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Document 61982CC0166

Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 8 novembre 1983.
Commission des Communautés européennes contre République italienne.
Recours en manquement - Législation nationale sur la formation du prix de vente du lait à la production.
Affaire 166/82.

Recueil de jurisprudence 1984 -00459

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1983:312

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL

PRÉSENTÉES LE 8 NOVEMBRE 1983 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Dans la procédure en manquement que nous examinerons aujourd'hui, vous serez appelés à statuer sur la compatibilité du mécanisme de fixation du prix du lait à la production introduit par la loi italienne no 306 du 8 juillet 1975 (Gazzetta ufficiale no 194 du 23. 7. 1975) avec l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers instaurée par le règlement no 804/68 du Conseil du 27 juin 1968 (JO L 148 du 28. 6. 1968, p. 13). Ces deux réglementations ayant déjà fait l'objet de l'arrêt rendu dans l'affaire Toffoli ( 2 ), dans laquelle elles ont été décrites de façon détaillée, il suffira dès lors d'en rappeler les traits principaux dans la mesure où ils sont importants pour le présent litige.

Ainsi que la Cour de justice l'a déjà souligné dans l'affaire Toffoli ( 2 ), l'un des objectifs principaux de l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers est d'assurer aux producteurs un prix du lait orienté sur le prix indicatif, étant entendu que les mécanismes instaurés par le règlement à cette fin restent sous le seul contrôle de la Communauté.

La loi italienne no 306 prévoit d'une part que la vente du lait par les membres d'une coopérative ne peut avoir lieu que par l'intermédiaire de la coopérative et conformément aux règles fixées par cette dernière; elle contient d'autre part des dispositions relatives à la fixation du prix du lait à la production. Aux termes de l'article 8 de cette loi, le prix à la production est fixé, selon les critères définis aux articles 8 et 9, pour chaque campagne et pour chaque région, lors de négociations collectives auxquelles participent les différentes catégories professionnelles (producteurs, associations, entreprises de transformation et centrales du lait). Si aucun accord n'est réalisé de cette manière, l'autorité régionale doit, conformément à l'article 10, convoquer immédiatement et, en tout cas, deux mois avant le début de la campagne, à la demande d'une des parties, une réunion du comité économique régional visé à l'article 3, des entreprises de transformation concernées et des centrales du lait, pour promouvoir les négociations sur la fixation du prix de vente du lait («allo scopo di favorire la contrattazione per la determinazione del prezzo di vendita del latte»). L'accord ainsi conclu sera, conformément à l'article 10, paragraphe 3, public par ce comité au Bollettino ufficiale de la région et deviendra ainsi obligatoire pour les parties contractantes («e vincolante per le parti contraenti»). Si l'accord visé à l'article 10 n'intervient pas dans les 30 jours à compter du début de la campagne, le prix à la production du lait sera fixé conformément à l'article 11 par une commission nommée par décret du président de la région. Cette décision prise à la majorité des voix sera, aux termes de l'article 11, paragraphe 4, obligatoire entre les parties dès sa publication au Bollettino ufficiale de la région («e vincolante tra le parti»).

Considérant que cette réglementation constituait de la part d'un Etat membre une intervention dans le régime de fixation du prix du lait à la production, à caractère unilatéral et incompatible avec l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers, la Commission, par lettre du 28 juillet 1977, a engagé la procédure préliminaire prévue par l'article 169 du traité CEE. Dans sa lettre de réponse du 4 novembre 1977, le gouvernement italien a par contre soutenu que la loi litigieuse ne contenait aucun régime contraignant de fixation des prix, ne donnait pas force obligatoire aux accords intervenus entre les catégories professionnelles et ne prévoyait pas non plus d'étendre les effets de ces accords à des personnes n'ayant pas pris part aux négociations collectives.

Comme dans son arrêt Toffoli 1 la Cour de justice avait répondu à une question posée par le Tribunale amministrativo regionale pour la Vénétie en disant pour droit que la fixation directe ou indirecte par un État membre du prix du lait à la production est incompatible avec l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers instaurée par le règlement no 804/68, la Commission a constaté en fin de compte dans un avis motivé du 22 mai 1981, en se référant a l'arrêt Toffoli ( 3 ), que la République italienne manquait à ses obligations au titre du traité CEE en appliquant le régime de fixation du prix de vente du lait à la production instauré par la loi litigieuse; par le même avis, elle invitait la République italienne à mettre fin à cette violation du traité dans un délai de trois mois.

