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Document 61980CC0070

Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 10 décembre 1980.
Tamara Vigier contre Bundesversicherungsanstalt für Angestellte.
Demande de décision préjudicielle: Bundessozialgericht - Allemagne.
Sécurité sociale - Conditions d'affiliation.
Affaire 70/80.

Recueil de jurisprudence 1981 -00229

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1980:285

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL

PRÉSENTÉES LE 10 DÉCEMBRE 1980 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La demanderesse dans la procédure qui a mené à la demande de décision préjudicielle dont il nous faut traiter aujourd'hui est née à Iéna en 1922 et a dû quitter l'Allemagne en 1933, à l'âge de 10 ans, victime de persécutions nationales-socialistes. Elle a maintenant la nationalité française, la nationalité allemande lui avant été retirée, et elle vit en France, où elle est apparemment affiliée aussi au régime de sécurité sociale en qualité de salariée, tandis qu'elle n'a jamais relevé de la sécurité sociale allemande. Elle est considérée comme une personne persécutée au sens de l'article 1 de la Bundesentschädigungsgesetz (loi fédérale allemande d'indemnisation) et elle a reçu sur cette base une indemnisation pour le préjudice subi en matière de formation.

L'article 10 bis de la loi allemande portant régime de réparation des injustices nationales-socialistes en matière de sécurité sociale (Gesetz zur Regelung der Wiedergutmachung nationalsozialistischen Unrechts in der Sozialversicherung, ci-après WGSVG), qui a été inséré dans cette dernière par la 18e loi d'adaptation du régime des pensions (18. Rentenanpassungsgesetz) du 28 avril 1975, dispose entre autres:

«1.   Les personnes persécutées, dont la période d'assurance est d'au moins 60 mois civils et qui ont versé à titre volontaire, avant le début de la persécution, des cotisations pour une période minimale de 12 mois, peuvent, sur leur demande et par dérogation au régime prévu à l'article 1418 de la Reichsversicherungsordnung (loi en matière d'assurances sociales) et à l'article 140 de l'Ange-stelltenversicherungsgesetz (loi sur l'assurance des employés), verser a posteriori des cotisations pour des périodes allant du 1er janvier 1933 au 8 mai 1945 ou jusqu'à leur retour sur le territoire d'application de la présente loi, et au plus tard jusqu'au 31 décembre 1955, pour autant que ces périodes ne sont ni antérieures à l'accomplissement de la seizième année ni postérieures à l'accomplissement de la soixante cinquième année et pour autant qu'elles ne sont pas déjà couvertes par des cotisations ou qu'elles ne sont pas imputables comme périodes de remplacement, sauf si la période de persécution est déjà prise en considération ou doit l'être dans un régime d'assurance sociale de droit public ou dans un régime de prévoyance au titre de principes du droit de la fonction publique.

2.   Le paragraphe 1 s'applique par analogie aux personnes persécutées dont la période d'assurance est au minimum de 60 mois civils et auxquelles a été reconnue définitivement ou sans recours possible une indemnisation sur la base de l'article 116 ou de l'article 118 de la Bundesentschädigungsgesetz (loi fédérale d'indemnisation) en raison d'un dommage qu'elles ont subi en matière de formation au sens de cette loi, ou pour lesquelles la mesure de persécution a commencé dans un délai de 12 mois à compter de la fin de leur formation.

...»

La demanderesse au principal s'est prévalue du paragraphe 2 de cette disposition. La demande d'autorisation de verser a posteriori des cotisations à l'assurance pension des employés, qu'elle a présentée à la défenderesse, c'est-à-dire à la Bundesversicherungsanstalt für Angestellte, a toutefois été rejetée au motif que la demanderesse ne remplissait pas les conditions de l'article 10 bis, à savoir 60 mois de périodes d'assurance imputables. En outre, la défenderesse a estimé que la demanderesse n'avait pas non plus roit à l'assurance volontaire au titre de l'article 10 de la loi sur l'assurance des employés, parce qu'elle n'avait pas été affiliée antérieurement, ni obligatoirement ni volontairement, à l'assurance pension allemande; or, ce point serait déterminant d'après l'annexe V C 8 b du règlement n° 1408/71, qui dispose:

