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Document 61987CC0046

Conclusions jointes de l'Avocat général Mischo présentées le 21 février 1989.
Hoechst AG contre Commission des Communautés européennes.
Affaires jointes 46/87 et 227/88.
Dow Benelux NV contre Commission des Communautés européennes.
Affaire 85/87.
Dow Chemical Ibérica, SA, et autres contre Commission des Communautés européennes.
Affaires jointes 97/87, 98/87 et 99/87.
Concurrence - Règlement n. 17 - Vérification - Droit fondamental à l'inviolabilité du domicile - Motivation - Astreintes - Vices de procédure.

Recueil de jurisprudence 1989 -02859

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1989:73

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN MISCHO

présentées le 21 février 1989 ( *1 )

Sommaire

 

I — Quant au moyen tiré de la violation d'un droit fondamental

 

A — Portée des décisions ordonnant les vérifications et pouvoirs conférés par l'article 14 du règlement n° 17 à la Commission

 

B — Les enseignements susceptibles d'être tirés des droits nationaux, de la convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence de la Cour

 

C — Application des principes de solutions proposés aux présentes affaires

 

D — Le rôle des juridictions nationales et les compétences appartenant ou susceptibles d'être attribuées à la Cour de justice

 

II — Quant au moyen tiré d'une violation de formes substantielles

 

III — Quant au moyen tiré d'un défaut de motivation

 

IV — Quant au moyen tiré de l'absence ou de l'indétermination des preuves

 

V — Quant au moyen tiré de l'obtention illicite des informations ayant provoqué la vérification

 

VI — Quant aux autres moyens invoqués par Dow Ibèrica, Alcudia et EMP

 

VII — Quant à la décision du 3 février 1987 infligeant une astreinte à la société Hoechst (affaire 46/87)

 

VIII — Quant à la décision du 26 mai 1988 fixant le montant définitif de l'astreinte (affaire 227/88)

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. 

Le 15 janvier 1987, la Commission a adopté, sur base de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962 ( 1 ), une série de décisions ordonnant à différentes entreprises de se soumettre à des vérifications concernant leur participation éventuelle à des accords ou pratiques concertées par lesquels auraient été fixés les prix et les quotas ou objectifs de vente de PVC et de polyethylene dans la Communauté.

2. 

Cinq d'entre elles ont demandé à la Cour l'annulation de la décision qui leur a été adressée. A l'appui de leur recours, toutes invoquent, à côté de défauts de motivation, de vices de formes et de procédure, la violation du droit fondamental au respect du domicile.

3. 

Avant d'examiner ces moyens, il nous semble indispensable de rappeler brièvement la façon dont les requérantes ont réagi à l'égard des décisions de vérification de la Commission.

4. 

Hoechst (affaire 46/87) a catégoriquement refusé de se soumettre à la vérification, malgré trois tentatives des agents de la Commission. A chaque fois, Hoechst a fait acter dans un procès-verbal son opposition formelle à l'exécution de la vérification qu'elle a qualifiée de perquisition. Ce ne devait finalement être que le 2 avril 1987 qu'elle s'est inclinée, compte tenu du fait qu'existait désormais un mandat de perquisition délivré en faveur de la Commission par l'Amtsgericht de Francfort, à la suite d'une demande du Bundeskartellamt ( 2 ).

5. 

Aussi la Commission lui avait-elle infligé, par décision du 3 février 1987 prise en application de l'article 16, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 17, une astreinte de 1000 écus par jour en vue de la contraindre à se soumettre à la vérification ordonnée. Hoechst demande également l'annulation de cette décision, ainsi que de celle du 26 mai 1988, prise sur base de l'article 16, paragraphe 2, du même règlement, par laquelle la Commission a fixé le montant définitif de l'astreinte à 55000 écus (affaire 227/88).

6. 

Dow Benelux (affaire 85/87) a émis des objections à l'encontre de la décision de vérification de la Commission et de son exécution, mais, se considérant obligée de collaborer, ne s'est pas formellement opposée à cette exécution et a même prêté assistance aux agents de la Commission.

7. 

Quant aux représentants des sociétés Dow Ibérica (97/87), Alcudia (98/87) et EMP (99/87), ils se sont déclarés « troublés » par la première « inspection surprise » effectuée par la Commission dans des entreprises espagnoles, mais, suite à la présentation que les agents de la Commission ont faite, oralement et par écrit, de leurs droits et devoirs tels qu'ils résultent des articles 14, 15 et 16 du règlement n° 17, ils ont non seulement toléré la vérification sans soulever des objections formelles, mais y ont également collaboré activement.

8. 

Ces précisions factuelles étant faites, nous pouvons maintenant passer à l'examen des moyens juridiques invoqués par les requérantes, en commençant par celui qui est commun à l'ensemble des affaires et qui est de loin le plus important.

I — Quant au moyen tiré de la violation d'un droit fondamental

9.

Les parties requérantes soutiennent selon le cas, et parfois simultanément:

que l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 est invalide du fait de son incompatibilité avec des droits fondamentaux reconnus par l'ordre juridique communautaire;

que les décisions de vérification sont illégales parce qu'elles ne respectent pas la norme de base, c'est-à-dire l'article 14, paragraphe 3, et/ou les droits fondamentaux reconnus par l'ordre juridique communautaire;

qu'en exécutant ces décisions les fonctionnaires de la Commission ont outrepassé leurs pouvoirs et violé des droits fondamentaux.

10.

Nous espérons pouvoir apporter un peu de clarté dans ce débat en procédant comme suit.

11.

Nous examinerons d'abord si les pouvoirs conférés aux agents de la Commission par les décisions de vérification adoptées par celle-ci le 15 janvier 1987 respectent le cadre fixé par l'article 14 du règlement n° 17.

12.

Après avoir établi, sur la base d'une étude des droits nationaux des États membres, de la convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence de la Cour, qu'il y a lieu de reconnaître aux entreprises un droit fondamental à l'inviolabilité de leurs locaux, nous examinerons si ce droit est violé lors de vérifications se déroulant sur la base de la disposition susmentionnée.

13.

Nous verrons ensuite quelles conclusions il y a lieu de tirer des principes dégagés en ce qui concerne les présentes affaires. Nous présenterons enfin quelques réflexions au sujet du rôle susceptible de revenir respectivement aux juridictions nationales et à la Cour de justice des Communautés européennes en ce qui concerne la mise en oeuvre des décisions de vérification.

A — Portée des décisions ordonnant les vérifications et pouvoirs conférés par l'article 14 du règlement n° 17 à la Commission

14.

A l'article 1er de chacune des décisions incriminées du 15 janvier 1987, dont le libellé est en substance identique ( 3 ), on peut lire que l'entreprise « est tenue de permettre aux agents mandatés par la Commission d'accéder à ses locaux aux heures normales d'ouverture des bureaux, de produire aux fins d'inspection et de laisser prendre copie des documents professionnels relatifs à l'objet de l'enquête, requis par lesdits agents, et de fournir immédiatement toutes explications que ceux-ci pourraient demander ».

15.

L'utilisation des expressions «produire les documents requis » par les agents de la Commission et « fournir les explications » demandées fait apparaître que la décision n'oblige pas seulement les entreprises à tolérer la vérification, mais qu'elle leur impose une attitude active de collaboration. Avec quelques exceptions ( 4 ), la doctrine estime d'ailleurs que l'article 14, paragraphe 3, lui-même impose un tel devoir de coopération aux entreprises ( 5 ). Nous aurons à revenir plus loin sur cet aspect du problème.

16.

Le texte des décisions de vérification ne comporte aucune précision au sujet des documents concrets que les agents de la Commission sont chargés d'examiner; il est fait référence uniquement aux « documents professionnels relatifs à l'objet de l'enquête ». Hoechst se fonde sur ce fait pour soutenir que « même la présentation volontaire de documents commerciaux, en vue de donner suite à une décision de vérification, constitue une perquisition lorsque la Commission ne connaît ni la nature précise ni les détails des documents présentés » (procès-verbal de la vérification du 2 avril 1987 cité à la page 7 de la réplique). Nous ne pouvons pas accepter ce raisonnement, car, ainsi que nous le verrons plus loin, tous les droits nationaux connaissent des procédures d'investigations supposant la collaboration des entreprises, dans le cadre desquelles l'autorité administrative compétente ne sait pas d'avance si elle trouvera des données qui la conduiront à constater une infraction dans le chef de l'entreprise, ni, a fortiori, quelle pourrait être la nature de ces données. De telles opérations ne sont pas pour autant considérées comme des perquisitions.

17.

Reste à savoir de quelle façon les agents de la Commission doivent définir, vis-à-vis des représentants de l'entreprise, les documents qu'ils souhaitent pouvoir examiner.

18.

Ainsi, s'il est évident qu'ils peuvent demander par exemple qu'on leur soumette la « correspondance échangée par la firme au cours des trois dernières années avec d'autres producteurs de PVC ou de polyéthylène » ou bien les « procès-verbaux des réunions du conseil d'administration qui se sont tenues au cours des années 1983 à 1987 », peuvent-ils aussi demander à voir « tous les documents ayant trait aux conditions de commercialisation du PVC » ou les « documents qui se trouvent dans le bureau du chef de la division marketing » ou bien même les « dossiers figurant dans cette armoire-ci ou dans ce tiroir-là »?

19.

Toutes ces façons de procéder nous semblent acceptables, et cela pour les raisons suivantes. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 14 du règlement n° 17, la Commission a le droit de procéder à « toutes les vérifications nécessaires ». A cet effet, prévoit cette disposition, « les agents mandatés par la Commission sont investis des pouvoirs ci-après:

a)

contrôler les livres et autres documents professionnels;

b)

prendre copie ou extrait des livres et documents professionnels;

c)

demander sur place des explications orales;

d)

accéder à tous locaux, terrains et moyens de transport des entreprises ».

20.

Or, cette définition, et notamment le droit des agents de la Commission d'accéder à tous les locaux et même aux moyens de transport, implique que ces agents puissent promener leur regard sur tous les objets qui se trouvent en ces endroits et demander qu'on mette entre leurs mains ceux qu'ils désignent, car, sinon, à quoi servirait leur droit d'accès? Imaginons par exemple qu'en regardant par la fenêtre les agents de la Commission s'apercevraient soudain que des ouvriers sont en train de charger des dossiers sur un camion. Ils doivent, dans ce cas, avoir le droit d'envoyer sur place l'un de leurs collègues pour demander que cette opération soit arrêtée et que les documents en question lui soient montrés.

21.

La tâche des agents de la Commission n'est en effet nullement comparable à celle des agents des autorités nationales qui effectuent une vérification dans le domaine fiscal ou celui du droit du travail. En matière fiscale, les inspecteurs se penchent sur des catégories bien précises de documents, à savoir les livres de comptabilité ainsi que les factures d'achat ou de vente, alors qu'en matière de droit du travail ce sont surtout les fiches de paie et les dossiers du personnel qui entrent en ligne de compte.

22.

Si les inspecteurs de la Commission n'avaient pas d'autre droit que celui de demander qu'on leur présente les dossiers classiques qui existent dans chaque entreprise tels que les dossiers de correspondance ou les procès-verbaux officiels des organes directeurs de l'entreprise, ils ne seraient probablement jamais à même de trouver des indications sur une entente illégale. Celles-ci se trouveront plutôt sur des « feuilles volantes » souvent manuscrites, telles que des notes prises lors de réunions secrètes qui se sont tenues à l'extérieur de l'entreprise, parfois dans un hôtel situé dans un pays non membre de la Communauté, comportant des abréviations ou des références codées.

23.

Souvent, ce sont les décomptes relatifs aux voyages effectués par les dirigeants de la firme qui, comparés à ceux des responsables d'autres entreprises soumises à vérification, permettent à la Commission de découvrir quelles sont les entreprises susceptibles d'avoir participé à l'entente, à quels moments les concertations ont eu lieu, etc. L'intérêt de la Communauté exige que ceux qui sont chargés d'assurer la réalisation de l'objectif défini à l'article 3, sous f), et le respect des règles inscrites aux articles 85 et 86 du traité soient mis à même d'accéder aussi à des documents de ce type dès lors qu'existent des soupçons suffisamment sérieux de comportements illégaux. Voilà pourquoi nous estimons que les agents de la Commission ont aussi le droit de jeter un coup d'œil dans les mallettes des responsables de l'entreprise et même dans leurs agendas pour voir s'ils contiennent des documents ou des indications relatives à leurs activités professionnelles.

24.

D'autre part, c'est à la Commission elle-même et à elle seule qu'il appartient de vérifier et de constater, sous le contrôle exclusif de la Cour, si les documents qu'elle requiert sont relatifs à l'objet de l'enquête qu'elle mène.

25.

C'est ce que la Cour a confirmé expressément dans son arrêt du 18 mai 1982, AM & S/Commission (affaire 155/79, Rec. 1982, p. 1575, 1609 et 1610), lorsqu'elle a déclaré que,

« les documents que la Commission peut exiger étant, ainsi que l'affirme l'article 14, paragraphe 1, ceux qu'elle juge ‘nécessaire’ de connaître pour pouvoir déceler une infraction aux règles de concurrence du traité, il s'ensuit qu'en principe il appartient à la Commission elle-même, et non à l'entreprise intéressée ou à un tiers, expert ou arbitre, de décider si un document doit ou non lui être présenté » (point 17).

26.

Il est vrai que la Cour a reconnu que ce « large pouvoir ď investigation et de vérification » ( 6 ) de la Commission est susceptible de rencontrer quelques limites, telles qu'en l'espèce celles découlant de l'exigence du respect de la confidentialité de la correspondance entre avocat et client, pour autant qu'il s'agisse d'une correspondance échangée dans le cadre et aux fins du droit de la défense du client et qu'elle émane d'avocats indépendants, c'est-à-dire non liés au client par un rapport d'emploi. Mais, même dans les cas où l'entreprise prétend que les documents qu'elle est invitée à présenter relèvent de cette catégorie, la Commission garde le pouvoir de lui ordonner, en application de l'article 14, paragraphe 3, la production de la correspondance litigieuse et, si besoin est, de lui infliger une amende ou une astreinte en vue de sanctionner son refus (point 31).

27.

Il n'appartient donc en aucun cas à l'entreprise de sélectionner elle-même les documents qu'elle est prête à présenter ou non, même si elle estime que certains sont protégés en vertu du principe général de la confidentialité qui est commun aux droits de tous les États membres. Selon la Cour, les intérêts de l'entreprise sont suffisamment sauvegardés par la possibilité ouverte par les articles 185 et 186 du traité ainsi que par l'article 83 du règlement de procédure de la Cour de voir ordonner le sursis à l'exécution de la décision de la Commission ou toute autre mesure provisoire (point 32). Dans son arrêt du 24 juin 1986, AKZO Chemie/Commission (affaire 53/85, Rec. 1986, p. 1965, 1992), la Cour a également reconnu à la Commission le pouvoir d'apprécier si un document déterminé contient ou non des secrets d'affaires dont la divulgation est protégée en vertu d'un principe général qui s'applique pendant le déroulement de la procédure administrative (points 28 et 29).

28.

S'il revient donc à la Commission d'exiger même la présentation de documents que l'entreprise estime protégés en vertu de principes généraux du droit et d'apprécier, sous le seul contrôle de la Cour, si tel est effectivement le cas, il doit également être permis à la Commission de vérifier elle-même si les documents qu'elle requiert relèvent ou non de l'objet de l'enquête. Les agents de la Commission ont dès lors nécessairement le droit de se faire présenter des dossiers à propos desquels il n'est pas sûr de prime abord qu'ils contiennent ou non des pièces susceptibles de jouer un rôle dans le cadre de l'enquête et de demander notamment que tous les dossiers ou tous les papiers contenus dans une armoire ou un tiroir donné soient mis entre leurs mains.

29.

Reste à savoir si les agents de la Commission ont le droit de sortir eux-mêmes les documents des armoires et des tiroirs où ils se trouvent afin de les examiner, le cas échéant après avoir demandé que les meubles en question soient ouverts. L'entreprise Dow Benelux et les trois entreprises espagnoles qui ne se sont pas opposées, comme Hoechst, à la vérification allèguent que les agents de la Commission auraient procédé ainsi.

30.

