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Document 61985CC0349
Opinion of Mr Advocate General Cruz Vilaça delivered on 12 November 1987. # Kingdom of Denmark v Commission of the European Communities. # EAGGF - Export refunds - Bovine meat. # Case 349/85.
Conclusions de l'avocat général Cruz Vilaça présentées le 12 novembre 1987.
Royaume de Danemark contre Commission des Communautés européennes.
FEOGA - Restitutions à l'exportation - Viande bovine.
Affaire 349/85.
Conclusions de l'avocat général Cruz Vilaça présentées le 12 novembre 1987.
Royaume de Danemark contre Commission des Communautés européennes.
FEOGA - Restitutions à l'exportation - Viande bovine.
Affaire 349/85.
Recueil de jurisprudence 1988 -00169
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1987:487
Conclusions de l'avocat général Vilaça présentées le 12 novembre 1987. - Royaume de Danemark contre Commission des Communautés européennes. - FEOGA - Restitutions à l'exportation - Viande bovine. - Affaire 349/85.
Recueil de jurisprudence 1988 page 00169
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
I - L' objet du recours
1 . Dans la présente procédure, le royaume de Danemark demande l' annulation partielle, en ce qui concerne les restitutions à l' exportation dans le secteur de la viande bovine, des décisions 85/450/CEE et 85/451/CEE de la Commission, du 28 août 1985, relatives à l' apurement des comptes présentés par cet État membre au titre des dépenses financées par le FEOGA, section "garantie", pour les exercices financiers 1980 et 1981 ( 1 ).
2 . Quel est, en substance, l' objet du litige?
3 . Aux termes du règlement n°*805/68 du Conseil, du 27 juin 1968 ( 2 ), portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine, ladite organisation comporte un régime de restitutions à l' exportation, visant à compenser la différence entre les prix des produits sur le marché mondial et dans la Communauté ( article*18 ).
4 . Les règles générales concernant l' octroi des restitutions et les critères de fixation de leur montant ont été établis par le règlement n°*885/68 du Conseil, du 28 juin 1968 ( 3 ).
5 . En application de l' article 18, paragraphe 5, du règlement n°*805/68, la Commission a fixé, notamment par le règlement n°*187/80, du 29 janvier 1980 ( 4 ), les restitutions à l' exportation à octroyer dans le secteur concerné en 1980 et 1981 . La liste des produits visés et les montants des restitutions sont fixés à l' annexe au règlement . Ladite annexe cite notamment les préparations et conserves de viande de l' espèce bovine, classées dans la sous-position 16.02 B III b ) 1 du tarif douanier commun et pour lesquelles les montants des restitutions à verser dépendent du pourcentage de viande bovine contenue dans lesdites préparations et conserves . L' annexe en question précise qu' il s' agit des pourcentages de "viande bovine ( à l' exclusion des abats et de la graisse )".
6 . C' est précisément l' interprétation de l' expression "viande bovine ( à l' exclusion *... de la graisse )" qui est en cause dans la présente procédure et sur laquelle porte le différend .
7 . Il s' agit, au fond, de savoir si cette expression entraîne, lors du calcul de la teneur en viande du produit fini, l' exclusion de toute la graisse sous toutes ses formes ou si une partie de la graisse peut être considérée comme faisant partie de la viande aux fins de l' octroi des restitutions à l' exportation .
8 . Le Danemark soutient que le concept de "graisse", dont il s' agit en l' espèce, vise uniquement la graisse ajoutée, qui ne fait pas partie inhérente de la viande, celle-ci pouvant dès lors contenir une teneur intrinsèque de graisse à concurrence d' un pourcentage maximal que le requérant fixe à*30 %.
9 . A l' opposé, la Commission rejette cette interprétation, estimant qu' aux fins du calcul des restitutions à l' exportation il faut exclure la graisse sous toutes ses formes, naturelle ou ajoutée, apparente ou non, en ne prenant en considération que la teneur en graisse de la viande qui est déterminée par analyse .
10 . Aussi a-t-elle refusé, par les décisions litigieuses, de financer des restitutions à l' exportation de préparations de "viande bovine" pour 1980 et 1981, respectivement pour un montant de 18*175*950,25 et de 31*664*013,16 DKR .
11 . A l' appui de son recours, le gouvernement danois invoque deux moyens :
a ) les décisions litigieuses se fondaient sur une interprétation inexacte du règlement n°*187/80 de la Commission et des autres règlements fixant les restitutions à l' exportation dans le secteur de la viande bovine pour 1980 et 1981, de sorte que la Commission a violé l' article 2 du règlement n°*729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune ( 5 ), aux termes duquel sont financées les restitutions à l' exportation vers les pays tiers accordées selon les règles communautaires dans le cadre de l' organisation commune des marchés agricoles;
b ) n' ayant pas respecté elle-même le délai fixé à l' article 5 du règlement n°*729/70 pour l' apurement définitif des comptes du FEOGA, la Commission n' a pas le droit de se fonder sur un argument juridique qu' elle n' a pas avancé en temps utile .
12 . Examinons chacun de ces moyens de recours .
II - Premier moyen : interprétation inexacte des règlements qui fixent les restitutions à l' exportation
13 . A - Selon le gouvernement danois, en l' absence de critères spécifiques de droit communautaire, la notion de "viande bovine" doit être définie selon son acception courante, comme étant la musculature du squelette avec son contenu naturel en graisse, tant visible qu' intramusculaire .
14 . Selon les critères adoptés par les autorités danoises, on pourrait considérer comme normale une teneur de la viande en graisse naturelle atteignant 30 %. La graisse étant donc une partie naturelle et inhérente de la viande, seule la graisse ajoutée à la viande dans la préparation finale ne pourrait pas être prise en considération pour fixer la restitution à l' exportation .
15 . Le Royaume-Uni, autorisé à intervenir dans la procédure, propose, lui aussi, une interprétation du règlement proche de celle défendue par le Danemark ( mais sans être identique ). Pour cet État membre, en l' absence de critères spécifiques de droit communautaire, l' expression "viande bovine" devrait être interprétée de manière raisonnable et conformément au bon sens . C' est ce qui l' a conduit à considérer, en accord avec une pratique dérivée de la "Meat Products and Spreadable Fish Products Regulation 1984", que, par cette expression, il fallait entendre la viande bovine maigre (" lean meat "), c' est-à-dire le tissu musculaire maigre après élimination des tissus graisseux apparents, mais pouvant contenir jusqu' à 10 % de graisse non apparente . Par conséquent, le Royaume-Uni interprète l' expression "viande bovine ( à l' exclusion des abats et de la graisse )" dans le sens de "viande bovine maigre, à l' exclusion des abats et de la graisse apparente ".
