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Document 61977CC0082

    Conclusions de l'avocat général Capotorti présentées le 13 décembre 1977.
    Ministère public du Royaume des Pays-Bas contre Jacobus Philippus van Tiggele.
    Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof Amsterdam - Pays-Bas.
    Prix minima de genièvre.
    Affaire 82/77.

    Recueil de jurisprudence 1978 -00025

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1977:205

    CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

    M. FRANCESCO CAPOTORTI,

    PRÉSENTÉES LE 13 DÉCEMBRE 1977 ( 1 )

    Monsieur le Président,

    Messieurs les Juges,

    1. 

    La principale question que la présente affaire soulève peut se résumer comme suit: une disposition nationale, qui fixe pour certains produits des prix minimaux de vente au détail, est-elle compatible avec l'interdiction des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation qui est inscrite à l'article 30 du traité CEE?

    Les produits qui sont ici en cause sont deux boissons alcoolisées très répandues aux Pays-Bas: le genièvre et le «vieux» (qui est une boisson à l'arôme de cognac). Pendant longtemps les producteurs néerlandais de ces boissons ont été d'accord pour appliquer un système vertical de prix imposés aux distributeurs. Puis, par un jugement du 22 septembre 1975, le tribunal d'Utrecht a déclaré que ce régime concerté de prix était incompatible avec la loi néerlandaise sur la concurrence économique. Il en a résulté une concurrence assez vive dans le secteur considéré, et par suite, une notable baisse des prix. Pour éviter des conséquences ruineuses pour un grand nombre de petits négociants, l'arrêté royal néerlandais no 51 du 18 décembre 1975 a conféré au comité directeur de l'organisme compétent pour réglementer la production et le commerce des boissons distillées (qui est le «Produktschap voor Gedistilleerde Dranken») le pouvoir de réglementer les prix pour une période maximale de trois ans. Sur la base de cette habilitation (permise par l'article 4 de la loi du 30. 9. 1954 qui a institué ce Produktschap), cet organisme a arrêté, le 17 décembre 1975, un règlement qui comporte entre autres les dispositions suivantes:

    1)

    pour le genièvre jeune et pour le «vieux», des marques ou types pour lesquels il existait un prix-catalogue unitaire («geriefprijs»), l'interdiction de vendre à un prix inférieur à ce prix-catalogue, majoré d'un montant fixe de 0,60 florin et, le tout, de 16 % au titre de la TVA. Le «prix-catalogue unitaire» est le prix au litre qui figurait, le 6 octobre 1975, sur le tarif communiqué par le producteur à ses clients, sans tenir compte des éventuelles remises et ristournes, majoré du montant de l'augmentation du droit d'accise au 1er janvier 1976, hors TVA (article 2, no 1 et article 1, no 3);

    2)

    en l'absence d'un prix-catalogue unitaire pour les deux produits susmentionnés, et en tout cas pour le vieux genièvre, l'interdiction de vendre à un prix inférieur à 11,25 florins le litre (article 2, n os 2 et 3);

    3)

    pour les autres boissons distillées, l'interdiction de vendre à un prix inférieur au prix d'achat, majoré de la TVA (article 4).

    En vertu de l'article 1, no 2, du même règlement, il faut entendre par vente au détail la vente à des personnes qui ne sont pas habilitées à pratiquer le commerce des alcools dont s'agit.

    En vertu de l'article 3, il est interdit d'accorder, au stade de la vente au détail, des remises ou des ristournes si celles-ci ont pour effet d'abaisser le prix effectif à un niveau inférieur au prix minimal prévu par les dispositions de l'article 2. Si les produits sont vendus à ce prix minimal, il est interdit d'accorder des cadeaux ou des avantages sous n'importe quelle forme. La même interdiction s'applique chaque fois que l'avantage accordé, compte tenu de sa valeur réelle, aurait pour effet de réduire le prix de vente à un niveau inférieur à celui prévu à l'article 2.