La Commission a effectivement revendiqué un tel droit au cours de la procédure devant la Cour. Ainsi, dans sa duplique dans l'affaire 46/87 (Hoechst), la Commission a décrit de la façon suivante la manière habituelle de procéder de ses agents:

« Lorsqu'un agent de la Commission se trouve dans un bureau, il s'enquiert de l'endroit où les dossiers en cause sont conservés et demande à avoir accès aux tiroirs du bureau ou de l'armoire de classement pour s'assurer de la nature des dossiers qu'ils contiennent. Si ces tiroirs sont fermés, il exige qu'ils soient ouverts. Une fois que cela est fait, il est indifférent que ce soit l'agent de la Commission lui-même ou l'employé de l'entreprise susmentionnée qui sorte les dossiers du meuble où ils se trouvaient. En règle générale, l'agent de la Commission examine néanmoins chacun des dossiers pour vérifier s'il contient des documents présentant un intérêt relativement à l'objet de la vérification. Les documents sans rapport avec la procédure d'enquête ainsi que les documents privés peuvent ainsi être éliminés » [p. 20, sous k)].

31.

Dans sa duplique relative à l'affaire 85/87 (Dow Benelux), la Commission a déclaré que « les agents de la Commission peuvent ouvrir eux-mêmes des armoires ou des bureaux non fermés à clef, en retirer des dossiers et des documents, les consulter et en faire des copies » (p. 8, alinéa 1).

32.

Enfin, dans sa réponse à la question que la Cour lui avait posée au sujet des instructions qu'elle donne à ses agents, la Commission a indiqué entre autres que « l'agent chargé de la vérification examine personnellement, en présence d'un représentant de l'entreprise, tous les classeurs, armoires et bureaux dans lesquels les documents peuvent être entreposés et il consulte tous les documents, de façon à pouvoir les trier; un rapide examen permet généralement d'éliminer de nombreux documents sans intérêt ».

33.

Peut-on considérer qu'une telle façon de procéder des agents de la Commission est « couverte » par les décisions types de la Commission qui enjoignent aux entreprises de «produire aux fins d'inspection et de laisser prendre copie des documents professionnels relatifs à l'objet de l'enquête requis par les ... agents »?

34.

Il est possible de donner à l'expression « produire » un sens étroit et un sens plus large. Au sens étroit, cette expression peut vouloir dire que les documents désignés par les agents de la Commission doivent être remis entre les mains de ceux-ci par les représentants de la firme. Au sens large, elle peut être interprétée comme signifiant que le devoir de collaboration de l'entreprise implique le devoir de conduire les agents de la Commission aux endroits où des documents pertinents peuvent être conservés ou dans les locaux que ces derniers demandent eux-mêmes à visiter, en leur donnant libre accès à tous les meubles de rangement pour qu'ils puissent sortir les documents qui s'y trouvent et les examiner.

35.

Il ne nous semble cependant pas que cette dernière interprétation puisse être retenue. L'utilisation des expressions « produire ... et laisser prendre photocopie des documents requis » en conjonction avec le devoir des représentants de l'entreprise « de fournir immédiatement toutes explications que ceux-ci pourraient demander » nous conduit à penser que les agents de la Commission doivent tout d'abord donner aux responsables de l'entreprise l'occasion de collaborer activement à l'enquête.

36.

Certes, les agents de la Commission doivent avoir la possibilité de s'assurer dans toute la mesure du possible qu'aucune pièce pertinente n'échappe à leur examen. Pour cela, ils doivent avoir, comme nous l'avons indiqué ci-dessus, le droit de demander qu'on leur remette les dossiers ou les documents qui se trouvent dans un meuble qu'ils désignent, car, sinon, comment pourraient-ils trouver des indications sur des comportements que l'entreprise a intérêt à cacher et dont elle veillera à ne pas faire figurer de trace dans ses dossiers « classiques »? Si l'on accepte ce principe, il est vrai qu'il est en dernière analyse indifférent que ce soit l'agent lui-même ou l'employé de l'entreprise qui sorte les dossiers du meuble où ils se trouvaient, et une entreprise disposée à respecter pleinement son devoir de collaboration finira sans doute par dire aux agents de la Commission: «Allez-y, prenez vous-mêmes les dossiers. »

37.

Mais cette situation est tout de même assez différente de celle où les agents de la Commission se mettent immédiatement à procéder à une fouille en règle des meubles. Nous estimons qu'un tel pouvoir, qui constitue incontestablement un pouvoir de perquisition, est bien inclus dans l'article 14, mais il ne l'est qu'à titre d'« ultima ratio » et il ne peut être exercé que selon les conditions prévues au paragraphe 6 de cet article.

38.

Cette interprétation est, à notre avis, la seule qui soit compatible avec les termes de l'article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement. Celui-ci se fonde manifestement sur le principe de la soumission (Vorlage) des documents par les représentants de l'entreprise, puisqu'il prévoit que la Commission peut infliger aux entreprises des amendes lorsque, de propos délibéré ou par négligence, «elles présentent de façon incomplète, lors des vérifications effectuées au titre de l'article 13 ou de {article 14, les livres ou autres documents professionnels requis, ou ne se soumettent pas aux vérifications ordonnées par voie de décision prise en application de l'article 14, paragraphe 3 ».

39.

Le fait que la première partie de ce texte vise l'article 14 dans son ensemble et ne fait donc pas de distinction entre le paragraphe 2 (vérification effectuée sur base d'un simple mandat) et le paragraphe 3 de l'article 14 (vérification sur base d'une décision formelle de la Commission) indique à notre sens que, dans les deux cas, c'est aux représentants de l'entreprise qu'il appartient de remettre les documents entre les mains des agents de la Commission. Une thèse identique est d'ailleurs exposée dans une brochure éditée par la Commission en 1984 et intitulée Les pouvoirs d'enquête de la Commission européenne en matière de concurrence. Nous lisons en effet, à la page 38 de celle-ci, que « ce sont les représentants de l'entreprise qui doivent ouvrir les armoires et remettre les documents aux agents: ces derniers ne peuvent les retirer directement des armoires. Le refus éventuel des représentants de l'entreprise de présenter les documents est acte dans un procès-verbal et les inspecteurs peuvent demander l'exécution forcée par les autorités nationales ». Il est vrai qu'il est précisé sur la page de couverture de cette brochure que celle-ci « ne saurait être considérée comme l'expression authentique de la position de la Commission sur les sujets évoqués ». Il n'en reste pas moins que l'opinion que nous venons de citer a dû être, à l'époque, l'opinion prédominante au sein des services de la Commission.

40.

Le système instauré par l'article 14 est donc le suivant.

1)

Dans l'hypothèse visée au paragraphe 2, l'entreprise a le droit de ne pas accepter le principe même de l'inspection, mais, si elle l'accepte, elle doit présenter de façon complète tous les documents requis.

41.

2) Dans le cadre de la procédure du paragraphe 3, l'entreprise est dans l'obligation de se soumettre aux vérifications et de présenter de façon complète les documents requis, le tout sous peine d'une astreinte et/ou d'une amende. Nous partageons l'avis de ceux des auteurs qui estiment ( 7 ) que ce paragraphe n'accorde lui aussi à la Commission que des droits d'information et d'examen (« Auskunfts- und Einsichtsrechte ») auxquels correspond, du côté de l'entreprise, un devoir de collaboration. Avec Mestmäcker ( 8 ), nous considérons, en effet, que « les entreprises sont obligées de mettre les agents de la Commission à même de remplir leur mission de telle façon que, sans utilisation de la contrainte directe, les informations exigées soient données correctement » (« Die Unternehmen sind verpflichtet, den Bediensteten die Erfüllung ihrer Aufgabe so zu ermöglichen, daß ohne Anwendung von unmittelbarem Zwang die geforderten Aufschlüsse sachlich richtig gegeben werden. »). Il importe dès lors qu'une ligne très nette puisse être tracée entre la situation où une entreprise collabore à l'enquête et celle où elle n'y collabore pas. Permettre aux agents de la Commission dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 3 de l'article 14 de se saisir eux-mêmes des documents créerait une confusion entre cette procédure et celle prévue au paragraphe 6 du même article. Un argument additionnel qui plaide en faveur d'une telle interprétation des pouvoirs de la Commission est à trouver dans le fait que, si la Commission pouvait immédiatement procéder sur la base de la seule décision de vérification à une véritable fouille des locaux de l'entreprise, on ne verrait plus à quoi servirait la menace d'une amende pour présentation incomplète des livres et autres documents.

42.

3) Enfin, si l'entreprise refuse de présenter un ou plusieurs documents que les agents de la Commission voudraient examiner et, a fortiori, si elle refuse même d'ouvrir certaines armoires ou certains tiroirs fermés à clef ou de sortir les objets contenus dans une mallette d'un de ses dirigeants, il ne reste plus aux agents de la Commission que de dresser procès-verbal de ce refus. Cette constatation déclenchera la procédure menant à la fixation d'une amende ou d'une astreinte et elle amènera la Commission à demander à l'État membre concerné de prêter à ses agents, conformément à l'article 14, paragraphe 6, « l'assistance nécessaire pour leur permettre d'exécuter leur mission de vérification ». En d'autres termes, le refus de remettre le contenu d'un meuble entre les mains des agents de la Commission constitue un cas d'opposition au sens du paragraphe 6 de l'article 14 que ces agents ne peuvent pas vaincre eux-mêmes en se saisissant des dossiers, mais qui nécessite l'intervention des représentants de l'État membre en question. Nous estimons que cette conclusion se dégage aussi, par analogie, de l'article 192 du traité sur l'exécution forcée des décisions du Conseil et de la Commission, auquel renvoie d'ailleurs l'article 187 relatif à l'exécution des arrêts de la Cour. Nous croyons qu'il résulte de cette disposition que le traité CEE a entendu réserver aux États membres toute forme d'intervention assimilable à la contrainte directe.

43.

Le paragraphe 6 de l'article 14 impose aux États membres une obligation de résultat, à savoir permettre aux agents de la Commission de vérifier si certains documents en possession de l'entreprise sont de nature à prouver sa participation à une entente. La dernière phrase du même paragraphe 6 imposait aux États membres de prendre, avant le 1er octobre 1962, et après consultation de la Commission, les mesures nécessaires afin de se mettre à même de s'acquitter de cette obligation.

44.

Cette phrase ne figurait pas dans la proposition de règlement qui avait été soumise par la Commission au Parlement et au Conseil. Il n'est pas à exclure qu'elle ait été introduite par le Conseil à la suite de l'observation faite par la Commission du marché intérieur du Parlement (rapport du 7 septembre 1961, document 57, dit rapport Deringer) suivant laquelle, lors d'une perquisition, l'intervention d'une juridiction serait à prévoir. Mais il n'est de toute façon plus possible de déterminer actuellement si le Conseil a ainsi entendu demander aux États membres d'aménager leur législation nationale de telle façon qu'un mandat judiciaire ne soit pas exigé en vue des actions entreprises sur la base de l'article 14, paragraphe 6 (par exemple en précisant dans une loi que ces actions sont à considérer comme des cas où il y a péril en la demeure), ou s'il a simplement voulu laisser à chaque État membre le choix des moyens qu'il entendait mettre en oeuvre, y compris, le cas échéant, l'exigence d'un mandat judiciaire.

45.

Ce qui est certain, par contre, c'est que les mesures qui étaient à prendre devaient être d'une nature telle à permettre aux agents de la Commission d'accéder aux documents recherchés sans que l'entreprise ait le temps de les faire disparaître.

46.

De toute façon, aucun État membre n'aura pris, sur la base de l'article 14, paragraphe 6, des mesures incompatibles avec sa propre conception de la protection due au droit fondamental à l'inviolabilité du domicile des entreprises. Dès lors, dans tous les cas où la Commission fera ainsi appel aux autorités nationales pour vaincre l'opposition d'une entreprise, la protection de ce droit fondamental se trouvera automatiquement assurée dans toute l'étendue prévue par l'ordre juridique national.

47.

Il nous reste cependant à examiner si une opération de vérification dans le cadre de laquelle les agents de la Commission se limitent à demander la présentation des dossiers qu'ils désignent sans fouiller eux-mêmes les meubles implique une violation du droit fondamental à la protection du domicile, en raison du fait qu'elle se déroule sous la menace d'une amende et d'une astreinte. Il est en effet bien entendu que, si une entreprise collaborait tout à fait volontairement avec les inspecteurs, aucun problème de violation du domicile ne pourrait se poser.

48.

Pour trancher cette question, il est nécessaire d'examiner la situation existant dans les droits nationaux ainsi que les enseignements qui peuvent être tirés de la convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence de notre Cour.

B — Les enseignements susceptibles d'être tirés des droits nationaux, de la convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence de la Cour

49.

En Belgique, l'article 10 de la Constitution prévoit que

« le domicile est inviolable: aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit ».

50.

Abstraction faite de ce que l'application de ce principe aux personnes morales et aux locaux professionnels est controversée, la Constitution n'a donc pas soumis elle-même les visites domiciliaires à l'autorisation préalable d'un juge. Tandis que le législateur exige une telle autorisation préalable pour les inspections et perquisitions des locaux servant à Y habitation privée, il reconnaît de très larges pouvoirs de vérification, sans autorisation judiciaire préalable, aux inspecteurs en matière fiscale et sociale ainsi qu'en matière de réglementation des prix et des pratiques de commerce: ces pouvoirs leur permettent généralement de pénétrer dans tous les locaux professionnels, de prendre connaissance et copie, voire de saisir tous documents utiles ainsi que de requérir l'assistance des agents de la force publique. Seule la question de savoir s'ils peuvent ouvrir eux-mêmes une armoire et fouiller dans les archives semble controversée ( 9 ).

51.

En matière de concurrence, la loi du 27 mai 1960 sur la protection contre l'abus de puissance économique prévoit un droit de perquisition, sans autorisation judiciaire préalable. Par ailleurs, la loi du 28 juillet 1987 portant exécution des règlements et directives pris en application de l'article 87 du traité CEE {Moniteur belge du 24.9.1987, p. 138171) adopte une définition des pouvoirs des agents nationaux assistant les inspecteurs de la Commission qui reproduit exactement le texte du paragraphe 1 de l'article 14 du règlement n° 17. L'article 2, paragraphe 3, de cette loi prévoit des sanctions pénales à l'encontre de ceux qui empêcheraient ou entraveraient volontairement les missions d'assistance ou de vérification. Conformément à l'arrêté royal du 1er février 1988 portant exécution des articles 12 à 14 du règlement n° 17 {Moniteur belge du 11.2.1988, p. 22021), les mandats écrits de vérification sont délivrés par le chef du service de l'inspection générale économique, et non par un membre du pouvoir judiciaire.

52.

Au Danemark, la Constitution (article 72) prévoit elle-même, pour les visites domiciliaires, les saisies ou examens de lettres et d'autres papiers, l'exigence d'une décision judiciaire, sauf exception expressément prévue par une loi. Ce principe est également applicable aux personnes morales dans la mesure où sont en cause des locaux qui ne sont pas ouverts au public. Même si la question, longtemps controversée, de savoir s'il trouve à s'appliquer, en dehors du cadre de la procédure pénale, également aux mesures coercitives administratives semble actuellement résolue par l'affirmative, il y a lieu de constater que le législateur peut donc y apporter des dérogations.

53.

Ni la loi n° 102 du 31 mars 1955 sur la concurrence ni la loi n° 505 du 29 novembre 1972 adoptée pour mettre en œuvre l'article 14, paragraphe 6, du règlement n° 17 ne l'ont pourtant fait. Il faut donc admettre qu'en principe toute opération de vérification est soumise à une décision judiciaire. Il est cependant aussi admis que, si l'entreprise consent à l'exécution de l'opération, l'autorité en cause peut y procéder sans disposer d'une décision judiciaire préalable.

54.

A noter toutefois que, dans le cadre de la loi n° 505, le juge danois, avant d'autoriser les mesures prescrites par une décision de vérification de la Commission, se bornerait à en constater l'existence sans en examiner le bien-fondé.

55.

Il nous semble enfin intéressant de souligner que, dans un arrêt de 1976, le Hojesteret a déclaré que le fait qu'un contrôle administratif soit soumis à une autorisation judiciaire préalable en vertu de la Constitution n'empêchait pas la législation de prescrire qu'une amende pouvait être infligée à la personne qui s'opposait à un contrôle bien que celui-ci n'ait pas été autorisé prélablement par un juge.

56.

En Allemagne, l'article 13 de la loi fondamentale, qui déclare que « le domicile est inviolable », stipule, à son alinéa 2, que

« des perquisitions ne peuvent être ordonnées que par le juge ainsi que, s'il y a péril en la demeure, par les autres organismes prévus par les lois; elles ne peuvent être effectuées que dans la forme y prescrite ».

En vertu de son article 19, paragraphe 3, les droits fondamentaux s'appliquent aussi aux personnes morales, et la jurisprudence et la doctrine sont unanimes pour étendre la notion de « domicile » aux locaux commerciaux.

