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Document 61983CC0009
Opinion of Mr Advocate General VerLoren van Themaat delivered on 29 February 1984. # Eisen und Metall Aktiengesellschaft v Commission of the European Communities. # ECSC Treaty - Failure to observe price lists - Fine. # Case 9/83.
Conclusions de l'avocat général VerLoren van Themaat présentées le 29 février 1984.
Eisen und Metall Aktiengesellschaft contre Commission des Communautés européennes.
Traité CECA - Non-respect des barèmes de prix - Amende.
Affaire 9/83.
Conclusions de l'avocat général VerLoren van Themaat présentées le 29 février 1984.
Eisen und Metall Aktiengesellschaft contre Commission des Communautés européennes.
Traité CECA - Non-respect des barèmes de prix - Amende.
Affaire 9/83.
Recueil de jurisprudence 1984 -02071
ECLI identifier: ECLI:EU:C:1984:86
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT,
PRÉSENTÉES LE 29 FÉVRIER 1984 ( 1 )
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1. Introduction
Le recours, qui a été introduit par la société Eisen und Metall A. G. et que nous devons examiner aujourd'hui, est dirigé contre une décision de la Commission du 9 décembre 1982 infligeant une amende. Cette décision est elle-même basée sur l'article 15 de la décision générale no 1836/81/CECA. La requérante conclut à ce qu'il plaise à la Cour:
1) |
annuler l'amende d'un montant de 133736 DM, qui lui a été infligée; subsidiairement, en réduire le montant; |
2) |
annuler les articles 1 et 2 de la décision. |
La requérante fonde son recours sur les moyens suivants:
I. |
violation de formes substantielles, notamment défaut de motifs de la décision; |
II. |
violation du traité CECA et des règles de droit relatives à son application; |
III. |
détournement de pouvoir. |
Avant d'examiner plus avant ces moyens de recours, il nous paraît utile de formuler un certain nombre d'observations générales sur cette affaire.
Ainsi qu'il ressort de l'article 80 du traité CECA, les obligations dudit traité, sauf les exceptions citées dans l'article précité, mais qui ne sont pas pertinentes en l'espèce, s'appliquent uniquement aux producteurs de charbon et d'acier et, partant, elles ne s'appliquent pas aux négociants. Aussi, pour permettre que les règles en matière de prix et conditions de vente, applicables au commerce de l'acier, s'alignent sur celles qui s'appliquent aux entreprises de production, en vertu de l'article 60 du traité CECA et de ses décisions d'application, la Commission a-t-elle dû avoir recours à l'article 95, premier et deuxième alinéas, du traité CECA.
Au cours de la procédure orale, la requérante a exposé les raisons pour lesquelles elle n'a pas voulu contester ce fondement juridique de la décision générale no 1836/81/CECA comme tel.
Les considérants de cette décision indiquent tout d'abord qu'il s'agit ici d'une mesure transitoire en vue de traverser la période dont certains États membres avaient besoin pour mettre en œuvre la recommandation no 1835/81/CECA, adoptée à la même date.
Les motifs suivants de la décision font clairement apparaître qu'il s'agit en l'espèce d'une mesure, jugée urgente, d'intervention sur les prix, et non d'une mesure visant à promouvoir une concurrence loyale et efficace, ce qui était le but initial de l'article 60. Sur ce point, nous renvoyons aux troisième, quatrième, cinquième et sixième considérants de la décision. Il ressort de ces considérants que la mesure était conçue dès le début comme une sorte de régime de prix minima, qui devait s'appliquer immédiatement (troisième considérant), cela afin de «procéder à très court terme à une action d'assainissement du marché de l'acier de nature à entraîner le relèvement des prix nécessaire pour éviter des catastrophes financières» (quatrième considérant). Les considérants ne parlent absolument plus des buts de l'article 60, à savoir empêcher des abus d'une position d'oligopole, ainsi que les pratiques discriminatoires en matière de prix au détriment des acheteurs, notamment en raison de leur nationalité.
A partir des buts non équivoques de la décision, que nous venons de citer, nous serions enclin à déduire immédiatement que les problèmes liés à la transition et ceux, plus fondamentaux, qui apparaissent lorsqu'on passe soudainement d'une réglementation tendant à promouvoir une concurrence loyale à des mesures en matière de prix, restrictives du jeu de la concurrence, ne surgissent pas en l'espèce. Pour un aperçu desdits problèmes transitoires dans l'application de l'article 60, nous renvoyons aux conclusions que nous avons présentées le 18 janvier de cette année dans l'affaire Bertoli (affaire 8/83).
