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Document 61986CC0014
Opinion of Mr Advocate General Mancini delivered on 17 March 1987. # Pretore di Salò v Persons unknown. # Reference for a preliminary ruling: Pretura di Salò - Italy. # Preliminary ruling - Damage to the environment. # Case 14/86.
Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 17 mars 1987.
Pretore di Salò contre X.
Demande de décision préjudicielle: Pretura di Salò - Italie.
Préjudicielle - Atteintes à l'environnement.
Affaire 14/86.
Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 17 mars 1987.
Pretore di Salò contre X.
Demande de décision préjudicielle: Pretura di Salò - Italie.
Préjudicielle - Atteintes à l'environnement.
Affaire 14/86.
Recueil de jurisprudence 1987 -02545
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1987:136
Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 17 mars 1987. - Pretore di Salò contre X. - Demande de décision préjudicielle: Pretura di Salò - Italie. - Préjudicielle - Atteintes à l'environnement. - Affaire 14/86.
Recueil de jurisprudence 1987 page 02545
édition spéciale suédoise page 00111
édition spéciale finnoise page 00111
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Monsieur le président,
Messieurs les Juges,
1 . Dans le cadre d' une procédure pénale engagée contre X, le pretore de Salò ( province de Brescia ) vous demande d' interpréter la directive 78/659 du Conseil, du 18 juillet 1978, concernant la qualité des eaux douces ayant besoin d' être protégées ou améliorées pour être aptes à la vie des poissons ( JO 1978, L*222, p.*1 ). Le juge au principal souhaite savoir : a ) si la réglementation italienne en matière de protection des eaux contre la pollution est adaptée aux principes et aux objectifs de qualité établis par cet acte, et b ) si les dispositions de ce dernier comportent l' obligation de maintenir la quantité d' eau qui est indispensable à la survie de la faune aquatique protégée .
2 . Le 5 juillet 1984, la pretore de Salò a reçu un document du "gruppo ecologico pescatori per la salvaguardia del fiume Chiese" ( groupe écologique des pêcheurs pour la sauvegarde de la rivière Chiese ). L' association dénonçait, d' abord, les cas fréquents de mortalité de poissons observés dans le cours d' eau qui s' écoule, entre le lac d' Idro et la rivière Oglio, à travers le territoire (" mandamento ") sur lequel s' étend la juridiction dudit organe judiciaire . Elle soutenait, ensuite, que le phénomène était dû essentiellement aux fortes et brusques variations du débit de la Chiese provoquées par les nombreux barrages construits à des fins d' irrigation et hydroélectriques . Elle demandait, enfin, que des mesures fussent prises contre les concessionnaires ou, en tout cas, les responsables de ces dérivations non seulement pour la protection des diverses espèces de poissons, mais également pour des raisons d' hygiène et de respect de l' environnement .
L' ordonnance de renvoi précise que les faits décrits par les plaignants correspondent à une série de délits et de contraventions . Les premiers - dommage aggravé aux eaux, détournement des eaux et modifications de l' état des lieux - sont prévus par les articles 635, 625, paragraphe 7, et 632 du code pénal . Les seconds sont visés par trois groupes de dispositions : les articles 6 et 33 du texte codifié des lois sur la pêche ( décret royal n°*1604, du 8 octobre 1931 ); l' article 21 de la loi n°*319, du 10 mai 1976, qui sanctionne le déversement de substances nocives pour les poissons dans le cadre d' une réglementation visant à la protection des eaux contre la pollution; les articles 25 à 29 du décret n°*915 du président de la République, du 10 septembre 1982, par lequel le législateur italien a transposé dans l' ordre juridique interne les directives du Conseil 75/442, 76/403 et 78/319, concernant respectivement les déchets, l' élimination des polychlorobiphényles et polychloroterphényles et les déchets toxiques et dangereux .
Sur la base de ces éléments, le pretore - qui, comme nous le verrons mieux ci-après, exerce également les fonctions de ministère public - a engagé l' action publique et accompli certains actes d' instruction sommaire . Plus précisément, il a rassemblé, en les extrayant du dossier d' une procédure classée le 31 décembre 1982, trois documents que d' autres associations de pêcheurs lui avaient adressés quelques années auparavant . Ces informations indiquaient que la Chiese est particulièrement propice à la reproduction des salmonidés et dénonçaient le fait qu' elle fut l' objet tant de prélèvements excessifs d' eau pour l' irrigation ou la production d' énergie électrique que de déversements industriels et urbains de substances nocives . En second lieu, le pretore a demandé aux maires des communes riveraines de lui fournir d' autres informations sur la situation du cours d' eau .
A ce stade, le magistrat a développé le syllogisme qui serait à l' origine de notre affaire . En d' autres termes, il a estimé : a ) que les responsabilités pénales pour la dégradation du bassin de la Chiese et, en particulier, pour la destruction périodique de la faune aquatique ne pouvaient être déterminées que sur la base et à la lumière de dispositions qui considèrent spécifiquement les eaux comme étant le milieu de vie des poissons; b ) que des dispositions de ce genre sont contenues dans la directive 78/659; c ) qu' il existe des doutes sur le point de savoir si la réglementation italienne en matière de protection des eaux - telle qu' elle résulte de la loi n°*319 de 1976, dans sa version complétée et modifiée ultérieurement, et d' autres lois de l' État et de la région de Lombardie relatives à la protection de l' environnement - est compatible avec la directive précitée en ce qui concerne, notamment, "la protection de la quantité des eaux en rapport avec l' existence matérielle même du milieu aquatique nécessaire à la vie des poissons ".
