ne seraient qu' une manifestation de ce pouvoir d' appréciation, basé sur la considération que, pour les agents temporaires recrutés en dehors des listes de réserve établies à la suite de concours généraux externes, l' organisation de concours internes n' est, en principe, pas opportune .

    37 Dans son mémoire en défense, l' institution défenderesse avait soutenu que, même si les agents temporaires devaient se voir reconnaître le droit de se présenter aux concours internes, il y aurait lieu de considérer que les requérants y avaient renoncé en signant leurs contrats d' engagement . Dans son mémoire en duplique, le Parlement déclare, en revanche, que la clause figurant dans les contrats est purement informative . Il s' en remet à la sagesse du Tribunal sur le point de savoir si elle revêt ou non la valeur d' une renonciation . La question de sa qualification juridique ne se pose d' ailleurs, selon lui, que dans l' hypothèse où les agents temporaires se verraient reconnaître le droit de se présenter aux concours internes .

    38 En ce qui concerne la situation des deux requérantes lauréates de concours généraux externes, Mlle Meskens et Mme Schiltz, le Parlement faisait valoir, dans son mémoire en défense, qu' il n' avait pas encore pris de décision définitive à cette époque . Dans son mémoire en duplique, l' institution défenderesse entend justifier le rejet définitif des candidatures intervenu entre-temps par une lecture stricte de l' article 3, deuxième alinéa, des instructions . Le recrutement des deux candidates ayant été antérieur à leur réussite au concours externe, leur admission à participer au concours interne aurait nécessité une décision spéciale de l' AIPN, que celle-ci, après avis de la commission paritaire, n' a pas prise .

    39 Il convient d' examiner d' abord si les agents temporaires ont, en vertu du statut, le droit de participer aux concours internes de leur institution et, dans l' affirmative, de rechercher si le Parlement a néanmoins valablement rejeté, par les décisions litigieuses, les candidatures des requérants .

    40 Aucune disposition du statut ou de ses annexes n' exclut la participation des agents temporaires aux concours internes . Au contraire, l' article 4, deuxième alinéa, du statut prévoit que toute vacance d' emploi est portée à la connaissance du "personnel" de l' institution concernée . L' article 29, paragraphe 1, sous b ), du statut se réfère aux concours "internes à l' institution ". Ces dispositions ne prévoient donc aucune différenciation entre les différentes catégories de personnel .

    41 En outre, la Cour a jugé dans son arrêt du 31 mars 1965, Rauch ( 16/64, précité ), que l' expression "concours internes à l' institution", prise à la lettre, concerne toutes les personnes se trouvant au service de celle-ci, à quelque titre que ce soit . Selon l' arrêt de la Cour du 12 mars 1975, "il n' y a pas d' empêchement à l' admission des fonctionnaires temporaires aux concours internes" ( Kuester, 23/74 ). Enfin, dans son arrêt du 28 octobre 1982, la Cour a reconnu l' intérêt à agir d' un agent temporaire contre une décision de pourvoir à un poste par la promotion d' un autre candidat au motif que le requérant "pourrait être candidat à un concours interne si la décision attaquée était annulée" ( Giannini, 265/81, précité ). Par conséquent, il convient de relever que les agents temporaires ont, en principe, le droit de participer aux concours internes de leur institution . Contrairement aux allégations du Parlement, ce droit statutaire ne constitue pas un privilège illicite des agents temporaires qui mènerait à une discrimination au détriment des personnes étrangères au personnel des institutions .

    42 Les requérants ayant, en principe, le droit de participer aux concours internes, il convient alors d' examiner si le Parlement, par les décisions litigieuses, a pu valablement les priver de ce droit . A cet égard, l' institution défenderesse a fait valoir qu' elle pouvait restreindre l' accès des agents temporaires aux concours internes en exerçant son pouvoir d' appréciation en la matière . Dans ce contexte, il y a lieu de constater que le statut confère, en effet, en matière d' organisation de concours, un large pouvoir d' appréciation aux institutions . Ainsi, les articles 4 et 29 du statut ouvrent-ils à l' AIPN plusieurs possibilités d' exercer un tel pouvoir, lorsqu' il s' agit de pourvoir aux vacances d' emploi dans une institution . De même, l' article 1er de l' annexe III du statut confère-t-il à l' AIPN un pouvoir d' appréciation étendu lors de l' organisation d' un concours . En l' espèce, toutefois, la décision de l' AIPN de restreindre l' accès des agents temporaires aux concours internes n' a pas été prise dans l' exercice de ces pouvoirs expressément prévus par le statut, mais, de manière générale, en dehors de l' organisation d' un concours spécifique, par des instructions arrêtées en cette matière par le bureau élargi du Parlement .