A notre avis, ces différences entre la décision no 30/53 (telle qu'elle a été modifiée le 22. 12. 1972), qui était applicable dans l'affaire Bertoli, et la décision no 1836/81, qui est applicable en l'espèce, ont déjà des conséquences importantes pour l'appréciation d'un certain nombre de problèmes fondamentaux dans la présente affaire.
En premier lieu, la réglementation en matière de prix (minima ou maxima) et certaines autres mesures d'organisation du marché (par exemple, dans le secteur agricole) tiennent moins largement compte des contrats en cours conclus pour une longue durée que cela n'a été jugé nécessaire, par exemple, lors de l'application de l'article 65 du traité CECA ou de l'article 85 du traité CEE aux contrats déjà existants. Le but qu'une réglementation des prix minima ou maxima poursuit à court terme dans le cadre de la politique de la conjoncture serait certainement compromis si, pour exécuter des contrats-cadres de longue durée, qui ont été conclus précédemment, certaines entreprises pouvaient effectuer des transactions incompatibles avec une telle réglementation des prix. Du reste, l'application de la réglementation susvisée en matière de concurrence n'est pas non plus subordonnée à la nature de droit civil des accords restrictifs de la concurrence, visés par ladite réglementation, et cela en dépit du régime transitoire spécial que celle-ci prévoit pour les «anciennes ententes». Ensuite, le régime transitoire en question n'exclut nullement que les articles précités valent en principe aussi pour les «anciennes ententes». Cette première conséquence résultant de la différence que nous avons constatée par rapport à l'affaire Bertoli a, selon nous, pour effet que tout le débat sur la nature civile et la portée des contrats-cadres, dont la requérante se prévaut, devient sans importance. Aussi, les commentaires que nous y consacrerons lors de l'examen des moyens invoqués par la requérante seront-ils relativement brefs.
En deuxième lieu, la différence en question avec l'affaire Bertoli a eu pour effet qu'en ce qui concerne la décision no 1836/81 /CECA, la Commission n'a apparemment pas estimé nécessaire au début d'arrêter une directive à usage interne en matière d'amende, analogue à celle qui s'est appliquée pour les périodes successives d'infraction à la décision no 30/53. Vous vous rappellerez que ces directives à usage interne en matière d'amendes prévoyaient un relèvement progressif du niveau antérieur des amendes que, dans l'arrêt Rumi (affaire 149/78, Recueil 1979, p. 2523), la Cour a jugé approprié en cas d'infractions à l'article 60. Dans nos conclusions dans cette affaire, nous avons estimé que ce relèvement progressif du montant des amendes en cas d'infractions à l'article 60 était une conséquence logique et, conformément aux principes généraux d'une bonne administration, également nécessaire de l'infléchissement en question d'une politique relativement marginale en matière de concurrence vers une politique d'intervention délibérée. De telles considérations ne sauraient valoir en l'espèce, étant donné que chacun devait savoir dès le début que les objectifs de la décision no 1836/81 se situaient uniquement au niveau de l'intervention. Nous reviendrons encore dans la suite de notre exposé sur la question de savoir si le caractère complémentaire de la décision précitée par rapport à l'article 60 ou certains problèmes purement pratiques d'ordre transitoire pourraient justifier en l'espèce une réduction de l'amende imposée. Nous nous bornerons à constater ici que bien que la décision ne l'y autorise pas et ainsi qu'il ressort de ce qu'elle a déclaré au cours de la procédure, la Commission a accordé en pratique un délai supplémentaire aux négociants concernés pour publier les barèmes de prix, ce qu'ils étaient formellement tenus de faire immédiatement. Eu égard aux problèmes administratifs complexes que cette publication obligatoire entraînait pour les négociants en acier, nous estimons qu'un tel «délai de grâce» restait dans les limites d'une bonne administration. Pour la requérante, ce délai de grâce a en fait dépassé trois mois. Les infractions commises au cours de ce délai de grâce ne lui ont pas été imputées. Du point de vue de la sécurité et de l'égalité juridiques, il eût évidemment été plus juste que l'article 16 de la décision précitée prévoie, de manière égale pour tous les négociants, que la décisoin ne devrait être observée qu'après un certain délai. Toutefois, nous estimons qu'aucun grief juridiquement pertinent pour cette affaire ne peut être formulé à l'encontre de la Commission au motif qu'elle a tenu compte de problèmes qui étaient indéniablement des problèmes de fait liés à la transition, seulement dans sa pratique administrative.