Selon le pretore, la source de droit communautaire précitée se situe, au moins pour trois raisons, au centre de la procédure qu' il a ouverte : parce qu' elle est la "condition préalable essentielle" au regard des critères sur lesquels devra reposer l' enquête, parce qu' elle revêt une "importance déterminante" en tant qu' "élément préalable de la réglementation pénale en vigueur" et parce qu' elle comporte d' "indéniables perspectives d' élargissement de la sphère de protection pénale ". Cette conviction a conduit le pretore à suspendre la procédure et à vous poser, par ordonnance rendue le 13 janvier 1986, les questions préjudicielles suivantes :
"1 ) La réglementation actuelle de la République italienne en matière de protection des eaux contre la pollution est-elle adaptée aux principes et aux objectifs de qualité établis par la directive 78/659 concernant la qualité des eaux douces ayant besoin d' être protégées ou améliorées pour être aptes à la vie des poissons?
2 ) Les objectifs de qualité, tels qu' ils ont été établis par la directive, impliquent-ils une gestion globale des eaux, c' est-à-dire la garantie du régime de débit et de quantité, et, par conséquent, la nécessité, pour les bassins ou les cours d' eau, de dispositions susceptibles de protéger la régularité du flux en vue du maintien de la quantité minimale d' eau indispensable pour le développement des poissons?"
3 . Dans leurs observations écrites et au cours de l' audience, le gouvernement italien et la Commission des Communautés européennes ont mis en avant l' irrecevabilité de la demande préjudicielle dans son ensemble et, en tout cas, de la première question . En ce qui concerne la demande, les arguments des deux intervenants s' appuient : a ) sur le rôle du pretore dans le cadre du procès pénal; b ) sur la phase de la procédure dans laquelle est intervenu le renvoi; c ) sur le fait que la procédure a quo est dirigée contre inconnus .
Commençons par les problèmes énoncés sous a ) et b ) et qui sont connexes . Le gouvernement de Rome doute qu' en l' espèce les conditions visées à l' alinéa 2 de l' article 177 du traité CEE soient respectées et, en particulier, il s' interroge sur le point de savoir si la demande provient d' une véritable "juridiction ". Ces doutes se nourrissent de l' ambivalence du pretore, une figure singulière de l' ordre judiciaire italien en laquelle coexistent les fonctions de ministère public et les fonctions de juge . Lorsqu' il a saisi la Cour, le pretore de Salò venait d' engager l' action pénale et avait accompli certains actes d' instruction sommaire . Il agissait donc en qualité de ministère public, c' est-à-dire de partie, et il est évident qu' une partie ne peut pas poser des questions d' interprétation . En tout état de cause, ce magistrat n' était pas juge . En effet, si la Cour devait lui donner une réponse qui le conduirait à exclure la nature criminelle des dérivations d' eau, il devra classer la procédure . Or l' ordonnance correspondante n' est pas susceptible d' acquérir force de chose jugée, elle peut être rapportée même à la suite d' une appréciation différente des faits déjà connus et elle ne doit pas être motivée, échappant ainsi à une garantie que l' article 111 de la Constitution impose aux actes juridictionnels proprement dits ( voir Corte di cassazione, cinquième chambre pénale, arrêt n°*688 du 6 décembre 1984, dans Cassazione penale, 1985, p.*1130 ).
Et ce n' est pas tout, ajoute-t-on dans l' argumentation développée sous b ). Ce qui frappe le plus dans la situation de la procédure, dans laquelle le pretore a formulé les questions c' est, pour ainsi dire, son caractère prématuré : en d' autres termes, elle est encore fluide ou mieux, in fieri, et loin de laisser entrevoir une issue quelconque sous la forme de conclusions même provisoires . En l' occurrence, il manque jusqu' à la définition d' une accusation et - rappelons-le - ce défaut ne dépend pas tant d' une donnée subjective ( les responsables des dérivations d' eau sont, en réalité, connus de tous ) que d' un élément objectif qui est l' incertitude de pouvoir qualifier les faits de délits et de contraventions .
En définitive, le gouvernement italien estime que, puisque la demande préjudicielle était adressée à la Cour dans le cadre d' une phase qui ne comporte pas la présence d' un juge et revêt un caractère clairement préliminaire, elle est prématurée et, par là même, incorrecte . En effet, sa présentation soustrait à la phase du procès proprement dit l' utilisation du mécanisme communautaire prévu par l' article 177 .