    43 Il y a lieu de relever que ces instructions ne constituent pas des dispositions générales d' exécution au sens de l' article 110 du statut . Il s' agit de directives internes qui n' ont pas la qualité de règles de droit et qui, en tout état de cause, ne sont pas susceptibles de déroger aux dispositions impératives du statut . Elles ont la valeur d' une simple règle de conduite indicative quant à la pratique à suivre par l' institution ( voir les arrêts de la Cour du 5 février 1987, Mouzourakis/Parlement, 280/85, Rec . p . 589, 607, et du 21 novembre 1989, Becker et Starquit/Parlement, point 7, C-41/88 et C-178/88, Rec . p . 3807 ). L' AIPN a pris, sur la base de cette règle de conduite, les décisions individuelles rejetant les candidatures des requérants . Ceux-ci peuvent donc attaquer ces décisions en invoquant l' illégalité des instructions générales sur lesquelles elles sont fondées ( voir les arrêts de la Cour du 18 mars 1975, Acton e.a./Commission, 44/74, 46/74 et 49/74, Rec . p . 383, 393 et suiv ., et du 10 décembre 1987, Del Plato e.a./Commission, 181/86 à 184/86, Rec . p . 4991, 5017 ). Par conséquent, il y a lieu d' examiner si l' article 3, deuxième alinéa, des instructions, tel qu' il a été arrêté par le bureau élargi du Parlement en 1979, est compatible avec les règles impératives du statut .

    44 A cet égard, les requérants ont soutenu que cette disposition méconnaît la priorité du concours interne par rapport au concours externe qui découle des articles 4 et 29, paragraphe 1, du statut . Le Parlement a répondu que l' AIPN n' est pas obligée d' ouvrir un concours interne avant d' organiser un concours externe . Cependant, il y a lieu de constater que, si le choix de l' AIPN se porte sur la voie de recrutement prioritaire que constitue le concours interne, elle doit se conformer, lors de son organisation, aux dispositions concernant la procédure de ce concours, notamment à celles figurant à l' annexe III du statut .

    45 Il convient d' abord de rappeler que l' AIPN doit, lorsqu' elle organise un concours interne, conformément à l' article 1er, paragraphe 1, sous d ), de l' annexe III du statut, spécifier les "diplômes et autres titres" requis pour les emplois à pourvoir . En excluant les agents temporaires "recrutés en dehors des listes de réserve établies à la suite de concours généraux externes", l' article 3, deuxième alinéa, des instructions ne retenait cependant pas, comme seul critère préalable de sélection, la qualité de lauréat d' un concours général externe - exigence sur la légalité de laquelle le Tribunal n' a donc pas à se prononcer - mais, en outre, la simple circonstance factuelle que l' opération de recrutement de l' agent temporaire se soit effectuée sur la base d' une telle liste de réserve, circonstance qui n' était pas nécessairement liée à la possession de certains titres ou qualifications . Ainsi, si l' AIPN ignorait que l' agent recruté se trouvait inscrit sur une liste de réserve ou si cet agent était inscrit sur une telle liste après son recrutement, comme dans le cas des requérantes Meskens et Schiltz, il était "recruté en dehors" des listes en question et ne pouvait participer aux concours internes . Le critère retenu n' était donc pas lié à la possession d' un "diplôme" ou d' un "autre titre", au sens de l' article 1er, paragraphe 1, sous d ), de l' annexe III du statut .

    46 Étant donné que le critère en question ne figure pas parmi ceux expressément mentionnés dans l' annexe III du statut, il convient d' examiner s' il est contraire à d' autres dispositions du statut .

    47 Le statut ouvre, en principe, la possibilité de titulariser les agents temporaires d' une institution par la voie d' un concours interne . En l' espèce, le système de sélection retenu, en subordonnant l' admission des agents temporaires à un concours interne à une circonstance factuelle relative aux modalités de leur engagement, visait à exclure cette possibilité de titularisation et ne correspondait donc pas à cette finalité des concours internes .