57.

La loi du 27 juillet 1957 relative aux restrictions à la concurrence (Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen) distingue, dans son article 46, entre le pouvoir de vérification («Einsichts- und Prüfungsrecht») et le pouvoir de perquisition (« Durchsuchungsrecht »). Bien que la distinction soit parfois difficile à établir, c'est généralement aux critères que le Bundesverfassungsgericht a utilisés dans son ordonnance du 3 avril 1979 pour définir la notion de perquisition qu'il est fait référence (BVerfG E 51, p. 97, 107). Selon cette définition, une perquisition est caractérisée par

« la recherche opérée avec un objectif et un but précis, par des autorités étatiques, en vue de rechercher des personnes ou des choses ou d'instruire des circonstances, de façon à découvrir ce que l'occupant de l'habitation dans laquelle la perquisition a lieu ne veut pas présenter ou délivrer de lui-même » (« ... kennzeichnend ist das zielund zweckgerichtete Suchen staatlicher Organe nach Personen oder Sachen oder zur Ermittlung eines Sachverhalts, um etwas aufzuspüren, was der Inhaber der Wohnung von sich aus nicht offenlegen oder herausgeben will »).

58.

Le pouvoir de vérification, par contre, qui comprend le droit d'entrer dans les locaux de l'entreprise, ne permet l'examen que des documents présentés aux autorités par les responsables de l'entreprise. La vérification présuppose donc la coopération des représentants de l'entreprise contrôlée, tandis que la perquisition peut avoir lieu sans aucune activité de leur part.

59.

A noter que cela ne signifie pas pour autant que cette coopération active ne puisse être « forcée » par des astreintes ou la menace d'amendes, moyens de coercition administrative. Le refus des représentants de l'entreprise, qui sont obligés de collaborer à la vérification, constitue en effet une infraction administrative. Mais le refus persistant malgré ces moyens de contrainte ne peut être vaincu que sur base d'un mandat de perquisition qui seul permet le recours à la force (« unmittelbarer Zwang »). Aussi semble-t-il qu'en pratique les autorités compétentes demandent un mandat judiciaire de perquisition à chaque fois qu'il y a des raisons de croire que l'entreprise ne produira pas volontairement tous les documents qu'elles voudraient consulter.

60.

Comme le montre le comportement des agents du Bundeskartellamt dans l'affaire Hoechst, cette distinction, avec les conséquences qui s'y rattachent, semble devoir également être suivie dans le cadre de l'application de la loi allemande du 17 août 1967 relative à l'exécution du règlement n° 17, bien que son article 3, paragraphe 2, ne soumette expressément le recours à la force (« unmittelbarer Zwang ») qu'à la seule condition que ces agents disposent d'un mandat écrit du président de l'office.

61.

En Grèce, l'article 9, paragraphe 1, de la Constitution de 1975 prévoit ce qui suit:

« Le domicile de chacun est un lieu d'asile. La vie privée et familiale de l'individu est inviolable. Aucune perquisition domiciliaire ne peut être opérée que dans les cas et les formes prévus par la loi, et toujours en présence de représentants du pouvoir judiciaire. »

62.

Bien qu'il soit admis que cette disposition bénéficie également aux personnes morales, il semble que la pratique législative, notamment dans le domaine de la concurrence, entend la notion de domicile au sens strict du terme, c'est-à-dire comme n'englobant pas les locaux commerciaux, de sorte que la présence d'un représentant des autorités judiciaires ne serait requise qu'en cas de perquisitions du domicile privé.

63.

En tout cas, l'article 26, paragraphe 1, de la loi n° 703/77, relative au contrôle des monopoles et oligopoles et à la protection de la libre concurrence, qui énumère de façon exhaustive les pouvoirs des fonctionnaires chargés des inspections, ne renvoie aux exigences constitutionnelles que pour les seules perquisitions domiciliaires [lettre c)], et non pour ce qui concerne d'autres formes d'inspection, comme les contrôles de tout livre, élément ou autre document [lettre a)] ou les inspections aux bureaux et autres locaux des entreprises et associations d'entreprises [lettre c)]. Par ailleurs, ces fonctionnaires disposent expressément des mêmes pouvoirs que les vérificateurs en matière fiscale, qui, par certaines lois, sont dispensés du recours aux autorités judiciaires. Enfin, il semble résulter de l'avis de légalité n° 1381/1981 que le Conseil d'État hellénique a rendu au sujet d'un projet de décret concernant la protection de l'environnement que l'inspection administrative des locaux des entreprises industrielles ou artisanales ne constitue pas une perquisition domiciliaire au sens de l'article 9 de la Constitution.

64.

En Espagne, l'article 18, paragraphe 2, de la Constitution de 1978 stipule que

« le domicile est inviolable » et que « nul ne peut y entrer ou y faire une perquisition sans le consentement du titulaire ou sans mandat judiciaire, sauf en cas de flagrant délit ».

65.

Depuis l'arrêt 124/85 de la Cour constitutionnelle du 17 octobre 1985, il semble acquis que la protection du domicile des personnes morales est également couverte par cette disposition.

66.

Comme au Danemark, l'exigence d'une autorisation judiciaire préalable a donc un caractère constitutionnel. De même, le consentement de la personne concernée peut rendre superflue une telle autorisation, à moins que la loi ne prévoie le contraire ( 10 ).

67.

Il reste que, dans le domaine de la concurrence, la loi n° 110 du 20 juillet 1963 (represión de prácticas restrictivas de la competencia) dote les agents chargés d'effectuer les vérifications que les autorités compétentes jugent nécessaires des mêmes droits et pouvoirs que ceux dévolus par la loi aux agents de l'administration fiscale. Or, ceux-ci disposent, en vertu d'une loi du 28 décembre 1963 (Ley general tributaria), confirmée notamment par un règlement d'application datant du 25 avril 1986 (Reglamento general de la inspección de los tributos), du droit d'entrée et de perquisition dans les endroits où ont lieu des activités économiques sur base d'une simple autorisation écrite de l'administration fiscale, même en cas d'opposition de l'intéressé; ce n'est qu'en cas d'entrée dans le domicile soit d'une personne physique, soit d'une personne morale sans consentement du titulaire qu'un mandat judiciaire est exigé.

68.

En vertu du Real Decreto 1882 du 29 août 1986, ce sont ces mêmes agents, affectés à la direction générale de la défense de la concurrence du ministère des Affaires économiques, qui sont chargés de procéder, sur base d'un mandat écrit de leur directeur général, aux vérifications sollicitées par la Commission.

69.

En France, le droit à l'inviolabilité du domicile est profondément ancré dans la tradition constitutionnelle. Actuellement, il est considéré comme faisant partie du principe de la liberté individuelle consacré à l'article 66 de la Constitution de 1958. Conçu ainsi plutôt dans l'optique de la dignité de l'homme, le degré de sa protection peut varier en fonction des locaux, privés ou professionnels, qu'ils appartiennent à une personne physique ou morale. La tendance législative récente va toutefois indubitablement dans le sens d'une très grande protection, y compris pour les locaux professionnels.

70.

C'est ainsi que l'ordonnance 86/1243, du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et de la concurrence, distingue entre deux types d'enquêtes. Son article 47, formulé de façon positive, permet aux enquêteurs d'accéder à tous locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel et de demander la communication des documents professionnels pour en prendre copie. L'article 48, formulé de façon restrictive, ne leur permet de procéder « aux visites en tous lieux », ainsi qu'à la saisie de documents, que sur autorisation préalable du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. Dès que les enquêteurs souhaitent donc prendre une part active à l'enquête en ne se contentant pas de la simple communication des pièces, mais en les recherchant eux-mêmes, un mandat judiciaire préalable est requis. Par ailleurs, l'article 48 précise que « le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée » et que « cette demande doit comporter les éléments d'information de nature à justifier la visite ».

71.

Cette protection très stricte étant basée sur une décision relativement récente du Conseil constitutionnel, datant du 29 décembre 1983, en vertu de laquelle toute perquisition ne peut être décidée que par l'autorité judiciaire, pour rechercher des infractions concrètement délimitées, et ne peut être exécutée que sous son contrôle et sa responsabilité, il semble évident qu'elle trouverait également à s'appliquer dans le cadre du décret n° 72-151, du 18 février 1972, relatif à l'application des articles 85 à 87 du traité de Rome concernant les ententes et les entreprises en position dominante, dans la mesure où les vérifications que la Commission demande aux autorités françaises d'accomplir ou pour lesquelles elle sollicite leur assistance devraient comporter des « visites en tous lieux » au sens de la législation française.

72.

En Irlande, l'article 40, paragraphe 5, de la Constitution reconnaît l'inviolabilité du domicile dans les termes suivants:

« The dwelling of every citizen is inviolable and shall not be forcibly entered save in accordance with law. »

73.

D'ailleurs, la jurisprudence semble indiquer que cette protection constitutionnelle ne bénéficie ni aux personnes morales ni aux locaux commerciaux.

74.

Aussi plusieurs lois irlandaises, notamment en matière fiscale, sociale et douanière, donnent-elles à l'administration un droit d'entrée et d'inspection, sans autorisation judiciaire préalable, dans chaque local où des activités commerciales sont effectuées, allant parfois jusqu'à lui permettre d'emporter des documents professionnels pour une période raisonnable. Ces lois, toutefois, ne confèrent pas aux agents le droit d'entrer avec force et de fouiller de façon illimitée. Mais, si la personne concernée refuse, elle court le risque de subir des sanctions pénales.

75.

Il en est de même en matière de concurrence. Le Restrictive Practices Act de 1972 permet à l'« examiner » d'ordonner, sans mandat judiciaire préalable, une inspection à toute heure raisonnable « for the purposes of obtaining any information necessary for the exercise of his functions ». Si le propriétaire s'oppose, il doit, sous peine de sanctions pénales, recevoir de la High Court, qu'il doit obligatoirement saisir dans les sept jours, une déclaration selon laquelle l'inspection ordonnée est contraire aux exigences du « common good ». La conformité à ces exigences est présumée jusqu'à preuve du contraire et, en général, elle sera confirmée si l'inspection était nécessaire pour la préparation d'un rapport loyal et exact.

76.

En principe, ce n'est donc que si l'entreprise s'oppose à une vérification que le droit irlandais impose une intervention judiciaire.

77.

En Italie, c'est l'article 14 de la Constitution qui déclare que « le domicile est inviolable ». Il est acquis que sont également visés les locaux commerciaux des personnes morales. Les alinéas 2 et 3 du même article font ensuite une distinction entre, d'une part, les « ispezioni o perquisizioni o sequestri » qui ne peuvent être exécutées que dans les cas et selon les modes fixés par la loi conformément aux garanties prescrites pour la protection de la liberté personnelle et, d'autre part, les « accertamenti e ispezioni» pour des motifs de santé et de salubrité publiques ou pour des fins économiques et fiscales qui sont réglées par des lois spéciales.

78.

Seulement pour les perquisitions une autorisation judiciaire préalable est en principe requise. Par contre, les lois adoptées pour réglementer l'exercice des vérifications et inspections, notamment dans les domaines de la santé et de la sécurité du travail ainsi que dans les matières douanières et fiscales, confèrent généralement aux agents publics de larges pouvoirs de contrôle des lieux, livres et documents, sans mandat judiciaire préalable.

79.

En vertu du décret n° 884 du président de la République, du 22 septembre 1963, adopté en exécution de l'article 14, paragraphe 6, du règlement n° 17, les agents de la « polizia tributaria » peuvent être appelés, en cas de nécessité, à prêter main-forte aux fonctionnaires du ministère de l'Industrie et du Commerce chargés d'assister la Commission. Ces agents disposent de pouvoirs d'accès, de vérification et de recherche dans les locaux des entreprises commerciales ou industrielles. La Cour constitutionnelle a toutefois précisé que ces activités ne comprennent pas la possibilité d'ouvrir des valises, coffres-forts ou portes fermées que le contribuable refuse d'ouvrir. La recherche devient donc perquisition, nécessitant une autorisation judiciaire préalable, dès qu'il y a recours à la contrainte.

80.

Au Luxembourg, la situation est largement identique à celle que connaît la Belgique. Tout comme en droit belge, la Constitution (article 15) n'a pas elle-même soumis les visites domiciliaires à l'autorisation préalable du juge, mais a laissé au législateur le soin de déterminer les cas et les formes dans lesquels celles-ci peuvent avoir lieu. La jurisprudence n'a pas encore résolu la question de savoir si cette protection constitutionnelle s'applique également aux personnes morales.

81.

En dehors du domaine de la procédure pénale, le législateur luxembourgeois n'a pas prévu d'intervention judiciaire en matière d'accès et de perquisition de locaux commerciaux. Dans le domaine des impôts sur le revenu et des impôts indirects, notamment en matière de TVA, l'administration fiscale bénéficie non seulement d'un pouvoir d'exiger des documents, mais également d'un pouvoir de vérification, y compris de visite domiciliaire. La loi relative à la surveillance du secteur financier, dans la version du texte coordonné du 15 avril 1986, autorise la direction de l'Institut monétaire luxembourgeois à « prendre par elle-même ou par les agents de l'Institut des livres, comptes, registres ou autres actes et documents des établissements de crédit ». Dans les domaines du droit de la concurrence, les fonctionnaires compétents disposent du « droit d'investigation le plus large », sur base d'un simple pouvoir délivré par le ministre de l'Économie et des Classes moyennes, et ont la faculté de requérir l'assistance des agents de la force publique.

82.

La loi du 9 août 1971 concernant l'exécution et la sanction des décisions et des directives, ainsi que la sanction des règlements des Communautés européennes en matière économique, agricole, forestière, sociale et en matière de transports permet aux agents chargés de la recherche d'infractions à ces textes d'accéder, sans mandat de perquisition, aux locaux, terrains, moyens de transport, livres et documents professionnels des personnes et entreprises concernées, sauf lorsqu'il s'agit d'un domicile privé.

83.

Aux Pays-Bas, l'article 12 de la Constitution

« interdit de pénétrer dans une demeure contre la volonté de son habitant, sauf dans les cas prévus par la loi ou une disposition prise en vertu de celle-ci et si cet acte est accompli par des personnes désignées par la loi ou une disposition prise en vertu de celle-ci ».

84.

Le pouvoir législatif peut donc également laisser au pouvoir exécutif le soin de déterminer lui-même, de manière abstraite, dans le cadre de la loi, les cas dans lesquels l'entrée dans une demeure est possible. Par ailleurs, cette disposition qui ne contient pas l'exigence d'un contrôle judiciaire préalable ne s'applique pas aux personnes morales ni à des endroits autres que les demeures des personnes physiques et présuppose l'opposition de l'habitant.

85.

Aussi les lois spéciales qui reconnaissent des pouvoirs de contrôle ou d'inspection et de communication de documents à des agents de l'administration font-elles généralement une distinction entre les demeures privées et d'autres endroits. Tant la loi sur la concurrence économique que le code fiscal général autorisent les fonctionnaires compétents à pénétrer, à toute heure, dans tous les locaux dont ils estiment, en toute conscience, l'accès nécessaire à l'accomplissement de leur mission, au besoin avec l'assistance de la force publique. En matière de concurrence, ils n'ont besoin d'un mandat écrit, qui n'est toutefois pas délivré par une autorité judiciaire, et ne doivent être accompagnés d'un commissaire de police ou du maire de la commune que si l'endroit visé est une demeure privée.

86.

Le contrôle judiciaire de la pénétration dans les locaux d'entreprise n'a toujours lieu qu'a posteriori.

87.

La loi du 10 juillet 1968, arrêtée sur base de l'article 14, paragraphe 6, du règlement n° 17, habilite les fonctionnaires chargés d'une vérification à procéder à l'ensemble des activités énumérées au paragraphe 1, excepté l'accès à des locaux faisant partie d'une demeure. Pour tous les autres locaux, l'accès est donc autorisé sans restriction.

88.

Au Portugal, la protection constitutionnelle de l'inviolabilité du domicile est assez stricte. L'article 34, paragraphe 2, de la Constitution de 1976 dispose que

« l'accès au domicile des citoyens contre la volonté de ces derniers ne peut être ordonné que par la juridiction compétente, dans les cas prévus par la loi et selon les formes qui y sont prescrites ».

En vertu du paragraphe 3, l'interdiction est totale durant la nuit.

89.

L'exigence d'un contrôle judiciaire préalable et la réserve de la loi s'appliquent donc toutes les deux déjà pour l'entrée au domicile.

90.

