EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 61985CC0311

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 16 décembre 1986.
ASBL Vereniging van Vlaamse Reisbureaus contre ASBL Sociale Dienst van de Plaatselijke en Gewestelijke Overheidsdiensten.
Demande de décision préjudicielle: Rechtbank van Koophandel Brussel - Belgique.
Agents de voyages - Interdiction légale d'accorder des remises.
Affaire 311/85.

Recueil de jurisprudence 1987 -03801

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1986:493

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. CARL OTTO LENZ

présentées le 16 décembre 1986 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A — Les faits

1.

La procédure principale dans l'affaire sur laquelle nous prenons position aujourd'hui trouve son origine dans les faits suivants.

2.

La demanderesse, la Vereniging van Vlaamse Reisbureaus, a demandé au tribunal d'interdire, à peine d'astreinte, à la défenderesse, le Sociale Dienst van de Plaatselijke en Gewestelijke Overheidsdiensten, de consentir à ses membres ou à des tiers des réductions sur les voyages réservés chez elle.

3.

La demanderesse est une association sans but lucratif, fondée en vue de la défense et de la promotion des intérêts professionnels des agents de voyages flamands. La défenderesse, qui est également une association sans but lucratif, a pour objet, d'une part, d'offrir son propre programme de voyages au personnel des services publics locaux et régionaux et, d'autre part, d'agir en qualité d'agent de voyages lorsque les membres dudit personnel souhaitent acheter un voyage du circuit commercial auprès d'un organisateur de voyages. Dans cette seconde qualité, elle octroie des ristournes sur les prix de ces voyages en rétrocédant en faveur de l'acheteur une partie ou la totalité de la commission qui normalement revient aux agents de voyages.

4.

Dans la procédure en instance devant le Rechtbank van Koophandel (tribunal de commerce) de Bruxelles, la demanderesse se fonde sur l'article 22 de l'arrêté royal du 30 juin 1966 relatif au statut des agences de voyages. Selon cette disposition, qui est énoncée au chapitre III (de la « déontologie ») de l'arrêté royal, l'intermédiaire de voyages est tenu

«1)

envers ses clients:

...

b)

de respecter les prix et tarifs convenus ou légalement imposés;

...

3)

envers ses confrères:

de s'abstenir de tout acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale par lequel il leur enlèverait ou tenterait de leur enlever, ou à l'un d'eux, une partie de leur clientèle, ou porterait atteinte ou tenterait de porter atteinte à leur crédit ou, plus généralement, porterait atteinte ou tenterait de porter atteinte à leur capacité de concurrence.

Commet un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale, notamment, celui qui:

...

e)

ne respecte pas les prix et tarifs convenus ou légalement imposés;

f)

partage des commissions, fait des ristournes ou offre des avantages dans des conditions contraires aux usages, sous quelque forme que ce soit;

... »

5.

Les règles inscrites à l'article 22 de l'arrêté royal avaient pour base l'article 22 de la déontologie que l'Union professionnelle des agences de voyages belges (UPAV) s'était donnée dès l'année 1963.

6.

L'article 54 de la loi belge du 14 juillet 1971 sur les pratiques du commerce interdit tout acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale.

7.

De surcroît, les contrats conclus entre les organisateurs de voyages et les agents de voyages et produits par le gouvernement belge contiennent, sous le titre « Conditions générales de collaboration », une indication relative à la déontologie des agents de voyages. Lorsqu'un agent enfreint cette déontologie, l'organisateur peut rompre ses relations commerciales avec lui.

8.

Selon le tribunal de commerce de Bruxelles, les dispositions de l'article 22 de l'arrêté royal du 30 juin 1966 reviennent en fait à dire que les agences de voyages agréées peuvent fixer les prix entre elles ou du moins que ceux-ci peuvent être imposés par une simple décision de l'administration, fixation des prix qui n'aurait pas d'autre but que de protéger des intérêts purement corporatistes. Le tribunal se pose, dès lors, la question de savoir si une pareille réglementation est compatible avec les articles 85 et 86 du traité CEE, et c'est pourquoi il a déféré à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«A)

Les dispositions de l'article 22, paragraphe 3, sous e) et f), de l'arrêté royal belge du 30 juin 1966, qui prévoient qu'une agence de voyages agréée (c'est-à-dire une agence de voyages titulaire de l'autorisation prescrite par la loi du 21 avril 1965) commet un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale,

1)

en ne respectant pas les prix et tarifs convenus ou légalement imposés,

2)

en partageant des commissions, en faisant des ristournes ou en offrant des avantages dans des conditions contraires aux usages, sous quelque forme que ce soit,

sont-elles compatibles avec les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, surtout lorsqu'il apparaît que les actes contraires aux usages honnêtes sont interdits par l'article 54 de la loi belge du 14 juillet 1971 sur les pratiques du commerce?