Avant d'examiner maintenant successivement les différents moyens invoqués par la requérante, nous voulons seulement signaler encore qu'outre le rapport d'audience, il faut maintenant, aussi tenir compte évidemment:
1) |
des documents que la requérante a produits le 5 janvier 1984, en réponse à une question de la Cour; |
2) |
des documents qu'avec l'approbation de la Commission, elle a encore produits à l'audience et |
3) |
des moyens de défense qu'elle n'a évidemment pu faire valoir qu'à l'audience et qui concernent les précisions que la Commission a données dans sa duplique au sujet des motifs de sa décision. |
Pour un aperçu du cadre juridique de la présente procédure, des faits mis à la charge de la requérante et des arguments qui ont déjà été avancés par les parties au cours de la procédure écrite, nous nous bornerons ici à renvoyer au rapport d'audience.
2. Le premier moyen invoqué par la requérante (violation de formes substantielles)
2.1. |
Ainsi qu'il a été observé, dans son premier moyen la requérante allègue en particulier le défaut de motifs de la décision qu'elle conteste. Toutefois, elle invoque encore un deuxième grief, à savoir la violation de l'obligation que la Commission avait de l'entendre. Outre l'aspect formel, le premier grief en particulier a aussi un aspect relatif au fond. Or, ce dernier coïncide en partie avec le développement du deuxième moyen. Pour éviter de nous répéter, nous examinerons dès lors cet aspect au fond lors de l'examen du deuxième moyen. |
2.2. |
En ce qui concerne le premier grief, nous observerons d'abord que les motifs de la décision se sont en effet révélés assez sommaires. Cela vaut en particulier pour certaines parties de l'argumentation que la requérante a invoquées au cours de la procédure administrative à l'encontre des infractions mises à sa charge. Toutefois, à notre avis, les infractions en question sont énoncées dans des termes suffisamment clairs dans la décision pour permettre à la requérante de se défendre, lors de la procédure devant la Cour, contre les infractions mises à sa charge. Cela est certainement vrai si on considère la décision en liaison avec la lettre que la Commission a adressée à la requérante le 16 février 1982, au cours de la procédure administrative (cf. annexe 1 au mémoire en défense de la Commission). Le fait que les arguments invoqués par la requérante devant la Cour étaient aussi déjà contenus pour l'essentiel dans sa réponse à la Commission du 20 septembre 1982 (annexe 2 au mémoire en défense) confirme également qu'à cet égard la décision n'a pas porté atteinte aux droits de la défense de la requérante. A cet égard, il ne faut pas non plus oublier qu'à la différence de l'affaire Bertoli, la nature des infractions reprochées et leur qualification juridique sont en l'espèce très simples. Bien que cela ne soit pas dit explicitement dans la décision, la requérante paraît avoir parfaitement compris qu'il lui est en fait reproché qu'en souscotant ses propres barèmes de prix dans les cas nommément cités, elle a enfreint l'article 8 de la décision de base, qui interdit d'appliquer des conditions inégales à des transactions comparables. Du point de vue formel, nous pensons dès lors que la Commission n'a pas violé en l'espèce l'obligation de motiver sa décision. Comme nous l'avons déjà dit, nous reviendrons encore, lors de l'examen du deuxième moyen invoqué par elle sur l'aspect au fond invoqué par la requérante. |
2.3. |
La deuxième violation de formes substantielles que la requérante reproche à la Commission est la violation de l'obligation «de mettre l'intéressé en mesure de présenter ses observations avant de prendre une des sanctions pécuniaires ou de fixer une des astreintes prévues au présent traité», prévue par l'article 36 du traité CECA. En ce qui concerne ce grief, nous observerons tout d'abord que l'article 36 ne prescrit pas que l'intéressé soit encore entendu verbalement après le dépôt de ses observations écrites sur les infractions mises à sa charge. L'article 36 n'impose pas non plus à la Commission l'obligation de réfuter également, dès le stade de la procédure administrative qui précède l'adoption de la décision, ce que l'intéressé fait valoir à l'appui de sa défense. Enfin, ainsi qu'il ressort du dossier, la requérante a renoncé en toute connaissance de cause à développer encore verbalement ses observations écrites, comme la Commission le permet dans sa pratique administrative (cf. annexe 3 au mémoire en défense de la Commission). Le grief que nous examinons ici doit dès lors être rejeté. |
3. Le deuxième moyen invoqué par la requérante
3.1. |