Par télex du 5 octobre 1981, le gouvernement italien a annoncé le dépôt d'un projet de loi portant abrogation de l'article 11 de la loi en question. Ayant jugé que ce projet se bornait à remplacer les articles 11 et 12 en vigueur à cette époque par des dispositions qui constituaient une violation encore plus grave du traité, la Commission a invité le gouvernement italien, par lettre du 9 mars 1982, à remplacer aussitôt que possible ce projet de loi par un texte nouveau qui abrogerait effectivement l'article 11; elle demandait en outre qu'en attendant, la République italienne renonce à appliquer cet article et enfin qu'elle évite toute ambiguïté quant au caractère de strict droit privé de la fixation des prix du lait telle qu'elle était publiée dans les bulletins régionaux. Pour terminer, elle priait le gouvernement italien de lui communiquer dans un délai d'un mois les mesures qu'il aurait adoptées.

Après que dans sa réponse du 15 avril 1982, le gouvernement italien eut tenté en particulier de justifier le projet de loi, la Commission a formé le recours introducili de la présente instance le 4 juin 1982 en demandant qu'il plaise à la Cour de constater qu'en appliquant le mécanisme de fixation du prix de vente du lait à la production institué par la loi no 306, la République italienne avait manqué aux obligations lui incombant en vertu du traité instituant la Communauté économique européenne.

Le gouvernement italien, qui admet ne pas avoir abrogé formellement l'article 11, conclut par contre à ce qu'il plaise à la Cour de constater le manquement au traité sur ce dernier point seulement et de rejeter comme irrecevables les conclusions de la Commission qui vont au-delà.

Ces demandes appellent de notre part les observations suivantes :

1. Sur la recevabilité du recours

Les parties sont en désaccord sur l'objet exact du recours. Ainsi que la Commission l'a précisé en particulier en réponse à des questions posées par la Cour, elle reproche à la République italienne d'avoir maintenu en vigueur les articles 10 et 11 de la loi litigieuse violant par là les objectifs de l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers, puisque, à son avis, les deux dispositions prévoient une intervention des pouvoirs publics dans la formation des prix du lait à la production. Par contre, le gouvernement italien est d'avis que le recours porte uniquement sur l'article 11 de la loi litigieuse. Il admet certes que sans avoir été cité expressément, l'article 10 a encore pu faire l'objet de l'avis motivé du 22 mai 1981, mais il prétend qu'après cette date le recours aurait eu pour seul objet l'article 11, comme le prouverait en particulier la correspondance échangée alors. Un autre élément non moins probant serait constitué par la procédure écrite au cours de laquelle le gouvernement italien se serait référé exclusivement à l'article 11, sans que la Commission y ait trouvé à redire.

l'occasion de l'examen de cette controverse, il convient tout d'abord de rappeler qu'en vertu d'une jurisprudence constante de la Cour de justice (voir en particulier les affaires 7/69 ( 4 ), 232/78 ( 5 ), 193/80 ( 6 ) 211/81 ( 7 ) et 124/81 ( 8 )) l'objet d'un recours formé au titre de l'article 169 est défini par la procédure préliminaire prévue dans cette disposition ainsi que par les conclusions du recours, étant entendu que les deux doivent en substance se fonder sur la même argumentation. Le sens et l'objet de la procédure préliminaire, à savoir informer l'État membre concerné en temps utile du grief qui lui est fait et lui donner la possibilité de présenter sa défense, impliquent d'une part que la lettre de mise en demeure et l'avis motivé mentionnent clairement les considérations de droit et de fait sur lesquelles la Commission fonde son action et d'autre part que l'objet du litige ne puisse plus être étendu après la fin de la procédure préliminaire.

Si nous apprécions la procédure préliminaire menée en l'occurrence, compte tenu de cet objectif, force nous est de constater que tant dans la lettre de mise en demeure du 28 juillet 1977 que dans l'avis motivé du 22 mai 1981, les reproches faits portent de façon non équivoque sur l'incompatibilité du mécanisme même de formation du prix du lait à la production institué par la loi italienne no 306, y compris ses articles 10 et 11, avec l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers. Ces documents dans lesquels les dispositions mentionnées sont à chaque fois expressément citées, révèlent également sans ambiguïté que la Commission reproche en particulier à la défenderesse l'effet de fixation des prix que comporte la publication au Bollettino ufficiale.