4 . Cette thèse ne saurait être accueillie au regard de votre jurisprudence . Son bien-fondé est exclu d' emblée par les arrêts qui affirment le caractère communautaire du concept de "juridiction" au sens de l' article 177 (( voir arrêts du 30 juin 1966, affaire 61/65 ( Vaassen-Goebbels/Beambtenfonds voor het Mijnbedrijf, Rec . p.*377 ), du 27 novembre 1973, affaire 36/73 ( NV Nederlandse Spoorwegen/Minister van Verkeer en Waterstaat, Rec . p.*1299 ), et du 6 octobre 1981, affaire 246/80 ( Broekmeulen/Huisarts Registratie Commissie, Rec . p.*2311 )*)). Le principe ainsi posé et l' impossibilité qui en découle de faire appel aux conditions auxquelles un acte doit satisfaire pour revêtir un caractère juridictionnel selon les droits des divers États privent, par exemple, de toute pertinence l' argument tiré de la nature de l' ordonnance de classement . L' inconsistance de cet argument est, en tout cas, évidente même en tenant compte des données que nous fournit le droit italien . En effet, dans le cas des délits relevant de la compétence du "tribunale" et de la "corte d' assise", le pouvoir de classer appartient avec les mêmes modalités d' exercice et les mêmes effets au juge d' instruction, c' est-à-dire à un organe dont l' univocité juridictionnelle ne fait pas de doute .
Mais un autre point est décisif . Les critères qui définissent le concept communautaire de "juridiction" ne pourraient pas être plus larges; et cela explique les raisons pour lesquelles la Cour a reconnu à des juges nationaux de tout genre la faculté de l' interroger, indépendamment de la nature et des finalités des procédures au cours desquelles ils soulèvent la question ou de l' "habit" plus ou moins foncièrement juridictionnel qu' ils endossent au moment de la soulever . Les "pretori" pénaux italiens font partie, de plein droit, de ce groupe et peu importe qu' ils vous défèrent leurs questions en tant que juges ou en qualité de ministère public, puisque les fonctions correspondantes se superposent, s' emboîtent et s' agrègent en un organisme indissociable . Le pretore - comme on l' a assez bien écrit - est un sujet auquel l' ordre judiciaire attribue le statut de juge et qui, à ce titre, "formule l' accusation donnant naissance au procès, effectue l' enquête et instruit ( l' affaire ) à charge et à décharge, veille à préciser les charges, statue *... sur le bien-fondé de l' accusation en citant le prévenu à comparaître ou en prononçant le non-lieu et joue, dans les débats, un rôle prépondérant" ( Dominioni, "Diritto processuale penale", in Enciclopedia del diritto, vol . XXXI, Milan, 1981, p.*957 ).
Certes, cette dérogation à la règle ne procedat judex ex officio, cette concentration en un même organe de pouvoirs hétérogènes jusqu' à l' incompatibilité et le fait qu' il les réunisse en une seule activité fonctionnelle peuvent donner lieu à des réactions de rejet . Nous-mêmes admettons difficilement un phénomène aussi proche du modèle de l' antique procédure inquisitoriale et, avec plus d' autorité, la "corte costituzionale" a invité, il y a quelques mois, le législateur à l' éliminer de l' ordre juridique ( arrêt du 10 décembre 1986, n°*268, GURI, 1a, séries spéciales, n°*60, p.*20 ). Les tentatives visant à atténuer ce phénomène en séparant les fonctions exercées par le pretore selon le rythme des actes qu' il accomplit de manière à le ramener à l' habituel schéma dualiste, sont donc compréhensibles . Mais cela ne les rend pas moins erronées sur le plan du jus conditum ni moins exemplaires, comme l' a écrit un spécialiste réputé, de la tendance qu' ont de nombreux juristes à "travestir même les faits les plus rebelles" et à "échafauder des formules bizarres pour dissimuler la réalité" ( Cordero, Procedura penale, 6e éd ., Milan, 1982, p.*27 ).
Admettons, néanmoins, que quelqu' un, impressionné par la nature de "partie" attribuée au pretore lorsqu' il agit en qualité de ministère public, trouve ces observations insuffisantes . Il peut alors se reporter à l' arrêt rendu le 12 novembre 1974 dans l' affaire 32/74 ( Haaga, Rec . p*1201 ). La Cour s' y est considérée comme valablement saisie par un juge auquel avait été demandée une mesure de juridiction gracieuse : tous savent cependant que, dans ce domaine, la "nature de tiers" du juge, c' est-à-dire le fait qu' il soit étranger aux intérêts qui doivent être défendus, n' existe pas ou est, à tout le moins, discutable .
5 . Passons à l' argument qui critique la demande préjudicielle parce qu' elle a été présentée alors que le pretore n' avait pas encore qualifié - ou mieux, ne pouvait pas encore qualifier - les faits sur le plan juridique . Il s' apparente aux termes utilisés par Lord Denning pour définir le moment auquel le renvoi préjudiciel est le plus opportun : "as a rule", a affirmé le juge anglais, "you cannot tell whether it is necessary to decide a point until the facts are ascertained . So in general it is best to decide the facts first" ( Bolmer/Bollinger, 1974 2 All . ER 1226, 1235 ).