Par son deuxième moyen, la requérante fait grief à la Commission d'avoir violé les articles 15, 47 et 36 du traité CECA, ainsi que les articles 11, 14 et 15 de la décision no 1836/81. Nous nous sommes déjà penchés sur les aspects formels de la prétendue violation des articles 15 et 36 du traité CECA lors de l'examen du premier moyen. Selon la requérante, la violation des articles 47 du traité CECA et 14 de la décision consiste dans le fait que s'il est vrai que lors de son enquête la Commission a examiné les faits défavorables à la requérante, elle n'a pas examiné ceux qui plaidaient en sa faveur. Or, une comparaison de l'examen sommaire des moyens de défense de la requérante dans la décision qui a infligé l'amende, avec les moyens de recours invoqués au cours de la procédure devant la Cour, fait apparaître qu'en ce qui concerne les éléments qui doivent être considérés comme déterminants, ce grief n'est pas fondé en fait. A cet égard, c'est aussi à tort que la requérante fait grief à la Commission d'avoir violé l'article 11 de la décision no 1836/81. Lors de l'appréciation du premier moyen, nous avons déjà examiné la prétendue infraction à l'article 15 de cette décision, infraction qui consisterait dans le fait que les articles dont la violation est imputée à la requérante, ne sont pas expressément mentionnés. Nous examinerons mainte- , nant plus en détails les aspects relatifs au fond, tant du premier que du deuxième moyen. Les griefs au fond, que la requérante a implicitement formulés à l'encontre de la Commission dans l'exposé des premier et deuxième moyens de son recours et qu'elle a développés de manière plus exhaustive et explicite dans sa réplique et au cours de la procédure orale, concernent trois points que nous examinerons maintenant successivement par ordre d'importance. |
3.2. |
Les contrats-cadres. En ce qui concerne les quatre groupes d'infractions, la requérante fait valoir qu'en concluant les transactions qui lui sont imputées, elle a mis en oeuvre des contrats-cadres qui avaient été conclus dès avant le 15 octobre 1981 avec les quatre acheteurs concernés. Ainsi qu'il ressort des documents déposés en réponse à des questions de la Cour, il s'agit à cet égard, dans le cas de Markmann et Claas, de deux contrats-cadres conclus le 7 septembre 1981. Le 24 juin 1981, un contrat-cadre a été conclu avec Schlafhorst et il a été prorogé le 9 septembre 1981. Le contrat-cadre avec Bergbau avait déjà été conclu le 3 avril 1981. Bien que des divergences de point de vue aient subsisté entre la Commission et la requérante en ce qui concerne la nature juridique et la portée de ces contrats, la Commission n'a pas nié leur existence. Dans nos observations préliminaires, nous avons déjà exposé les raisons pour lesquelles nous estimons que la dénomination et la nature de droit civil des contrats en question ne sont pas pertinentes pour la Cour. Nous avons également déjà expliqué à cette occasion pourquoi, à notre avis, une mesure de crise qui relève du droit public, à savoir une mesure concernant les prix, telle que celle dont il s'agit en l'espèce, et qui a trait à des transactions conclues aux fins de l'exécution de tels contrats, prime aussi d'éventuelles obligations contractuelles résultant de ces contrats. La mesure de crise, laquelle relève du droit public, peut écarter ces obligations en ce qui concerne lesdites transactions, même pour autant que les contrats-cadres en question ont été conclus avant le 4 juillet 1981. On ne saurait pas non plus parler d'un effet rétroactif de la décision, lequel effet est seulement admissible dans des cas exceptionnels et pour des motifs valables d'intérêt général, étant donné que l'article 8 de la décision (dont la violation est incriminée) s'applique à toutes les transactions conclues après le 4 juillet 1981, soit certainement aux transactions conclues après le 15 octobre 1981, lesquelles, en l'espèce, ont été mises à la charge de la requérante. L'article 8 ne prévoit aucune dérogation pour les transactions résultant de contrats-cadres conclus précédemment et les objectifs de la décision que nous avons cités précédemment ne permettent pas non plus de déduire une autre signification de cet article. Au, contraire, ces objectifs confirment l'exactitude d'une telle interprétation de l'article 8. En ce qui concerne l'effet rétroactif de la décision, dont la requérante fait état, on peut, à l'appui du point de vue que nous défendons ici et que nous avons défendu dans nos observations préliminaires, renvoyer aux faits des affaires Westzucker (affaire 1/73, Recueil 1973, p. 723, cinquième attendu) et Sopad (affaire 143/73, Recueil 1973, p. 1433, huitième attendu), qui sont à cet égard comparables. Les assertions de la requérante, dont il s'agit ici, doivent donc être rejetées. Étant donné qu'elle n'a avancé aucun autre moyen de défense en ce qui concerne les transactions avec Schlafhorst et Claas, les faits mis à sa charge, qui se réfèrent à ces acheteurs, doivent dès lors être considérés comme prouvés. |
3.3. |