Enfin, le reproche contenu dans le recours introductif d'instance correspond très exactement au grief officiellement soulevé dans l'avis motivé. Après avoir dans l'exposé des faits décrit une nouvelle fois le mécanisme de fixation des prix contenu dans les deux dispositions et après avoir répété le grief contenu dans l'avis motivé, la Commission a cité nommément les considérations de la Cour de justice contenues au point 12 des motifs de l'arrêt Toffoli ( 9 ) dont il découle entre autres que les États membres ne peuvent plus intervenir, par des dispositions nationales prises unilatéralement, dans le mécanisme de la formation des prix régis par une organisation commune de marché. Elle a fait particulièrement ressortir, en le soulignant, qu'à son avis la Cour de justice n'a pas seulement constaté l'incompatibilité avec l'organisation commune des marchés d'une fixation autoritaire des prix mais qu'elle a également jugé contraire au droit communautaire toute législation nationale destinée à promouvoir et à favoriser la fixation d'un tel prix par le biais d'une convention. Eu égard aux conclusions contenues dans le recours et à la teneur de l'avis motivé, la requête fait, selon nous, apparaître avec suffisamment de netteté (et la République italienne aurait dès lors dû le constater) que la Commission entendait inclure dans l'objet du litige non seulement l'article 11 mais également l'article 10. D'ailleurs, contrairement à l'opinion du gouvernement italien, ce point de vue n'est pas contredit par le fait que la Commission ne vise expressément, aux points 7 et 8 de sa requête, que l'article 11 de la loi litigieuse et le projet de loi qui devait en modifier les dispositions. Ainsi que la remarque introductive «d'altra parte» le démontre, ces considérations devaient simplement compléter celles qui avaient été développées antérieurement.

Puisqu'il faut donc admettre que l'objet du litige décrit au cours de la procédure préliminaire est identique à l'objet du recours, il reste à étudier la question de savoir si, comme le pense le gouvernement italien, la correspondance échangée après l'adoption de l'avis motivé a restreint l'objet du litige au seul article 11. De fait, il est évident en l'occurrence que dans cette correspondance la Commission a été engagée, probablement par le projet de loi portant modification de l'article 11, à traiter exclusivement et essentiellement de cette disposition et de la modification projetée, sans mentionner à nouveau expressément l'article 10.

Même si ce comportement paraît étonnant, nous ne pensons pas qu'on puisse en déduire une limitation de l'objet du litige tel qu'il a été circonscrit par l'avis motivé. Cela découle déjà du fait que, d'après l'article 169, la procédure préliminaire pendant laquelle les Etats membres ont la possibilité de justifier ou de modifier le comportement dont il leur est fait grief, prend fin avec l'expiration de délai fixé dans l'avis motivé et que, par la suite, la saisine de la Cour de justice ne relève que du seul pouvoir d'appréciation de la Commission, tel qu'il est délimité par la mission qui lui a été assignée. Lorsqu'elle renonce à poursuivre une procédure, elle n'admet pas pour autant, ainsi que le démontre en particulier l'arrêt EAGFL ( 10 ), la légalité du comportement critiqué à l'origine. Comme l'article 169 ne prévoit aucun délai pour saisir la Cour, il y a lieu de reconnaître à la Commission la possibilité de former son recours dans un délai approprié, sans être obligée d'envoyer une nouvelle mise en demeure, dès lors qu'elle estime que la violation du traité n'a pas disparu. Le fait que dans l'échange de correspondance qui a eu lieu après l'adoption de l'avis motivé et auquel elle n'était pas tenue de prendre part, la Commission se soit bornée à prendre position sur les questions liées à l'article 11 de la loi litigieuse, sans se prononcer sur l'article 10, ne signifie donc pas qu'elle entendait par là modifier l'objet du litige d'une manière pour ainsi dire tacite. Eu égard à ce qui a été dit, une telle restriction de l'objet du litige, importante sur le plan procédural, n'aurait pu entrer en ligne de compte que si la Commission y avait procédé de manière explicite das le cadre d'un nouvel avis motivé, désigné comme tel, ce qui n'a cependant pas été le cas.

Enfin, le fait qu'au cours de la procédure écrite devant la Cour, la Commission n'ait plus abordé l'article 10 de la loi litigieuse ne saurait être retenu comme un indice en faveur d'une telle restriction de l'objet du litige, puisque ce dernier est déjà circonscrit par la requête introductive d'instance, ainsi qu'il ressort de l'article 38 du règlement de procédure.

De ce que nous venons de dire il découle a contrario — et c'est par là que nous mettrons fin à nos développements relatifs à la question de la recevabilitié — que la Cour de justice ne peut juger de la légalité de mesures étatiques qui n'ont pas fait l'objet de la procédure préliminaire prévue à l'article 169. Le fait que le projet de loi italien n'a pas fait l'objet d'une telle procédure suffit à interdire à la Cour, ainsi que le gouvernement italien le souligne à juste titre, d'apprécier la légalité du projet de loi italien modifiant l'article litigieux, abstraction faite de ce que, comme l'article 171 du traité CEE l'indique, seules les violations du traité qui ont déjà été commises peuvent être constatées.