    Cette réglementation des prix a été arrêtée par le Produktschap pour un an, puis elle a été prorogée jusqu'au 1er mars 1978. Le prix minimal initial de 11,25 florins a par la suite été porté à 11,70 florins.

    Enfin, il faut encore signaler que la réglementation en question s'applique aussi bien aux produits nationaux qu'à ceux qui proviennent d'autres États membres et que les boissons distillées ne sont pas soumises à une organisation commune de marché.

    2. 

    Par un jugement rendu par le juge de police en matière économique du tribunal de Rotterdam le 18 mai 1976, M. Jacobus Philippus van Tiggele, qui gère un magasin de boissons du type «discount self-service» dans une localité des Pays-Bas, a été condamné à une amende pénale de 5000 florins, ou à un emprisonnement subsidiaire de 3 mois, pour infraction continue à la réglementation décrite ci-dessus, pour avoir vendu du genièvre de diverses marques à des prix inférieurs aux prix minimaux fixés. Après deux degrés de juridiction (appel devant la Cour de La Haye, qui a annulé le jugement rendu en première instance, et recours devant le Hoge Raad, qui a annulé l'arrêt rendu en appel), l'affaire a été déférée à la cour d'appel d'Amsterdam. Celle-ci a, en application de l'article 177 du traité CEE, demandé à notre Cour de se prononcer à titre préjudiciel sur les questions suivantes:

    «1)

    Faut-il interpréter les articles 30 à 37 du traité CEE en ce sens que la réglementation des prix minimaux relative à la vente à l'intérieur du pays de boissons distillées, telle qu'elle a été arrêtée par le comité directeur du Produktschap voor Gedistilleerde Dranken, le 17 décembre 1975, dans la forme de la “Prijsverordening gedistilleerde dranken”, est interdite en ce qu'elle constitue une restriction quantitative à l'importation ou une mesure d'effet équivalent?

    2)

    Faut-il interpréter les articles 92 à 94 du traité CEE en ce sens que la réglementation [décrite ci-dessus] doit être considérée comme une aide accordée par les Pays-Bas qui est incompatible avec le marché commun?»

    Avant d'examiner les problèmes que ces questions soulèvent, il nous semble utile de préciser que le cas de l'espèce porte sur des produits qui sont soumis au prix-catalogue unitaire et pour lesquels le prix minimal général qui est fixé pour le vieux genièvre n'entre en considération qu'en l'absence d'un prix-catalogue unitaire, ce qui semble effectivement être le cas pour les produits de même nature (genièvre jeune et «vieux») importés.

    Les questions posées par le juge néerlandais abordent toutefois l'entier régime des prix minimaux de vente des boissons distillées aux Pays-Bas. Il conviendra donc de tenir compte de ce régime dans son ensemble, d'autant que notre tâche ne consiste pas à établir si une certaine disposition nationale est ou non licite au regard du droit communautaire, mais de clarifier, en rapport avec un régime de prix du type décrit, la portée des normes du traité dont l'interprétation est demandée.

    3. 

    La première question se situe explicitement dans le cadre du chapitre du traité CEE qui traite de l'élimination des restrictions quantitatives entre les États membres. Comme nous l'avons déjà dit, il s'agit de vérifier si un régime national de prix minimaux comme celui qui est établi par la «Prijsverordening gedistilleerde dranken» est contraire à l'interdiction, qui est imposée aux États membres par l'article 30 du traité CEE, d'appliquer des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives aux importations. L'article 34 n'intervient pas dans le cas du problème qui nous occupe, puisque la réglementation en cause, qui a pour objet des prix de vente au détail, n'a donc pas d'incidence sur les exportations, si bien que l'interdiction des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'exportation ne saurait jouer.

    D'après la jurisprudence constante de cette Cour, l'interdiction susvisée ne frappe pas seulement les mesures nationales qui ont un effet restrictif actuel sur la circulation des marchandises. Pour qu'il puisse être parlé de mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, il suffit que la réglementation commerciale d'un État membre soit susceptible, fût-ce même potentiellement et indirectement, d'entraver les échanges intracommunautaires.