Le caractère prétendument non comparable des transactions conclues avec Markmann. Toutefois, en ce qui concerne les transactions portant sur le matériel de la catégorie I a), qui ont été conclues avec Markmann et qui sont incriminées, la requérante a en outre déjà allégué au cours de la procédure administrative que ces transactions ne seraient pas comparables avec les autres transactions conclues par elle, parce qu'à la différence des autres acheteurs, Markmann lui achèterait principalement du matériel de la catégorie II a). A notre avis, cette argumentation doit être rejetée, parce que l'obligation de publier les prix et les autres prescriptions contenues dans la décision no 1836/81 concernent uniquement les transactions portant sur le matériel de la catégorie I a). Lors de la comparaison des transactions, on ne pourra dès lors pas tenir compte d'obligations de livraison qui ont été contractées en même temps en ce qui concerne le matériel de la catégorie II a). En outre, en vertu de la décision, la requérante aurait eu le droit d'accorder pour de telles transactions couplées un rabais sur le matériel de la catégorie II a) acheté par Markmann. A cet égard par conséquent, il n'y avait pas lieu, même d'un point de vue commercial, de déroger au barème de prix de la requérante pour le matériel de la catégorie I a) livré à Markmann. |
3.4. |
Les prétendues particularités des transactions conclues avec Bergbau. En ce qui concerne les transactions qu'elle a conclues avec Bergbau, la requérante a fait valoir ensuite qu'il s'agissait ici en fait uniquement dé transactions portant sur du matériel de la catégorie II a), du moins de transactions portant sur de l'acier en provenance de la RDA, pour lequel la Commission permet de consentir un rabais de 6 % à l'importation. A notre avis, cette argumentation a fait naître des doutes fondés quant à la preuve des agissements reprochés, doutes que la Commission n'a pas été en mesure de dissiper complètement. Ces doutes se fondent en premier lieu sur le fait que le matériel en cause est destiné à l'extraction minière, pour laquelle il importe qu'il soit solide et puisse être soudé, mais non qu'il ait une longueur et une largeur précises et ne soit pas rouillé. Ensuite, l'exactitude de cette argumentation est rendue plausible par le fait que la requérante est, en République fédérale d'Allemagne, un des principaux acheteurs d'acier en provenance de la RDA, ce que la Commission n'a pas contesté. Ainsi qu'il ressort du dossier, la République fédérale d'Allemagne est tenue d'acheter une quantité déterminée d'acier à la RDA, cela à titre de compensation partielle pour la quantité d'acier supérieure que la RDA achète en République fédérale d'Allemagne. A notre avis, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de savoir si le fait que l'acier concerné est originaire de la République fédérale d'Allemagne est un motif suffisant pour considérer celui-ci comme relevant de la catégorie II a). Cela nous paraît douteux en soi pour différents motifs que les parties ont invoqués au cours de la procédure. Étant donné que, comme la Commission l'admet, cet acier peut être acheté à un prix inférieur à celui de l'acier ayant une autre origine, les transactions portant sur ce produit ne sont à notre avis nullement des transactions comparables au sens de l'article 8 de la décision, cela en vertu de l'article 9, paragraphe 1er, lettre b), de la même décision. Nous pensons aussi qu'il n'est pas prouvé que l'article 7 de la décision ait été violé en l'espèce, et cela, en raison des problèmes de qualification relatifs à cet acier. En effet, il nous semble excessif de considérer l'acier en provenance de la RDA comme du matériel de la catégorie II a) uniquement en raison de sa provenance et de son prix d'achat moins élevé. Nous estimons donc qu'il n'est pas prouvé que les transactions avec Bergbau ont enfreint les articles 8 et 7 de la décision. Il faudra en tenir compte lors de la fixation du montant de l'amende. |
4. Le troisième moyen (prétendu détournement de pouvoir lors de la fixation du montant de l'amende)
L'article 15 de la décision générale no 1836/81 habilite la Commission à infliger des amendes à concurrence du double de la valeur des ventes irrégulières aux négociants en acier qui contreviennent aux dispositions des articles 2 à 13. En fait, ainsi qu'il ressort du quatrième considérant de sa décision, la Commission a infligé en l'espèce une amende égale à 110% du montant total des sous-cotisations incriminées. Ainsi qu'il ressort des annexes 3 et 4 de la réponse de la Commission du 7 octobre 1983 aux questions de la Cour dans l'affaire 8/83 (Bertoli), la Commission a uniformisé, depuis le 9 décembre 1982, les taux qu'elle applique lors de l'imposition d'une amende pour les infractions à ses décisions générales nos 30/53 et 1836/81.