«L'article 1233 de la loi en matière d'assurances sociales (RVO) et l'article 10 de la loi sur l'assurance des employés (AVG), modifiés par la loi du 16 octobre 1972 réformant le régime des pensions, qui régissent l'assurance volontaire dans le cadre des régimes allemands d'assurance pension, sont applicables aux ressortissants des autres États membres ainsi qu'aux apatrides et réfugiés résidant sur le territoire des autres États membres, selon les modalités suivantes.

Si les conditions générales sont remplies, des cotisations volontaires peuvent être versées à l'assurance pension allemande:

a)

...

b)

lorsque l'intéressé a son domicile ou sa résidence sur le territoire d'un autre État membre et qu'il a été antérieurement, à un moment quelconque, affilié obligatoirement ou volontairement à l'assurance pension allemande;

...»

La demanderesse a attaqué cette décision, sans succès, tant devant le Sozialgericht que devant le Landessozialgericht.

Le Landessozialgericht a approuvé le point de vue de la Bundesversicherungsanstalt für Angestellte selon lequel la condition d'une période d'assurance de 60 mois ne peut être remplie que par des cotisations à l'assurance pension allemande. Sous cet angle, une assimilation des périodes d'assurance françaises ne peut pas non plus être déduite, à son avis, de l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71. Cette disposition prévoit que:

«Si la législation d'un État membre subordonne l'admission à l'assurance volontaire ou facultative continuée à l'accomplissement de périodes d'assurance, les périodes d'assurance ou de résidence accomplies sous la législation de tout autre État membre sont prises en compte, dans la mesure nécessaire, comme s'il s'agissait de périodes d'assurance accomplies sous la législation du premier État.»

Pour le Landessozialgericht, l'article 10 bis de la WGSVG a pour but d'accorder une indemnisation aux personnes assurées qui ont été persécutées et qui ont subi de ce fait un préjudice en matière de sécurité sociale. Comme l'objet du règlement n° 1408/71 est simplement de garantir la libre circulation des travailleurs du point de vue de la sécurité sociale, a-t-il déclaré, il faut admettre que l'article 10 bis en question n'entre pas dans le champ d'application matériel du règlement n° 1408/71.

La demanderesse s'est alors pourvue en «révision» devant le Bundessozialgericht. Elle a fait valoir une application incorrecte du droit communautaire lors de l'appréciation de son cas. Selon elle, il faut partir de l'idée que la réserve inscrite à l'annexe V C 8 b du règlement n° 1408/71 ne s'étend pas à l'article 9, paragraphe 2, de ce règlement, mais qu'elle concerne uniquement la faculté e verser des cotisations à titre volontaire en vertu de l'article 10 de la loi sur l'assurance des employés, et n'a rien à voir avec la reconnaissance, comme périodes d'assurance antérieures au sens de l'article 10 bis de la WGSVG, de périodes d'assurance accomplies dans d'autres États membres. Il faut en tout cas admettre, à son avis, que cette réserve n'a pas écarté le principe de l'égalité de traitement que l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 exprime dans les termes suivants:

«Les personnes qui résident sur le territoire de l'un des États membres et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci sous réserve de dispositions particulières contenues dans le présent règlement.»

D'après le droit communautaire, il faut donc poser le principe, selon la demanderesse, que toutes les personnes qui appartiennent au groupe des assurés d'un État membre appartiennent en même temps au groupe des personnes qui relèvent de l'assurance allemande. Au surplus, l'intéressée s'est encore référée, à l'appui de son opinion, à la convention en matière de sécurité sociale conclue par la république fédérale d'Allemagne avec les États-Unis d'Amérique, qui prévoit que les 60 mois d'assurance préalable, dont il est question à l'article 10 bis de la WGSVG, peuvent aussi être couverts par des périodes d'assurance américaines.