B)

Les accords conclus par des agences de voyages sur la base des dispositions précitées sont-ils compatibles avec l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE?

C)

Les dispositions de droit belge interne précitées et les accords éventuellement conclus en application de celles-ci sont-ils compatibles avec les articles 30 et 34 du traité CEE? »

9.

Ont présenté leurs observations à propos de ces questions préjudicielles les parties à la procédure principale de même que les gouvernements belge, français et irlandais ainsi que la Commission des Communautés européennes.

10.

Les gouvernements belge et français ainsi que la Commission font remarquer que, par sa première question, la juridiction nationale s'interroge sur la compatibilité d'une disposition légale d'un État membre avec l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, alors que cet article ne vise que le comportement des entreprises. Ils proposent, dès lors, de considérer cette question comme visant à savoir si la réglementation belge est compatible avec les obligations découlant pour les États membres de l'article 5 du traité CEE, lu en combinaison avec les articles 3, sous f), et 85 du même traité.

11.

Selon la demanderesse au principal, le gouvernement français, le gouvernement belge et le gouvernement irlandais, la réglementation litigieuse est compatible avec les dispositions du traité CEE; la défenderesse au principal ainsi que la Commission, encore que cette dernière ne l'exprime pas aussi nettement, défendent la thèse contraire.

12.

A propos de la deuxième question, les parties au principal observent qu'il ne s'agirait pas, dans la présente affaire, d'accords qui tomberaient sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.

13.

Pour le gouvernement belge, les accords visés par la juridiction nationale dans cette question ne sont pas clairement définis. Selon lui, il ne s'agirait pas d'accords entre agents de voyages en matière de prix, ces prix étant fixés par les organisateurs de voyages. Dans l'hypothèse où le tribunal de renvoi aurait visé des accords passés entre les organisateurs de voyages et les agents de voyages, lesdits accords seraient, selon ce même gouvernement, compatibles avec l'article 85 du traité CEE, parce qu'ils n'auraient aucune influence sur la concurrence et sur le commerce entre États membres.

14.

Selon le gouvernement français, de tels accords, pour autant qu'ils existent, seraient incompatibles avec le droit communautaire. C'est à la juridiction nationale qu'il incomberait toutefois d'apprécier si tel est le cas.

15.

Selon le gouvernement irlandais également, même des accords qui reconnaissent et appliquent des prix et des tarifs fixés par les autorités nationales compétentes, pourraient tomber sous le coup de l'article 85, s'ils utilisent les prix et les tarifs fixés par ces autorités comme un moyen d'exclure la concurrence dans d'autres domaines. Le gouvernement irlandais invite, en outre, la Cour à n'inclure dans son arrêt aucun élément qui puisse entraver la fixation de tarifs aériens par les autorités nationales.

16.

La Commission estime que l'interdiction, inscrite dans la déontologie de l'association belge des agences de voyages, d'accorder des ristournes aux clients doit être considérée comme une décision d'une association d'entreprises au sens de l'article 85 du traité CEE. Selon la Commission, puisque l'activité des agents de voyages belges porte également sur des voyages figurant au programme d'organisateurs de voyages étrangers, cette décision affecte également les échanges entre États membres.

17.

Quant à la troisième question, toutes les parties déclarent à l'unanimité que les articles 30 et 34 du traité CEE ne présentent aucune pertinence dans la présente affaire, parce qu'il ne s'agit pas ici d'échanges de marchandises, mais de prestations de services.

18.

Le gouvernement belge estime, en outre, qu'il est opportun d'interpréter cette question comme se référant à l'article 59 du traité CEE en matière de libre prestation des services. Il conclut cependant que, ni sur le marché des services d'organisation de voyages ni sur celui des services d'intermédiaire de voyages, l'article 22 de l'arrêté royal ne limite la libre prestation des services.

19.

Pour le détail des observations présentées, nous renvoyons au contenu du rapport d'audience.

B — Prise de position

Sur la question A

20.

Il faut constater d'emblée que la première question du tribunal de commerce de Bruxelles doit effectivement être reformulée. L'article 85 du traité CEE fait partie des règles du traité CEE relatives à la concurrence qui s'adressent tout d'abord aux entreprises. La Cour de justice n'a déduit de l'article 85 du traité CEE aucune obligation directe pour les États membres.