Vous avez cependant statué différemment . Ainsi, l' arrêt rendu le 10 mars 1981 dans les affaires jointes 36 et 71/80 ( Irish Creamery Milk Suppliers Association, Rec . p.*735, points 6 et 7 des motifs ), reconnaît que, en établissant "les faits de l' affaire" et en tranchant "les problèmes de pur droit national" avant leur renvoi, le juge avantage la Cour . "Cependant", ajoute-t-elle, "ces considérations ne limitent en rien le pouvoir d' appréciation" du juge au principal . Seul à avoir "une connaissance directe des faits de l' affaire et des arguments des parties" et seul "à assumer la responsabilité" de la décision à intervenir, il est, en vérité, "le mieux placé pour apprécier à quel stade de la procédure il a besoin d' une décision préjudicielle ...". Le choix du moment approprié pour la présentation de la demande obéit donc "à des considérations d' économie et d' utilité procédurales dont l' appréciation appartient à ce juge" ( point 8 des motifs ) ( voir, également, l' arrêt rendu le 10 juillet 1984 dans l' affaire 72/83, Campus Oil Ltd et autres, Rec . 1984, p.*2727, point 10 des motifs ).
A notre avis, l' orientation que nous venons de rappeler est pleinement conforme à l' esprit de l' article 177 . Ajoutons qu' elle est partagée par la doctrine la plus pertinente ( voir Waelbroek : "Commentaire à l' article 177", in AA.VV ., Le droit de la Communauté économique européenne, Bruxelles, 1983, vol . 10, tome 1, p.*208 ) et qu' elle coïncide avec celle de la "corte costituzionale" italienne . A propos, précisément, du sujet dont nous traitons ici, l' arrêt n°*104 du 18 avril 1974 ( Giurisprudenza costituzionale, 1974, I, p.*878 ) a, en effet, jugé recevables les ordonnances de renvoi rendues par des pretori in limine litis ou même avant qu' ait été engagée l' action publique et avant que l' instruction ait été commencée .
6 . Le troisième motif pour lequel la demande du pretore de Salò serait irrecevable réside dans la phase dans laquelle se trouve la procédure a quo, et il a été développé surtout par la Commission . A son avis, le fait qu' il s' agisse d' une procédure contre inconnus comporte deux conséquences alternatives et toutes deux inacceptables, à savoir celles de rendre l' arrêt de la Cour pratiquement inutile ou de donner lieu au niveau de la Cour à une grave restriction des droits de la défense .
Il est vrai, affirme d' abord l' institution, que, il y a dix ans, la Cour ne s' est pas refusée à répondre au pretore de Cento bien qu' il l' ait lui aussi saisie dans le cadre d' une procédure contre inconnus ( arrêt rendu le 5 mai 1977 dans l' affaire 110/76, Rec . p.*851 ). Ce magistrat avait cependant soulevé une question de procédure et, en tout cas, ponctuelle . En d' autres termes, il vous avait demandé si la Communauté pouvait être considérée comme partie lésée dans la procédure qu' il avait engagée et il avait besoin de votre interprétation pour établir s' il était tenu de notifier à la Communauté l' ouverture de la procédure . En revanche, le pretore de Salò vous demande de l' aider, en interprétant la directive 78/659, à établir si les faits dénoncés par les pêcheurs de son ressort peuvent ou non être qualifiés de délits . Or, une telle question rappelle les très célèbres problèmes que vous a soumis le pretore de Bra dans l' affaire 244/80, Foglia/Novello ( voir arrêt rendu le 16 décembre 1981, Rec . p.*3045 ). En effet, elle donne également l' impression d' être artificielle ou fictive et, encore que sous un aspect différent, elle comporte pour la Cour la perspective concrète d' un travail inutile . La raison est évidente . Il existe le risque que le pretore ne parvienne pas à identifier les prévenus . Et si cela se produisait, la procédure ne serait pas susceptible d' être achevée, c' est-à-dire que le même pretore devrait y mettre un terme par une ordonnance de classement .
Supposons, toutefois - a ajouté la Commission lors de l' audience -, que notre magistrat réunisse des éléments suffisants pour identifier les responsables des barrages érigés sur la Chiese et imaginons, par ailleurs, que la Cour réponde à sa deuxième question dans le sens qu' il souhaite, c' est-à-dire qu' elle reconnaisse dans les paramètres de qualité imposés par la directive une obligation de maintenir la quantité d' eau nécessaire à la vie des poissons . Dans une hypothèse de ce genre, il y a lieu de supposer que le pretore citera les prévenus en les inculpant d' un délit - la dérivation abusive d' eaux - pour lequel l' article 632 du code pénal prévoit une peine de prison allant jusqu' à trois ans et une amende allant jusqu' à 400*000 LIT .
De fait, cette situation serait plus grave encore que celle qui a été envisagée précédemment . Les responsables des barrages seraient, en effet, exposés à une lourde mesure privative de la liberté personnelle sans avoir été en mesure d' intervenir dans la présente procédure, tant parce que l' ordonnance de renvoi ne pouvait pas leur être notifiée que parce que, n' étant pas encore parties à la procédure a quo, l' article 20 du protocole sur le statut de la Cour les excluait de la faculté de présenter des observations . Et il n' est pas dit qu' ils puissent bénéficier de cette faculté dans l' avenir s' il est vrai que le pretore pourrait considérer la question d' interprétation comme étant déjà résolue et, par conséquent, ne plus la poser à nouveau . En somme, la présente demande viole potentiellement leur droit de défense qui réside, ici, dans la possibilité d' exposer devant la Cour les thèses sur l' interprétation de la directive 78/659 qui leur sont plus favorables, et la Cour doit, en déclarant la demande irrecevable, tirer les conséquences de l' aptitude de celle-ci à restreindre une garantie aussi importante .