16 . Faut-il adopter l' interprétation préconisée par ces deux États membres?
17 . B - Examinons d' abord l' interprétation littérale des préceptes applicables .
18 . A cet égard, force est d' admettre dès à présent que le texte du règlement en cause est susceptible de fournir des indications contradictoires quant à son sens .
19 . D' une part, en utilisant l' expression "viande bovine ( à l' exclusion *... de la graisse )", l' annexe au règlement n°*187/80 omet toute distinction quant à la nature de la graisse à exclure . "Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus ": de prime abord, il apparaît donc que, à défaut d' autres éléments imposant la conclusion contraire, il faudra exclure, à cet effet, de la notion de viande bovine toute la graisse sous toutes ses formes, ajoutée ou naturelle, apparente ou intramusculaire . Le législateur n' ayant individualisé aucune de ces catégories de graisses et étant donné que la viande bovine contient naturellement de la graisse, l' exclusion de la graisse entre les parenthèses paraît signifier que, dans le cas particulier du produit de la sous-position 16.02 B III b ) 1 du tarif douanier commun, la graisse, même naturelle, ne fait pas partie de la viande bovine .
20 . Contrairement aux allégations du gouvernement requérant, il n' en résulte pas que, étant fondée sur une "notion fictive" de la viande, l' interprétation de la Commission revient à refuser le "sens naturel" ou le concept traditionnel et peut-être internationalement usuel de "viande" ou de "viande bovine", qui inclut la graisse naturelle, visible ou intramusculaire .
21 . La Commission veut seulement dire que, pour déterminer le pourcentage de viande, contenue dans une préparation donnée, aux fins de la fixation du montant de la restitution, l' expression "viande bovine" ne peut pas, dans ce cas particulier, être considérée isolément, mais doit l' être en liaison avec l' expression suivante, figurant entre parenthèses .
22 . Cette interprétation semble même être celle qui confère le mieux un sens utile au précepte en cause .
23 . En fait, selon la logique même de la thèse du requérant, dans l' hypothèse où l' on admet que la "viande bovine" est en principe la "viande bovine avec sa graisse naturelle", si le législateur voulait seulement exclure la "graisse ajoutée" aux fins du calcul de la teneur du produit en viande, il ne serait pas vraiment nécessaire de l' indiquer, étant donné que la "viande bovine" n' inclurait naturellement pas la graisse ajoutée . Comme le gouvernement danois lui-même l' a observé, celle-ci se substituerait à la viande, en diminuant la teneur du produit en question et en augmentant la part des ingrédients autres que la viande dans ce produit .
24 . Dans ces conditions, le fait que le législateur a voulu préciser que la viande bovine à prendre en considération exclut la graisse semble laisser à penser qu' il a voulu exclure du calcul de la teneur en viande toute la graisse naturelle, et non seulement la graisse ajoutée ( ou la graisse ajoutée et la graisse naturelle apparente, comme le Royaume-Uni le soutient ).
25 . Il est vrai que le règlement n°*187/80 se réfère non seulement à la "graisse", mais aussi aux "abats", qui ne sont normalement pas considérés comme faisant partie de la viande . Selon le gouvernement britannique, cela "paraît indiquer que le type de graisse dont il est question appartient à la même catégorie que les abats, c' est-à-dire à celle des matières animales aisément séparables, en général, de la viande maigre et qui ne font pas partie intégrante de celle-ci ".
26 . Militerait dans le même sens le fait que, dans le tarif douanier commun, la graisse et les abats d' animaux font l' objet d' une définition séparée en tant que produits distincts de la viande et des préparations à base de viande ( 6 ): or, selon le gouvernement britannique, il serait évident que seule la graisse animale, séparable de la viande, peut être commercialisée en tant que produit distinct .
27 . Toutefois, cela n' empêche pas que, même dans les ouvrages de référence comme celui dont la Commission a fait état dans son rapport de synthèse relatif à l' apurement des comptes du FEOGA et que le Danemark a cité à l' appui de son argumentation ( Source Book for Food Scientists ), on considère comme inclus dans la viande ( au sens de "toutes les parties comestibles du muscle liées au squelette ") "la langue, le diaphragme, le coeur, l' oesophage", outre "les os, la peau, les tendons, les nerfs et les vaisseaux sanguins normalement présents dans le tissu musculaire ". D' autres documents, également cités par le requérant, mentionnent, quant à eux, un ensemble de composants de la notion de viande différents de ceux qui viennent d' être cités .
28 . Or, la terminologie ne paraît pas avoir un caractère universel et rien n' empêche que la même expression ait des sens différents selon les buts poursuivis - scientifiques, commerciaux, techniques ou le calcul des restitutions à l' exportation -, ce qui fait qu' on ne peut pas, selon nous, déduire un argument décisif du fait qu' outre la "graisse" le règlement litigieux mentionne les "abats ".
29 . D' autre part, on peut constater que l' intitulé général de la rubrique de l' annexe du règlement n°*187/80, qui correspond à la sous-position tarifaire 16.02 B III b ) 1, ne se réfère aux "autres préparations et conserves contenant de la viande ou des abats de l' espèce bovine" qu' un peu plus loin, dans les subdivisions ex*aa et ex*bb, et qu' à cet égard non seulement les abats, mais aussi la graisse, sont exclus de la viande .
30 . Eu égard au contenu du titre - qui distingue entre la viande et les abats -, l' exclusion expresse des abats entre les parenthèses devra être considérée soit comme une faute de rédaction, soit comme le résultat d' un souci de clarté, eu égard aux hésitations que nous avons déjà constatées dans l' utilisation des concepts .
31 . En ce qui concerne la graisse, son inclusion entre les parenthèses, et non dans l' intitulé, laisse à penser que le législateur a voulu, au moins en partie, exclure quelque chose qui ferait en principe partie de la notion de viande .
32 . Cette conviction paraît être renforcée par le fait que le texte de la sous-position correspondante du tarif douanier commun ne mentionne pas l' exclusion de la graisse de la viande qui compose les préparations ( selon l' interprétation du Royaume-Uni, il ne peut s' agir que de la graisse intramusculaire ), alors que le règlement n°*187/80 l' exclut expressément .