21.

On pourrait, certes, soutenir que, en raison de l'applicabilité directe de l'article 85 du traité CEE, des juridictions nationales pourraient ne pas prendre en considération des règles de droit national contraires ( 1 ). La Cour de justice ne s'est toutefois pas encore ralliée à cette thèse à ce jour, mais elle a examiné, sur la base de la disposition de l'article 5 du traité CEE lue en combinaison avec les articles 3, sous f), et 85 du traité CEE, la compatibilité de règles de droit national avec le droit de la concurrence du traité CEE.

22.

C'est de cette manière qu'il faudrait procéder dans la présente affaire également, étant donné qu'il ne serait possible d'établir une priorité de l'article 85 — directement applicable — du traité CEE sur les dispositions de droit national qu'en adoptant une interprétation extensive dans laquelle, comme nous l'expliquerons ultérieurement, on ne devrait pas tenir compte de la présence de l'élément « accord ».

23.

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de comprendre la première question du tribunal de commerce de Bruxelles dans le sens suivant: est-il compatible avec les obligations qui incombent aux États membres, au titre des dispositions combinées de l'article 5 du traité CEE et des articles 3, sous f), et 85 du traité, d'imposer aux agents de voyages, sur la base d'une disposition de droit, de respecter les prix et tarifs convenus ou légalement imposés ou encore de leur interdire de partager les commissions qui leur reviennent pour la vente de ces voyages, d'accorder des ristournes aux clients ou de leur offrir des avantages.

24.

Pour répondre à cette question il faut distinguer deux problèmes.

Il faut, d'une part, examiner si des règles de concurrence du traité CEE engendrent ou non des obligations pour le législateur national; il faut, par ailleurs, vérifier si des réglementations du type qui est en litige dans la présente affaire sont compatibles avec le droit de la concurrence de la Communauté.

— De l'obligation des États membres de respecter la réglementation communautaire en matière de concurrence

25.

Selon une jurisprudence constante de la Cour, s'il est vrai que les articles 85 et suivants du traité CEE concernent le comportement des entreprises, mais non pas les règles de droit émanant des États membres, le traité CEE crée néanmoins, pour ces derniers également, l'obligation de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d'éliminer l'effet utile de ces dispositions ( 2 ).

26.

C'est ainsi que, selon cette jurisprudence, une réglementation légale nationale qui impose la conclusion d'accords entre entreprises est incompatible avec les dispositions combinées de l'article 5 et des articles 3, sous f), et 85 du traité CEE.

27.

Les parties intéressées qui ont présenté des observations devant la Cour de justice n'étaient cependant pas d'accord sur le point de savoir si des accords entre entreprises ont encore été conclus après la promulgation de l'arrêté royal litigieux ni, corrélativement, sur le point de savoir si la déontologie de l'association belge des agences de voyages a encore été appliquée ou non. La juridiction de renvoi n'a pas davantage fourni de précisions à ce propos. C'est la raison pour laquelle il faut encore examiner la question de savoir si une réglementation légale du type de celle dont il s'agit dans la présente espèce doit encore être considérée comme incompatible avec les règles de concurrence du traité même lorsqu'elle ne vise pas à imposer la conclusion d'accords, mais vise précisément à rendre ceux-ci superflus. Dans le cas présent, en effet, des accords ne sont effectivement plus indispensables du fait que les organisateurs de voyages peuvent fixer les prix unilatéralement et que les agents de voyages sont tenus de respecter ces prix.

28.

C'est sur une problématique comparable que la Cour de justice a déjà eu à se prononcer dans l'arrêt cité du 10 janvier 1985 dans l'affaire 229/83; sur le principe, la Cour a répondu affirmativement à la question qui avait été soulevée.

29.

C'est uniquement pour le cas qu'il lui fallait examiner concrètement que la Cour a constaté que, en ce qui concerne le secteur du livre, les obligations qui découlent pour les États membres des dispositions combinées de l'article 5 et des articles 3, sous f), et 85 du traité CEE ne sont pas suffisamment déterminées: en effet, en ce qui concerne les systèmes et pratiques purement nationaux dans le secteur du livre, il n'existe pas, jusqu'à présent, de politique communautaire de la concurrence que les États membres seraient tenus de respecter.

30.

C'est sur cette considération que se fonde le gouvernement belge lorsqu'il fait observer qu'il n'y a pas non plus, jusqu'à présent, de politique communautaire dans le domaine de l'organisation de voyages; de ce fait les obligations qui incombent aux États membres au titre de l'article 5 du traité CEE ne seraient pas suffisamment précises.

31.