    Cette règle a été affirmée clairement, d'une manière générale, pour toute réglementation nationale qui concerne le commerce, indépendamment du caractère agricole ou industriel du produit, et donc aussi indépendamment de l'existence ou non d'une organisation commune de marché, dans l'arrêt du 11 juillet 1974 dans l'affaire 8/74, Dassonville (Recueil 1974, p. 837 et suiv.), puis elle a été répétée, en rapport avec des produits couverts par une organisation commune de marché, dans l'arrêt du 30 octobre 1974 dans l'affaire 190/73, Van Haaster (Recueil 1974, p. 1123 et suiv.).

    Comme un régime national de fixation de prix minimaux entre sans aucun doute dans le cadre de la notion de «réglementation commerciale», l'orientation interprétative que nous venons de rappeler s'applique donc aussi à un pareil régime.

    En ce qui concerne plus spécifiquement les mesures étatiques de réglementation des prix, la Cour a plusieurs fois eu l'occasion d'indiquer des critères concernant la compatibilité de la fixation de prix maximaux avec le fonctionnement d'une organisation commune de marché déterminée (nous rappellerons en particulier l'arrêt du 23. 1. 1975 dans l'affaire 31/74, Galli, Recueil 1975, p. 47 et suiv., et ceux du 26. 2. 1976 dans l'affaire 65/75, Tasca, et dans les affaires jointes 88 à 90/75, Sadam, Recueil 1976, respectivement p. 291 et 323).

    Alors que l'arrêt Galli, qui est essentiellement basé sur l'existence et sur les implications d'une organisation commune de marché, ne semble pas pouvoir offrir des éléments utiles pour notre cas, les arrêts Tasca et Sadam précisent aussi la portée de l'article 30 du traité en rapport avec des mesures nationales d'intervention dans le secteur des prix.

    Dans ces décisions, après avoir confirmé l'orientation interprétative que nous avons rappelée ci-dessus à propos de la notion de mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, la Cour a précisé que «si un prix maximal, indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits importés, ne constitue pas en lui-même une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative, il peut cependant sortir un tel effet lorsqu'il est fixé à un niveau tel que l'écoulement des produits importés devient, soit impossible, soit plus difficile que celui des produits nationaux; qu'un prix maximal, pour autant en tout cas qu'il s'applique à des produits importés, constitue donc une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative, notamment lorsqu'il est fixé à un niveau tellement bas que — compte tenu de la situation générale des produits importés comparée à celle des produits nationaux — les opérateurs désirant importer le produit dont s'agit dans l'État membre concerné ne pourraient le faire qu'à perte» (point 13 des motifs de l'arrêt Tasca, point 15 de l'arrêt Sadam).

    Plus récemment, la Cour s'est reportée à ce même critère en rapport avec des mesures internes qui avaient pour effet de transformer le prix net du producteur en un prix fixe, imposé pour la vente au détail de cigarettes: nous renvoyons à son arrêt du 16 novembre 1977 dans l'affaire 13/77, SA G.B.-Inno-B.M./Association des détaillants en tabac (point 52 des motifs).

    Il est à noter qu'à l'inverse du cas auquel se rapportait l'arrêt Tasca, où le litige pendant devant la juridiction de renvoi avait pour objet le comportement d'un particulier qui avait dépassé le niveau maximal des prix permis par la réglementation interne, dans le cas d'Inno les produits étaient vendus à des prix inférieurs au prix imposé.

    Dans la première hypothèse, la violation de l'interdiction des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives pouvait résulter du fait que, pour déterminer le niveau maximal des prix, les autorités internes n'avaient peut-être pas tenu compte des coûts éventuellement plus élevés des produits importés par rapport aux coûts des produits nationaux comparables. Dans ces conditions, il aurait en effet pu devenir difficile, sinon véritablement impossible, pour les produits des autres États, de conserver un débouché dans l'État considéré.