7 . Les arguments de la Commission ne nous semblent pas plus convaincants que ceux qui ont été avancés par le gouvernement italien . Ainsi, le discours relatif aux droits de la défense des prévenus ne peut valoir qu' à condition d' ignorer ou de minimiser la particularité de la procédure ex article 177 et de la position qu' occupent les parties dans le cadre de cette procédure .
Le fait que la procédure préjudicielle échappe à la règle du contradictoire est une donnée acquise depuis longtemps . L' ordonnance rendue le 3 juin 1964 ( dans l' affaire 6/64, Costa/Enel, Rec . p.*1195 ) a déjà affirmé que l' article 177 "n' ouvre pas une procédure contentieuse tendant à trancher un différend, mais institue une procédure spéciale" permettant aux juges de solliciter "l' interprétation des textes communautaires ( qu' ils ) appliqueront aux litiges dont ( ils ) sont ( saisis )", et l' arrêt rendu le 9 décembre 1965 ( affaire 44/65, Hessische Knappschaft/Singer et Fils, Rec . p.*1191 ) a tiré de ce principe la conséquence que la procédure est "étrangère à toute initiative des parties ". Celles-ci sont "seulement invitées à se faire entendre" ( voir, dans le même sens, les ordonnances rendues le 14 juillet 1971 dans l' affaire 6/71, Rheinmuehlen/Einfuhr - und Vorratsstelle Getreide, Rec . p.*719, et le 18 octobre 1979 dans l' affaire 40/70, Sirena/Eda, Rec . p.*3169 ).
A cet égard, toutefois, l' arrêt le plus significatif, notamment par le lien évident qu' il présente avec le problème qui nous occupe, a été rendu le 16 juin 1981 ( affaire 126/80, Salonia, Poidomani et Giglio, Rec . p.*1563 ). Le juge au principal vous avait demandé de vous prononcer sur la compatibilité avec le droit communautaire d' un accord collectif dont les contractants - deux fédérations d' éditeurs et de distributeurs de journaux - n' étaient pas parties au litige au principal et ne pouvaient donc pas vous présenter leurs observations . Vous avez rejeté l' invitation tendant à ce que soit déclarée irrecevable la demande qui vous avait été adressée pour cette raison par les défendeurs au principal, en partant d' un raisonnement peut-être quelque peu elliptique, mais laissant à entendre que l' absence des signataires de l' accord ne mettait pas en cause la compétence de la Cour : "l' application de l' article 177", avez-vous en effet affirmé, "étant liée uniquement à l' exigence de permettre aux juridictions nationales de disposer de tous les éléments utiles de droit communautaire qui leur sont nécessaires pour rendre leur jugement" ( point 8 des motifs, souligné par nous ).
Les résultats théoriques auxquels aboutit le cadre ainsi tracé nous semblent évidents : seul le juge qui l' a sollicitée est destinataire de votre décision d' interprétation, tandis que les parties au principal en tireront des conséquences indirectes et de pur fait parce qu' elles sont répercutées par le jugement national qui reste à leur égard la seule décision comportant un effet juridique . Il en résulte, pour utiliser des concepts usuels dans la doctrine italienne, qu' à Luxembourg elles sont non pas des parties au sens substantiel - à savoir des protagonistes du litige sur lequel le juge est appelé à se prononcer -, mais des parties au sens formel . Ainsi est en effet défini le sujet qui, sans être nécessairement titulaire du droit invoqué, est autorisé à accomplir des actes de procédure, par exemple en vue de la réalisation d' un intérêt d' un tiers ou pour l' interprétation correcte des dispositions applicables à l' espèce ( voir, en ce sens, Ferrari-Bravo : "Commento all' articolo 177", in AA.VV ., Commentario al Trattato CEE, Milan, 1965, vol . III, p.*1319, et Monaco : "Le parti nel processo comunitario", in Studi Morelli, Milan, 1975, p.*574 et suiv .).
Si le rôle des parties dans la procédure préjudicielle se réduit donc à cela, si cette procédure a pour objectif un examen qui dépasse les intérêts contingents dont elles sont porteuses, parce qu' elle vise à déterminer d' une manière strictement objective et fondamentalement abstraite le contenu précis des dispositions communautaires, si tout cela est vrai, nous le répétons, il nous paraît difficile de considérer la faculté de présenter des observations écrites comme un aspect des droits de la défense . La protection de cette garantie est, le cas échéant, appelée à se réaliser dans le cadre de la procédure principale . C' est-à-dire qu' il appartiendra au juge national d' établir si l' absence des parties à Luxembourg s' est répercutée négativement sur leurs possibilités de succès devant lui . Et s' il estime qu' un tel effet s' est produit, rien ne lui interdira d' interroger à nouveau la Cour en soulevant au besoin les mêmes questions (( arrêt rendu le 24 juin 1968 dans l' affaire 29/68 ( Milch -, Fett - und Eierkontor/Hauptzollamt Saarbruecken, Rec . p.*165, attendu 3 ), et, récemment, ordonnance rendue le 5 mars 1986 dans l' affaire 69/85 ( Wuensche, Rec . p.*947 et suiv ., point 15 des motifs )*)); à l' évidence, les deux jugements réfutent d' ailleurs l' argument du gouvernement italien que nous avons évoqué sous le point 3, in fine ).