2. Sur le fond

Dans le cadre de l'examen du bien-fondé du recours, nous pouvons nous référer à l'arrêt rendu dans l'affaire Toffoli ( 11 ) pour admettre, sans qu'il soit besoin de recourir à de plus amples considérations, que, comme le gouvernement italien le reconnaît d'ailleurs, le maintien en vigueur de l'article 11 litigieux doit être considéré comme une violation du traité, même si, comme ce même gouvernement l'affirme, cette disposition n'est pas appliquée. Dans l'affaire en question, dans laquelle la Cour de justice a constaté que la fixation directe ou indirecte par un Etat membre du prix du lait à la production est incompatible avec l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers, le litige au principal qui a été à l'origine de l'ordonnance de renvoi concernait en effet une décision adoptée sur la base de l'article 11 de la loi italienne no 306. Par conséquent, il reste à étudier la question de savoir si les constatations faites dans cet arrêt permettent, comme le pense la Commission, de considérer également comme contraires au traité les dispositions de l'article 10 de la loi litigieuse.

A notre avis, la réponse à cette question doit être affirmative. Les parties au litige dont il était question à l'époque ont en effet, comme la partie en fait de l'arrêt le montre, discuté en détail de la régularité de l'ensemble de la procédure de fixation des prix prévue par la loi italienne en question. La demanderesse dans la procédure au principal et la Commission avaient alors estimé toutes deux à juste titre que les mécanismes de fixation des prix prévus dans ces deux articles devaient être considérés comme étroitement liés puisque la non-conclusion de l'accord prévu à l'article 10 entraine toujours la fixation du prix à la production au titre de l'article 11. On a à l'époque particulièrement souligné l'illégalité des conséquences entraînées par la publication du prix au Bulletin officiel. La région de Vénétie, qui était partie défenderesse dans la procédure au principal, a admis que la réglementation litigieuse favorisait les négociations sur le prix à la production et elle s'est bornée à contester le fait qu'elle puisse mener à une fixation d'office du prix à la production.

En fin de compte, cette controverse a conduit la Cour de justice, après avoir exposé en détails la réglementation communautaire et l'ensemble du mécanisme de fixation des prix prévu par la législation nationale, à préciser au point 12 des motifs de l'arrêt le principe de portée générale selon lequel les États membres ne peuvent plus intervenir, par des dispositions nationales prises unilatéralement, dans le mécanisme de la formation des prix prévu par l'organisation commune des marchés et contrôlé exclusivement par la Communauté. En ce qui concerne la réglementation litigieuse, la Cour de justice a précisé qu'une législation nationale destinée á promouvoir et à favoriser, par quelque méthode que ce soit, l'établissement d'un prix uniforme du lait à la production, par convention — c'est le cas de l'article 10 — ou d'autorité, au niveau national ou régional, est, de par sa nature, située en dehors des compétences réservées aux États membres et se heurte au principe, posé par le règlement n 804/68, de la réalisation dans la mesure des débouchés existants d'un prix indicatif pour le lait vendu par les producteurs. En faisant cette constatation, qui se rapporte sans aucun doute au libellé de l'article 10 de la loi italienne n 306/75, et en précisant dans le dispositif de l'arrêt que l'incompatibilité avec l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers concernait non seulement la fixation directe mais également la fixation indirecte du prix à la production, la Cour de justice tenait à dire sans ambiguïté que les États membres doivent s'abstenir de toute activité qui serait de nature à faire obstacle, de quelque manière que ce soit, au mécanisme de formation des prix prévu par l'organisation commune des marchés, la convocation par l'autorité régionale des représentants des secteurs économiques visés à l'article 10 aux fins de promouvoir un accord sur la fixation des prix et la publication subséquente de cet accord dans le Bulletin officiel de la région constituent en tout cas une telle intervention, quoique indirecte, dans le mécanisme de formation des prix contrôlé exclusivement par la Communauté. Mais l'arrêt dans l'affaire Commission contre Irlande ( 12 ) notamment a montré que même une intervention indirecte des autorités publiques dans le processus du marché peut constituer une violation du traité. Il n'est nullement nécessaire de pousser plus avant nos développements sur l'effet de la publication du prix pour constater que l'information qui est ainsi donnée au marché peut en principe suffire à entraver la formation du prix par le libre jeu de l'offre et de la demande, et mettre ainsi en danger l'efficacité du mécanisme d'intervention communautaire, tel qu'il a été décrit en détail dans l'arrêt Toffoli ( 13 ) et dans nos conclusions dans cette même affaire.