    48 Il y a lieu d' examiner ensuite si ce critère était en contradiction avec le système prévu par l' article 29, paragraphe 1, du statut . Ce système repose sur l' idée que le passage de la première phase - promotion ou mutation - à la deuxième phase - l' organisation d' un concours interne - doit permettre d' élargir le nombre des candidatures possibles afin d' atteindre l' objectif visé à l' article 27 du statut, à savoir la nomination de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités . Le critère retenu à l' article 3, deuxième alinéa, des instructions ne constitue pas, toutefois, un moyen approprié pour atteindre cet objectif . Le fait, pour un agent temporaire, d' avoir été recruté "en dehors des listes de réserve établies à la suite de concours généraux externes" n' est pas nécessairement lié à ses mérites et qualifications : si l' AIPN ignore, lors de l' engagement de l' agent, que celui-ci est inscrit sur une liste de réserve établie à la suite d' un concours général externe d' une autre institution ou si l' agent n' est inscrit sur une telle liste qu' après son engagement, celui-ci n' est pas, par principe, admis à participer au concours interne, même si le concours général externe auquel il a réussi correspondait, par son niveau de difficulté et celui des connaissances exigées, au concours interne envisagé par l' institution . Par conséquent, l' article 3, deuxième alinéa, des instructions peut conduire à exclure un candidat disposant des mêmes ou, éventuellement, de meilleures qualifications que celles d' autres candidats admis à concourir . Un tel résultat est manifestement contraire à la finalité des articles 27, premier alinéa, et 29, paragraphe 1, du statut, à savoir le recrutement de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités . A cet égard, il y a lieu de constater que c' est de manière impérative que l' article 27, premier alinéa, définit le but de tout recrutement et que l' article 29, paragraphe 1, fixe le cadre des procédures à suivre en vue de pourvoir aux vacances d' emploi . Il s' ensuit que les dispositions de l' article 3, deuxième alinéa, des instructions méconnaissaient les dispositions impératives des articles 27, premier alinéa, et 29, paragraphe 1, du statut . Une telle règle de conduite, contraire au statut, ne peut, en tout état de cause, servir de base légale à des décisions individuelles refusant aux agents temporaires l' exercice d' un droit statutaire, à savoir celui de participer à des concours internes .

    49 Certes, il y a lieu de rappeler que l' article 3, deuxième alinéa, des instructions prévoyait la possibilité que, par décision spéciale de l' AIPN, un agent temporaire recruté en dehors d' un concours général externe puisse être admis à participer à un concours interne . Cette décision devait être prise après avis de la commission paritaire, ce qui implique qu' il s' agissait d' une décision discrétionnaire de l' AIPN . Or, une règle de conduite qui restreint, en violation du statut, l' exercice d' un droit statutaire ne saurait être considérée comme conforme au statut, du seul fait que l' AIPN se réserve la possibilité de prendre des décisions discrétionnaires dans des cas particuliers . Une telle possibilité ne suffit pas pour garantir le plein exercice du droit statutaire en question, puisque cet exercice est soumis à une appréciation discrétionnaire de l' AIPN non prévue par le statut . La possibilité d' une telle décision ne modifie donc pas la constatation que l' article 3, deuxième alinéa, des instructions est incompatible avec les dispositions du statut .

    50 Dans ces conditions, il convient de constater que l' ensemble des décisions attaquées ont été prises en application d' une directive interne contraire aux dispositions des articles 27, premier alinéa, et 29, paragraphe 1, du statut .

    51 Il s' ensuit que les clauses insérées dans les contrats d' engagement des requérants, par lesquelles ces derniers se sont engagés à ne pas participer à des concours internes, ne peuvent faire obstacle aux candidatures des requérants . En effet, un critère de sélection arrêté en violation des dispositions du statut ne peut pas retrouver une base légale au moyen d' une clause spéciale incluse dans un contrat d' engagement . Par conséquent, le premier moyen des requérants est bien fondé et ce n' est qu' à titre surabondant qu' il convient d' examiner l' autre moyen du recours .