    Dans le cas de l'imposition d'un prix fixe, qui était en cause dans l'affaire Inno, la même considération vaut pour l'interdiction, que cette imposition contient implicitement, de pratiquer un prix plus élevé, et la Cour s'est de fait référée expressément à la notion de «prix maximal». Aucune précision n'a en revanche été fournie dans l'arrêt Inno en ce qui concerne spécifiquement le caractère de «prix minimal», qui est pourtant inhérent à la notion de prix fixe, et en définitive ce caractère n'est pas directement entré en ligne de compte dans la décision de la Cour.

    D'autre part, il faut encore remarquer que, dans l'affaire Inno, la disposition étatique, qui avait essentiellement été arrêtée pour des raisons fiscales, se limitait à conférer une valeur obligatoire au prix librement choisi par le fabricant, tandis que, dans le cas présent, le prix minimal uniforme qui, en l'absence d'une communication de tarifs par les producteurs étrangers, semble être le seul qui ait en pratique de l'importance pour les produits non néerlandais, constitue un prix entièrement fixé par voie d'autorité, et en tout cas sans consultation préalable des producteurs non néerlandais.

    Toutes ces constatations nous conduisent à la conclusion que dans la jurisprudence de la Cour sur les mesures étatiques de réglementation des prix, les problèmes inhérents à un régime obligatoire de prix minimaux n'ont pas encore été affrontés directement. Néanmoins, cette jurisprudence fournit deux indications utiles. En premier lieu, elle confirme que la notion de mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative s'applique à tout régime de prix qui est susceptible d'entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, les échanges entre États membres. En deuxième lieu, elle contient l'idée plus spécifique qu'un prix fixé par voie d'autorité, même s'il s'applique indistinctement aux produits nationaux et aux produits étrangers, peut constituer une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative lorsque son niveau rend l'écoulement des produits importés impossible, ou même seulement plus difficile, comparé à l'écoulement des produits nationaux. Nous verrons plus tard à quel résultat ces indications peuvent conduire dans le cas qui fait l'objet de notre examen.

    Dans le même ordre d'idées, et surtout en rapport avec le deuxième critère énoncé ci-dessus, il est enfin opportun de rappeler la directive que la Commission a arrêtée le 22 décembre 1969 sur la base de l'article 33, paragraphe 7, du traité et qui porte suppression des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives non visées par d'autres dispositions prises en vertu du traité CEE. Cette directive se réfère expressément, pour en ordonner la suppression, aux mesures qui «fixent les prix des produits en fonction du prix de revient ou de la qualité des seuls produits nationaux à un niveau tel qu'il en résulte un obstacle à l'importation» (article 2, paragraphe 3, lettre e) et à celles qui rendent un produit importé plus coûteux (article 2, paragraphe 3, lettre f). Cela confirme indirectement qu'on ne doit pas exclure la répercussion négative, sur les importations ou sur l'écoulement des produits importés, d'un niveau de prix minimal obligatoire et généralisé.

    4. 

    Il a été observé en doctrine que l'application de réglementations nationales de prix n'a pas seulement pour effet de réduire les possibilités objectives et la propension des entreprises à la concurrence, mais qu'elle suppose souvent de la part des entreprises qui opèrent à l'échelle du marché commun l'adoption de pratiques contraires aux règles de concurrence du traité (Walbroek M., Les réglementations nationales de prix et le droit communautaire, Bruxelles 1975, p. 55). En se rattachant peut-être à cette idée, la Commission a aussi examiné les dispositions des articles 30 et suivants du traité en rapport avec l'obligation, qui découle d'après elle pour les États de l'article 5 du traité lui-même, de ne pas adopter des mesures susceptibles de créer des situations qui, si elles remontaient à des comportements d'entreprises, tomberaient sous le coup des interdictions énoncées aux articles 85 et 86 du traité.