La Bundesversicherungsanstalt für Angestellte a concédé, au cours de la procédure en «révision», que les dispositions de la WGSVG entrent intégralement dans le champ d'application matériel du règlement n° 1408/71, et que l'article 9, paragraphe 2, de ce dernier peut donc être appliqué dans la mesure où des périodes de cotisation dans d'autres États membres entrent en ligne de compte pour la période préalable de 60 mois. Mais elle a maintenu que l'élément déterminant est en tout cas la définition légale de la notion de «personne persécutée» figurant à l'article 1 de la WGSVG. Or, d'après cette définition, la loi ne s'applique qu'aux «personnes assurées»; il est donc présumé, à ses yeux, qu'au moins une cotisation a été versée à un organisme d'assurance pension allemand. Sous cet angle, l'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 non plus ne saurait avoir pour conséquence que la condition précitée est aussi remplie par une période d'assurance française.

Par ordonnance du 19 décembre 1979, le Bundessozialgericht a sursis à statuer et posé à la Cour, conformément à l'article 177 du traité CEE, les questions préjudicielles suivantes:

«1.

L'article 4, paragraphe 1, du règlement CEE n° 1408/7., qui prévoit que ce règlement s'applique aux législations relatives aux ‘branches de sécurité sociale’, doit-il être interprété en ce sens que son domaine d'application comprend également les compétences en matière de versements a posteriori de cotisations au titre de la loi allemande portant régime de réparation des injustices nationales-socialistes en matière de sécurité sociale (ci-après WGSVG), du 22 décembre 1970, modifiée le 27 juin 1977 (BGBl. 1970 I, p. 1846 et BGBl. 1977 I, p. 1040), dans la mesure où les personnes persécutées doivent être considérées comme des travailleurs au sens de l'article 1, lettre a), du règlement CEE n°1408/71?

En cas de réponse affirmative, ce domaine juridique particulier du versement a posteriori de cotisations relève-t-il d'un régime de prestations excluant l'applicabilité du règlement CEE n° 1408/71 au sens de l'article 4, paragraphe 4, dudit règlement?

2.

En cas d'applicabilité du règlement CEE n° 1408/71: l'article 9, paragraphe 2, du règlement CEE n° 1408/71 vise-t-il également la période d'assurance de 60 mois requise par l'article 10 bis de la WGSVG dans la mesure où cette disposition fonde la qualité d'assuré (et donc de personne persécutée) au titre de l'article 1, paragraphe 1, de ladite loi?»

Voici notre point de vue à ce propos.

1. Sur la première question

Avant de l'examiner, il faut constater que la loi fédérale allemande d'indemnisation a créé un système général d'indemnisation des victimes de persécutions nationales-socialistes, mais que, d'après son article 138, la réparation des préjudices subis en matière de sécurité sociale a été exclue du champ d'application de la loi et réservée à des dispositions particulières. En conséquence, les dispositions de la loi allemande portant régime de réparation des injustices nationales-socialistes en matière de sécurité sociale (WGSVG) règlent l'indemnisation des victimes de persécutions nationales-socialistes dans la mesure où il s'agit de préjudices subis en matière d'assurance obligatoire contre les risques d'accident et d'assurance pension. Comme la juridiction de renvoi l'a souligné expressément, cette loi ne contient pas un régime de réparation spécial fermé sur lui-même; ses dispositions complètent ou amendent plutôt les prescriptions générales de sécurité sociale (loi en matière d'assurances sociales, loi sur l'assurance des employés, loi portant régime de sécurité sociale des travailleurs de la mine) et font ainsi partie intégrante, d'un point de vue systématique, du droit général allemand des assurances sociales.

A ce sujet, la jurisprudence a déjà clarifié que la circonstance qu'une prescription relève des dispositions en matière de sécurité sociale n'est pas déterminante à elle seule pour conclure au caractère de prestation de sécurité sociale au sens du règlement n° 1408/71, du bénéfice prévu par la prescription en cause (voir affaire 207/78, Ministère public/Gilbert Even et Office national des pensions pour travailleurs salariés, arrêt du 31 mai 1979, Recueil 1979, p. 2032). D'autre part et sur ce point, il faut donner raison à la défenderesse au principal, le fait que la WGSVG n'est pas citée dans la déclaration que la République fédérale a faite au titre de l'article 5 du règlement n° 1408/71 ne saurait être décisif pour la réponse à donner à la première question, puisque de telles déclarations n'ont pas à l'évidence un caractère exhaustif.