Il reste toutefois que la question de savoir si cette protection constitutionnelle s'applique aux locaux commerciaux des personnes morales ne semble pas définitivement réglée. Par ailleurs, l'autorisation judiciaire préalable n'est pas nécessaire en cas de consentement de la personne concernée. C'est ce que la Cour constitutionnelle confirme expressément dans une décision qu'elle a rendue le 9 janvier 1987 dans le cadre d'une procédure préalable de contrôle de la constitutionnalité des dispositions du nouveau code pénal entré en vigueur le 1er janvier 1988.

91.

Signalons encore que le projet de décret-loi devant être adopté pour mettre en œuvre l'article 14, paragraphe 6, du règlement n° 17 semble prévoir l'imposition d'amendes aux entreprises qui refuseraient de collaborer aux vérifications ordonnées par la Commission.

92.

Au Royaume-Uni, le principe de la souveraineté absolue du parlement fait qu'il n'y a pas de protection constitutionnelle, stricto sensu, des droits fondamentaux. Les tribunaux se reconnaissent toutefois traditionnellement le droit de veiller au respect des libertés fondamentales que le citoyen tient de la Common Law et le législateur s'en inspire généralement pour adopter des mesures de protection conformes à leur jurisprudence.

93.

Tel est notamment le cas en ce qui concerne le droit à l'inviolabilité du domicile, qui protège également les locaux commerciaux.

94.

Toutefois, certaines législations, notamment en matière de TVA et dans le domaine de la sécurité sociale, permettent à l'administration d'entrer dans les locaux commerciaux, de les inspecter et de demander la production de leurs documents professionnels sans autorisation judiciaire. Ce n'est qu'en cas de recours à la force pour entrer dans les locaux et pour les fouiller qu'un mandat judiciaire préalable est requis.

95.

Le parlement britannique n'a pas pris de mesures spécifiques en application de l'article 14, paragraphe 6, du règlement n° 17. En cas de nécessité, le consentement de l'entreprise peut être assuré par une ordonnance de la High Court, qui peut être sollicitée sans délais. Ces « orders » n'autorisent pas à entrer avec force au cas où l'entreprise continue à s'opposer à la vérification, mais un deuxième refus peut donner lieu à l'emprisonnement immédiat de la personne concernée.

96.

Nous nous permettons d'observer en passant qu'on peut se demander si cette procédure, en subordonnant la sanction à un deuxième refus, ne permet pas trop facilement à l'entreprise de faire disparaître tous les documents compromettants.

97.

Il résulte de cette brève étude de droit comparé qu'il ne saurait y avoir de doute — la Commission le reconnaît bien volontiers — que le droit fondamental à l'inviolabilité du domicile est commun aux traditions constitutionnelles de tous les États membres.

98.

Ce droit trouve par ailleurs une expression spécifique dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ratifiée par tous les États membres, et dont l'article 8, paragraphe 1, prévoit que « toute personne a droit au regard de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

99.

Le droit à l'inviolabilité du domicile doit dès lors être considéré comme étant l'un des droits fondamentaux dont toutes les institutions de la Communauté doivent assurer le respect.

100.

La question se pose toutefois de savoir si ce principe protège également les locaux professionnels des personnes morales et quelles doivent être, en pareil cas, l'étendue et les modalités de cette protection.

101.

Comme nous l'avons vu, la situation n'est pas univoque dans tous les États membres. Dans certains États, la question n'est pas définitivement et clairement réglée. Dans d'autres, elle est résolue par la négative. Tel est notamment le cas en Irlande et aux Pays-Bas, où les notions de « dwelling » et « woning » font que la protection du droit au respect du domicile est considérée comme ne s'appliquant qu'au domicile privé des personnes qui y habitent.

102.

Par ailleurs, la question n'est pas encore définitivement et clairement élucidée pour ce qui concerne l'article 8 de la convention européenne. Le professeur Frowein lui-même, dans son commentaire datant de 1985 ( 11 ), s'est prononcé contre l'assimilation des locaux commerciaux au domicile des personnes privées.

103.

Au-delà de ces divergences, il y a toutefois lieu de constater une tendance générale allant dans le sens d'une telle assimilation au niveau des droits nationaux. Dans la très grande majorité des États membres, en tout cas, l'inspection des locaux commerciaux est soumise, en vertu de lois spéciales, à des conditions de formes et de procédures plus ou moins strictes. Avec la Commission, nous vous proposons donc d'admettre expressément l'existence au niveau communautaire du droit fondamental à l'inviolabilité des locaux commerciaux.

104.

Il est vrai que, dans votre arrêt National Panasonic ( 12 ), où vous étiez confrontés au problème de savoir si, notamment, le fait que le règlement n° 17 permet à la Commission de procéder à des vérifications sans communication préalable à l'entreprise concernée constitue une violation dudit droit, vous aviez conclu que tel n'est pas le cas sans avoir expressément, au préalable, constaté que l'article 8 de la convention européenne s'applique aux personnes morales (voir le point 19, Rec. 1980, p. 2057: «pour autant qu'il s'applique à des personnes morales »).

105.

Mais, dans votre arrêt du 14 avril 1960, Acciaieria e Tubificio di Brescia/Haute Autorité (31/59, Rec. p. 151, 173), vous aviez constaté que « le droit au respect de la vie privée (s'étend) aux locaux professionnels, qu'il s'agisse de ceux d'un individu ou de ceux d'une société » ( 13 ).

106.

Il résulte cependant de la comparaison des droits nationaux qui précède que, même dans les États membres où la garantie constitutionnelle de l'inviolabilité du domicile est étendue aux locaux professionnels, elle ne s'applique cependant pas avec la même intensité qu'au domicile privé.

107.

Dans les domaines économique, fiscal et social, il existe, dans les différents droits nationaux, une multitude de mesures d'inspection à intensité variable allant de la simple demande de renseignements jusqu'à la recherche de documents avec recours à la force publique. Les notions utilisées pour décrire ces mesures sont diverses (inspection, contrôle, enquête, recherche, perquisition...) et ne recouvrent pas dans tous les droits les mêmes réalités.

108.

D'autre part, même en Allemagne, au Danemark, en Espagne, en France, en Italie et au Portugal, où le droit constitutionnel lui-même exige un contrôle judiciaire préalable, cette exigence n'est pas absolue. Au Danemark, une loi peut y déroger. En Espagne et au Portugal, en vertu de la Constitution elle-même, l'autorisation judiciaire n'est pas exigée si la personne concernée donne son consentement à la perquisition. En Italie, des vérifications et inspections notamment à des fins économiques et fiscales sont réglées par des lois spéciales.

109.

Enfin, pour ce qui concerne le domaine de la concurrence, même en Allemagne et en France, aucun mandat judiciaire préalable n'est requis pour l'accès aux locaux ni pour le contrôle des documents que les entreprises présentent elles-mêmes. Ce n'est que dans la mesure où les inspecteurs veulent rechercher eux-mêmes activement des documents qui ne leur sont pas présentés volontairement qu'un tel mandat est nécessaire.

110.

Il est également intéressant de noter que, dans le même domaine de la concurrence, les droits espagnol et hellénique, en dépit de leurs exigences constitutionnelles, n'exigent pas de mandat judiciaire préalable dans le cas d'inspections dans les locaux professionnels, même si elles doivent être exécutées en recourant à la force.

111.

Finalement, dans ceux des États membres qui, comme l'Allemagne, le Danemark et la France, subordonnent le recours à la force à la délivrance préalable d'un mandat judiciaire, les entreprises peuvent se voir ordonner de se soumettre à des inspections et de coopérer à des enquêtes sous la menace de sanctions telles que des amendes ou astreintes, sans que, pour autant, une intervention judiciaire préalable soit requise.

112.

La convention européenne des droits de l'homme, de son côté, consacre expressément le droit du législateur de déroger, à certaines conditions, au principe de l'inviolabilité du domicile. Le paragraphe 2 de l'article 8 de cette convention est en effet rédigé de la manière suivante:

«2.

Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection des droits et libertés d'autrui. »

113.

Dans son arrêt National Panasonic, la Cour a implicitement reconnu que l'article 14 du règlement n° 17 constitue une disposition légale répondant à ces conditions, puisqu'elle a constaté

« qu'il ressort des septième et huitième considérants du règlement n° 17 (que) les pouvoirs conférés à la Commission par l'article 14 de ce règlement ont pour but de permettre à celle-ci d'accomplir la mission, qui lui est confiée par le traité CEE, de veiller au respect des règles de concurrence dans le marché commun. Ces règles ont pour fonction, ainsi qu'il ressort de l'alinéa 4 du préambule du traité, de l'article 3, sous f), et des articles 85 et 86, d'éviter que la concurrence ne soit faussée au détriment de l'intérêt général, des entreprises individuelles et des consommateurs. L'exercice des pouvoirs conférés à la Commission par le règlement n° 17 concourt au maintien du régime concurrentiel voulu par le traité dont le respect s'impose impérativement aux entreprises. Dans ces conditions, il n'apparaît donc pas que le règlement n° 17, en conférant à la Commission les pouvoirs de procéder à des vérifications sans communication préalable, comporte une atteinte au droit invoqué par la requérante ».

114.

Même si, dans l'affaire National Panasonic, c'était l'absence de communication précédant la vérification qui faisait l'objet de la contestation, on peut, à notre avis, déduire de cet arrêt qu'aux yeux de la Cour les pouvoirs de vérification prévus par l'article 14 du règlement n° 17 remplissent les conditions posées par l'article 8, paragraphe 2, de la convention européenne des droits de l'homme.

115.

A l'appui de cette conclusion, on peut aussi citer l'arrêt du 23 septembre 1986, AKZO Chemie/Commission (affaire 5/85, Rec. 1986, p. 2585, 2612 et 2613), dans lequel on peut lire ce qui suit:

« Les parties admettent elles-mêmes que, si les conditions de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 sont satisfaites, une décision ordonnant à une entreprise de se soumettre à une vérification n'est pas contraire aux principes fondamentaux inscrits dans l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi qu'il résulte de l'examen des deux premiers moyens, tel est le cas en l'espèce. Il convient donc de rejeter aussi le troisième moyen » (point 27).

116.

Nous sommes dès lors amenés à conclure qu'il résulte tant d'une comparaison des droits nationaux que de l'analyse que la Cour a d'ores et déjà faite de l'article 14 du règlement n° 17, à la lumière de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, que l'exercice des pouvoirs que l'article 14, paragraphe 3, de ce règlement confère à la Commission ne saurait poser de problèmes au regard du principe de l'inviolabilité du domicile des entreprises, nonobstant le fait que ces pouvoirs s'exercent sous la menace d'une astreinte et d'une amende.

117.

Rappelons cependant encore une fois que la procédure de vérification instaurée par l'article 14, paragraphe 3, du règlement est à notre avis fondée sur le principe de la collaboration des entreprises et que, si elle permet aux agents de la Commission de demander la présentation de n'importe quel dossier ou document pour vérifier s'il comporte des informations qui ont trait à l'objet de la vérification, il ne comporte pas le droit pour ceux-ci de fouiller eux-mêmes des meubles et d'en retirer les documents qu'ils contiennent.

118.

Les droits des entreprises sont suffisamment protégés par la possibilité qu'ont celles-ci d'attaquer devant notre Cour la validité des décisions de vérification et de demander qu'il soit sursis à leur exécution. Rappelons aussi que, au cas où une décision de vérification serait annulée par la Cour, après que l'enquête a eu lieu, la Commission ne serait pas en droit d'utiliser les documents trouvés par elle.

119.

Par contre, chaque fois qu'une entreprise s'oppose à l'entrée des agents de la Commission dans ses bâtiments ou dans un local donné, ainsi qu'au cas où elle refuse d'ouvrir un meuble fermé à clef ou de mettre certains documents contenus dans un meuble ou même dans la mallette d'un employé de l'entreprise entre les mains des agents de la Commission, et lorsque cette attitude est formellement constatée par un procès-verbal, on se trouve dans la situation visée à l'article 14, paragraphe 6.

120.

On entre alors dans un tout autre domaine, à savoir celui de l'exécution forcée d'une décision communautaire, qui ne peut être assurée que par les autorités nationales compétentes. On peut donc dire que c'est l'opposition de l'entreprise qui transforme la vérification en une procédure du type perquisition. Or, les autorités nationales ne peuvent exercer la contrainte que dans les conditions prévues par le droit de leur pays. Dans tous les cas où ce droit subordonne une telle procédure à l'obtention préalable d'un mandat ou d'une décision judiciaire, ce mandat ou cette décision doivent donc être obtenus par les autorités nationales compétentes.

121.

Voyons maintenant quelles sont les conséquences qui se dégagent de ce qui précède pour la solution des litiges dont nous sommes saisis.

C — Application des principes de solutions proposés aux présentes affaires

122.

1. L'entreprise Hoechst AG demande l'annulation de la décision de vérification du 15 janvier 1987«dans la mesure où elle inclut la compétence à effectuer une perquisition, en particulier en ce qui concerne la compétence à examiner des locaux et des lieux de rangement pour voir s'il contiennent des documents professionnels et, le cas échéant, lesquels ».

123.

Les autres requérantes soutiennent que les agents de la Commission se seraient effectivement livrés à la fouille de leurs archives et de certains biens personnels (mallette, agenda). Elles demandent en conséquence de déclarer nulles soit les décisions elles-mêmes dans la mesure où elles autorisent cette façon de procéder, soit l'exécution de la décision par les agents de la Commission.

124.

Rappelons tout d'abord qu'au début des présentes conclusions nous avons déjà réfuté l'allégation de Hoechst suivant laquelle même la présentation volontaire de documents commerciaux, en vue de donner suite à une décision de vérification, constitue une perquisition lorsque la Commission ne connaît ni la nature précise ni les détails des documents présentés.

125.

Nous venons de constater, en second lieu, qu'une vérification fondée sur la collaboration de l'entreprise dans le cadre de laquelle les agents de la Commission ne fouillent pas eux-mêmes les locaux et les meubles, mais se contentent de demander qu'on remette entre leurs mains les documents qu'ils désignent (même en termes très généraux), ne saurait poser de problèmes au regard du droit fondamental à l'inviolabilité du domicile. Or, c'est ce type de vérification qui est prévu par l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, dont les termes sont simplement rappelés dans les décisions de vérification.

126.

Reste cependant le fait que la Commission interprète ses pouvoirs d'une manière plus large, à savoir en ce sens que ses agents auraient un droit de fouille active même en l'absence d'un mandat judiciaire. Cela pose le problème de savoir si une décision peut être déclarée illégale, non en raison des termes dans lesquels elle est rédigée, mais en raison de l'interprétation que l'institution qui en est l'auteur lui donne et de l'attitude pratique qu'elle croit pouvoir adopter sur la base de cette interprétation.

127.

Nous estimons qu'il faut répondre par la négative à cette question. Les pouvoirs des agents de la Commission ne résultent pas des décisions de vérification, mais de la loi, à savoir l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17. Les décisions de vérification ne font qu'appliquer ces pouvoirs à un cas concret en rappelant, à l'intention de l'entreprise concernée, les pouvoirs dont sont investis les agents de la Commission. Tant que les termes de la décision de vérification sont, comme c'est le cas en l'espèce, pleinement conformes à ceux de la disposition habilitante (l'article 14, paragraphe 3), la décision ne saurait être entachée d'illégalité. Par contre, un comportement des inspecteurs dépassant les limites tracées par une telle décision de vérification est de nature à avoir des conséquences pour la validité de la suite de la procédure, c'est-à-dire la validité d'une décision éventuelle de la Commission constatant une violation de l'article 85 du traité.

128.

Les décisions du 15 janvier 1987 ordonnant des vérifications dans les locaux des entreprises Hoechst AG, Dow Benelux NV, Dow Chemical Ibérica SA, Alcudia SA et Empresa Nacional del Petróleo SA ne sauraient dès lors être considérées comme illégales.

129.

2. Mais quelles conséquences faut-il tirer des développements qui précèdent en ce qui concerne la validité de la fixation d'une astreinte? A cet égard, nous estimons que, à partir du moment où une entreprise refuse de mettre entre les mains des inspecteurs de la Commission tous les documents désignés (même en des termes très généraux) par ceux-ci, elle peut être condamnée à une astreinte. Il faut cependant que ce refus soit constaté d'une manière ne laissant place à aucun doute. En l'occurrence, cela doit se faire par l'établissement d'un procès-verbal.

130.

Il résulte en effet de la réponse fournie par la Commission à la question posée par la Cour au sujet des instructions qu'elle a données à ses agents que ceux-ci commencent par demander aux représentants de l'entreprise si celle-ci accepte de se soumettre à la vérification. Si l'entreprise refuse de s'y soumettre ou prétend s'y soumettre tout en la rendant impossible, un procès-verbal faisant état du refus est établi et signé par la Commission, par l'entreprise (si elle le souhaite) et par le représentant de l'État membre intéressé. Les agents de la Commission quittent alors le terrain de l'entreprise et prennent immédiatement contact avec la Commission pour obtenir une décision d'application de l'article 14, paragraphe 6.