33 . La lecture du précepte donne l' impression qu' en utilisant des parenthèses le législateur a voulu indiquer que certains ingrédients d' origine animale qui, de par leurs caractéristiques, se rapprochent de la viande bovine au point de pouvoir se confondre avec le produit fini ne doivent pas être pris en considération lors du calcul de la teneur en viande dudit produit . C' est la raison pour laquelle il a cité les abats, qui sont normalement distincts de la viande, mais qui entrent quelquefois dans ce concept; c' est aussi la raison pour laquelle il a cité la graisse, qui peut, du moins lorsqu' elle est intramusculaire, être considérée comme faisant partie de la viande, mais qui, dans le produit fini, ne peut pas être distinguée de la graisse ajoutée .
34 . En somme, on a l' impression que le législateur a voulu préciser que les pourcentages auxquels il se réfère aux fins de la fixation des restitutions sont les pourcentages de viande et seulement de viande .
35 . Or, il faut admettre que la Commission avait à sa disposition les moyens d' exprimer sa pensée sur ce point de manière bien plus claire . Dans sa réplique, le requérant donne quelques exemples à la carte .
36 . Le règlement aurait notamment pu préciser la nature de la graisse qu' il mentionne ou indiquer que les pourcentages qu' il établit sont déterminés par analyse .
37 . Il résulte de ce qui précède que les termes utilisés dans les dispositions en cause ne militent pas de façon claire et nette en faveur d' une seule interprétation .
38 . Toutefois, si le texte, tel qu' il a été rédigé, ne permet pas de considérer l' interprétation de la Commission comme la seule possible, il ne permet pas non plus de considérer l' interprétation danoise comme celle qui correspond le mieux au texte littéral du précepte .
39 . En ce qui concerne l' interprétation défendue par le Royaume-Uni, il faut constater que les textes réglementaires ne fournissent aucun appui clair en faveur de la distinction, proposée par le Royaume-Uni, entre la viande (" meat ") et la viande maigre (" lean meat ") qui permette de donner à l' expression "teneur en viande" le sens de "teneur en viande maigre ". S' il est vrai que cette interprétation est peut-être celle qui correspond le mieux à la notion courante de viande - celle qui est utilisée dans le langage courant et par les bouchers eux-mêmes -, elle ne trouve notamment aucune justification cohérente en faveur du pourcentage de 10 %, choisi par le Royaume-Uni, et paraît seulement fondée sur la pratique nationale du Royaume-Uni .
40 . C - Il faut dès lors recourir à d' autres éléments d' interprétation susceptibles de clarifier les notions à interpréter .
41 . D - Examinons d' abord si le point de vue de la Commission est confirmé par l' interprétation téléologique .
42 . Ainsi qu' il résulte du préambule, dixième considérant, et de l' article 18, paragraphe 1, du règlement n°*805/68, le système des restitutions à l' exportation dans ce secteur vise à promouvoir l' exportation des produits visés par l' organisation commune du marché en question, de manière à "sauvegarder la participation de la Communauté au commerce international de la viande bovine ". Compensant la différence entre les cours ou les prix de ces produits sur le marché mondial et dans la Communauté, les restitutions rendent possibles des exportations qui, dans le cas contraire, ne le seraient pas, en permettant aux producteurs communautaires d' être compétitifs sur les marchés extérieurs .
43 . Il ne s' agit pas nécessairement, comme la Commission a pu l' affirmer, de promouvoir l' exportation des produits de haut de gamme .
44 . En tout état de cause, la poursuite de cet objectif général doit tenir compte des éléments visés à l' article 2 du règlement n°*885/68 et, parmi ceux-ci (( article 2, sous*a )*)), la situation et les perspectives d' évolution, sur le marché de la Communauté, des prix des produits et des disponibilités existantes .
45 . Or, selon les informations données par la Commission, le marché communautaire de la viande bovine a été caractérisé, au cours des années 80, par une situation nettement excédentaire; dans ces conditions, il n' est pas étonnant que, pour faciliter l' écoulement de la viande bovine, les restitutions à octroyer pour les préparations soient d' autant plus élevées que le pourcentage de viande, contenue dans ces préparations, est élevé .
46 . Dans l' interprétation de la Commission, l' objectif du système des restitutions existe indéniablement et sa réalisation est la mieux assurée . Le montant de la restitution augmente de façon plus que proportionnelle par rapport au pourcentage de viande sans graisse contenue dans le produit . En fait, pour les années 1980 et 1981, si on confronte l' intervalle "80 %" à l' intervalle "60 à 80 %" de viande sans graisse, on s' aperçoit que le montant des restitutions à octroyer pour la deuxième catégorie n' est pas égal aux trois quarts du montant octroyé pour la première catégorie, comme il résulterait du rapport entre ces pourcentages, mais d' un peu plus de la moitié .
47 . Selon la Commission, l' objectif assigné au système des restitutions à l' exportation dans le secteur en cause aurait été récemment renforcé par le fait que le règlement n°*2672/85 de la Commission, du 23 septembre 1985 ( 7 ), a ajouté un nouvel échelon de 90 % du poids de viande, à l' exclusion des abats et de la graisse .
48 . Force est d' admettre que, bien que formulé autrement afin de corriger la référence au prétendu objectif de la "promotion de l' exportation des produits de haute qualité", l' argument ne manque pas de souligner les données, fournies à la lumière du règlement n°*187/80, par l' interprétation téléologique .
49 . En revanche, il résulte de l' interprétation danoise que, si on peut remplacer 30 % de la viande par de la graisse de toute nature - puisque, comme nous l' exposerons plus en détail plus loin, les méthodes d' analyse ne permettent pas de distinguer, dans le produit fini, entre la graisse naturelle et la graisse ajoutée -, l' écoulement de la viande bovine est réduit d' autant .
50 . La première interprétation favorise l' exportation de préparations ayant la teneur en viande la plus élevée possible, cela afin d' alléger un marché interne excédentaire; l' interprétation du requérant nous éloigne un peu plus de cet objectif .