    Sur le second moyen

    52 A l' appui du second moyen tiré de la violation du principe d' égalité, les requérants ont réaffirmé d' abord que, selon la jurisprudence de la Cour, tout le personnel au service d' une institution doit pouvoir participer aux concours internes . Ils ont ajouté que c' est à tort que le Parlement soutient qu' il existe, entre les fonctionnaires et les agents ayant réussi un concours général externe, d' une part, et les autres agents de l' institution, d' autre part, une différence qui justifierait l' exclusion de ces derniers de l' accès aux concours internes . Ils sont d' avis que le souci - légitime - de l' institution d' assurer la qualité et l' indépendance de la fonction publique communautaire n' est pas incompatible avec la participation de tous les agents temporaires à un concours interne . D' une part, ils estiment que l' augmentation du nombre des candidats accroît la possibilité de trouver des fonctionnaires compétents . D' autre part, ils soutiennent que, si les prestations de certains agents se révèlent inférieures à celles des fonctionnaires et agents qui ont déjà réussi à un concours externe, cette différence de niveau sera sanctionnée par les épreuves du concours interne et les agents concernés seront éliminés . C' est pourquoi, en cas d' organisation d' un concours interne, tout le personnel au service de l' institution devrait être traité de la même façon et avoir un égal accès aux opérations du concours .

    53 Le Parlement fait valoir, à titre liminaire, qu' en comparaison avec les autres institutions le nombre d' agents temporaires en son sein est particulièrement important et que presque tous ces agents relèvent des groupes politiques . Ainsi, la proportion d' emplois temporaires par rapport aux emplois permanents atteint presque 15 %, alors qu' à la Commission ce pourcentage n' est à peine que de la moitié . Il ajoute que, dans la catégorie A, les agents temporaires des groupes politiques représentent presque la moitié des fonctionnaires de la même catégorie ( 167 contre 339 pour l' exercice budgétaire 1988 ).

    54 Le Parlement souligne, en invoquant deux arrêts de la Cour du 11 juillet 1985, Appelbaum/Commission ( 119/83, Rec . p . 2423 ), et Hattet e.a./Commission ( 66/83 à 68/83 et 136/83 à 140/83, Rec . p . 2459 ), que le principe de l' égalité de traitement ne s' applique qu' à des situations identiques ou similaires . Selon le Parlement, ce principe a été respecté parce que tous les candidats se trouvant dans la même situation que les requérants, à savoir tous les agents temporaires recrutés en dehors des listes de réserve, ont été exclus de la participation au concours litigieux .

    55 L' institution défenderesse entend démontrer qu' il existe une différence entre les agents ayant réussi un concours externe et ceux n' ayant pas franchi cette épreuve, différence qui exclurait une violation du principe de l' égalité de traitement . Selon elle, la plupart des agents temporaires travaillent au sein des groupes politiques . Ces derniers choisiraient librement leurs collaborateurs et il serait légitime, pour eux, de prendre en considération des facteurs d' ordre politique . Le secrétariat général du Parlement n' exercerait aucune influence sur ce choix et se bornerait à lui donner suite sur le plan administratif et financier . En choisissant ses fonctionnaires, le secrétariat général, en revanche, devrait respecter une stricte neutralité sur le plan politique . Selon l' institution défenderesse, il serait à tout le moins surprenant d' obliger le secrétariat général à admettre à concourir, lors des concours internes qu' il organise, des personnes dont l' engagement a tout à fait échappé à son contrôle . Le Parlement attire l' attention sur le fait que cette situation ne se présente pas dans les autres institutions communautaires, où tous les agents sont soumis à une même autorité de recrutement et où les critères politiques n' entrent pas en ligne de compte .

    56 Le Parlement soutient ensuite qu' il existe une différence essentielle entre un concours général externe et un concours interne . Étant donné qu' un nombre très élevé de candidats se présenteraient au premier, la concurrence serait très vive et la sélection sévère . Les fonctionnaires des institutions devraient franchir cette épreuve et démontrer, par là, une compétence qui justifierait les avantages de la fonction publique . En revanche, le concours interne serait réservé, en principe, à moins que l' institution n' en décide autrement, aux personnes qui n' auraient plus à démontrer leurs mérites pour devenir fonctionnaires . La nature et le niveau des épreuves seraient donc différents et la concurrence plus réduite . Pour ces raisons, l' institution défenderesse estime que l' on ne peut pas sérieusement comparer les résultats auxquels peut mener un concours général externe à ceux d' un concours interne .