131.

Que s'est-il passé concrètement dans le cas de Hoechst? Lors de la première visite des agents de la Commission, le 20 janvier 1987, il a été constaté dans un procès-verbal signé par le conseiller juridique de l'entreprise que celle-ci refusait purement et simplement la vérification (annexe 2a à la requête).

132.

Lorsque ces agents se sont présentés pour la deuxième fois dans l'entreprise, le 22 janvier 1987, le conseiller juridique a également déclaré que tout agissement des agents de la Commission fondé sur la décision du 15 janvier 1987 devait être qualifié d'illicite et que les représentants de l'entreprise, sans opposer une résistance active, refuseraient toute participation aux vérifications (annexe 2b à la requête).

133.

Le 23 janvier 1987, les agents de la Commission, toujours accompagnés de représentants du Bundeskartellamt, ont demandé entre autres la présentation de documents professionnels supposés se trouver dans des lieux fermés à clé. Or, nous lisons dans le procès-verbal de cette visite que le conseiller juridique « a refusé de présenter les documents professionnels requis et a notamment rejeté la demande visant à l'ouverture du meuble fermé à clé » (annexe 2c à la requête).

134.

Le représentant de l'autorité nationale compétente estimant ne pas avoir le pouvoir d'ouvrir de force le meuble en question en l'absence d'un mandat de perquisition, la procédure de vérification s'est arrêtée là.

135.

L'entreprise Hoechst s'est donc opposée à trois reprises à toute forme de vérification, donc aussi à une forme de vérification ne comportant que la production, par les responsables de la firme eux-mêmes, des dossiers requis par les agents de la Commission. Cette dernière institution était ainsi pleinement en droit d'infliger une astreinte à l'entreprise.

136.

Rappelons en effet que la vérification qui a finalement pu avoir lieu chez Hoechst, les 2 et 3 avril 1987, n'a pu être effectuée, ainsi que la Commission le rappelle à la page 6 de sa duplique, qu'en raison de l'existence à ce moment-là d'un mandat de perquisition, car, dans le procès-verbal du 2 avril 1987, le conseiller juridique de la firme a tenu à faire figurer la mention suivante:

« compte tenu du fait qu'il existe désormais un mandat de perquisition délivré par le juge, la société Hoechst AG se soumet à la vérification et à la perquisition » (non souligné dans le texte original).

137.

3. Il nous reste à dire un mot de l'attitude adoptée par les autres entreprises requérantes.

A la différence de Hoechst, ces entreprises ne se sont pas opposées aux vérifications, mais il semble bien que, dans le cadre de celles-ci, les agents de la Commission aient fouillé des armoires, des tiroirs ainsi que la mallette et l'agenda d'un responsable d'une des entreprises. Les entreprises soutiennent que leurs dirigeants présents sur les lieux auraient émis à ce propos des protestations orales. La Commission affirme, au contraire, qu'ils auraient donné leur accord pour que ses fonctionnaires puissent fouiller toutes les armoires et tous les bureaux.

138.

Que faut-il penser de cette controverse? Force est de constater, tout d'abord, qu'il est impossible d'établir à ce stade ce qui s'est réellement passé, car aucun témoin neutre n'a assisté à ces opérations de vérification. Il est certain, en second lieu, que, si les responsables d'une entreprise sont d'accord pour que les agents de la Commission retirent eux-mêmes des documents des armoires et des tiroirs, la procédure ne saurait être considérée, de ce fait, comme viciée. Enfin, ainsi que nous venons de l'exposer, les entreprises sont expressément averties de la possibilité qu'elles ont de s'opposer à la vérification — et donc aussi à la forme que les agents de la Commission s'apprêtent à donner à celle-ci — et de faire acter cette opposition dans un procès-verbal, ce qui entraîne le départ des agents de la Commission.

139.

Or, les dirigeants de Dow Benelux et ceux des trois entreprises espagnoles n'ont pas fait acter leur prétendue opposition à la recherche de documents de la part des agents de la Commission. Ces entreprises doivent dont être considérées comme ayant toléré la vérification dans la forme où elle a été effectuée, de telle sorte qu'il ne saurait être question de déclarer illicite l' exécution de la décision qui les concerne, à supposer même que cela soit, en principe, possible. La suite de la procédure menée à leur égard par la Commission n'est pas non plus entachée d'illégalité.

140.

En résumé, nous vous proposons donc de rejeter les demandes des requérantes pour autant qu'elles allèguent le non-respect du droit fondamental à l'inviolabilité du domicile.

D — Le rôle des juridictions nationales et les compétences appartenant ou susceptibles d'être attribuées à la Cour de justice

141.

Nous avons conclu ci-dessus que, dans les cas où il résulte du droit national qu'une vérification opérée contre l'opposition de l'entreprise constitue une perquisition nécessitant un mandat judiciaire, il appartient aux autorités nationales compétentes de se procurer un tel mandat. A notre avis, l'examen auquel le juge national se livrera ne saurait cependant porter sur la légalité de la décision de vérification de la Commission. Seule la Cour de justice est en effet compétente pour annuler ou déclarer invalide un acte d'une institution de la Communauté. Dans son arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost et HZA Lübeck-Ost (314/85), la Cour a dit pour droit que, même si les juridictions nationales peuvent examiner la validité d'actes des institutions communautaires et éventuellement conclure qu'ils sont pleinement valides (point 14), elles ne sont pas pour autant compétentes pour constater elles-mêmes leur invalidité (point 20). Elle a déduit cette conclusion de la nécessité d'une application uniforme du droit communautaire et de la nécessaire cohérence du système de protection juridictionnelle institué par le traité. Il est vrai qu'au point 19 du même arrêt la Cour a indiqué que

« des aménagements à la règle selon laquelle les juridictions nationales ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l'invalidité des actes communautaires peuvent s'imposer sous certaines conditions dans l'hypothèse du référé... ».

142.

Nous estimons cependant que, lorsqu'il s'agit de l'exécution d'une vérification, un « aménagement » à cette règle ne serait pas justifié. On devrait appliquer ici par analogie l'article 192 du traité, relatif à l'exécution forcée. Suivant ce texte, l'exécution forcée des décisions du Conseil ou de la Commission qui comportent une obligation pécuniaire est régie par les règles de la procédure civile en vigueur dans l'Etat sur le territoire duquel elle a lieu, mais la formule exécutoire est apposée, sans autre contrôle que celui de la vérification de l'authenticité du titre, par l'autorité nationale que le gouvernement de chacun des États membres a désignée à cet effet.

143.

Or, si, pour l'exécution d'une amende, opération qui comporte incontestablement une atteinte au droit de propriété, il est apparu possible de limiter l'intervention des autorités nationales à la vérification de l'authenticité de la décision, on ne voit pas pourquoi, en matière de perquisition, le juge national devrait être en droit de vérifier la légalité de la décision de la Commission, puisque l'entreprise peut en tout cas mettre en cause cette décision par un recours fondé sur l'article 173. Si la décision de vérification est annulée, la Commission ne pourra faire aucun usage des informations obtenues. Mais peut-être faudra-t-il, dans certains États membres, légiférer afin de compléter dans ce sens les dispositions nationales adoptées en vue de l'exécution de l'article 14, paragraphe 6, du règlement n° 17.

144.

Jusqu'à présent, le système instauré par le règlement n° 17 a pu fonctionner à peu près correctement parce que aucune entreprise n'a vraiment empêché le déroulement des opérations de vérification. Hoechst ayant montré l'exemple, il est à craindre qu'à l'avenir le mécanisme de l'article 14, paragraphe 3, ne soit rendu en pratique inopérant par une prolifération de manifestations formelles d'opposition de la part des entreprises. Celles-ci sont susceptibles d'exiger à chaque fois la production d'un mandat de perquisition de telle sorte que la Commission perdra le bénéfice de l'effet de surprise. Les vérifications risquent ainsi de devenir totalement infructueuses.

145.

Si elle veut éviter cela, la Commission sera logiquement amenée à demander dans chaque cas aux autorités nationales compétentes de se faire délivrer, à titre préventif, un mandat de perquisition ou un « court order » qu'elles pourraient exhiber dès qu'il s'avère que l'entreprise n'est pas disposée à se soumettre, en tout ou en partie, à la vérification. Notons que, dans son rapport du 15 mai 1984, le « Select Committee on the European Communities » de la House of Lords ( 14 ) avait déjà relevé la nécessité d'une telle façon de procéder au moins dans les cas où une opposition est à craindre, ainsi que la possibilité de l'appliquer en Angleterre et au pays de Galles (point 45 du rapport).

146.

Il serait cependant de loin préférable qu'un mandat judiciaire puisse être accordé aux agents de la Commission eux-mêmes par la Cour de justice des Communautés européennes.

147.

C'est en effet cette Cour qui statuera sur un éventuel recours introduit contre la décision de vérification, sur une demande de sursis à exécution ou sur un éventuel recours en annulation introduit contre la décision finale de la Commission condamnant l'entreprise pour violation de l'article 85 ou de l'article 86. Il serait dès lors logique qu'elle puisse aussi contrôler, avant que la vérification n'ait lieu et à la demande de la Commission, si les indices d'une contravention aux règles de concurrence dont dispose celle-ci sont suffisamment concrets. Cela rendrait superfétatoire toute demande de sursis à exécution de la part de l'entreprise.

148.

Un argument supplémentaire qui plaide en faveur d'un tel « mandat de perquisition européen » réside dans le fait que, lorsque la Commission estime devoir se livrer à des vérifications simultanées dans différents pays, les mandats requis ne pourront peut-être pas toujours être obtenus à temps dans tous ces pays.

149.

Dans l'expertise juridique qu'il a établie à la demande de la société Hoechst (annexe 6 à la réplique), le professeur Dr Frowein a exprimé l'opinion qu'on peut d'ores et déjà déduire une telle compétence de la Cour de justice des Communautés européennes du système communautaire et de ses structures ainsi que du principe suivant lequel la Communauté garantit le respect des droits fondamentaux.

150.

Cette thèse est très séduisante, d'autant plus que le traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique prévoit, en son article 81, une procédure de ce type en matière de contrôle de sécurité. Cet article dispose notamment qu'en cas d'opposition à l'exécution d'un tel contrôle

« la Commission est tenue de demander au président de la Cour de justice un mandat, afin d'assurer, par voie de contrainte, l'exécution de ce contrôle. Le président de la Cour de justice décide dans un délai de trois jours.

S'il y a péril en la demeure, la Commission peut délivrer elle-même, sous forme d'une décision, un ordre écrit de procéder au contrôle. Cet ordre doit être soumis sans délai, pour approbation ultérieure, au président de la Cour de justice ».

151.

On pourrait donc faire valoir que, dans le cas où ils ont immédiatement arrêté une procédure de contrôle détaillée, à savoir l'article 81 Euratom, les États membres ont prévu un mandat du président de la Cour de justice et qu'il devrait dès lors être possible d'appliquer par analogie cette même solution dans le cadre de la procédure de contrôle que le Conseil a été chargé d'établir en vertu de l'article 87 du traité CEE ( 15 ).

152.

A cela, on peut objecter que la Cour ne saurait appliquer, de sa propre initiative, dans le cadre du traité CEE, une solution précisément non prévue par celui-ci, contrairement à un autre traité signé à la même date, et qu'il faudrait pour le moins que le Conseil reprenne le contenu de l'article 81 CEEA dans une version modifiée du règlement n° 17. A cet effet, le Conseil pourrait d'ailleurs se fonder sur l'article 164 du traité CEE, qui confère d'une façon générale à la Cour la mission d'assurer le respect du droit dans l'interprétation et l'application du traité.

153.

La seule solution non susceptible d'être critiquée consisterait évidemment à compléter le traité CEE lui-même. On pourrait d'ailleurs saisir cette occasion pour exclure expressément la possibilité d'un sursis à l'exécution d'une décision de vérification sur la base de l'article 185, car un tel sursis permet la destruction de toutes les pièces compromettantes. L'apposition de scellés sur les armoires et les archives de l'entreprise, suggérée par la Commission, ne nous semble en effet pas de nature à offrir une garantie suffisante et cette solution est sans doute difficile à réaliser en pratique.

154.

Quoi qu'il en soit, il ne nous semble pas nécessaire que vous vous prononciez sur ces questions dans le cadre des présentes affaires et nous nous limiterons dès lors aux réflexions que nous venons de faire sans vous proposer d'opter pour l'une ou pour l'autre des possibilités envisagées.

II — Quant au moyen tiré d'une violation de formes substantielles

155.

Selon Hoechst, la décision de vérification violerait le principe de collégialité, parce qu'elle aurait été adoptée par un seul membre de la Commission, et non pas par le collège, bien qu'en fait elle soit désignée comme une décision de la Commission.

156.

La décision a effectivement été adoptée par le membre de la Commission chargé des questions de concurrence, qui, en vertu d'une décision interne du 5 novembre 1980, est compétent pour prendre au nom de la Commission certaines mesures procédurales prévues par le règlement n° 17, et notamment pour ordonner à une entreprise de se soumettre à une vérification au titre de l'article 14, paragraphe 3.

157.

Dans son arrêt AKZO du 23 septembre 1986 (affaire 5/85, Rec. p. 2585), la Cour avait examiné en détail la question de la légalité de cette habilitation accordée à un seul membre de la Commission. Elle a abouti à la conclusion que

« la décision du 5 novembre 1980, habilitant le membre de la Commission chargé des questions de concurrence à prendre, au nom et sous la responsabilité de la Commission, une décision au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, ordonnant aux entreprises de se soumettre à des vérifications, ne porte pas atteinte au principe de collégialité inscrit dans l'article 17 du traité de fusion » (point 40).

158.

Si ce membre peut donc valablement prendre une telle décision, il le fait au nom de la Commission, qui en assume la pleine responsabilité (point 36 de l'arrêt). Il ne saurait donc y avoir aucune objection à ce qu'elle soit désignée comme une décision de celle-ci.

159.

Hoechst suggère à la Cour de réexaminer cette jurisprudence à la lumière du principe « nulla poena sine lege ». Selon elle, le non-respect d'une décision ordonnant une vérification sur base de l'article 14, paragraphe 3, étant passible d'une amende selon l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 17, la Commission aurait modifié par une simple mesure d'administration interne affectant l'article 14 les conditions pouvant entraîner le prononcé d'une amende au titre de l'article 15.

160.

Ce raisonnement n'est pas convaincant. L'article 15 n'ajoute rien à la définition de l'infraction qu'il est destiné à sanctionner. L'infraction consiste dans la violation par une entreprise de son obligation de se soumettre aux vérifications telles que définies à l'article 14, paragraphe 1, et concrétisées dans la décision prise sur base du paragraphe 3. La sanction aussi bien que l'infraction sont donc définies dans la loi et elles ne sont aucunement affectées dans leur contenu par l'habilitation en question.

161.

Ce qui précède nous permet également de rejeter les arguments tirés par les sociétés espagnoles de la forme prétendument défectueuse des décisions octroyées. Celles-ci restant des décisions de la Commission même si elles sont prises en vertu de l'habilitation accordée à un de ses membres, le fait qu'elles sont présentées comme des décisions de la Commission renseigne correctement sur l'identité de l'organe de décision.

162.

De même, la Cour ayant expressément constaté, dans son arrêt AKZO, précité, que le système d'habilitation ici en cause « n'a pas pour effet de dessaisir la Commission en transférant au membre habilité un pouvoir propre » (point 36), elles ont été effectivement adoptées en vertu du pouvoir de décision dont celle-ci est investie, quelle que soit par ailleurs la procédure suivie et même si elles sont signées par un seul membre de la Commission, en l'occurrence celui auquel l'habilitation a été accordée.

163.

Enfin, le fait que les décisions notifiées aux destinataires se terminent par la formule « par la Commission, P. Sutherland, membre de la Commission », sans pour autant porter la signature de celui-ci, ne saurait être constitutif d'un vice de forme substantiel. En effet, les requérantes ne pouvaient en aucun cas se méprendre sur le fait qu'il s'agissait de décisions de la Commission, cela d'autant plus qu'elles étaient authentifiées par le cachet de celle-ci et par la signature de son secrétaire général et qu'elles leur avaient été remises par des agents de la Commission dûment mandatés aux fins de leur exécution.

III — Quant au moyen tiré d'un défaut de motivation

164.