On ne saurait adopter cette thèse sans plus. Si, dans son arrêt du 10 janvier 1985, la Cour n'a pas non plus déclaré expressément que c'était là sa propre conception — et, dans l'exposé qu'elle consacre à l'article 36 du traité CEE, elle se distance quelque peu également de cette conception —, cette décision est cependant influencée par une particularité qui n'autorise pas à transposer telle quelle son appréciation prudente à d'autres branches de l'économie: en filigrane de cette affaire se dressait, en effet, la particularité du livre en tant que support culturel. Dans ses conclusions ( 3 ), l'avocat général Darmon a souligné de manière expresse cette circonstance qui distingue le livre d'autres biens économiques.

32.

Il convient de souligner que l'article 5 du traité CEE impose des obligations diverses aux États membres. Aux termes de l'alinéa 1, les États membres prennent toutes mesures propres à assurer l'exécution des obligations découlant du traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à la Communauté l'accomplissement de sa mission. Pour autant qu'il s'agisse là d'assister les institutions de la Communauté dans l'accomplissement de leur mission, il faut assurément que, dans l'exécution de ladite mission, les institutions aient d'ores et déjà pris l'initiative d'agir, car, dans le cas contraire, les obligations des États membres ne seraient pas suffisamment précises, puisqu'ils ne seraient pas en mesure de savoir à quelles actions ils devraient apporter leur soutien.

33.

L'alinéa 2 de l'article 5 impose toutefois, d'une manière générale, aux États membres de s'abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité. Étant donné que, selon l'article 3, sous f), on compte parmi ces buts l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché commun, concept qui a été précisé aux articles 85 et suivants, les États membres ont l'obligation de s'abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril l'établissement d'un régime de concurrence non faussée.

34.

Dans la mesure où les institutions de la Communauté ont donné une forme concrète à ce but, les États membres sont tenus de la respecter. Mais même tant que les institutions communautaires n'ont adopté aucune mesure pour concrétiser les buts du traité dans certains secteurs déterminés, les États membres ne jouissent pas pour autant d'une liberté d'action absolument illimitée. Ils doivent en pareil cas respecter au moins les dispositions directement applicables de l'ordre juridique communautaire et sont dès lors tenus de s'abstenir de toute mesure susceptible de priver de leur effet utile les règles de concurrence applicables aux entreprises.

35.

En effet, s'il était permis aux États membres de restreindre par des mesures législatives le domaine d'application des dispositions du traité CEE en matière de concurrence, les États membres seraient en mesure de décider unilatéralement de la portée du droit communautaire. Or, cela aurait pour effet de mettre en question la validité uniforme du droit communautaire à l'intérieur de l'ensemble de la Communauté. La Cour a déjà déclaré que cela ne saurait être licite dans l'arrêt qu'elle a rendu le 13 février 1969 dans l'affaire 14/68, dans lequel elle a déclaré qu'il serait contraire à la nature du système juridique communautaire que les États membres puissent prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles de compromettre l'effet utile du traité.

La force impérative du traité et des actes pris pour son application ne saurait varier d'un État à l'autre par l'effet d'actes internes sans que soit entravé le fonctionnement du système communautaire ni mise en péril la réalisation des buts du traité.

36.

Les États membres sont ainsi tenus de respecter le régime communautaire de la concurrence également lorsqu'ils adoptent des mesures législatives — y compris dans des secteurs de l'économie dans lesquels les institutions de la Communauté n'ont encore entrepris aucune action.

37.

Il faut encore, cependant, examiner la question de savoir si l'article 85 du traité CEE peut être appliqué intégralement dans le cas de mesures législatives. Si l'article 85 du traité CEE s'applique à des mesures législatives, son paragraphe 3 devrait, lui aussi, être applicable à ces mesures. Les mesures du législateur devraient donc, à certaines conditions, pouvoir échapper à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1. Aucune procédure n'est cependant prévue pour une telle exemption.

38.

Il y a lieu, dans ce contexte, de renvoyer à un arrêt de la Cour datant des origines de l'application du droit de la concurrence, à savoir l'arrêt rendu le 6 avril 1962 dans l'affaire 13/61 ( 4 ). Dans cet arrêt, la Cour a admis le principe de l'applicabilité de l'article 85 du traité CEE dès l'entrée en vigueur du traité, mais elle a, dans le même temps, énoncé la thèse selon laquelle, jusqu'à l'entrée en vigueur d'un règlement ou d'une directive d'application des articles 85 et 86 au titre de l'article 87, l'interdiction visée au paragraphe 1 de l'article 85, ainsi que la nullité de plein droit visée au paragraphe 2 du même article, ne jouent qu'à l'égard des accords et des décisions considérés par les autorités des États membres, sur la base de l'article 88, comme tombant sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, et non susceptibles d'un relèvement d'interdiction au sens du paragraphe 3 du même article, ou au regard desquels la Commission a procédé à la constatation prévue à l'article 89, paragraphe 2.