La réponse à la question de savoir si la réglementation qui est en cause ici entre dans le champ d'application du règlement n° 1408/71 dépend donc de manière déterminante des caractéristiques essentielles des prestations concernées, de leurs conditions d'octroi et de la finalité de la réglementation. Il peut être renvoyé à cet égard à l'arrêt rendu dans l'affaire 9/78 (Directeur régional de la sécurité sociale de Nancy/Paulin Gillard et Caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Est à Nancy, arrêt du 6 juillet 1978, Recueil 1978, p. 1661). Un autre élément important est le fait, constaté par la Cour dans son arrêt du 31 mars 1977 dans l'affaire 79/76 (Carlo Fossi/Bundesknappschaft, Recueil 1977, p. 678), qu'une législation qui confère au bénéficiaire une position légalement définie, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins ou situations personnelles, relève en principe de la sécurité sociale.

La WGSVG a pour finalité d'accorder une réparation lorsqu'à la suite de persécutions nationales-socialistes, un dommage a été subi en matière d'assurance obligatoire contre les risques d'accident et d'assurance pension, en rendant possibles, ce qui regarde spécialement l'assurance pension, l'assurance continuée et le versement a posteriori de cotisations. Il est tout à fait clair qu'en ce qui concerne la faculté de verser des cotisations a posteriori, prévue à l'article 10 bis cité tout à l'heure, la loi confère, si certaines conditions sont remplies, une position légale ou, en d'autres termes, un droit, et qu'il ne peut donc pas être parlé de pouvoirs d'appréciation portant de manière déterminante sur les besoins et les situations personnelles. De plus, les prestations fournies à titre de réparation s'intègrent entièrement au système général des prestations prévues par le droit de la sécurité sociale. Elles supposent que le titulaire du droit est une personne assurée et qu'il a accompli une période d'assurance minimale déterminée, et en cas d'assurance a posteriori pour des périodes pendant lesquelles l'acquisition de droits futurs à une pension n'a pas été possible en raison de persécutions, elles consistent à créer une telle couverture a posteriori, à l'aide de véritables cotisations d'assurance. En outre, comme la Commission l'a souligné pertinemment, il nous semble aussi important de noter que, même indépendamment de la WGSVG, il existe un lien étroit entre les règles concernant l'indemnisation et le droit des assurances sociales. Les lois générales relatives aux assurances (loi en matière d'assurances sociales, loi sur l'assurance des employés et loi portant régime d'assurance des travailleurs de la mine) contiennent en effet des dispositions sur la prise en compte de certaines périodes de persécution comme périodes de remplacement. D'autre part, l'article 1, paragraphe 2, de la WGSVG stipule que «les périodes de remplacement visées à l'article 1251, paragraphe 1, n° 4, de la loi en matière d'assurances sociales, à l'article 28, paragraphe 1, n° 4, de la loi sur l'assurance des employés et à l'article 51, paragraphe 1, n° 4, de la loi portant régime d'assurance des travailleurs de la mine» doivent être prises en compte comme périodes de persécution, c'est-à-dire sans contrepartie.

Dans ces conditions, il est effectivement possible de défendre l'opinion que la faculté de verser des cotisations a posteriori, qui est prévue à l'article 10 bis de la WGSVG, fait partie intégrante de la sécurité sociale, parce qu'elle se rattache très étroitement au régime de l'assurance pension obligatoire par ses conditions, sa finalité et ses conséquences juridiques, et qu'elle entre dès lors dans le champ d'application matériel du règlement n° 1408/71.