Toutes les parties requérantes invoquent une violation de l'article 190 du traité ainsi que de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 au motif que les décisions incriminées ne définiraient pas à suffisance l'objet et le but de la vérification qu'elles ordonnent ni ne fourniraient aucune indication sur le moment ou la période durant laquelle les prétendues infractions auraient été commises.

165.

Dow Benelux et les sociétés espagnoles ajoutent que la Commission aurait omis de délimiter géographiquement le marché en cause, de distinguer entre les marchés du PVC et du polyéthylène et, à l'intérieur du marché du polyethylene, entre les trois marchés relatifs aux différents types de cette substance, ainsi que d'indiquer si l'infraction présumée est une entente horizontale, ou verticale, ou les deux.

166.

Rappelons d'abord que l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 définit lui-même les éléments essentiels de motivation d'une décision ordonnant une vérification en prévoyant qu'elle « indique l'objet et le but de la vérification, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues à l'article 15, paragraphe 1, sous c), et à l'article 16, paragraphe 1, sous d), ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision ».

167.

Dans son arrêt National Panasonic, précité, la Cour a jugé suffisamment motivée une décision analogue à celles qui sont en cause en l'occurrence au motif qu'elle satisfaisait aux exigences de cette disposition (Rec. 1980, p. 2059).

168.

Il est vrai qu'en l'espèce le défaut de motivation allégué consistait dans le fait, notamment, que la Commission n'avait pas indiqué les raisons pour lesquelles elle a recouru aux pouvoirs que lui reconnaît l'article 14, paragraphe 3, et non à ceux qu'elle détient en vertu de son paragraphe 2.

169.

Contrairement aux sociétés espagnoles, nous n'en déduisons toutefois pas que les exigences de motivation soient différentes selon que l'on se trouve en présence d'un élément de fond ou d'un simple point de procédure.

170.

D'une façon générale, nous estimons que limiter les exigences de motivation à ce qui est expressément prévu à l'article 14, paragraphe 3, est légitime eu égard à la nature et à la finalité des décisions en cause.

171.

D'une part, en effet, les décisions ordonnant des vérifications, tout comme celles demandant des renseignements au titre de l'article 11, paragraphe 5, constituent des mesures d'instruction, qui doivent être considérées comme de simples décisions de gestion ( 16 ). A ce titre, elles se distinguent clairement d'autres décisions prévues au règlement n° 17 telles celles délivrant des attestations négatives (article 2), ordonnant la cessation des infractions (article 3), portant exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité (article 6) ou révocation d'une exemption (article 8), ou infligeant des amendes (article 15) ou des astreintes (article 16). C'est notamment en raison de cette différence de nature que l'article 19, relatif à l'audition des intéressés et des tiers, ne s'applique pas aux décisions adoptées sur base des articles 14, paragraphe 3, et 11, paragraphe 5 ( 17 ).

172.

D'autre part, la finalité d'une décision ordonnant des vérifications est de permettre à la Commission de « recueillir la documentation nécessaire pour vérifier la réalité et la portée d'une situation de fait ou de droit déterminée » ( 18 ). Par la force des choses, une telle décision ne peut donc contenir une motivation détaillée, précise et complète.

173.

En l'espèce, les décisions attaquées exposent toutes dans leur préambule le but poursuivi, à savoir « permettre à la Commission d'établir tous les faits et d'obtenir une information complète au sujet des accords ou pratiques » (cinquième considérant) qui, s'il est prouvé qu'ils existent, « peuvent constituer une infraction grave à l'article 85, paragraphe 1, du traité » (troisième considérant). Tant au premier considérant qu'à l'article 1er, elles précisent que l'objet de la vérification est la participation éventuelle des entreprises destinataires à des accords ou des pratiques concertées « entre certains producteurs et fournisseurs de PVC et de polyethylene (y compris le LdPE) dans la CEE par lesquels ils ont fixé le prix de vente de ces produits ainsi que des quotas et des « targets ».

174.

Les livres et les documents professionnels que les entreprises doivent produire ainsi que les explications orales qu'elles doivent fournir sont définis par rapport à l'objet de l'enquête ainsi décrit. Le fait qu'ils ne sont pas autrement précisés, voire énumérés, n'est pas, d'une part, comme nous l'avons vu, de nature à étendre outre mesure les pouvoirs des agents de la Commission qui doivent pouvoir s'assurer que des documents relatifs à l'enquête ne leur soient pas cachés. D'autre part, le but de toute vérification est précisément d'établir des faits dont la Commission a des raisons de présumer l'existence ainsi que de compléter et de consolider des informations parfois sommaires dont elle dispose; son pouvoir de vérification doit donc nécessairement porter sur des documents qu'elle ne connaît pas.

175.

Cette dernière observation justifie également qu'elle n'est pas obligée de préciser la date à laquelle ou la période durant laquelle les infractions présumées auraient été commises: c'est également pour se procurer ces données que la Commission entreprend une vérification.

176.

Il en va de même de la définition du type de l'infraction (entente horizontale ou verticale) ainsi que de la délimitation précise du marché en cause sur lequel elle aurait été commise. Ce n'est que dans une éventuelle décision de la Commission constatant l'existence effective d'une infraction à l'article 85 du traité que ces précisions doivent figurer.

177.

Aussi, le fait que Dow Benelux ne produit pas de PVC et que Dow Ibérica et Alcudia ne produisent ni ne commercialisent cette substance ne saurait-il être de nature à justifier l'annulation d'une décision de vérification portant sur l'« existence d'accords ou de pratiques concertées entre certains producteurs et fournisseurs de PVC et de polyéthylene ». Elles sont susceptibles d'être parties à de tels accords ou pratiques en tant que simples fournisseurs de PVC ou en tant que producteurs et fournisseurs de polyéthylene. C'est au moment de prendre des décisions finales constatant une infraction à l'article 85 du traité que la Commission doit tenir compte de la part effective qu'elles ont prise et du rôle exact qu'elles ont joué dans une telle entente ainsi que du degré de leur participation pour ce qui concerne chacun des marchés en cause.

178.

La même chose vaut pour EMP, qui ne produit ou ne commercialise ni du PVC ni du polyéthylène, mais est l'actionnaire majoritaire d'Alcudia. Abstraction faite de ce qu'une entreprise peut être partie à des accords sans contribuer matériellement à leur exécution en produisant et commercialisant les produits sur lesquels ils portent, il est de jurisprudence constante que « la circonstance que la filiale a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société mère, notamment lorsque la filiale, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère » ( 19 ). Celle-ci peut donc se voir imputer une infraction aux règles de la concurrence du moment qu'elle peut influencer de manière déterminante le comportement de sa filiale et a effectivement fait usage de ce pouvoir. C'est pour vérifier si tel a été le cas que la Commission doit pouvoir procéder à des vérifications également auprès de la société mère. Si elle devait constater que la filiale disposait en la matière d'une autonomie commerciale telle que son comportement ne peut pas être imputé à la société mère, la Commission devrait en tenir compte lors de l'adoption de la décision finale.

Nous concluons de l'ensemble de ce qui précède que les décisions incriminées sont suffisamment et correctement motivées.

IV — Quant au moyen tiré de l'absence ou de l'indétermination des preuves

179.

Toutes les parties requérantes font observer que les décisions incriminées n'indiquent pas clairement sur quelles « informations » ou « preuves » la Commission s'est fondée pour ordonner les vérifications litigieuses.

180.

Tandis que Hoechst présente ce grief dans le contexte de la motivation de la décision, les sociétés espagnoles insistent pour en faire un moyen à part: pour elles, l'adoption d'une décision restrictive de droits subjectifs sans disposer d'indices préalables, concrets, fiables, réels et graves constituerait une violation du principe de légalité. Quant à Dow Benelux, elle voit, dans le fait que la décision serait dépourvue de toute preuve raisonnable, une violation de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17.

181.

Il résulte de ce que nous venons de dire au sujet des exigences de motivation d'une décision de vérification que ces griefs doivent être rejetés.

182.

L'article 14, paragraphe 3, n'exige pas que la Commission concrétise dans sa décision les indices et preuves dont elle dispose. Les pouvoirs qu'elle détient en vertu de cet article servent précisément à vérifier la réalité des informations qui laissent présumer l'existence d'une infraction aux règles de la concurrence.

183.

Dans son arrêt National Panasonic, précité, la Cour a affirmé que le choix par la Commission d'une mesure d'instruction plutôt que d'une autre dépend des nécessités de l'instruction, eu égard aux particularités de l'espèce, et non des circonstances invoquées en l'occurrence par la requérante, telle la gravité de la situation ou l'extrême urgence ( 20 ). Dans la même logique, c'est également à la Commission qu'il incombe d'apprécier elle-même si les informations dont elle dispose justifient une mesure d'instruction telle qu'une vérification.

184.

L'argument de Dow Benelux selon lequel « les pouvoirs d'investigation de la Commission permettraient seulement de vérifier une présomption déterminée, fondée sur des preuves établies » (rapport d'audience dans l'affaire 85/87, p. 10), n'est qu'à moitié exact. Une vérification ne doit effectivement porter que sur une « présomption déterminée »; c'est pourquoi l'article 14, paragraphe 3, exige que l'objet et le but de toute vérification soient précisés. Mais une vérification ne doit pas nécessairement être fondée sur des « preuves établies », sinon elle serait superflue.

185.

Ce raisonnement vaut également pour la prétendue violation du principe de légalité qui, selon Dow Ibérica, Alcudia et EMP, entraînerait la nullité de la décision « par suite de l'inexistence, au moment de son adoption, des faits légalement définis à la base de cette décision qui l'auraient justifiée » (point II.B.2.1, p. 7, des requêtes dans les affaires 97 à 99/87). Au moment de l'adoption d'une décision ordonnant une vérification, ces faits ne sont toujours, par définition, que des faits présumés: la vérification est précisément destinée à les prouver et établir.

186.

Ce principe, ainsi que celui de la sécurité juridique (fin du point II.B.2.2 des requêtes dans les affaires 97 à 99/87), n'est pas non plus affecté parce que les décisions incriminées permettraient d'étendre les vérifications au-delà de preuves ou d'indices concrets préexistants: une vérification ne saurait se limiter aux preuves et indices connus, mais sert également à rassembler d'autres informations sur les faits présumés.

187.

Si ces informations adéquates ne sont pas réunies et les faits présumés pas établis, la Commission devra mettre un terme à son action, sous peine de voir la Cour annuler une éventuelle décision constatant une infraction prise sur base de preuves insuffisantes.

188.

Plus fondamentale est l'objection de Dow Benelux selon laquelle les preuves dont aurait disposé la Commission au moment d'ordonner la vérification auraient été obtenues de manière illicite et, partant, qu'elles seraient elles-mêmes illicites.

V — Quant au moyen tiré de l'obtention illicite des informations ayant provoqué la vérification

189.

C'est au niveau de sa réplique (point 66) que Dow Benelux a présenté cette affirmation comme une explication, parmi d'autres, du refus persistant de la Commission de verser au dossier les informations et éléments de preuve en question, et ce malgré l'invitation implicite qu'elle lui avait adressée en soulevant le moyen de l'absence de toute preuve raisonnable.

190.

Ultérieurement, elle a appris que la Commission aurait obtenu ces informations et éléments de preuve dans le cadre d'une vérification concernant un cartel présumé en matière de polypropylene et Dow Benelux en a conclu que sa supposition initiale était correcte.

191.

Aussi a-telle demandé, par mémoire déposé le 26 octobre 1988, donc après la clôture de la procédure écrite, que la Cour admette l'introduction, dans l'affaire en cours, de ces faits qualifiés de « nouveaux », qui corroboreraient le moyen tiré de l'absence de toute preuve raisonnable ou, subsidiairement, que la Cour accepte les moyens nouveaux d'une violation des articles 14 et 20 du règlement n° 17 qui découleraient desdits faits nouveaux.

192.

Comme, à la suite de l'opposition de la Commission à l'admission tant des faits que des moyens « nouveaux », la Cour a décidé, en date du 23 novembre 1988, de joindre la demande au fond, il y a d'abord lieu d'examiner sa recevabilité.

193.

Dow Benelux a basé sa demande principale sur l'article 91 du règlement de procédure de la Cour, qui dispose, à son paragraphe 1, alinéa 1, que, « si une partie demande que la Cour statue sur une exception ou un incident sans engager le débat au fond, elle présente sa demande par acte séparé ». Elle a basé sa demande subsidiaire sur l'article 42, paragraphe 2, du même règlement de procédure, qui interdit la production de moyens nouveaux en cours d'instance « à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure écrite ».

194.

Il saute aux yeux qu'aucune de ces deux dispositions n'est de nature à s'appliquer directement à la demande de Dow Benelux. L'article 91, faisant partie du titre III du règlement de procédure, intitulé « Des procédures spéciales », ne vise pas l'introduction de faits nouveaux ni de moyens nouveaux dans une procédure « normale », dont le déroulement est réglé au titre II. Il est destiné, comme son libellé l'indique, à permettre aux parties de demander à la Cour de résoudre le litige qui les oppose « sans engager le débat au fond », c'est-à-dire en le limitant à des exceptions ou incidents.

195.

Quant à l'article 42, paragraphe 2, force est de constater que son libellé ne permet pas de prendre en compte des éléments de droit ou de fait qui ne se sont révélés qu'après la fin de la procédure écrite. Est-ce qu'il suffirait, dans une telle hypothèse, de laisser la procédure continuer son cours, quitte à ce que la partie requérante demande ensuite, sur la base de l'article 98, la révision de l'arrêt qui l'a clôturée? La réponse à cette question est négative, car, en vertu de l'article 41 du statut CEE de la Cour, « la révision de l'arrêt ne peut être demandée à la Cour qu'en raison de la découverte d'un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de l'arrêt, était inconnu de la Cour et de la partie qui demande la révision ». Il en résulte qu'un fait décisif qui s'est révélé entre la fin de la procédure écrite et le prononcé de l'arrêt ne saurait être invoqué, ni avant ni après ce prononcé. Une telle lacune n'est guère compatible avec les exigences d'une bonne administration de la justice.

196.

Il résulte par contre de l'article 60 du règlement de procédure que la Cour peut même après la clôture de la procédure orale ordonner de nouvelles mesures d'instruction. Dans son arrêt du 16 juin 1971 ( 21 ), elle a indiqué qu'une demande en ce sens « ne saurait être retenue que si elle porte sur des faits de nature à exercer une influence décisive et que l'intéressé n'avait pu faire valoir avant la clôture de la procédure orale » (point 7).

197.

Par ailleurs, l'article 61 du règlement de procédure permet à la Cour d'ordonner la réouverture de la procédure orale. Dans une ordonnance du 3 décembre 1962 ( 22 ), elle a rejeté une demande de réouverture au motif que les éléments invoqués à son appui étaient connus avant la date de la procédure orale par la partie demandant la réouverture « et qui avait donc loisir de les faire valoir en cours d'audience ».

198.

Il découle de ce qui précède que des faits de nature à exercer une influence décisive sur le litige en cause et qui n'ont pas pu être produits au cours de la procédure écrite peuvent encore être introduits dans le débat lors de la procédure orale, et qu'ils doivent même l'être sous peine de rendre irrecevable ou non fondée toute demande de nouvelles mesures d'instruction ou de réouverture de la procédure orale.

199.

Pour que tels faits soient considérés comme « nouveaux », ils ne doivent pas nécessairement s'être produits après la fin de la procédure écrite, mais il suffit qu'ils ne se soient révélés qu'à ce moment-là à celui qui les invoque ( 23 ).

200.

Aussi, l'argument de la Commission selon lequel les faits invoqués en l'espèce ne seraient pas nouveaux parce qu'elle ne serait pas obligée de faire connaître, lors de la vérification, à l'entreprise concernée ni les informations dont elle dispose ni la manière dont elle les a obtenues (ce qui est exact), ne saurait-il être accueilli. Même si la Commission n'a jamais expressément nié que l'enquête à l'encontre de Dow Benelux était également fondée sur des renseignements qu'elle avait obtenus lors de vérifications précédentes auprès d'autres entreprises et relatives à d'autres produits et infractions, Dow Benelux n'a eu connaissance de cet élément qu'en juillet-août 1988, donc après la fin de la procédure écrite.

201.

Dow Benelux était dès lors en droit de produire le fait nouveau après la fin de la procédure écrite et d'en tirer des conséquences sur le plan juridique en alléguant une violation des articles 14, paragraphe 3, et 20, paragraphe 1, du règlement n° 17.

202.