Puisqu'il faut retenir que l'article 10 et l'article 11 de la loi italienne no 306/75 sont tous deux incompatibles avec l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers instituée par le règlement no 804/68, il nous reste à répondre à l'argumentation du gouvernement italien selon laquelle d'une part l'article 11 de la loi litigieuse n'aurait été appliqué que de façon sporadique, que d'autre part on se serait préoccupé de l'abroger en adoptant une loi nouvelle et qu'enfin, à la demande de la Commission, des instructions auraient été données aux régions de ne plus appliquer cette disposition jusqu'à sa modification, en rappelant qu'aux termes de la jurisprudence constante de la Cour de justice, ces objections sont par principe sans aucune pertinence pour la violation du traité qu'il convient de constater. Ainsi que le gouvernement italien l'admet lui-même en fin de compte, une violation du traité doit être admise dès lors qu'une réglementation nationale contraire au droit communautaire n'a pas été formellement abrogée. Dans ce contexte, le nombre de fois où la réglementation correspondante a été appliquée importe peu et les États membres ne peuvent pas non plus faire valoir des difficultés internes s'opposant à une abrogation rapide de ces dispositions. Enfin, la Cour de justice a également souligné de manière régulière (voir, par exemple, les affaires Commission/Belgique ( 14 ) et Commission/République italienne ( 15 )) que les obligations au titre du droit communautaire ne sont respectées que si la clarté et la certitude de la situation juridique nationale sont pleinement garanties. Partant, une simple instruction administrative, par nature modifiable à tout moment, de ne pas appliquer une réglementation légale ne peut être considérée comme une exécution juridiquement valable de l'obligation découlant du droit communautaire.

3.

Nous concluons donc en vous proposant de constater que la République italienne, en adoptant et en maintenant en vigueur la procédure de fixation du prix de vente du lait à la production prévue par les articles 10 et 11 de la loi italienne no 306/75, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité instituant la Communauté économique européenne. Nous proposons en outre la condamnation de la défenderesse aux dépens, conformément à la demande de la partie requérante.


( 1 ) Traduit de l'allemand.

( 2 ) Arrêt du 6. 11. 1979 dans l'affaire 10/79 — Gaetano Toffoli et autres/Région de Vénétic — Recueil 1979, p. 3301.

( 3 ) Atril du 6 11 1979 d.ins l'affaire 10/79 — Gaetano Toffoli et lutres/Region de Venetic — Recueil 1979 p. 3301.

( 4 ) Arrêt du 10. 3. 1970 dans l'affaire 7/69 — Commission des Communautés européennes/République italienne — Recueil 1970, p. 111.

( 5 ) Arrêt du 25. 9. 1979 dans l'affaire 232/78 — Commission des Communautés européennes/République française — Recueil 1979, p. 2729.

( 6 ) Arrêt du 9. 12. 1981 dans l'affaire 193/80 — Commission des Communautés européennes/République italienne — Recueil 1981, p. 3019.

( 7 ) Arrêt du 15. 12. 1982 dans l'affaire 211/81 — Commission des Communautés européennes/Royaume du Danemark — Recueil 1982, p. 4547.

( 8 ) Arrêt du 8. 2. 1983 dans l'affaire 124/81 — Commission des Communautés européennes/Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord — Recueil 1983, p. 203.

( 9 ) Arrèl du 6. 11. 1979 dans l'affaire 10/79 — Gaclano Toffoli et autres/Région de Vénctie — Recueil 1979, p. 3301.

( 10 ) Arrêt du 7, 2. 1979 dans les affaires jointes 15 et 16/76 — Gouvernement français/Commission des Communautés européennes — Recueil 1979, p. 321.

( 11 ) Arret du 6 11 1979 dans l'affaire 10/79 — Gartano Toffoh et aures/Region de Venetic — Recueil 1979 p. 3301

( 12 ) Arrêt du 24. 11. 1982 dans l'affaire 249/81 — Commission des Communautés européennes/Irlande — Recueil 1982, p. 4005.

( 13 ) Arrêt du 6. 11. 1979 dans l'affaire 10/79 — Gaetano Toffoli et autres/Région de Vénétie — Recueil 1979, p. 3301.

( 14 ) Arrêt du 6. 5. 1980 dans l'affaire 102/79 — Commission des Communautés européennes/Royaume de Belgique — Recueil 1980, p. 1473.

( 15 ) Arrêt du 15. 3 1983 dans l'affaire 145/82 — Commission des Communautés européennes/République italienne — Recueil 1983, p 711

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