En outre, on peut encore ajouter que la faculté en question de verser des cotisations a posteriori n'est certainement pas visée par l'article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1408/71 qui dispose:

«Le présent règlement ne s'applique ni à l'assistance sociale et médicale, ni aux régimes de prestations en faveur des victimes de la guerre ou de ses conséquences, ni aux régimes spéciaux des onctionnaires ou du personnel assimilé.»

De fait, il n'est pas contesté que la faculté de verser des cotisations a posteriori ne concerne aucun des régimes spéciaux cités expressément. D'autres considérations sur ce point ne sont sans doute pas nécessaires.

2. Sur la deuxième question

Celle-ci a pour objet l'interprétation de l'article 9, paragraphe 2, déjà cité du règlement n° 1408/71. La Cour est invitée à dire si cette disposition vise également la période d'assurance de 60 mois, requise par l'article 10 bis de la WGSVG, dans la mesure où elle fonde la qualité d'assuré au titre de l'article 1, paragraphe 1, de cette loi.

Selon la Bundesversicherungsanstalt für Angestellte et la Commission, la réponse doit être négative.

Selon la demanderesse au principal, le libellé et le but de la disposition exigent d'assimiler les périodes d'assurance accomplies dans d'autres États membres, sans fixer des conditions supplémentaires. Une interprétation restrictive en ce sens que la disposition ne s'applique pas aux périodes de cotisation qui fondent la qualité de personne assurée entrerait non seulement en conflit avec le principe selon lequel le choix de la résidence à l'intérieur de la Communauté ne doit pas entraîner des désavantages en matière de sécurité sociale, mais elle enfreindrait aussi les principes de l'article 3 du règlement n° 1408/71 d'après lesquels les personnes qui sont affiliées à la sécurité sociale dans un État membre font en même temps partie des groupes de personnes assurées des autres États membres.

Sur ce point, il n'est pas possible, à notre avis, de suivre l'opinion de la demanderesse.

On ne peut certes pas alléguer directement à ce propos l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, ni l'annexe V C 8 b déjà citée, dont il résulte que la qualité d'affilié à l'assurance pension allemande doit avoir été acquise antérieurement. Il est en effet totalement hors de doute que ces dispositions ne peuvent pas être appliquées à la faculté de verser des cotisations a posteriori, prévue par la WGSVG, puisque l'article 9, paragraphe 1, se rapporte aux prescriptions qui posent comme condition la résidence dans l'État membre concerné, ce qui n'est pas le cas pour la WGSVG, qui ne connaît pas une telle condition de résidence; par ailleurs, l'annexe V indique clairement qu'elle vise seulement l'article 1233 de la loi en matière d'assurances sociales et l'article 10 de la loi sur l'assurance des employés, alors qu'il s'agit ici de l'article 10 bis de la WGSVG qui, du point de vue de son économie, est tout à fait indépendant de l'article 10 de la loi sur l'assurance des employés.

En revanche, il est manifestement justifié de dire que l'article 9, paragraphe 2, repose tacitement sur le principe qui s'exprime au paragraphe 1. Il constitue seulement une règle prescrivant la totalisation et implique par conséquent une assimilation des périodes d'assurance accomplies à l'étranger dans la mesure où les prestations dépendent de la durée de l'affiliation, de sorte que ces périodes peuvent être prises en considération, par exemple, pour la question de savoir si une période d'assurance minimale de 60 mois au total est constituée. Ces dispositions n'ont pas pour but, par contre, de fonder la qualité d'assuré; elles considèrent celle-ci, au contraire, comme une condition préalable. Il s'agit-là, comme la Commission l'a montré, d'un principe qui gouverne tout le règlement n° 1408/71. En réalité, aucune des dispositions prises par le Conseil en application de l'article 51 du traité CEE, en rapport avec l'obligation de totalisation de périodes d'assurance (articles 18, 38, 45, 64, 67 et 72 du règlement n° 1408/71) ne concerne effectivement le fondement de la qualité d'assuré. Comme la Bundesversicherungsanstalt für Angestellte ľa souligné pertinemment, cette qualité n'est pas influencée en principe par le droit communautaire de la sécurité sociale. Le fondement de la qualité d'assuré relève en réalité du droit interne et est une des conditions nécessaires à l'application du règlement n° 1408/71.