51 . L' aspect économique des exportations, qui est un autre des facteurs visés à l' article 3, sous d ), du règlement n°*885/68, nous conduit aussi à des conclusions identiques à celles que nous venons d' énoncer . Nous ne pensons pas que - comme la Commission l' a également affirmé à l' audience - la possibilité d' utiliser une viande de moindre qualité, voire de substituer jusqu' à 30 % de la viande par de la graisse de toute nature, tout en obtenant cependant la même restitution, nonobstant le moindre coût des matières premières utilisées, puisse se concilier avec cet aspect .
52 . L' interprétation du Royaume-Uni est déjà plus conforme à l' objectif susmentionné et elle représente indéniablement le minimum qu' on puisse exiger pour que cet objectif puisse être considéré comme respecté .
53 . E - Dans la réplique, le requérant invoque encore à l' appui de sa thèse la genèse des règlements relatifs aux restitutions dans le secteur de la viande bovine . Selon lui, le règlement n°*678/77 de la Commission, du 31 mars 1977, qui a fixé pour la première fois les restitutions à l' exportation dans le secteur de la viande bovine ( 8 ), a prévu un montant de restitutions identique pour les préparations contenant au moins 80 % de viande bovine non bouillie et pour les matières premières entrant normalement dans leur composition ( les quartiers avant ). Or, une restitution identique ne serait obtenue que dans l' interprétation du requérant, l' interprétation de la Commission aboutissant, en revanche, à l' octroi d' une restitution moins élevée pour les quartiers avant utilisés dans les préparations pour lesquelles la restitution serait accordée pour les quartiers avant non préparés .
54 . Or, la réponse de la Commission à cet argument est susceptible de lui ôter toute force probante . En effet, il s' agit de produits différents, ayant des valeurs distinctes et des prix différents sur les marchés d' exportation; selon la Commission, le fait que les restitutions étaient à l' époque identiques est dû au hasard, à une simple coïncidence historique fondée sur l' appréciation du marché et des possibilités d' écoulement, faite à l' époque .
55 . Cette explication serait même corroborée par le fait, indiqué par le gouvernement danois lui-même, que ce parallélisme a cessé d' exister, après l' adoption du règlement n°*678/77, les montants de la restitution étant fixés, dans certains cas, à un niveau plus élevé et, dans d' autres cas, à un niveau moins élevé, selon l' appréciation du marché et des possibilités d' écoulement, faite à intervalles réguliers . Tel est le cas du règlement n°*187/80, en vertu duquel, pour les préparations non bouillies, contenant au moins 80 % de viande, une restitution de 98,880 ou 91,880 écus est versée par 100 kg de poids net, selon les destinations, alors que ces montants varient entre 72,500 et 95,000 écus pour les quartiers avant non préparés .
56 . Rien ne permet donc de déduire des montants des restitutions une éventuelle volonté du législateur de consacrer le parallélisme évoqué par le gouvernement danois, ce qui fait que l' argument n' est pas déterminant .
57 . Le gouvernement danois et le gouvernement britannique font encore valoir que les règlements applicables dans le secteur de la viande porcine ( notamment le règlement n°*3065/86, du 7 octobre 1986 ( 9 )) prévoient qu' il faut tenir compte, pour les restitutions à l' exportation, de la graisse de toute nature et de toute origine ( 10 ), ce qui voudrait dire que, si le législateur avait voulu exclure toute la graisse dans le cas parallèle de la viande bovine, il l' aurait également fait par une disposition expresse .
58 . Cet argument ne paraît pas non plus déterminant et il peut du reste être retourné . Pour la viande bovine, dont il est question entre les parenthèses litigieuses, le législateur a voulu consacrer un système différent de celui existant pour la viande porcine; il est donc permis d' affirmer que, puisque ce dernier système paraissait moins logique, le législateur a jugé nécessaire de préciser qu' aux fins de la restitution toutes les graisses étaient incluses dans la teneur en viande du produit, contrairement aux préparations à base de viande pour lesquelles, faute d' indications, toutes les graisses sont exclues .
59 . Nous ne pensons pas non plus qu' on puisse déduire, du point de vue de l' interprétation, un argument décisif du fait que la Commission a présenté, le 29 octobre 1985, une proposition de règlement du Conseil relatif au classement des marchandises dans la sous-position 16.02 B III b ) 1 aa ) 33 de la nomenclature reprise dans l' annexe du règlement n°*2672/85, proposition qui s' est traduite dans le règlement n°*244/86, du 4 février 1986 ( 11 ), par référence à l' annexe du règlement n°*149/86 de la Commission ( 12 ).
60 . Selon le gouvernement danois, cette circonstance prouverait la faiblesse de l' interprétation du règlement n°*187/80 et des règlements similaires par la Commission .
61 . Pour la Commission, la proposition en question, qui a été élaborée à partir d' un cas réel de classement erroné d' une marchandise analysée par les autorités danoises, n' a fait que confirmer le droit applicable; cette proposition était devenue nécessaire pour éviter des interprétations erronées et assurer une application uniforme de la nomenclature du tarif douanier commun, comme le recommande le préambule du règlement n°*97/69 du Conseil, du 16 janvier 1969, relatif aux mesures à prendre pour l' application uniforme du tarif douanier commun ( 13 ).
62 . Toute conclusion qu' on voudrait tirer de l' existence de cette proposition pour l' interprétation de textes antérieurs nous apparaît donc comme un couteau à double tranchant et nous ne pensons dès lors pas qu' on puisse en déduire un argument dans un sens ou dans l' autre .
63 . On pourrait dire la même chose en ce qui concerne le règlement n°*2429/86 de la Commission, du 31 juillet 1986 ( 14 ), qui a établi une procédure commune de détermination de la teneur en viande des préparations contenant de la viande bovine et qui a clarifié la notion de graisse en la définissant comme "matière grasse ( y compris la matière grasse provenant de la viande elle-même )".
64 . Ce qu' on peut en déduire à l' appui des points de vue du requérant et du gouvernement britannique, c' est que - malgré les difficultés existant au sein du Conseil - il existe depuis 1986 des textes clairs qui n' existaient pas auparavant .
65 . F - Examinons maintenant les réalités d' ordre technique .
66 . Il est apparu, à l' audience, que seule l' analyse permet de déterminer la teneur en viande des produits en question; à la même audience, il a aussi été confirmé que, comme le requérant l' avait déjà admis dans la réplique, l' analyse chimique ne permettait pas de distinguer entre la graisse naturelle, visible ou invisible, et la graisse ajoutée .