8 . Plus fragiles encore sont les arguments par lesquels on cherche à démontrer que l' interprétation de la Cour risque d' être inutiliter data . Débarrassons-nous d' emblée du parallèle que la Commission établit entre l' affaire a qua et l' arrêt Foglia/Novello . Certes, au cours des années 60 et 70, de nombreux pretori ont oublié que "enthusiasm is not and cannot be a judicial virtue" ( Lord Devlin : "Judges and Lawmakers", 39, Modern Law Review, 1976, p.*1 et suiv .) en pratiquant un activisme aventureux et parfois irresponsable . Ce phénomène est cependant en pleine régression et nous excluons que notre cas d' espèce en représente un vestige . En d' autres termes, on peut imaginer qu' un juge se laisse convaincre de déférer à la Cour une question qui lui a été posée par les parties à un litige civil plus ou moins clairement "fabriqué ". Mais il nous semble franchement inconcevable qu' il "fabrique" lui-même une procédure pénale pour obtenir de la Cour une décision d' interprétation et réaliser sur la base de celle-ci une politique personnelle du droit .
En abordant le coeur du problème, la thèse de la Commission est déjà mise en difficulté par la formule très restrictive que la Cour a utilisée pour définir les cas dans lesquels une décision de sa part est véritablement inutile : cette hypothèse, avez-vous en effet affirmé, ne se réalise "que s' il apparaissait de manière manifeste que l' interprétation du droit communautaire *... ( n' a ) aucun rapport avec la réalité ou l' objet du litige principal" (( voir l' arrêt précité rendu le 16 juin 1981, point 6 des motifs, l' arrêt rendu le 26 septembre 1985 dans l' affaire 166/84 ( Thomasduenger, Rec . p.*3001, point 11 des motifs ), et l' arrêt rendu le 19 décembre 1968 dans l' affaire 13/68 ( Salgoil, Rec . p.*601 )*)). Non moins éloquent est ensuite l' examen des résultats auxquels aboutit le raisonnement de la Commission lorsqu' on le développe d' une manière rigoureuse . Sur la base de celui-ci, par exemple, votre décision serait inutile même si le pretore identifiait les prévenus, mais estimait ne pas devoir les citer à comparaître en l' absence de dol ou de faute . Qui plus est, ce raisonnement, poussé à l' extrême, exclut la possibilité du renvoi dans toutes les procédures pénales tant que l' instruction ou même les débats ne sont pas clos et il la subordonne, en tout cas, à la condition que l' existence des éléments du délit non dépendants du droit communautaire ait été établie .
Un autre argument vient cependant battre en brèche le point de vue que nous sommes en train d' examiner . Il est en substance également contraire aux règles énoncées dans l' arrêt précité Irish Creamery Milk Suppliers Association ( point 5, ci-dessus ) et, d' une manière plus générale, au principe sur lequel ce dernier se fonde, à savoir la répartition des compétences entre le juge national et la Cour de Luxembourg . Le pourquoi est évident . Qu' elle en soit ou non consciente, la*Commission vous demande de décider qu' il appartient à la Cour non seulement d' interpréter les dispositions communautaires, mais également de vous prononcer sur le point de savoir si le juge doit ou peut utiliser votre interprétation dans le litige pendant devant lui . C' est à cela, en effet, qu' équivaudrait un refus de lui répondre motivé par l' inutilité ( concrètement, par l' applicabilité douteuse ) de la décision d' interprétation dans une procédure trop prématurée pour présenter des garanties d' achèvement . Et cela est, par conséquent, interdit par l' arrêt rendu le 28 mars 1979 dans l' affaire 222/78 ( ICAP/Beneventi, Rec . p.*1163, attendus 11 et*12 ).
9 . La demande est donc recevable dans son ensemble . Peut-on dire la même chose de la première question? La Commission le nie pour deux raisons . Le juge, observe-t-elle, vous demande, en substance, d' établir si l' Italie a correctement mis en oeuvre la directive 78/659 et, au lieu de se référer à une disposition ou à un groupe déterminé de dispositions, il s' exprime en termes vagues et généraux . Le jugement sur la compatibilité a en effet pour objet "la réglementation actuelle de la République italienne en matière de protection des eaux contre la pollution ".
Ces arguments sont fondés . En d' autres termes, il est vrai qu' une affaire préjudicielle ne saurait servir à établir le manquement d' un État à ses obligations communautaires (( jurisprudence abondante et constante; en dernier lieu, voir arrêt rendu le 9 octobre 1984 dans les affaires jointes 91 et 127/83 ( Heineken Brouwerijen, Rec . p.*3435 )*)); il est vrai, également, que la question revêt une forme trop indéterminée pour mettre en lumière "les éléments relevant de l' interprétation du droit communautaire" et, à partir de là, "pour se prêter à une réponse utile" (( arrêts du 21 mars 1972, affaire 82/71 ( Pubblico ministero/Società agricola industria latte, Rec . p.*119, attendu 3 ), et du 28 mars 1979, ICAP, précité, attendu*20 )). Cela dit, dans l' hypothèse où la Cour ne partagerait pas notre conclusion, il nous paraît utile d' attirer l' attention sur le fait : a ) que sous le n°*322/86 est pendant devant vous un recours au titre de l' article 169 dans lequel la Commission vous demande de constater le défaut de mise en oeuvre de notre directive par l' Italie; b ) qu' il existe effectivement une différence considérable entre les méthodes d' intervention retenues par les réglementations italienne et communautaire .