39.

Cette thèse, selon laquelle l'absence d'une procédure d'exemption pour l'application de l'article 85, paragraphe 3, ferait obstacle globalement à l'application intégrale de l'article 85 du traité CEE, ne s'oppose cependant pas à ce que des réglementations légales d'application générale qui limitent la concurrence peuvent être appréciées à la lumière des dispositions combinées de l'article 5 et des articles 3, sous f), et 85 du traité CEE.

40.

Une réglementation nationale qui s'applique, d'une manière générale, à l'ensemble d'un secteur économique et qui exclut la concurrence dans un secteur déterminé ne pourrait, en effet, absolument pas être exemptée de l'interdiction générale de l'article 85, paragraphe 1, au titre de l'article 85, paragraphe 3. Pareille réglementation supprimerait en effet totalement la concurrence pour ces marchandises ou ces prestations de services. Des exemptions au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE ne sont cependant possibles que lorsqu'aucune possibilité n'est donnée aux entreprises concernées de supprimer la concurrence pour une partie essentielle des marchandises ou des prestations de services concernées. C'est pourtant précisément ce qui se passe en présence d'une règle de droit d'application générale qui restreint la concurrence.

— Compatibilité de la réglementation litigieuse avec les dispositions combinées de l'article 5 et des articles 3, sous f), et 85 du traité CEE

41.

Comme il arrive fréquemment dans les procédures préjudicielles qui ont pour objet le droit de la concurrence, la Cour ne peut traiter ici que de certains aspects partiels du problème d'ensemble. La Cour de justice doit se limiter à donner à la juridiction de renvoi des éléments lui permettant de trancher sans pouvoir cependant la relever de la tâche de constater les faits pertinents sous sa propre responsabilité.

42.

Pour répondre à la question de savoir si une réglementation légale est compatible avec les dispositions combinées de l'article 5 et des articles 3, sous f), et 85 du traité CEE, il faut vérifier tous les éléments de l'article 85 du traité CEE, avec cette réserve qu'au lieu des éléments « accords, décisions et pratiques concertées » on est en présence d'une règle légale qui remplace ces éléments et les rend ainsi superflus.

43.

La procédure qui s'est déroulée devant la Cour a clairement montré que l'article 22 de l'arrêté royal du 30 juin 1966 constitue une règle de droit qui empêche la concurrence de prix entre les organisateurs de voyages. L'interdiction d'accorder des ristournes empêche au moins les organisateurs de voyages de se concurrencer sur les prix, ne permettant ainsi à la concurrence de s'exercer que dans d'autres domaines, comme la qualité des services d'intermédiaire.

44.

Ce résultat est également confirmé par le fait que c'est l'article 22 de la déontologie de l'UPAV qui avait servi de modèle pour la réglementation litigieuse, déontologie qui peut être considérée purement et simplement comme une décision d'association d'entreprises.

45.

Au cours de la procédure qui s'est déroulée devant la Cour, le désaccord portait sur la question de savoir si les agents de voyages sont des entreprises autonomes au sens de l'article 85 du fait qu'ils n'effectueraient pas eux-mêmes la prestation de services qu'ils fournissent, à savoir l'offre de voyage, mais agiraient uniquement au nom et pour le compte des organisateurs de voyages.

46.

C'est au tribunal de renvoi qu'il appartiendra d'examiner en fait la question de savoir si les agents de voyages sont des entreprises autonomes. Il est cependant déjà possible de faire remarquer à ce propos que les agents de voyages n'étaient pas chaque fois intégrés dans l'entreprise d'un organisateur de voyages, mais que c'est à titre de travailleurs indépendants qu'ils ont fourni des offres de voyages émanant de plusieurs organisateurs. Il faut constater en outre que les agents de voyages ont dû avoir la possibilité de disposer de leurs commissions ou d'une partie de celles-ci, car, dans le cas contraire, l'article 22 de la déontologie de l'UPAV et plus tard l'article 22 de l'arrêté royal du 30 juin 1966 n'auraient pas été nécessaires. Les agents de voyages pourraient ainsi devoir être considérés comme des entreprises indépendantes au sens de l'article 85 du traité CEE; c'est toutefois au tribunal de renvoi qu'il incombe de rendre une décision définitive à ce propos.