67 . En obligeant à accorder une plus grande importance au contrôle visuel sur le lieu de production, accompagné de la pesée des matières premières, la distinction proposée par le requérant limite donc sérieusement l' efficacité du contrôle par analyse du produit fini .
68 . Or, comme la Commission l' a observé, la question qui est à la base de la présente procédure est celle de savoir quelle restitution à l' exportation doit être versée pour un produit fini déterminé, ce qui oblige à fixer la teneur du produit en viande ( sans graisse, ajoute la Commission ). Dans ces conditions, tout contrôle effectué au stade de la production revêt une importance secondaire par rapport au contrôle du produit fini, cela d' autant plus que, si ce contrôle est basé sur une appréciation visuelle de la teneur du produit en graisse, il comporte toujours une certaine part d' arbitraire et de subjectivité, contrairement au contrôle par analyse .
69 . Cela n' empêche pas que les entreprises soient en mesure de déterminer avec suffisamment de précision, lors de la production, les restitutions à l' exportation qui devront leur être versées pour la production prévue, en fonction de la quantité et de la nature des matières premières utilisées, ce qui leur permet de programmer leurs activités de production . C' est ce que permet le contrôle empirique de l' "oeil expérimenté" qui, comme le requérant l' a rappelé dans la réplique, peut encore être amélioré par la comparaison de la matière première examinée avec des clichés en couleur de viandes dont les teneurs en graisse varient et sont déterminées par analyse .
70 . Or, cela n' est pas la même chose que de contrôler le produit fini, et ce dernier contrôle doit nécessairement être effectué par analyse .
71 . Même si les doutes quant à la possibilité d' appliquer, il y a quelques années, les méthodes d' analyse chimique basées sur la teneur en azote ou quant au "caractère normal", du point de vue des pratiques commerciales ou industrielles, de la notion de "viande maigre déterminée par analyse", ce qui est sûr, c' est que l' agent du gouvernement danois a déclaré à l' audience que, dans son pays, de telles méthodes ( qui, selon le gouvernement britannique, sont internationalement admises et sont celles qui paraissent avoir été consacrées par le règlement n°*2429/86 ) sont déjà utilisées depuis plusieurs années .
72 . Il n' est donc pas surprenant que la Commission s' appuie sur les résultats de ces analyses pour contrôler la teneur en viande sans graisse lors de l' octroi des restitutions à l' exportation pour les préparations à base de viande bovine dans le cadre de la politique agricole commune .
73 . Quoi qu' il en soit, on peut déduire de ce qui précède, tout d' abord, que les données techniques du problème ne s' opposent pas à l' interprétation préconisée par la Commission et n' obligent pas non plus à adopter l' interprétation défendue par le Danemark et le Royaume-Uni .
74 . Au contraire, nous pensons que les questions techniques susmentionnées corroborent l' interprétation de la Commission .
75 . En effet, étant donné que l' analyse ne permet pas de distinguer, dans le produit fini, entre la graisse naturelle et la graisse ajoutée, l' interprétation du requérant permet de tourner tout contrôle du produit fini en substituant la viande par de la graisse de ce dernier type en quantités dépassant celles admises par la réglementation communautaire .
76 . La circulaire envoyée par le ministère danois de l' Agriculture et versée au procès en annexe 5 à la requête paraît illustrer ce problème .
77 . Cette circulaire contient, parmi les différentes méthodes de calcul préconisées, la méthode suivante :
% de viande à l' analyse = % de viande sans graisse à l' analyse + % de graisse à l' analyse .
78 . En vue du contrôle analytique des préparations à base de viande bovine, les autorités danoises ne font apparemment pas de distinction entre la graisse naturelle et la graisse ajoutée, en ajoutant au pourcentage de viande qui, selon l' analyse, ne contient pas de graisse le pourcentage de graisse de toute origine et de toute nature, cela afin de déterminer le pourcentage de viande à l' analyse qui, selon elles, permettrait de classer le produit dans l' une des catégories aux fins du calcul de la restitution .
79 . La méthode qui paraît ainsi préconisée ne permet pas un contrôle susceptible d' éviter les manipulations frauduleuses .
80 . Même si on fait abstraction de l' hypothèse de fraude, en appliquant un coefficient de correction de 30 % pour déterminer la teneur maximale autorisée de graisse intramusculaire, l' interprétation du requérant ramène les limites analytiques, exprimées en viande sans graisse et prévues dans le règlement, de 80, 60, 40 et 20% à, respectivement, 56, 42, 28 et*14 %.
81 . Il en résulte que, compte tenu du fait que la viande bovine de qualité supérieure contient entre 2 et 5 % de graisse, le montant le plus élevé de la restitution est versé tant pour une marchandise dont la teneur en viande sans graisse se situe entre 95 et 98 % que pour celle dont la teneur atteint seulement 56 %, les 44 % restants pouvant, dans ce dernier cas, être constitués d' autres ingrédients .
82 . Il en résulte aussi qu' aux fins du calcul des restitutions cette catégorie de produits finit par inclure une catégorie supérieure dans un intervalle de 44 %, suivie par les trois autres catégories avec des intervalles de 14 %, au lieu de se répartir harmonieusement par intervalles réguliers de 20 % de poids de viande sans graisse .
83 . La teneur maximale de graisse dans la viande bovine que le gouvernement danois considère comme admissible, à savoir 30 %, ne paraît du reste pas suffisamment justifiée du point de vue du droit communautaire .
84 . D' un côté, comme la Commission l' observe, aucun texte de droit communautaire ne se réfère à cette teneur maximale . On appliquera alors les critères nationaux, auxquels renvoie le silence du législateur communautaire .
85 . Or, s' il est vrai que, pour justifier le choix de ce pourcentage, le gouvernement danois invoque le fait que la teneur naturelle des quartiers avant en graisse varie de 18 à 36 %, il est tout aussi vrai qu' il n' avance aucune justification cohérente pour la valeur précise de 30 % au lieu de toute autre valeur qui pourrait, du reste, paraître plus logique .
86 . S' il n' est pas possible de trouver un fondement solide pour justifier le pourcentage de 30 % de graisse naturelle ( visible et invisible ), admis par le gouvernement danois, le pourcentage de 10 % de graisse invisible, préconisé par le gouvernement du Royaume-Uni, n' est pas non plus étayé, comme nous l' avons déjà dit, sur une justification qui rendrait ce pourcentage incontestable .
87 . Aucune des thèses ne se révèle en tout cas apte à assurer une interprétation "communautaire" de l' expression litigieuse .