Nous vous proposons donc de développer encore un peu plus la jurisprudence découlant des arrêts cités en dernier lieu et d'admettre que l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure puisse également s'appliquer à l'introduction de moyens nouveaux basés sur des faits qui se sont révélés après la fin de la procédure écrite. Cette extension permettra toujours à l'autre partie de prendre position à l'égard d'un tel moyen, soit par écrit (article 42, paragraphe 2, alinéa 2), soit oralement, la décision sur la recevabilité du moyen restant réservée à l'arrêt définitif (article 42, paragraphe 2, alinéa 3). En l'espèce, la Commission a même pu faire les deux, d'une part, parce que le mémoire de Dow Benelux du 26 octobre 1988 lui a été communiqué pour observations, d'autre part, parce que la Cour a décidé, le 23 novembre 1988, de joindre la demande au fond.

203.

Venons-en maintenant à l'examen du bien-fondé du moyen tiré de l'obtention illicite de cet élément de preuve.

204.

Selon la requérante, en obtenant dans le cadre de la vérification en matière de polypropylene les informations qui sont devenues la base de la décision de vérification en matière de PVC et de polyethylene, la Commission aurait outrepassé l'objet et le but de la première vérification, violant ainsi l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17. En utilisant ces informations par la suite dans un but autre que celui pour lequel la vérification en matière de polypropylene avait été ordonnée, à savoir dans l'enquête relative au PVC et au polyethylene, elle aurait également violé l'article 20, paragraphe 1, dudit règlement. Rappelons que cet article dispose que « les informations recueillies en application des articles 11, 12, 13 et 14 ne peuvent être utilisées que dans le but pour lequel elles ont été demandées ».

205.

A notre avis, aucun de ces deux arguments ne justifie l'annulation de la décision de vérification ici en cause.

206.

La raison pour laquelle l'article 14, paragraphe 3, prévoit que toute décision de vérification doit indiquer l'objet et le but de celle-ci est d'abord d'éviter que des vérifications ne soient effectuées par la Commission à tout hasard, en l'absence de soupçons concrets. Cela ne saurait cependant obliger les agents de la Commission à fermer les yeux si, au cours d'une vérification portant sur un produit donné, ils trouvent par hasard des indications au sujet d'une entente ou d'une position dominante relative à un autre produit, car la Commission est chargée, d'une façon générale, de déceler les accords, décisions et pratiques concertées interdites par l'article 85, paragraphe 1, ainsi que l'exploitation abusive d'une position dominante interdite par l'article 86 (voir huitième considérant du règlement n° 17). Sinon, les entreprises pourraient même avoir intérêt à glisser de telles données dans les dossiers présentés aux agents de la Commission afin de faire en sorte que l'ouverture d'une procédure au sujet de ces produits devienne impossible.

207.

Mais le but de l'article 14, paragraphe 3, est également de protéger l'entreprise qui s'est vu ordonner de se soumettre à une vérification contre la recherche d'informations sans lien avec l'objet de celle-ci. Aussi ne permet-il pas à la Commission, dans le cadre d'une vérification donnée, de contrôler et de prendre copie de documents qui ne sont pas relatifs à l'enquête ordonnée. Si elle entend se procurer des preuves relatives à une infraction aux règles de la concurrence autre que celle dont elle a supposé l'existence et dont elle a souhaité détecter les preuves, elle ne peut le faire qu'en adressant une demande de renseignements ou en procédant à une nouvelle vérification soit auprès de la même entreprise, soit auprès d'autres entreprises.

208.

L'article 20, paragraphe 1, de son côté, vise à garantir que la Commission n'utilise les renseignements recueillis notamment dans le cadre d'une vérification que pour établir la réalité de l'infraction aux règles de concurrence dont elle a soupçonné l'existence. Mais, si la Commission devait obtenir, lors d'une telle vérification, la preuve de la participation d'autres entreprises à l'infraction soupçonnée, il va de soi qu'elle serait en droit de le constater sans nécessairement devoir passer par une nouvelle vérification auprès de ces entreprises. Celle-ci ne s'impose que si la Commission continue à avoir des doutes sur cette participation et ne réussit pas autrement à l'établir.

209.

L'article 20, paragraphe 1, lui interdit toutefois d'utiliser des preuves trouvées par hasard au cours d'une enquête portant sur le produit A au sujet d'une entente portant sur le produit B pour adresser directement une communication de griefs à toutes les entreprises participant à cette entente.

210.

Mais, en l'occurrence, force est de constater que la Commission n'a utilisé les informations que ses agents ont peut-être trouvées par hasard dans le cadre de l'enquête polypropylène menée auprès d'autres entreprises qui ne sont pas parties aux présents litiges non pas pour établir des infractions commises par celles-ci dans d'autres domaines — ce qui, soit dit en passant, ne serait d'aucune pertinence dans le cadre des présents litiges — ni pour établir que Dow Benelux aurait commis des infractions en matière de PVC et de polyéthylène. La Commission s'est seulement basée sur lesdites informations, obtenues par hasard, pour ordonner des vérifications en ce qui concerne ces derniers produits auprès d'autres firmes, et notamment Dow Benelux. Pour les raisons indiquées ci-dessus, une telle façon de procéder ne saurait être considérée comme incompatible avec les dispositions des articles 14 et 20. La Commission n'a donc pas basé sa décision de vérification en matière de PVC et de polyethylene sur des informations obtenues d'une manière illicite.

VI — Quant aux autres moyens invoqués par Dow Ibérica, Alcudia et EMP

211.

Les sociétés espagnoles ont invoqué plusieurs autres moyens qui leur sont propres et que nous allons examiner successivement ci-après.

212.

a) Selon elles, jusqu'à la date de l'adhésion de l'Espagne à la Communauté, la Commission n'aurait pas eu le pouvoir de procéder à des vérifications auprès d'entreprises espagnoles; après cette date, elle ne saurait donc pas non plus avoir un tel pouvoir pour des comportements et actes antérieurs à l'adhésion.

213.

Les requérantes ne mettent pas en doute la compétence de la Commission de sanctionner des comportements de leur part antérieurs à l'adhésion dans la mesure où ils ont produit et produisent des effets anticoncurrentiels à l'intérieur du marché commun. Dans son arrêt du 27 septembre 1988 dans les affaires jointes « pâte de bois » ( 24 ), la Cour a confirmé l'applicabilité des règles de concurrence du traité à l'égard d'entreprises ayant leur siège social en dehors de la Communauté dès lors qu'elles participent à une concertation qui a pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (points 13 et 14).

214.

Or, il serait pour le moins paradoxal que d'admettre que les entreprises espagnoles puissent être sanctionnées pour des comportements antérieurs à l'adhésion de l'Espagne, mais que des vérifications, auxquelles elles sont obligées de se soumettre depuis l'adhésion, ne puissent pas porter sur ces mêmes comportements, cela d'autant plus que ceux-ci peuvent continuer à produire des effets anticoncurrentiels après l'adhésion.

215.

D'autre pan, des vérifications que la Commission entreprendra auprès de sociétés espagnoles après l'adhésion de l'Espagne peuvent également servir à apporter des preuves contre des entreprises ayant participé aux accords et/ou pratiques soumis à vérification et qui sont établies dans d'autres États membres.

216.

Nous ajoutons que ce n'est pas parce qu'elles portent sur des faits antérieurs à leur adoption que des décisions de vérification auraient un caractère rétroactif. Par nature, elles ne peuvent porter que sur des faits qui se situent dans le passé, quitte à ce que le comportement en question se poursuive dans le présent.

217.

Aussi ne saurait-il pas non plus y avoir une violation des articles 2, paragraphe 2, du traité d'adhésion et 2 de l'acte d'adhésion ( 25 ), qui prévoient que les dispositions des traités originaires et des actes pris par les institutions avant l'adhésion sont applicables dès l'adhésion, fixée au 1er janvier 1986.

218.

En vertu de ces articles, le règlement n° 17 est devenu applicable en Espagne le 1er janvier 1986 et les entreprises espagnoles sont tenues de se soumettre aux vérifications ordonnées depuis lors sur base de son article 14, paragraphe 3, qui ne limite pas la portée dans le temps des vérifications aux faits qui se sont produits depuis l'entrée en vigueur du règlement n° 17.

219.

b) Les requérantes espagnoles font également valoir une violation du droit fondamental à la présomption d'innocence, du fait que les décisions attaquées mentionneraient l'existence de « preuves » — et non seulement de simples indices — de leur comportement anticoncurrentiel.

220.

A ce propos, force est de reconnaître que les deux premiers considérants des décisions de vérification adressées aux trois entreprises espagnoles utilisent à deux reprises l'expression « preuves » là où les décisions adressées à Hoechst et à Dow Benelux parlent d'« informations ». En espagnol, il est dit notamment « La Comisión ha conseguido pruebas que indican la existencia de acuerdos... » (« La Commission a obtenu des preuves qui indiquent l'existence d'accords... ») alors que la décision adressée à Hoechst utilise l'expression « Informationen die den Verdacht begründen daß... » (« Des informations qui motivent le soupçon que... »). Dans la décision destinée à Dow Benelux, on peut lire que «... dat de Commissie informatie heeft ontvangen waaruit het bestaan kan worden afgeleid van overeenkomsten... » (« ... la Commission a reçu des informations dont on peut déduire l'existence d'accords... »).

221.

Ces différences de rédaction sont certainement regrettables, mais il résulte très clairement des considérants suivants de toutes ces décisions que la Commission n'a entendu se référer qu'à des informations qui l'amenaient à soupçonner l'existence d'accords ou de pratiques concertées, et non pas à des preuves concluantes. Ainsi, au troisième considérant des décisions en langue espagnole, on peut lire: « Si se prueba la existencia de tales acuerdos... ello prodría constituir una grave infracción... ») (« Si l'existence de tels accords était prouvée... elle pourrait constituer une infraction grave... »). Au quatrième considérant, il est question de « Los acuerdos y prácticas concertadas de que se sospecha... » (« Les accords et les pratiques concertées soupçonnées... »). Au cinquième considérant figure la même formule ainsi que l'expression « ... las empresas sospechosas de participar en los mismos » (« ... les entreprises soupçonnées de participer à ceux-ci »).

222.

c) Les requérantes espagnoles allèguent encore une violation du principe général de proportionnalité, qui exigerait que, dans l'exercice de ses pouvoirs administratifs, la Commission ne porte atteinte aux situations juridiques créées en vue de la protection des droits internes que dans la mesure strictement nécessaire. En l'espèce, ce principe général de droit communautaire aurait dû amener la Commission à donner à l'article 14 du règlement n° 17 une interprétation conforme à la protection constitutionnelle espagnole des droits fondamentaux.

223.

Ce moyen ne pourra pas non plus être accueilli. D'une part, la validité des actes communautaires ne peut être appréciée qu'au regard du seul droit communautaire, et non en fonction d'une disposition de droit national quelle qu'elle soit, fût-elle de nature constitutionnelle. De la même façon, on ne saurait faire dépendre le respect d'un principe général de droit communautaire de notions et normes tirées du droit national.

224.

D'autre part, nous avons vu que les décisions de vérification attaquées sont conformes à l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 et ne violent pas le droit fondamental à l'inviolabilité du domicile. On ne saurait donc estimer qu'elles vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif légal qu'elles visent.

225.

d) Les requérantes espagnoles font enfin valoir une violation du prìncipe de non-discrimination du fait que d'autres entreprises établies dans d'autres États membres auraient bénéficié d'une garantie judiciaire préalable de la légalité et du bien-fondé de la vérification à laquelle elles ont dû se soumettre.

226.

Si tel avait effectivement été le cas, cette prétendue discrimination n'aurait certainement pas été le fait de la Commission et ne saurait donc justifier l'annulation d'une décision de vérification dont celle-ci est l'auteur.

227.

D'une part, il n'est pas établi que la Commission ait jamais sollicité elle-même un mandat judiciaire préalablement à une vérification dans aucun autre État membre. Dans le cas Hoechst, elle s'y est expressément refusée et c'est l'Office fédéral des cartels qui s'est adressé au juge national.

228.

D'autre part, un tel mandat ne pouvant entrer en ligne de compte que dans les cas où l'entreprise concernée refuse de se soumettre à la vérification ordonnée, d'éventuelles différences de traitement ne sont dues qu'à des différences de situations créées par les entreprises elles-mêmes.

229.

Enfin, si, dans les cas d'opposition des entreprises à des vérifications, elles sont forcées à les subir moyennant l'assistance des autorités nationales prévue à l'article 14, paragraphe 6, du règlement n° 17 et, faute de procédures et règles uniformes, conformément aux règles nationales, les disparités de traitement qui pourraient en résulter ne seront que le reflet des divergences existant entre les législations des différents États membres, divergences qui ne sont pas visées par l'article 7 du traité et le principe de non-discrimination ( 26 ).

230.

Dès lors, ce dernier moyen doit également être rejeté.

*

231.

Les demandes d'annulation des décisions de vérification de la Commission du 15 janvier 1987 émanant des entreprises Hoechst AG, Dow Benelux NV, Dow Chemical Ibèrica SA, Alcudia SA et Empresa Nacional del Petróleo SA sont donc non fondées et doivent être rejetées.

232.

Quant aux autres demandes formulées dans le cadre des affaires 85 et 97 à 99/87 et tendant en substance à ce que la Cour soit ordonne à la Commission de restituer ou de détruire l'ensemble des pièces recueillies au cours des vérifications ou certaines d'entre elles ainsi que les notes qu'elle a établies à ces occasions, soit interdise à cette institution d'exploiter ou de divulguer les informations obtenues, elles doivent être considérées comme irrecevables, la Cour n'ayant pas compétence pour prononcer de telles injonctions dans le cadre d'un contrôle de légalité fondé sur l'article 173 du traité ( 27 ).

*

233.

Il nous reste encore à prendre position au sujet des demandes de Hoechst tendant à l'annulation des décisions du 3 février 1987 et du 26 mai 1988 infligeant une astreinte respectivement fixant le montant définitif de l'astreinte en application de l'article 16 du règlement n° 17 et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant définitif fixé.

VII — Quant à la décision du 3 février 1987 infligeant une astreinte à la société Hoechst (affaire 46/87)

234.

Les moyens invoqués à l'encontre de la décision infligeant une astreinte sont de deux ordres.

235.

Le premier est tiré de la prétendue illégalité de la décision de vérification dont elle était destinée à forcer l'exécution: l'annulation de celle-ci priverait celle-là de tout fondement juridique. Or, il résulte de ce qui précède que la prémisse de ce moyen est inexacte; il y a donc lieu de le rejeter.

236.

Le second moyen est tiré de la violation de formes substantielles. A cette fin, la requérante fait valoir que la décision a été adoptée :

a)

par voie de procédure écrite accélérée,

b)

sans consultation préalable du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes,

c)

sans que l'entreprise intéressée ait été entendue.

237.

Dans sa réponse à la question qui lui a été posée par la Cour, Hoechst renonce aux objections qu'elle avait fait valoir à l'encontre de la compétence d'un membre unique de la Commission à arrêter des décisions relatives aux astreintes. Effectivement, l'habilitation accordée par décision interne du 5 novembre 1980 au membre de la Commission chargé des questions de concurrence ne s'étend pas à ces décisions et la décision incriminée a été adoptée par la voie de la procédure écrite que la Commission a qualifiée, dans sa défense (p. 5, point 6), de procédure « accélérée ».

238.

Le grief que la requérante a indiqué maintenir n'est toutefois pas dirigé contre le caractère « écrit » de la procédure, mais contre son caractère « accéléré ». A cet égard, il y a lieu d'observer qu'une procédure écrite accélérée se distingue d'une procédure écrite normale uniquement par le fait que, dans le cadre de la première, les membres de la Commission disposent d'un nombre de jours inférieurs pour faire connaître leurs objections éventuelles à l'encontre de la décision soumise à leur approbation. Cela ne saurait affecter la validité de la décision. Ce grief doit donc être rejeté.

239.

La requérante soutient encore que « l'article 16 du règlement n° 17, en particulier, n'institue aucune procédure qui autoriserait la Commission à ne pas se conformer à l'obligation légale de procéder à l'audition des intéressés et des États membres ». Cet argument vise les points mentionnés sous b) et c) qu'il y a lieu de traiter ensemble.

240.

L'article 16 traite des astreintes. Son paragraphe 3 prévoit que « les dispositions de l'article 10, paragraphes 3 à 6, sont applicables ». Celles-ci règlent la procédure de consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, qui est composé de représentants des États membres.

241.