47.

Le point critique, en définitive, dans la constatation des faits réside dans la question de savoir si l'article 22 de l'arrêté royal est susceptible d'affecter le commerce entre États membres ou s'il a pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

48.

Selon la jurisprudence constante de la Cour, pour être susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, des décisions, accords ou pratiques concertées doivent apparaître, sur la base d'éléments objectifs de droit ou de fait, comme étant de nature, avec un degré de probabilité suffisant, à exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges de marchandises ou de prestations de services entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu'ils puissent entraver la réalisation d'un marché commun entre États membres ( 5 ).

49.

C'est ainsi qu'une entente qui s'étend à l'ensemble du territoire d'un État membre a pour effet, par sa nature même, de consolider le cloisonnement des marchés au niveau national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité et assurant une protection à la production nationale ( 6 ). La Cour de justice a constaté, de surcroît, dans l'arrêt, déjà cité, qu'elle a rendu le 29 octobre 1980 dans les affaires jointes 209 à 215 et 218/78, que les restrictions de concurrence en matière de marges du négoce sont susceptibles de détourner les courants commerciaux de l'orientation qu'ils auraient autrement connue ( 7 ).

50.

Dans cet ordre d'idées, le tribunal de renvoi devra rechercher en particulier si l'offre ou la demande de prestations de services en provenance de l'étranger aurait été modifiée si les agents de voyages avaient eu la possibilité de disposer librement de leurs commissions ou éventuellement de faire des remises d'importance variable.

51.

S'il devait résulter des constatations effectuées par le tribunal de renvoi qu'une réglementation telle que celle qui est mise en place par l'arrêté royal litigieux n'est pas en harmonie avec le régime de concurrence de la Communauté et ne peut dès lors être appliquée, une « infraction » contre une pareille réglementation ne saurait pas non plus être interprétée au niveau national comme un acte de concurrence déloyale. C'est la raison pour laquelle il n'est pas nécessaire d'examiner davantage la question de savoir dans quelle mesure un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale revêt de l'importance pour la question qui a été soulevée par le tribunal de renvoi.

Sur la question B

52.

Par cette question, le tribunal de commerce de Bruxelles souhaite s'entendre dire si les accords conclus par des agences de voyages, sur la base des dispositions précitées, sont compatibles avec l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.

53.

Les parties au principal ont contesté l'existence d'accords contraires à la concurrence. Malheureusement, le tribunal de commerce de Bruxelles n'a pas davantage indiqué quels accords sont visés par cette question. On peut songer à des accords entre agents de voyages, mais également à des accords entre des agents de voyages et des organisateurs de voyages; sur ce point la Cour de justice en est réduite à se livrer à des suppositions.

54.

L'objet de la question n'ayant donc pas été exposé à la Cour de justice, nous estimons qu'une réponse explicite à cette question ne se justifierait pas. Certes, la Cour pourrait peut-être, en utilisant les mémoires des parties ainsi que le résultat de la procédure orale, reconstituer l'objet éventuel de la question et donner une réponse correspondante; procéder de la sorte serait cependant contraire aux droits des parties potentielles à la procédure, visées à l'article 20 du protocole sur le statut de la Cour de justice, parties qui, en raison de l'extrême concision des formules utilisées dans la demande de décision préjudicielle, pourraient ne pas avoir été en mesure d'en reconnaître l'objet exact et de présenter à la Cour des observations appropriées ( 8 ).

55.

C'est pourquoi nous suggérons que, dans son arrêt, la Cour se limite à donner quelques indications sur le sujet que le tribunal de renvoi a pu vouloir aborder dans la question B, mais renonce toutefois à donner une réponse explicite à cette question.

56.

En supposant dans chaque cas que les accords dont il s'agit sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qu'ils ont pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (nous avons déjà fourni des explications à ce sujet aux points 45 et suiv. ci-dessus), il y a donc lieu de faire les observations suivantes.

a) S'agissant d'éventuels accords entre agents de voyage

57.

Pour autant que les agents de voyage concluent encore des accords entre eux — semblables accords paraissant à vrai dire superflus du fait de l'existence de l'article 22 de l'arrêté royal du 30 juin 1966 —, ils pourraient, dans la présente espèce, être conclus sous deux formes différentes: sous la forme d'accords isolés entre agents de voyages ou bien sous une forme visée à l'article 22 de la déontologie de l'UPAV. Dans un cas comme dans l'autre, ces accords tomberaient sous le coup de l'interdiction de l'article 85 du traité CEE, dans les conditions précitées, que ce soit à titre d'accord isolé ou à titre de décision d'association d'entreprises.

b) S'agissant d'accords entre organisateurs de voyages et agents de voyages

58.