    57 Il ressort de la réponse apportée au premier moyen que le second moyen des requérants est également fondé . En effet, l' article 3, deuxième alinéa, des instructions alors en vigueur établissait une inégalité de traitement entre les agents temporaires recrutés "en dehors" d' une liste de réserve, d' une part, et les autres agents temporaires, d' autre part . Il ne s' agissait donc pas d' une distinction entre les diverses catégories de personnes employées par le Parlement ( voir, dans ce contexte, les arrêts de la Cour du 6 octobre 1983, Celant e.a./Commission, 118/82 à 123/82, Rec . p . 2995, 3012, et du 19 avril 1988, Sperber/Cour de justice, 37/87, Rec . p . 1943, 1956 et suiv .), mais d' une différenciation au sein d' une seule et même catégorie, celle des agents temporaires . Dans une telle situation, la Cour a jugé qu' il y a violation du principe de l' égalité de traitement, lorsque la situation juridique et factuelle des personnes concernées ne justifie pas la différenciation en question ( voir les arrêts de la Cour du 11 juillet 1985, Appelbaum/Commission, 119/83, Rec . p . 2423, 2454, et Hattet e.a./Commission, 66/83 à 68/83 et 136/83 à 140/83, Rec . p . 2459, 2469, et du 13 décembre 1989, Oyowe e.a./Commission, C-100/88, Rec . p . 4285 ).

    58 Or, l' article 3, deuxième alinéa, des instructions pouvait avoir des conséquences allant à l' encontre de l' objectif d' un concours interne tel qu' il est défini par l' article 27, premier alinéa, du statut et a été rappelé ci-dessus ( points 47 à 49 ). Le critère retenu par cette disposition pouvait, en effet, conduire à l' exclusion d' un candidat, malgré son inscription sur une liste de réserve établie à la suite d' un concours général externe qui correspondait, par son niveau de difficulté et celui des connaissances exigées, au concours interne envisagé par l' institution . Un critère rendant possibles de telles décisions, incompatibles avec la finalité des voies de recrutement prévues par le statut, qui est celle de permettre le recrutement des meilleurs candidats, ne peut pas justifier une différenciation au sein de la catégorie des agents temporaires . Le second moyen des requérants est donc également bien fondé .

    59 L' institution défenderesse a fait valoir que l' annulation des décisions litigieuses aurait des conséquences graves sur la politique de recrutement et sur la gestion du personnel du Parlement . Elle a exposé, lors de l' audience, que les groupes politiques recrutent leurs agents temporaires sur la base de considérations d' ordre plutôt politique . En outre, pour ce qui est des assistants des députés, qui, jusqu' à présent, n' ont qu' un contrat avec le membre du Parlement pour lequel ils travaillent, il existe, selon le Parlement, un mouvement tendant à les transformer en agents temporaires . Par conséquent, le Parlement estime qu' il est possible que ses effectifs comprennent, d' ici une ou deux années, 3 000 fonctionnaires et 2 000 agents temporaires . Tous ces agents temporaires auraient l' intention de devenir rapidement fonctionnaires . D' une part, l' organisation des concours internes deviendrait très difficile, étant donné que le principe de l' équilibre politique serait considéré au Parlement comme étant très important . Le concours général externe cesserait, d' autre part, d' être la voie d' accès normale à la fonction publique au sein du Parlement .

    60 Il y a lieu de constater que ces considérations de politique administrative ne sont pas, en principe, pertinentes pour procéder à l' interprétation du statut . En outre, les craintes exposées par le Parlement apparaissent mal fondées . Il incombe, en effet, aux institutions des Communautés d' organiser les concours internes de manière à éliminer tout danger qu' ils puissent permettre de contourner les règles gouvernant l' accès à la fonction publique européenne .

    61 Il résulte de l' ensemble de ce qui précède que les 14 décisions attaquées doivent être annulées .

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    62 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal en vertu de l' article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, précitée, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens . Le Parlement ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens .

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL ( cinquième chambre )

    déclare et arrête :

    1 ) Les décisions du Parlement rejetant les candidatures des requérants au concours interne n B/164 sont annulées .

    2 ) Le Parlement est condamné aux dépens .

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