En effet, la loi n°*319 de 1976 vise, certes, à protéger les eaux contre la pollution, mais elle le fait d' une manière indirecte . Plus précisément, plutôt que d' imposer des normes de qualité et de prescrire leurs valeurs limites, elle détermine les caractéristiques de certaines des décharges qui proviennent d' installations industrielles ou civiles et fixe les limites d' acceptabilité, c' est-à-dire les maximums de concentrations polluantes . Hormis quelques exceptions, ces limites sont, par ailleurs, fixées d' une manière identique pour l' ensemble du territoire national, donc en faisant abstraction de la destination, de la vocation et de l' utilisation des eaux réceptrices . Au contraire, les directives communautaires et, en particulier, la directive 78/659 interviennent dans des milieux spécifiques de l' environnement ( ainsi, les eaux destinées à la vie des poissons ) et les identifient par les utilisations qui en sont faites . Elles s' attachent donc à déterminer la qualité finale du milieu récepteur et fixent à cette fin les valeurs limites des paramètres de référence ( F . et P . Giampietro : Commento alla legge sull' inquinamento delle acque et del suolo, 2e éd ., Milan, 1981, p.*349 et suiv .).
10 . La deuxième question vise à établir si les paramètres de qualité prescrits par la directive impliquent le maintien de la quantité d' eau indispensable à la vie des poissons .
Le gouvernement italien vous suggère de répondre par la négative . A son avis, le seul objectif que la directive poursuit en exigeant une protection de la qualité des eaux est la sauvegarde du patrimoine hydrique des conséquences nuisibles - réduction ou extinction de certaines espèces - que provoque le déversement de substances polluantes . D' autres formes de gestion des eaux ne sont pas imposées directement . En particulier, aucune disposition n' oblige les États à apprécier la situation d' ensemble du système hydrographique dont relèvent les eaux douces . Naturellement, cela n' implique pas que les administrations nationales doivent rester inertes . Ainsi, lorsqu' elles établissent les programmes destinés à réduire la pollution et arrêtent les mesures rendues nécessaires par le dépassement des valeurs limites ( articles 5 et 7, paragraphe 3 ), ces autorités peuvent considérer l' état du milieu hydrique dans son ensemble et engager les interventions nécessaires pour atteindre l' objectif défini par la directive .
L' argument est suggestif, mais ne résiste pas à une interprétation systématique de l' acte communautaire . La Commission, en effet, a relevé qu' au moins onze des quatorze paramètres prévus par l' annexe I sont fixés en milligrammes par litre et que les valeurs maximales correspondantes peuvent être dépassées de deux façons : en effectuant ou en tolérant des immixtions excessives de substances nocives à la vie des poissons ou en diminuant d' une manière excessive la quantité d' eau dans laquelle se dissolvent ces substances . Or, si cette observation est exacte, il nous semble difficile de ne pas admettre que les États sont tenus d' interdire les prélèvements excessifs sur les "eaux désignées" dès lors que ces prélèvements impliquent automatiquement une augmentation brusque de la concentration de substances nocives dans l' eau résiduaire . L' article 7, paragraphe 3, dispose, d' ailleurs, que s' il se révèle qu' une valeur fixée par les autorités nationales n' est pas respectée, "l' État membre détermine si cette situation est le fait du hasard, la conséquence d' un phénomène naturel ( les inondations ou d' autres catastrophes naturelles prévues par l' article 6, paragraphe*2 )*... et adopte les mesures appropriées" ( souligné par nous ).
Mais il y a plus . La Commission a, à juste titre, fait observer que, dans l' esprit de la directive, la protection des "eaux désignées" est non pas une fin en soi, mais un moyen de garantir la survie des espèces de poissons auxquelles l' article 1er, paragraphe 3, fait référence . Ces eaux sont donc protégées contre des concentrations de substances nocives en tant qu' habitat des poissons qui y vivent ou qui pourraient y vivre si la pollution était éliminée . Or, cette affirmation comporte un corollaire évident : si les États restaient libres de tolérer des prélèvements qui provoquent une augmentation desdites concentrations ou réduisent la quantité d' eau au-dessous de la limite indispensable à la vie des espèces protégées, l' effet utile non pas de l' une ou de l' autre disposition, mais de la directive dans son ensemble disparaîtrait entièrement .
11 . Comme nous l' avons rappelé en examinant les faits de l' affaire ( point 2, ci-dessus ), la raison qui a amené le pretore de Salò à vous demander d' interpréter la directive 78/659 réside dans la pertinence de celle-ci par rapport à la procédure qu' il a engagée en tant que "condition préalable" de la réglementation pénale en vigueur et au regard de "l' indéniable élargissement" qu' elle entraînerait pour "la sphère de protection pénale ". Le magistrat semble donc considérer - bien qu' il ne le dise pas expressis verbis et, encore moins, ne vous demande pas de vous prononcer sur l' hypothèse qu' il avance - qu' une directive non mise en oeuvre ou mise en oeuvre d' une manière incorrecte peut imposer aux particuliers des obligations de comportement dont la violation est susceptible d' être sanctionnée pénalement par le droit interne .