La requérante prétend maintenant que la Commission a commis en l'espèce un détournement de pouvoir. En premier lieu, elle n'aurait pas prouvé les prétendues infractions. Cette thèse doit être rejetée sur la base de nos analyses précédentes, sauf en ce qui concerne les transactions avec Bergbau. Cela vaut aussi pour l'argument rappelé dans le troisième moyen, à savoir que la décision ne serait pas suffisamment motivée. Enfin, la requérante prétend que le montant de l'amende aurait en fait été fixé en fonction de considérations de prévention générale, à savoir la nécessité de faire un exemple pour tous les négociants en acier, afin de les amener à respecter plus scrupuleusement la décision. Non seulement cette affirmation à été contestée par la Commission au cours de la procédure, mais elle ne trouve pas non plus d'appui dans le texte de la décision qui a infligé l'amende. Après le deuxième tiret du quatrième considérant de cette décision, on lit au contraire que le montant de l'amende doit être à un niveau tel qu'il est suffisant pour dissuader l'entreprise (les mots soulignés ne le sont pas dans l'original) de commettre de nouvelles sous-cotations. Du reste, il est certain que, de par sa nature, une telle amende aura également un effet préventif général et, même si telle a aussi été l'intention de la Commission (comme la requérante l'affirme, mais l'étaye seulement par des affirmations vagues et gratuites sur certaines déclarations de la Commission), nous n'y verrions pas en soi une contradiction avec les principes généraux du droit applicable en matière de sanctions.
Dans sa requête, la requérante a entretemps aussi conclu, à titre subsidiaire, à ce que l'amende infligée soit réduite. Sur la base du pouvoir de pleine juridiction que la deuxième phrase de l'article 36 du traité CECA confère à la Cour, nous tenons dès lors à terminer notre exposé en précisant encore notre point de vue sur le montant de l'amende.
Sur ce point, il résulte tout d'abord de ce qui précède qu'à notre avis, il ne faut pas tenir compte des transactions avec Bergbau lors de l'imposition de l'amende. Le montant des sous-cotations constatées devient alors 5436,68 DM (pour les transactions avec Markmann) + 66683,18 DM (pour les transactions avec Schlafhorst) + 9126,45 DM (pour les transactions avec Claas), soit au total 81246,31 DM.