88 . G - Il s' ensuit que les interprétations préconisées par les États membres n' assurent pas l' uniformité souhaitable dans l' application du droit communautaire .
89 . Or, comme la Cour l' a affirmé, "les organisations communes des marchés agricoles *... ne peuvent remplir leurs fonctions que si les dispositions auxquelles elles donnent lieu sont appliquées de manière uniforme dans tous les États membres", ce qui fait que "les désignations des marchandises faisant l' objet de ces organisations doivent donc avoir, dans tous les États membres, la même portée" ( arrêt du 18 juin 1970 dans l' affaire 74/69, Hauptzollamt Bremen/Krohn, Rec . p.*451, attendu*8 ( 15 )).
90 . En conséquence, comme la Commission l' a souligné, il en résulte une distorsion du jeu de la concurrence par rapport aux États membres qui adoptent l' interprétation stricte du règlement, les opérateurs économiques danois ( et, dans une moindre mesure, ceux du Royaume-Uni ) pouvant obtenir la même restitution pour des produits ayant un pourcentage moins élevé de viande sans graisse .
91 . Or, comme la Cour l' a affirmé dans les arrêts du 7 février 1979 dans les affaires 11/76, Pays-Bas/Commission, et 18/76, République fédérale d' Allemagne/Commission ( 16 ), dans le cadre du système prévu aux articles 2 et 3 du règlement n°*729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, une "interprétation stricte" des conditions de prise en charge des dépenses par le FEOGA s' impose notamment en raison de la finalité de ce règlement .
92 . En effet, la Cour a précisé ce qui suit :
"... la gestion de la politique agricole commune dans des conditions d' égalité entre les opérateurs économiques des États membres s' oppose à ce que les autorités nationales d' un État membre, par le biais d' une interprétation large d' une disposition déterminée, favorisent les opérateurs de cet État, au détriment de ceux des autres États membres où une interprétation plus stricte est maintenue;
... pareille distorsion de la concurrence entre les États membres, si elle se produit malgré les moyens disponibles pour assurer l' application uniforme du droit communautaire dans l' ensemble de la Communauté, ne saurait être financée par le FEOGA, mais doit, en tout état de cause, rester à la charge de l' État membre concerné ".
93 . Or, selon les informations données par la Commission, les autres États membres ( à l' exception du Luxembourg, où le règlement ne trouve pas application ) appliquent les normes litigieuses en conformité avec l' interprétation que la Commission juge correcte .
94 . Dans ces conditions, la pratique suivie par les autorités danoises résultant d' une interprétation erronée du droit communautaire, "la Commission ne serait tenue de faire prendre en charge par le FEOGA les dépenses effectuées sur cette base que si l' interprétation erronée pouvait être imputée à une institution de la Communauté" ( 17 ).
95 . Or, selon nous, c' est ici qu' on peut commencer à mettre en cause la thèse défendue par la Commission à l' encontre du recours du Danemark .
96 . D' une part, les divergences entre les thèses des États membres sont révélatrices des difficultés d' interprétation auxquelles le texte litigieux a donné lieu .
97 . D' autre part, on peut se demander si le comportement de la Commission est à tel point exempt de critiques qu' il n' est pas possible d' y trouver des éléments susceptibles d' avoir contribué à induire le Danemark en erreur .
98 . Quoi qu' il en soit, les circonstances qui ont conduit le Danemark à appliquer le règlement litigieux n' auraient-elles pas pu conforter l' interprétation qu' il en a donnée, dans la conviction que cette interprétation serait également adoptée par la Commission?
99 . H - Voyons dès à présent le problème des différentes versions linguistiques .
100 . C' est la Commission qui, en comparant la version danoise avec les autres versions, a soulevé le problème dans son mémoire en défense . Le requérant a saisi cette circonstance pour se réserver le droit, dans sa réplique, d' imputer à l' institution défenderesse la responsabilité des différences de clarté dans les formulations utilisées .
101 . A cet égard, nous rappellerons tout d' abord la jurisprudence de la Cour selon laquelle, en cas de divergences linguistiques, "il est préférable d' explorer les possibilités de résoudre les points litigieux sans donner la préférence à un quelconque des textes concernés" ( 18 ); la nécessité d' une interprétation uniforme des règlements communautaires exclut qu' en cas de doute le texte d' une disposition soit considéré isolément, mais exige, au contraire, qu' il soit interprété et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles ( 19 ).
102 . La Cour a aussi déjà déclaré, en termes encore plus clairs ( 20 ), "que les différentes versions linguistiques d' un texte communautaire doivent être interprétées de façon uniforme et que, dès lors, en cas de divergence entre ces versions, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l' économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément ".
103 . La Commission a indiqué qu' elle était partie dans son argumentation de la version danoise du règlement n°*187/80, les autres versions linguistiques lui ayant permis de corroborer, de manière peut-être plus claire, l' interprétation qui résultait de la version danoise .
104 . Or, relevons dès à présent la différence existant entre les formes grammaticales utilisées dans la version danoise et dans les autres versions : "ikke *... fedt" paraît correspondre plus exactement à "mas não *... a gordura" (" mais non *... la graisse", "but not *... fat ").
105 . La formule utilisée nous paraît indéniablement moins forte .
106 . Elle n' est cependant pas incompatible avec celle adoptée par la Commission, les considérations relatives à l' interprétation que nous avons exposées jusqu' à présent lui étant applicables .
107 . Nous conclurons donc qu' en ce qui concerne le premier moyen les arguments avancés par le Danemark et le Royaume-Uni ne sont pas de nature à nous convaincre que la Commission a fait une interprétation erronée des dispositions litigieuses .
108 . Nous analyserons dès lors le deuxième moyen de recours .
III - Deuxième moyen : violation de l' article 5 du règlement n°*729/70 par la Commission
109 . A - Le gouvernement danois soutient qu' en apurant les comptes pour 1980 et 1981 avec un retard important par rapport au délai d' un an, prévu par l' article 5 du règlement n°*729/70, cela en violation de la disposition précitée, la Commission a enfreint une obligation juridique d' agir, ce qui l' empêcherait d' invoquer une conception juridique nouvelle .
110 . Si nous avons bien compris, ce moyen peut être décomposé en deux branches .
111 . B - Par la première branche, le Danemark invoque le dépassement par la Commission du délai réglementaire pour l' apurement des comptes . La Commission reconnaît elle-même ce retard, en le justifiant par la surcharge de travail de ses services .