L'article 19, paragraphe 1, dispose que, « avant de prendre les décisions prévues aux articles 2, 3, 6, 7, 8, 15 et 16, la Commission donne aux entreprises et associations d'entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission ». Les dispositions d'application relatives aux auditions ainsi prescrites ont été fixées par le règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963 ( 28 ). Ce règlement prévoit notamment qu'avant de procéder à la consultation du comité consultatif la Commission communique par écrit aux entreprises les griefs retenus contre elles (article 2) et donne à celles qui l'ont demandé dans leurs observations écrites l'occasion de développer verbalement leur point de vue si elle se propose de leur infliger une amende ou une astreinte (article 7).

242.

La requérante déduit du fait que les articles 16, paragraphe 3, et 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 ne font pas de distinction entre les décisions infligeant des astreintes prises sur base de l'article 16, paragraphe 1, pour contraindre les entreprises notamment à se soumettre à une vérification [lettre d)] et celles prévues à son paragraphe 2 pour fixer le montant définitif de l'astreinte une fois que les entreprises se sont soumises à la vérification, que la Commission doit consulter le comité consultatif et permettre l'audition des intéressés lors de l'adoption de l'une et de l'autre de ces deux décisions. La Commission, par contre, estime qu'elle ne doit respecter ces procédures que pour l'une ou l'autre des deux décisions.

243.

A notre avis, la Commission n'est pas obligée de les respecter lors de l'adoption de la première desdites décisions, et ce pour les motifs suivants.

244.

1. Aucune de ces formalités n'est prévue pour l'adoption de la décision ordonnant une vérification. L'article 14 ne prévoit l'information (paragraphe 2) ou l'audition préalables (paragraphe 4) que des seules autorités compétentes de l'État membre sur le territoire duquel la vérification doit être effectuée. La raison en est que, « l'objectif de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17 étant de permettre à la Commission d'effectuer des vérifications par surprise auprès d'entreprises soupçonnées d'infractions aux articles 85 et 86 du traité, la Commission doit être en mesure de prendre sa décision sans être soumise à des conditions de forme qui auraient pour effet d'en retarder l'adoption » ( 29 ).

245.

On peut se demander si la Cour n'a pas, en réalité, voulu viser le paragraphe 3. L'affaire 5/85 (AKZO) portait en effet sur l'annulation d'une décision prise sur cette base. Quoi qu'il en soit, cette constatation de la Cour doit également valoir pour le paragraphe 3, la Cour ayant expressément reconnu que la Commission ne doit pas passer par le paragraphe 2 avant d'adopter une décision sur base du paragraphe 3 (arrêt National Panasonic, Rec. 1980, p. 2055, point 11).

246.

Or, une décision infligeant une astreinte sur base de l'article 16, paragraphe 1, ne vise qu'à contraindre une entreprise qui s'oppose à une vérification à s'y soumettre. Elle participe pour ainsi dire à la décision ordonnant cette vérification. Tant la consultation du comité consultatif que l'audition des intéressés porteraient par la force des choses non sur la décision infligeant l'astreinte, mais sur les motifs qui ont conduit l'entreprise concernée à refuser de se soumettre à la vérification. En exigeant que ces procédures soient suivies pour l'adoption d'une telle décision, on réintroduirait par ce biais ce que le règlement n° 17 n'a pas prévu pour les décisions ordonnant une vérification.

247.

2. Les entreprises seraient même incitées à s'opposer dans un premier temps à la décision ordonnant une vérification pour gagner du temps, sans pour autant courir le risque de devoir payer une astreinte en rapport avec ce délai. En effet, la Commission ne pourrait l'infliger qu'une fois la consultation du comité consultatif et l'audition de l'entreprise concernée achevées. Si l'entreprise devait alors se soumettre à la vérification, celle-ci aurait lieu avec un retard qui ferait perdre à la Commission l'effet de surprise et qui enlèverait probablement toute utilité à la vérification, en raison de l'effet combiné des délais de consultation du comité consultatif, qui ne peut se réunir qu'au plus tôt quatorze jours après l'envoi de la convocation (article 10, paragraphe 5, du règlement n° 17), et de ceux de la procédure de communication des griefs, qui garantit aux intéressés un minimum de deux semaines pour présenter leurs observations écrites (article 11, paragraphe 1, du règlement n° 99/63). Dans le cadre de celles-ci, ils peuvent, de plus, demander à être entendus.

248.

3. La décision ordonnant une vérification ainsi que la décision infligeant une astreinte afin de contraindre l'entreprise concernée à s'y soumettre ne sont pas de véritables actes faisant grief au sens où l'entend l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17. Le troisième considérant du règlement n° 99/63 précise expressément que cette disposition ainsi que les droits de la défense exigent que les entreprises aient le droit de présenter leurs observations «à l'issue des instructions au sujet de l'ensemble des griefs que la Commission se propose de retenir contre elles dans ses décisions ». Or, une décision de vérification est une simple mesure d'instruction. Certes, elle constitue une mesure qui produit des effets juridiques et affecte directement la situation juridique de l'entreprise concernée en l'obligeant à s'y soumettre et, à ce titre, constitue un acte attaquable au sens de l'arrêt IBM du 11 novembre 1981 (affaire 60/81) ( 30 ). Mais elle ne présuppose pas, dans le chef de l'entreprise, l'existence d'une quelconque faute ou infraction dont la Commission lui ferait grief. C'est précisément sur cette constatation que la Cour s'est basée pour expliquer, dans son arrêt National Panasonic, précité, pourquoi le droit d'être entendu ne doit pas être garanti dans le cadre de la procédure de vérification. Selon elle, celle-ci « ne vise pas à faire cesser une infraction ou à constater une incompatibilité légale, mais a uniquement pour objet de permettre à la Commission de recueillir la documentation nécessaire pour vérifier la réalité et la portée d'une situation de fait et de droit déterminée » (Rec. 1980, p. 2058, point 21).

249.

Quant à la décision infligeant une astreinte, elle ne fait que contribuer au bon déroulement de la procédure de vérification et se situe donc également au niveau de l'instruction. Elle ne saurait avoir des effets autonomes que si l'entreprise concernée continue à s'opposer à la vérification, l'astreinte par jour ne commençant à courir qu'à compter de la date de la notification de la décision. Ce n'est finalement que la décision fixant le montant définitif de l'astreinte qui sanctionne le non-respect, par l'entreprise, de son obligation de se soumettre à la vérification.

250. 4.

La décision infligeant une astreinte n'est pas exécutoire par elle-même. Pour que l'astreinte puisse être recouvrée, il faut qu'elle soit fixée définitivement, en tenant compte, d'une part, de la période s'étant écoulée entre la notification de la décision et l'exécution de la vérification, et, d'autre part, de la faculté que l'article 16, paragraphe 2, du règlement n° 17 offre à la Commission de fixer le montant définitif à un chiffre inférieur à celui qui résulterait de la décision initiale. (Dans ses rapports avec cette deuxième décision, on pourrait à la rigueur même considérer qu'elle soit une simple mesure préparatoire.)

Aucune violation de formes substantielles n'ayant donc eu lieu lors de l'adoption de la décision infligeant l'astreinte, la demande en annulation de Hoechst doit être rejetée.

251.

Il en va de même de la demande subsidiaire visant l'annulation de cette décision dans la mesure où elle aurait servi à contraindre Hoechst à se soumettre à une perquisition. Nous avons en effet constaté ci-dessus que cette entreprise s'est opposée à toute espèce de vérification et que la Commission était dès lors en droit de lui infliger une astreinte.

VIII — Quant à la décision du 26 mai 1988 fixant le montant définitif de l'astreinte (affaire 227/88)

252.

Ni la décision de vérification ni celle infligeant l'astreinte n'étant illégales, les moyens que Hoechst a basés sur leur nullité respective pour demander l'annulation de la décision fixant le montant définitif de l'astreinte doivent être rejetés.

253.

Quant à la demande subsidiaire de Hoechst tendant à la réduction du montant de l'astreinte, il suffit de constater qu'en le fixant à 55000 écus la Commission n'a fait que multiplier le taux journalier de 1000 écus, infligé par la décision du 3 février 1987, par le nombre de jours s'étant écoulés entre la date de la notification de celle-ci (5 février 1987) et la date à laquelle la vérification a effectivement pu avoir lieu (2 avril 1987). Ce faisant, elle est restée dans la fourchette autorisée par l'article 16, paragraphe 1, du règlement n° 17, qui, soit dit en passant, aurait certainement besoin d'une adaptation.

254.

Les recours formés devant la Cour de justice n'ayant pas d'effet suspensif, la Commission n'est pas obligée de tenir compte, pour le calcul des jours de retard, de l'introduction d'un tel recours ni, lorsqu'un sursis à exécution n'est pas prononcé, d'une demande en référé tendant à l'obtenir. Or, en l'occurrence, le sursis à l'exécution des décisions ordonnant la vérification et infligeant une astreinte a été refusé par le président de la Cour dans son ordonnance du 26 mars 1987.

255.

D'autre part, les actes des institutions communautaires bénéficient d'une présomption de validité jusqu'à ce que la Cour déclare éventuellement leur invalidité ( 31 ). Aussi est-ce à tort que Hoechst invoque, pour justifier son refus de reconnaître aux décisions ordonnant la vérification et infligéant des astreintes leurs pleins effets juridiques, les « intérêts supérieurs d'une procédure d'instruction conforme aux lois et à la Constitution » dont elle entendrait obtenir le respect ainsi que le « caractère ardu et non résolu des questions juridiques soulevées ». Hoechst s'est érigée en juge au lieu de laisser à la Cour la tâche de veiller au respect de la légalité. Elle a même persisté dans son attitude après que le président de la Cour eut constaté dans son ordonnance du 26 mars 1987 que les deux décisions dont elle avait demandé le sursis à l'exécution ne pouvaient lui causer un préjudice grave et irréparable et qu'elle trouvait, dans le recours qu'elle avait introduit, une garantie juridictionnelle efficace de ses intérêts.

256.

La demande de réduction du montant définitif de l'astreinte est donc également non fondée.

En conclusion, nous vous proposons donc de rejeter les recours introduits contre la Commission des Communautés européennes par les sociétés Hoechst AG (affaires 46/87 et 227/88), Dow Benelux NV (affaire 85/87), Dow Chemical Ibérica SA, Alcudia SA et Empresa Nacional del Petroleo SA (affaires jointes 97 à 99/88) et de condamner les parties requérantes à l'intégralité des dépens, y compris ceux relatifs aux procédures en référé dans les affaires 46 et 85/87.


( *1 ) Langue originale: le français.

( 1 ) Premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO du 21.2.1962, p. 204/62).

( 2 ) Voir procès-verbal du 2 avril 1987, annexe 4 à la réplique.

( 3 ) Il est vrai que la version allemande de la décision adressée à Hoechst n'utilise les termes « relatifs à l'objet de l'enquête » que par rapport aux explications que les agents de la Commission pourraient demander. Cela ne constitue toutefois qu'une erreur rédactionnelle qui n'a pas pu porter et, en fait, n'a pas porté à conséquence. D'une part, en effet, il résulte des considérants de la décision que les mesures qu'elle ordonnait ne concernaient que les accords ou pratiques concertées dont la Commission a soupçonné l'existence. D'autre part, Hoechst ne s'est pas méprise sur le fait que la vérification ne pourrait porter que sur l'objet ainsi déterminé, mais a seulement fait grief à la Commission d'avoir insuffisamment précisé cet objet.

( 4 ) Blum: Die Auskunfis- und sonstigen Ermittlungsrechte der Kartellbehörden, Diss. Heidelberg 1986, p. 252; Deringer: Das Wettbewerbsrecht der Europäischen Wirtschafisgemeinschafi, Kommentar, 1962 (mise à jour 1963), Rdnr. 9 zu Art. 14 VO n° 17; Goldman et Lyon-Caen: Droit commercial européen, 4e édition, 1983, n° 699, p. 791.

( 5 ) Gleiss et Hirsch: Kommentar zum EWG-Kartellrecht, 3. Auflage 1978, Rdnr. 25 zu Art. 14 VO n° 17; Graupner: «The Investigatory Powers of the European Commission in Anti-Trust Cases», International Business Lawyer 1981, p. 453; Kuyper et van Rijn: « Procedural Guarantees and Investigatory Methods in European Law, with Special Reference to Competition, 1982», Yearbook of European Law, p. 13; Scnröter: «Kommentar zu Art. 87 EWG-Vertrag », dans V. D. Groeben, Thiesing et Ehlermann: Handbuch des Europäischen Rechts, Bd. 8, 212. Lieferung Nov. 1984, Art. 87 EWGV Rdnr. 38; Mestmäcker: Europäisches Wettbewerbsrecht, 1974, p. 606 et 607.

( 6 ) Voir arrêt AM & S, point 15.

( 7 ) Kreis, W.: « Ermittlungsverfahren der EG-Kommission in Kartellsachen », in Recht der Internationalen Wirtschaft, Heft 5 mai 1981, p. 281, 291; Rehmann, W. A.: «Zur Vollstreckung einer Nachprüfungsentscheidung der Kommission der EG », in NJW 1987, Heft 48, p. 3061 et suiv.

( 8 ) Mestmäcker, op. cit. p. 607.

( 9 ) Van Fraeyenhoven: « Le respect de la vie privée et le pouvoir d'investigation du fisc », Annales de droit de Louvain, 1984, p. 85 et suiv.

( 10 ) C'est ainsi que la loi de procédure criminelle exige, pour l'entrée et la perquisition d'un domicile, consentement et mandat et, en cas de refus, un mandat judiciaire motivé.

( 11 ) Frowein et Peukert: « Europäische Menschenrechtskonvention », EMRK-Kommentar, article 8, n° 27.

( 12 ) Arrêt du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission, 136/79, Rec. p. 2033, 2056 et 2057.

( 13 ) Voir, en ce sens, les conclusions de l'avocat général M. Warner dans l'affaire National Panasonic, Rec. 1980, p. 2061, 2068.

( 14 ) Commission's Powers of Investigation and Inspection, House of Lords, Session 1983-1984, 18th Report, HMSO.

( 15 ) Bien que dans un contexte tout à fait différent, l'article 1er du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes prévoit lui aussi une autorisation de la Cour de justice pour toute perquisition effectuée dans les locaux et bâtiments des Communautés.

( 16 ) Voir arrêt AKZO du 23 septembre 1986, 5/85, Rec. 1986, p. 2615, point 38.

( 17 ) En ce qui concerne « cette différence substantielle entre les décisions prises à l'issue d'une telle procédure et les décisions ordonnant une vérification », voir l'arrêt National Panasonic, précité, Rec. 1980, p. 2058, point 21. Nous y reviendrons dans le contexte de la décision infligeant des astreintes à Hoechst.

( 18 ) Arrêt National Panasonic, précité, point 21.

( 19 ) Arrêt du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 49; voir aussi arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48/69, Rec. p. 619, points 132 et 133.

( 20 ) Rec. 1980, p. 2033, points 28 à 30.

( 21 ) Affaire 77/70, Prelle/Commission, Rec. 1971, p. 561.

( 22 ) Affaires jointes 2 et 3/62, Commission/Luxembourg et Belgique, Rec. 1962, p. 855.

( 23 ) Voir, en ce sens, arrêt du 1er avril 1982, Dürbeck/Commission, 11/81, Rec. p. 1251, point 17, ainsi que les deux arrêts cités aux deux notes précédentes. Voir aussi le libellé de l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure ainsi que son article 98, qui fait courir le délai dans lequel une demande de révision doit être introduite « à compter du jour où le demandeur a eu connaissance du fait sur lequel la demande en révision est basée ».

( 24 ) Affaires jointes 89, 104, 114, 116, 117 et 125 à 129/85.

( 25 ) JO L 302 du 15.11.1985.

( 26 ) Voir, en ce sens, notamment l'arrêt du 19 janvier 1988, Pesca Valentia/Ministre de la Pêche et des Forêts d'Irlande et Attorney général, 223/86, Rec. p. 83, point 18.

( 27 ) Voir, en ce sens, notamment l'arrêt du 24 juin 1986, AKZO Chemie/Commission, 53/85, Rec. p. 1965, point 23.

( 28 ) Règlement relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO du 20.8.1963, p. 2268).

( 29 ) Arrêt du 23 septembre 1986, AKZO Chemie/Commission, 5/85, Rec. p. 2585, point 24.

( 30 ) Rec. 1981, p. 2639. Dans cet arrêt, la Cour a déclaré que, « suivant une jurisprudence constante de la Cour, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 173 les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci » (point 9).

( 31 ) Voir, outre l'arrêt Granaria du 13 février 1979, 101/78, Rec. 1979, p. 623, point 4, cité par la Commission, l'arrêt Dürbeck du 1er avril 1982, 11/81, Rec. 1982, p. 1251, point 17.

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