En ce qui concerne la gravité des infractions, un argument en faveur du taux appliqué par la Commission est certainement le fait que, par dérogation à ce que les producteurs d'acier pouvaient supposer sur la base de l'historique, de la pratique suivie pendant de nombreuses années et de votre jurisprudence relative à la décision no 30/53, la décision no 1836/81 était dès l'origine manifestement conçue comme une mesure de crise importante concernant les prix. Ainsi qu'il ressort de son considérant, cette mesure n'avait plus rien, ou très peu, à voir avec les objectifs en matière de politique de la concurrence sur lesquels l'article 60 du traité CECA était basé à l'origine. Les directives à usage interne, en ce qui concerne les amendes et dont il est question dans l'affaire Bertoli pour les infractions commises au cours de la période concernée, ne s'appliquaient pas non plus aux infractions à la décision no 1836/81. Ainsi que nous l'avons exposé dans nos conclusions dans l'affaire Bertoli du 18 janvier dernier, un relèvement des amendes, qui ne s'applique que graduellement, variant de 7,5 % de la sous-cotation au début à 25 % de celle-ci pour les infractions commises après le 31 août 1981 (et, au plus tard, le 9 décembre 1982, date à laquelle la Commission a fixé le tarif des amendes, là aussi, respectivement à 100 et 110 % des sous-cotisations constatées) devrait, en tant que règle générale, aussi être considéré comme équitable, voire, en principe, nécessaire en cas d'infraction matérielle manifeste à l'article 60 et ses règles d'application, cela en raison de l'historique de ces dispositions. En l'espèce, il n'y a pas d'historique comparable concernant un objectif tout à fait différent des dispositions concernées, avec une pratique également tout à fait différente. On pourrait penser que cela suffirait à justifier l'application de taux d'amendes identiques à ceux qui sont appliqués depuis le 9 décembre 1982 pour les infractions à la décision no 30/53 et à ceux qui ont aussi été fixés, depuis la mesure d'habilitation de la Commission du 19 janvier 1983 (annexe 4 à la réponse de la Commission aux questions de la Cour dans l'affaire Bertoli, du 7. 10.), en tant que taux généraux pour les infractions aux décisions nos 30/53 et 1836/81.
Nous souhaiterions toutefois défendre une autre conclusion, cela pour deux raisons. En premier lieu, ainsi qu'il ressort de ses considérants, la décision no 1836/81 est tout de même clairement conçue comme un complément à l'article 60 (dans son interprétation modifiée). Déjà pour cette raison, il ne serait, à notre avis, pas raisonnable d'infliger aux négociants en acier une amende supérieure à celle qui était envisagée à l'origine à l'encontre des producteurs pour les infractions commises au cours du quatrième trimestre de 1981. Selon les directives à usage interne en matière d'amendes, qui étaient valables à l'époque et qui ont été établies par la Commission pour les producteurs, un taux, en principe égal à 25 % des sous-cotations constatées, s'appliquait à l'époque, avec possibilité de diminution ou de majoration de 40 % du montant ainsi fixé.
En deuxième lieu, nous estimons que des considérations ayant trait à la politique de transition doivent aussi valoir pour les négociants en acier, fût-ce pour des raisons tout à fait différentes de celles qui pouvaient être invoquées pour les producteurs d'acier. Tout d'abord, il est apparu de façon suffisamment claire au cours de la présente procédure que les négociants en acier étaient confrontés à d'importants problèmes du fait de l'application d'un système conçu à l'origine pour les producteurs d'acier. Alors que les producteurs d'acier livrent en principe les différentes sortes d'acier dans une qualité unique, les négociants en acier vendent essentiellement des produits de différentes provenances et de différentes qualités. Les usages commerciaux diffèrent aussi pour les négociants et les producteurs d'acier, ainsi qu'il est apparu à l'audience, à la suite entre autres de discussions et de données produites quant à la question de savoir dans quelle mesure le commerce appliquait des prix fixes et des clauses de prix subordonnant le prix à la date de livraison. Les discussions à ce sujet nous ont laissé l'impression que lorsqu'il s'est agi d'adopter sa décision générale, la Commission a eu de ces usages commerciaux une approche incomplète et, en outre, partiellement inexacte. Ensuite, du fait de la souplesse dont elle a fait preuve à l'égard de l'introduction du nouveau système lui-même, la Commission a déjà montré de la compréhension à l'égard de certaines des difficultés mentionnées plus haut. Pour ces raisons, il ne nous paraît pas raisonnable de sanctionner les imperfections qui sont apparues dans l'application pratique du nouveau système dès le début avec une sévérité qui ne paraît justifiée qu'après un délai d'adaptation raisonnable. Enfin, s'il est vrai qu'à notre avis, la Commission a raison de soutenir que la décision doit aussi valoir pour les transactions portant sur l'exécution des contrats-cadres, il n'en reste pas moins qu'aussi longtemps que la Cour ne s'est pas prononcée dans le sens défendu par la Commission, les négociants ont pu, de bonne foi, penser que ces transactions n'étaient pas visées par la décision.