112 . Or, cette circonstance n' est pas par elle-même susceptible de régulariser les éventuelles irrégularités commises par les États membres lors de l' octroi des restitutions à l' exportation et d' empêcher le FEOGA de refuser le financement des dépenses effectuées en violation des règles de droit communautaire, contrairement à ce que prévoit l' article 2 du règlement n°*729/70 .
113 . Il ressort de la jurisprudence de la Cour ( 21 ) que, dans le cadre de l' ordre juridique communautaire, le traité ne se bornant pas à créer des obligations réciproques entre les différents sujets auxquels il s' applique, l' inexécution des obligations incombant aux institutions communautaires ne saurait donc être de nature à dispenser les États membres de l' exécution de leurs obligations, sauf cas expressément prévus .
114 . En outre, comme on peut aussi le déduire de l' arrêt précité du 13 novembre 1964 ( p.*1232-1233 ), un État membre ne saurait invoquer le dépassement d' un délai par une institution de la Communauté pour se disculper d' une quelconque violation du droit communautaire commise par lui avant le dépassement du délai . Dans ces conditions, il n' existe de toute évidence aucun lien de cause à effet entre le manquement de la Communauté et la violation commise par l' État membre .
115 . Tel est le cas dans la présente procédure, dans laquelle, comme la Commission l' observe, les infractions imputables au requérant ont eu lieu en 1980 et 1981 et le dépassement du délai par la Commission n' a eu lieu, pour la première fois, que le 1er janvier 1982 .
116 . C - La deuxième branche du moyen nous paraît déjà mériter une autre appréciation .
117 . En effet, en invoquant l' impossibilité pour la Commission de défendre une "conception juridique nouvelle" au-delà du délai réglementaire d' apurement des comptes, le gouvernement danois prétend en fait qu' en appliquant son interprétation à la décision de 1985 par laquelle elle a rejeté en partie les comptes présentés pour 1980 et 1981, et dans les circonstances dans lesquelles elle l' a fait, la Commission a porté atteinte à la confiance légitime du royaume de Danemark dans le fait que ses comptes seraient approuvés .
118 . Sur quels éléments la reconnaissance éventuelle de ce vice peut-elle être fondée?
119 . Rien ne permet de dire que la conception juridique appliquée dans la décision litigieuse soit, en termes absolus, "nouvelle ".
120 . La Commission soutient - et le contraire n' a pas été démontré - qu' elle n' a jamais défendu une interprétation différente de celle qu' elle a adoptée sans les décisions en question . Simplement, elle n' aurait jamais eu de raison de s' apercevoir plus tôt de l' erreur d' interprétation commise par le requérant, n' ayant eu l' occasion de s' en rendre compte que lors d' une visite de contrôle en juillet 1984 .
121 . Son interprétation des textes litigieux avait même déjà été communiquée en novembre 1979 à l' Irlande, cela en réponse à une question posée par les autorités irlandaises, le gouvernement danois, pour sa part, n' ayant jamais interrogé la Commission sur le même problème .
122 . Or, selon nous, nous touchons ici au premier des points qui nous donnent les éléments essentiels d' appréciation de la position du requérant face au problème de la confiance légitime .
123 . En effet, les autorités irlandaises ayant attiré, en 1979, l' attention de la Commission sur les doutes suscités par l' interprétation des textes correspondant au règlement n°*187/80, la Commission n' a pris aucune initiative pour empêcher une application erronée de ces textes par d' autres États membres, en communiquant la teneur de la réponse donnée à l' Irlande .
124 . C' est ce qu' elle aurait dû faire sur la base du devoir de sollicitude ou de bonne administration et les devoirs généraux, qui lui incombent en vertu de l' article 155 du traité, devraient lui imposer les mêmes obligations, sans qu' elle puisse - semble-t-il - invoquer, pour justifier l' omission, les éventuelles difficultés de caractère administratif ou bureaucratique .
125 . Ainsi, tous les "moyens disponibles pour assurer l' application uniforme du droit communautaire", auxquels la Cour s' est référée dans les arrêts du 7 février 1979, précités, n' ont pas été utilisés comme condition du refus de financement par le FEOGA .
126 . Et il ne semble pas que la carence de la Commission à cet égard ait pour pendant le fait que le Danemark ne l' a pas consultée sur l' interprétation du passage litigieux .
127 . Il est douteux que le Danemark ait été soumis sur ce point à une obligation aussi contraignante que celle qui incombait à la Commission .
128 . D' autre part, rien ne permet de mettre en doute la bonne foi du requérant quant à l' interprétation du règlement, qui lui a paru correcte et qu' il a adoptée, comme il l' a expliqué, à la lumière de ses propres pratiques et critères commerciaux et industriels, sans s' interroger sur la possibilité d' interprétations divergentes .
129 . En outre, la Commission a approuvé les comptes présentés par le Danemark au titre des exercices 1977, 1978 et 1979, sans soulever des objections quant au financement des restitutions à l' exportation pour les préparations de viande bovine .
130 . Il est certain que, selon l' argument avancé par la Commission à l' encontre de ces allégations, les indications contenues dans les tableaux que les autorités danoises lui ont envoyées avec les rapports annuels correspondants ne contenaient pas de précisions suffisantes sur la signification des termes utilisés, lesquelles précisions auraient permis de tirer des conclusions incontestables quant à l' interprétation adoptée par le Danemark .
131 . Ce qui est sûr, c' est que - indépendamment des critiques éventuelles auxquelles la carence de la Commission quant au contrôle des déclarations du requérant relatives à l' apurement des comptes peut donner lieu - le fait que ces comptes ont été approuvés pendant plusieurs années a contribué à asseoir la conviction du Danemark que son comportement n' était pas incorrect .
132 . Du reste, s' il est vrai que nous avons conclu que l' interprétation de la Commission était exacte, à la lumière des textes applicables, il ne s' agissait pas de la seule interprétation possible, ces textes pouvant indéniablement avoir d' autres sens compatibles avec la lettre desdits textes, comme le prouvent les divergences d' interprétation auxquelles l' ambiguïté des textes a donné lieu .
133 . Si nous ajoutons que, comme nous l' avons déjà dit plus haut, la version danoise du règlement est moins contraignante, l' interprétation que le Danemark a donnée pendant les années 1980 et 1981 aux dispositions en cause doit nécessairement être appréciée dans une optique très particulière .