Selon les explications fournies par les parties au principal, les « conditions de la collaboration » ne contiennent aucun accord qui interdirait le partage des commissions. Le gouvernement belge estime, au contraire, que de tels accords existent, soit dans les rapports-cadres qui unissent les participants et qui sont redéfinis chaque année, soit en raison des relations juridiques qui existent entre les participants, à savoir le rapport juridique qui, selon le droit belge, résulte du (contrat de) mandat.

59.

Si un contrat isolé entre un organisateur de voyages et un agent de voyages contenait une interdiction d'accorder des ristournes, il ne tomberait pas pour autant, à lui seul, sous le coup de l'interdiction de l'article 85 du traité CEE. En revanche, des contrats isolés seraient frappés par l'interdiction de l'article 85 du traité CEE s'ils étaient conclus, de manière identique, par un ou plusieurs organisateurs de voyages, avec un grand nombre d'agents de voyages: en effet, la concurrence de prix entre les agents de voyage serait alors exclue.

60.

Il est cependant possible, dans des conditions particulières, qu'un accord isolé conclu entre un organisateur de voyages et un agent de voyages tombe également sous le coup de l'interdiction de l'article 85 du traité CEE, à savoir si son contenu est le même que celui des accords que le gouvernement belge a présentés à la Cour de justice.

61.

Bien que nous ne sachions pas si le tribunal de commerce a précisément visé ces contrats et si ceux-ci sont typiques de la façon de rédiger des contrats entre agents de voyages et organisateurs de voyages, il faut cependant faire les observations suivantes à leur propos.

62.

Sous le titre « Conditions générales de collaboration », ces contrats contiennent une indication relative à la déontologie des agents de voyages. Si un agent de voyages enfreint cette déontologie, l'organisateur de voyages peut rompre ses relations commerciales avec lui.

63.

La référence à la déontologie des agents de voyages inclut naturellement aussi le renvoi à l'article 22 de l'arrêté royal du 30 juin 1966 qui contient l'interdiction de faire des ristournes. Cette règle devant être, aux conditions énoncées aux points 41 et suivants ci-dessus, considérée comme incompatible avec les dispositions combinées de l'article 5 et des articles 3, sous f), et 85 du traité CEE, il faut également considérer qu'un contrat isolé qui renvoie à cette réglementation légale, laquelle fait ainsi partie de son contenu, est lui aussi incompatible avec l'article 85 du traité CEE.

64.

Également dans le cas d'un contrat qui autorise l'organisateur de voyages à rompre ses relations commerciales avec l'agent de voyages lorsque ce dernier enfreint la déontologie, il devrait être plus facile de constater que ce contrat est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun: c'est ainsi, par exemple, qu'un organisateur de voyages belge pourrait menacer de rompre ses relations commerciales avec un agent de voyages belge si celui-ci offrait des ristournes uniquement sur les services d'organisateurs de voyages d'autres États membres. Il ne serait guère possible en pareil cas de contester qu'un tel accord est susceptible d'influencer l'offre et la demande de services en provenance de l'étranger.

c) Conclusion sur la question B

65.

Comme nous l'avons déjà exposé plus haut, nous estimons que, en raison de l'imprécision de l'objet de la question B, la Cour ne doit pas, dans le dispositif de son arrêt, donner une réponse formulée de manière explicite à cette question du tribunal de commerce de Bruxelles. Il est possible, néanmoins, de faire observer à propos de cette question qu'en toute hypothèse le fait que des accords du type précité conclus entre agences de voyages ont été passés ou pourraient avoir été passés sur la base de dispositions légales ne les soustrait pas au champ d'application de l'article 85 du traité CEE.

Sur la question C

66.

En posant cette question, le tribunal de commerce de Bruxelles soulève le problème de savoir si la réglementation belge litigieuse est compatible avec les principes de la libre circulation des marchandises et en particulier avec les articles 30 et 34 du traité CEE.

67.

Il n'est pas nécessaire de répondre à cette question, puisque la libre circulation des marchandises n'est pas affectée dans la présente espèce.

68.

Par ailleurs, la demande de décision préjudicielle ne contient pas d'éléments suffisants permettant d'interpréter la question dans le sens qu'a proposé le gouvernement belge, à savoir qu'il y aurait lieu d'examiner s'il est porté atteinte à la libre circulation des services. Il faut en outre signaler que, pour autant que la réglementation litigieuse puisse exercer une influence sur la libre circulation des services, nous avons déjà pris position sur la question de la liberté de fourniture des services dans le cadre de l'examen de la question A.