Enfin, pour ces différentes raisons, il nous paraît raisonnable d'appliquer, pour les infractions qui doivent être considérées comme prouvées en l'espèce et qui ont été commises au cours du quatrième trimestre de 1981, un taux de 25 % du montant des sous-cotations constatées, majoré de 10 % du montant ainsi fixé. Il s'ensuit que le montant de l'amende doit à notre avis être réduit de (0,25 x 81246,31DM) = 20211,58 DM + 10 %, soit, en chiffres ronds, de 22233 DM.
5. Observations finales et conclusion
5.1. |
Avant de terminer nos conclusions, il nous paraît approprié de faire encore un certain nombre d'observations d'ordre général. Sur la base du texte et de la teneur de la décision no 1836/81/CECA, ainsi que sur la base des principes généraux, également admis par votre jurisprudence et relatifs au rapport entre le droit administratif économique et les contrats de droit privé, nous avons souscrit à la thèse de la Commission, selon laquelle cette décision et les obligations qui en résultent pour la requérante doivent l'emporter sur les contrats-cadres conclus ou prorogés par la requérante pour les trois groupes de transactions que nous estimons pertinents, après l'entrée en vigueur de la décision. On peut admettre que cette conclusion n'est pas entièrement satisfaisante, du point de vue du droit civil, étant donné qu'elle a pour effet que la requérante devait modifier unilatéralement, par le biais de ses barèmes, les conditions de vente qu'elle avait fixées contractuellement en septembre, en ce qui concerne les transactions conclues après la publication de son barème (à moins qu'en violation de l'objectif explicite de la décision, elle n'ait fixé les prix, publiés par elle, à un niveau inférieur à celui des prix du marché en vigueur à cette époque). Selon nous, les considérations qui nous paraissent, à nous aussi, imperatives et qui plaident pour la priorité de la décision sur les contrats-cadres précités, doivent néanmoins être déterminantes ici. En outre, la requérante aurait probablement pu éviter ces conséquences en insérant des conditions plus avantageuses dans les contrats-cadres sous la forme de rabais de fidélité (possibilité que la Commission a évoquée dans l'affaire Markmann) ou de rabais périodiques en cas d'achat de quantités déterminées. La possibilité d'obtenir de tels rabais et le montant de ceux-ci devraient alors être indiqués également dans le barème, en vertu de l'article 3, lettre f), de la décision no 1836/81. En deuxième lieu, nous observerons qu'il s'agit ici du cas unique où l'interprétation de la décision dans l'arrêt que vous rendrez constituera un précédent important, moins pour d'éventuels autres recours devant la Cour que pour les autorités administratives et juridictionnelles nationales des États membres. En effet, depuis le 1er janvier 1983, l'application de l'essentiel de la réglementation a été confiée aux États membres au moyen de dispositions nationales de mise en œuvre de la recommandation no 1835/81/CECA (JO L 184, 1981, p. 9). C'est dans une moindre mesure que cette valeur de précédent vaudra pour les considérations que la Cour consacrera au taux de l'amende. Le dossier a montré que le Conseil n'a pas été en mesure de se rallier à la proposition originaire de la Commission de fixer aussi le montant maximal de l'amende dans la recommandation, et cela, à l'instar de ce qui a été fait dans la décision no 1836/81/CECA. Cela se comprend dans la mesure où la sanction devra intervenir, du moins dans un certain nombre d'États membres, soit par la voie pénale, soit sur la base d'autres règles légales en vigueur en matière de sanction d'infractions comparables aux dispositions nationales de droit administratif économique. Eu égard aussi à votre jurisprudence sur des problèmes similaires liés à l'exécution de la politique agricole commune, il en résultera inévitablement des différences dans la politique nationale de sanctions. Néanmoins, les considérations de la Cour sur l'importance que la Cour attache à la gravité des infractions en cause pourront aussi avoir un certain effet d'harmonisation de la politique des États membres en matière de sanctions. A cet égard, nous voudrions vous recommander de dire explicitement dans votre arrêt que, pour votre part, vous estimeriez que les taux des amendes, appliqués en l'espèce par la Commission pour des infractions commises après le 9 décembre 1982, sont raisonnables pour autant qu'aucune circonstance particulière ne justifierait une réduction de l'amende dans un cas concret. |
5.2. |
Pour conclure maintenant, nous vous proposons, sur la base de ce qui précède :
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( 1 ) Traduit du néerlandais.