Pour notre part, nous relevons que : a ) la directive s' applique aux seules "eaux désignées par les États membres" ( articles 1er, paragraphe 1, et*4 ); b ) les États doivent fixer des valeurs limites uniquement pour ces eaux ( article*3 ); c ) les États peuvent fixer des valeurs plus sévères que celles indiquées dans l' annexe I ( article*9 ); d ) les États ne sont pas tenus d' assortir de sanctions pénales les mesures exigées par l' article 17, mais que rien ne le leur interdit . Il ressort, nous semble-t-il, de cet examen sommaire que la directive laisse aux législateurs nationaux un large pouvoir discrétionnaire, spécialement en ce qui concerne la désignation des eaux et, partant, que ses dispositions ne satisfont pas aux conditions - clarté, précision, caractère inconditionnel - auxquelles votre jurisprudence subordonne l' aptitude à produire des effets directs .
Ajoutons que, dans un arrêt récent rendu le 26 février 1986 dans l' affaire 152/84 (( Marshall/Southampton and South West Hampshire Area Health Authority ( Teaching ), Rec . p.*723, 727 )), la Cour s' est prononcée comme suit : "Il convient de souligner que selon l' article 189 du traité, le caractère contraignant d' une directive, sur lequel est fondée la possibilité d' invoquer celle-ci devant une juridiction nationale, n' existe qu' à l' égard de 'tout État membre destinataire' . Il s' ensuit qu' une directive ne peut pas par elle-même créer d' obligations dans le chef d' un particulier et qu' une disposition d' une directive ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à l' encontre d' une telle personne" ( point 48 des motifs ). La prémisse de cet attendu nous laisse, à vrai dire, assez perplexe, mais nous adhérons à sa conclusion à tout le moins dans la mesure où on l' entend en ce sens que la directive ne peut pas par elle-même imposer aux particuliers des obligations à l' égard de l' administration publique . Nous reconnaissons en tout cas que l' arrêt précité coupe court à toute discussion sur le bien-fondé du postulat sur la base duquel le pretore de Salò paraît formuler sa demande .
Mais la demande n' est pas, de ce fait, privée de pertinence . Au cours de l' audience, l' agent du gouvernement italien a exclu comme nous que des prescriptions ou des interdictions*pouvant concerner des personnes physiques ( ou morales ) résultent de la directive, niant ainsi l' aptitude même indirecte de celle-ci à constituer une condition préalable permettant de considérer un fait comme un délit . Il a reconnu, toutefois, que l' acte en question peut agir dans le sens d' une aggravation des infractions à la loi pénale condita ou condenda . Une ressource hydrique "désignée" par l' État selon les modalités prévues par les dispositions communautaires est, en effet, un bien juridique qui, dans la mesure où il garantit des résultats utiles à la Communauté dans son ensemble, revêt une valeur particulière . Les délits dont cette ressource fait l' objet peuvent donc comporter une peine plus sévère, parce qu' ils affectent non pas des eaux quelconques, mais des eaux qui méritent une protection plus rigoureuse ( article 133, alinéa 1, point 2 du code pénal ).
L' observation nous paraît correcte et à la lumière de celle-ci il est permis d' affirmer qu' une fois son article 4 mis en oeuvre, la directive peut avoir une incidence sur la procédure engagée par le pretore, à tout le moins dans la mesure où la protection pénale s' en trouve renforcée . La "désignation" de la Chiese, intervenant éventuellement avant que le procès ne s' achève, serait en effet du jus superveniens; mais cette caractéristique demeurerait sans influence, parce que la gravité du dommage causé revêt, à l' évidence, une importance objective .
12 . Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par le pretore de Salò par ordonnance rendue le 13 janvier 1986 dans le cadre d' une procédure contre inconnus :
"1 ) L' article 177 du traité CEE se fonde sur une nette séparation entre les compétences des juges nationaux et celles de la Cour communautaire . Il ne permet donc pas à celle-ci de statuer sur la compatibilité de l' ensemble de la législation italienne en matière de protection des eaux contre la pollution avec la directive 78/759 du Conseil, du 18 juillet 1978, concernant la qualité des eaux douces ayant besoin d' être protégées ou améliorées pour être aptes à la vie des poissons .
2 ) Les paramètres de qualité visés à l' annexe I de la directive 78/659 sont en grande partie indiqués en termes de milligrammes par litre . D' autre part, la protection des eaux aptes à la vie des poissons du point de vue de la qualité implique que les eaux ne fassent pas l' objet de prélèvements excessifs et, en tout cas, de nature à entraver la fin qu' elle poursuit . De ces données procède, pour les États membres, l' obligation d' assurer le maintien de la quantité d' eau indispensable à la survie des espèces de poissons protégées en ce qui concerne les ressources hydriques qu' ils qualifient 'd' eaux désignées' au sens de ladite directive ( article*4 )."
(*) Traduit de l' italien .