— A propos de l'exposé du gouvernement irlandais sur les tarifi aériens

69.

La demande de décision préjudicielle et les pièces fournies par le tribunal de renvoi ne permettent pas de constater si et dans quelle mesure les ristournes de prix pratiquées par les agents de voyages peuvent avoir une influence sur la formation des prix dans le trafic aérien. Il n'a même pas été établi si les vols réguliers sont compris dans les offres de voyages.

70.

Compte tenu de ces circonstances, nous ne voyons pas comment il serait possible de nous étendre en détail sur la suggestion du gouvernement irlandais, puisque nous ne percevons pas quel est le rapport entre la présente demande de décision préjudicielle et la politique tarifaire dans le trafic aérien.

71.

On peut tout au plus signaler au gouvernement irlandais qu'il pourrait exposer son point de vue au cours de la procédure orale dans l'affaire 66/86 ( 9 ), au cours de laquelle il s'agira de nouveau des problèmes des tarifs aériens.

C — Conclusion

Nous vous proposons en conséquence de répondre aux questions déférées par le tribunal de commerce de Bruxelles de la manière suivante:

72.

« L'article 5 du traité CEE, en combinaison avec l'article 3, sous f), et l'article 85 du traité CEE, doit être interprété en ce sens qu'une réglementation nationale qui interdit aux agents de voyages de partager leurs commissions et de consentir à leurs clients des ristournes sur les prix prescrits par les organisateurs de voyages est incompatible avec ce même article 5, lorsque le comportement des entreprises, fondé sur cette réglementation légale, est susceptible ď affecter le commerce entre États membres et lorsque ce comportement a pour but ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun sans qu'il soit nécessaire qu'on se trouve en présence d'accords entre entreprises, de décisions d'associations d'entreprises ou de pratiques concertées organisées en dehors de la réglementation légale. »


( *1 ) Traduit de l'allemand.

( 1 ) Voir Paulis E.: « Les États peuvent-ils enfreindre les artides 85 et 86 du traite CEE?», Journal des tribunaux, 1985, p. 209 et suiv.

( 2 ) Voir arrêt rendu par la Cour de justice le 13 février 1969 dans l'affaire 14/68, Walt Wilhelm e.a./Bundeskartellamt, Rec p. 1; arret du 16 novembre 1977 dans l'affaire 13/77, GB-Inno-BM/Vereniging van de Kleinhandelaars in Tabak, Rec. p. 2115; arret du 10 janvier 1985 dans l'affaire 229/83, Association des centres distributeurs Edouard Leclerc e.a./SARL « Au blé vert » e.a. Rec. p. 17; arret du 29 janvier 1985 dans l'affaire 231/83, Henri Cullet e.a./Centre Leclerc e.a., Rec. p. 315; arrêt du 30 avril 1986 dans les affaires jointes 209 a 213/84, Ministère public/Asjes e.a., Rec. p. 1425.

( 3 ) Conclusions prononcées le 3 octobre 1984 dans l'affaire 229/83, Rec. 1985, p. 2 et suiv., notamment p. 15.

( 4 ) Arrêt du 6 avril 1962 dans l'affaire 13/61, Kledingverkoopbedriif de Geus en Uitdenbogerd/Robert Bosch GmbH e.a., Rec. p. 97.

( 5 ) Voir arrêt rendu par la Cour de justice le 30 juin 1966 dans l'affaire 56/65, Société technique miniere/Maschinenbau Ulm GmbH, Rec. p. 337, et arrêt du 29 octobre 1980 dans les affaires jointes 209 a 215 et 218/78, Heintz van Landewyck SARL e.a./Commission, Rec. p. 3125, 3274.

( 6 ) Voir arrêt du 26 novembre 1975 dans l'affaire 73/74, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission, Rec. p. 1491, 1514.

( 7 ) Loc. cit., p. 3275.

( 8 ) Nous renvoyons, a cet égard, aux explications fournies par le gouvernement danois dans les affaires jointes 141 a 143/81, Holdijk (Rec. 1982, p. 1299, 1307 et suiv.), dans lesquelles il proteste contre le libelli parcimonieux de la demande de décision préjudicielle, parce que cette concision empiche le gouvernement de présenter des observations sur l'affaire conformément a l'article 20 du sutut.

( 9 ) Affaire 66/86, Ahmed Saeed e.a./Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs e.V., Rec. 1989, fascicule 4.

Top