134 . Force nous est donc de conclure que la conjugaison des facteurs auxquels nous venons de nous référer a été de nature à créer, dans l' esprit des autorités danoises, la conviction que son interprétation était correcte et à susciter chez elles une confiance légitime dans le fait que la Commission continuerait à agir de la même manière que durant les années antérieures en ce qui concerne l' apurement des comptes .
135 . Eu égard à ce qui précède, il faut aussi conclure que, pour avoir manqué de la diligence requise, la Commission a contribué, de ce fait, à l' erreur commise par le requérant - ou, à tout le moins, qu' elle n' a rien fait qui soit en son pouvoir pour éviter cette erreur .
136 . Nous estimons donc que le requérant est fondé à obtenir que le FEOGA reconnaisse ses dépenses en lui octroyant les restitutions à l' exportation dont il s' agit dans la présente procédure .
137 . D - Dans la réplique, le requérant a invoqué un autre moyen .
138 . Il soutient qu' il aurait été préférable d' apprécier l' interprétation prétendument erronée du Danemark dans le cadre d' un recours en manquement au titre de l' article 169 du traité, étant donné qu' on ne saurait admettre que la procédure d' apurement des comptes soit utilisée sans limite dans le temps et sans les garanties de l' article 169 du traité .
139 . Ce moyen ne doit pas être considéré comme recevable, étant donné qu' il est invoqué tardivement .
140 . Quoi qu' il en soit, il ne nous paraît pas mettre en cause la régularité de la procédure suivie par la Commission .
141 . La Cour a déjà eu l' occasion de préciser, dans l' arrêt du 7 février 1979 dans les affaires jointes 15 et 16/76, France/Commission ( 22 ), que les deux procédures sont indépendantes l' une de l' autre, poursuivant des buts différents et étant régies par des règles différentes ( attendu*26 ). Le recours en manquement vise à faire constater et à faire cesser le comportement d' un État membre en violation du droit communautaire ( attendu*27 ); cette procédure est donc essentiellement tournée vers l' avenir et elle vise à mettre un terme à ou à éviter la répétition d' un comportement illicite . La procédure d' apurement des comptes, d' autre part, vise, dans l' état actuel du droit communautaire, à constater non seulement la réalité et la régularité des dépenses, mais aussi la répartition correcte, entre les États membres et la Communauté, des charges financières résultant de la politique agricole commune, sans que la Commission puisse déroger aux règles impératives applicables ( attendu*29 ); cette procédure est donc essentiellement tournée vers le passé, en permettant de déduire des conséquences financières des violations du droit communautaire commises dans le cadre de la gestion, par les États membres, des règles de la politique agricole commune .
142 . Le recours en manquement, formé en vertu de l' article 169 du traité, ne doit donc pas être considéré comme une condition nécessaire ou comme une solution de rechange appropriée du refus de financement dans le cadre de l' apurement des comptes du FEOGA .
143 . Cela est d' autant plus vrai que, selon la jurisprudence constante de la Cour ( voir, par exemple, l' arrêt précité, attendu*27 ), la Commission est juge de l' opportunité d' utiliser la procédure de l' article 169 et, plus particulièrement, de renoncer à l' utiliser lorsqu' il a été mis fin au manquement, sans que l' abandon de la procédure équivaille à une reconnaissance de la licéité du comportement contesté .
IV - Conclusion
144 . Eu égard à ce qui précède, nous concluons que le premier moyen de recours est dénué de fondement et que le moyen invoqué dans la réplique est irrecevable ( et est, en tout cas, dénué de fondement ).
145 . En revanche, nous pensons que le fait que le FEOGA n' a pas*approuvé les dépenses par l' octroi des restitutions à l' exportation, dans les conditions auxquelles la présente procédure se réfère, a été de nature à porter atteinte à la confiance légitime du requérant dans la reconnaissance desdites dépenses .
146 . Pour cette raison, nous vous proposons de faire droit au recours, en annulant les décisions litigieuses, et de condamner la Commission aux dépens, y compris ceux nés de l' intervention du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord .
(*) Traduit du portugais .
( 1 ) JO L 267 du 9.10.1985, p . 7 et 10 .
( 2 ) JO L 148 du 28.6.1968, p . 24 .
( 3 ) JO L 156 du 4.7.1968, p . 2 .
( 4 ) JO L 23 du 30.1.1980, p . 11 .
( 5 ) JO L 94 du 28.4.1970, p . 13 .
( 6 ) Voir chapitres 2, 15 et 16 du tarif douanier commun .
( 7 ) JO L 253 du 24.9.1985, p . 18 .
( 8 ) JO L 84 du 1.4.1977, p . 41 .
( 9 ) JO L 285 du 8.10.1986, p . 17 .
( 10 ) Voir aussi la position correspondante dans le tarif douanier commun .
( 11 ) JO L 30 du 5.2.1986, p . 8 .
( 12 ) JO L 19 du 25.1.1986, p . 24 .
( 13 ) JO L 14 du 21.1.1969, p . 1 .
( 14 ) JO L 210 du 1.8.1986, p . 39 .
( 15 ) Voir aussi les attendus 4, 9 et 10 .
( 16 ) Rec . 1979, p . 245 et 343, respectivement attendus 9 et 8 .
( 17 ) Arrêt du 27 janvier 1981 dans l' affaire 1251/79, Italie/Commission, Rec . p.*205, 221, attendu*17 .
( 18 ) Arrêt du 3 mars 1977 dans l' affaire 80/76, Kerry Milk/Ministre de l' Agriculture et de la Pêche, Rec . p.*425, 435 .
( 19 ) Arrêt du 12 juillet 1979 dans l' affaire 9/79, Koschiske/Raad van Arbeid, Rec . sommaire 1, p.*2724 .
( 20 ) Arrêt du 27 octobre 1977 dans l' affaire 30/77, Regina/Bouchereau, Rec . p.*1999, 2010, attendu*14; voir également les arrêts du 7 février 1979 dans les affaires 11/76 et 18/76, déjà cités, Rec . p.*245, 278 et 343, 383 .
( 21 ) Arrêt du 13 novembre 1964 dans les affaires jointes 90 et 91/63, Commission/Luxembourg et Belgique, Rec . p.*1217, 1232 .
( 22 ) Rec . 1979, p.*321, 339 .