Au surplus, il est encore possible de se référer à ce sujet à deux arrêts, dont il a du reste été question dans la procédure. Ainsi, l'arrêt dans l'affaire 266/78 (Bruno Brunori/Landesversicherungsanstalt Rheinprovinz, arrêt du 12 juillet 1979, Recueil 1979, p. 2712) a souligné que l'article 45 du règlement n° 1408/71 prévoit certes une totalisation des périodes d'assurance, mais que celle-ci est, comme telle, «étrangère aux questions concernant l'affiliation et la terminaison de l'affiliation aux divers régimes de sécurité sociale, dont la réglementation relève des seules législations nationales». Dans la même ligne, l'arrêt rendu dans l'affaire 110/79 (Una Coonan/Insurance Officer, arrêt du 24 avril 1980) a remarqué que les articles 18 et 46 du règlement n° 1408/71 régissent la totalisation des périodes d'assurance susceptibles d'être prises en compte, mais «ne règlent pas la question préalable de savoir dans quelles conditions un ressortissant d'un État membre peut ou doit être affilié au régime de sécurité sociale d'un autre État membre...». Puis la Cour a poursuivi en déclarant qu'il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer les conditions du droit ou de l'obligation de s'affilier à un régime de sécurité sociale ou à telle branche d'un pareil régime; que lorsqu'une législation nationale fait dépendre l'affiliation à un régime de sécurité sociale ou à une branche particulière de ce régime de la condition que l'intéressé ait été affilié antérieurement au régime de sécurité sociale national, le règlement n° 1408/71 n'oblige pas les États membres à assimiler les périodes d'assurance accomplies dans un autre État membre à celles qui ont été accomplies antérieurement sur leur territoire national.

Dans cette perspective, l'invocation par la demanderesse du principe de l'égalité de traitement inscrit à l'article 3 du règlement n° 1408/71 et le renvoi par elle au fait qu'elle n'a pas abandonné sa résidence en Allemagne volontairement et qu'elle a été déchue de sa nationalité allemande sont sans pertinence. La Commission a expliqué à juste titre à ce sujet que le principe de l'égalité de traitement invoqué ne saurait avoir pour objectif d'assurer une égalité générale de toutes les données d'assurance, car cela dépasserait de loin la fonction de coordination impartie au règlement n° 1408/71. Quant aux deux autres circonstances alléguées, elles ne peuvent pas conduire à une interprétation particulière du règlement n° 1408/71, parce qu'il s'agit d'aspects qui s'inscrivent typiquement dans le cadre des dispositions concernant la réparation et qui, comme tels, d'après la fonction du règlement n° 1408/71, ne sauraient devoir être pris en considération.

3.

Aux questions posées par le Bundessozialgericht, nous proposons par conséquent de donner les réponses suivantes:

a)

Pour l'application de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, c'est-à-dire pour la réponse à la question de savoir si une réglementation légale relève de la sécurité sociale, les critères déterminants sont les caractéristiques des prestations prévues, leur finalité et leurs conditions d'octroi. Il s'ensuit que les compétences en matière de versement a posteriori de cotisations au titre de la loi allemande portant régime de réparation des injustices nationales-socialistes en matière de sécurité sociale entrent dans le champ d'application du règlement n° 1408/71 dans la mesure où des personnes persécutées doivent être considérées comme des travailleurs au sens de l'article 1 de ce règlement. En revanche, le droit précité de versement a posteriori de cotisations ne relève pas d'un régime de prestations excluant l'applicabilité du règlement n° 1408/71 au sens de son article 4, paragraphe 4.

b)

L'article 9, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 ne vise la période d'assurance de 60 mois, requise par l'article 10 bis, paragraphe 2, de la WGSVG, que dans la mesure où cette disposition ne fonde pas la qualité d'assuré au titre de l'article 1, paragraphe 1, de cette loi.


( 1 ) Traduit de l'allemand.

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