    La Commission a remarqué que la fixation de prix minimaux se présente en règle générale comme une mesure plus restrictive et plus perturbatrice du libre jeu des lois du marché que la fixation de prix maximaux. A la différence de cette dernière, la fixation de prix minimaux à un niveau tel qu'il contrecarre la tendance naturelle à la baisse sur un marché en régime de prix libres comporte en effet nécessairement une grave limitation de la concurrence.

    En rapport avec le cas de l'espèce, la Commission a souligné le fait que le régime obligatoire néerlandais des prix minimaux des boissons alcoolisées a succédé — après une brève période intermédiaire de libre concurrence extrêmement vive — au système concerté entre producteurs des accords verticaux de fixation des prix de ces mêmes produits, système qui a été abandonné parce qu'il a été jugé contraire à la législation nationale sur le régime de la concurrence. Or, de l'avis de la Commission, l'actuel régime des prix minimaux est équivalent, du point de vue de ses effets sur le plan de la concurrence, au précédent système collectif des accords verticaux de prix et, de même que ce dernier, il soulève selon elle le problème de sa compatibilité avec les principes énoncés aux articles 3, lettre f), et 85 du traité.

    Il est bien sûr indéniable que toute mesure de fixation de prix minimaux de vente a par nature un effet restrictif sur la concurrence. De même, il est clair qu'un tel effet, qui se manifeste aussi au détriment des produits d'autres États membres, ne peut manquer de se répercuter sur les importations de ces produits dans l'État où une mesure de ce genre est imposée.

    Lorsqu'il s'agit toutefois d'examiner des mesures d'intervention dans le secteur des prix, qui sont imputables à un État membre, du point de vue de l'interdiction des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, l'aspect anticoncurrentiel entre en considération sous un angle bien différent de celui sous lequel seraient examinés, pour en établir la compatibilité avec les dispositions des articles 85 et 86, des comportements d'entreprises.

    En réalité, ces normes sont toutes deux comme le titre de la section du traité qui les comprend l'indique expressément — des règles de concurrence applicables aux entreprises, qui se distinguent logiquement et systématiquement des règles en matière de concurrence qui s'adressent aux États (articles 92 et suiv.). Entre les articles 30 et 34, d'une part, et les articles 85 et 86, d'autre part, il existe non seulement une différence du point de vue des destinataires des interdictions, mais aussi du point de vue de la nature des comportements interdits: à cet égard il suffit de constater que les mesures qui restreignent les échanges entre les États membres sont intrinsèquement incompatibles avec le traité, en raison de l'entrave qu'elles créent au commerce intracommunautaire, tandis que les ententes entre entrepreneurs sont incompatibles avec le marché commun pour autant qu'elles répondent à la double condition d'affecter le commerce entre États membres et d'avoir pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence. Quant à l'abus de position dominante, en dehors et en plus de l'élément de préjudice pour le commerce entre États membres, il implique un comportement d'exploitation abusive.

    5. 

    Il est vrai que dans l'arrêt déjà cité dans l'affaire 13/77, Inno, la Cour a apprécié certaines mesures étatiques de fixation de prix, non seulement à la lumière de l'article 30, mais aussi en tenant compte de l'article 86, qui interdit aux entreprises d'abuser de leur position dominante. Mais la Cour a fait référence à cette norme en tant qu'elle précise le but fondamental (de la protection de la libre concurrence) qui est établi à l'article 3, lettre du traité et en tant que l'interdiction, tout aussi fondamentale, de toute mesure étatique susceptible de mettre en péril la réalisation du marché commun (article 5, alinéa 2) inclut logiquement l'obligation de ne pas prendre des mesures susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence, parmi lesquelles figure l'article 86. De là l'affirmation de cet arrêt suivant laquelle les États membres ne peuvent pas édicter des mesures qui permettent aux entreprises privées de se soustraire aux contraintes imposées par les articles 85 et 90 du traité et qui favorisent éventuellement l'abus de position dominante (points 33 et 34 des motifs de l'arrêt Inno).

    Ainsi donc, comme on le voit, pour que l'article 86 — et il en va de même pour l'article 85 — puisse être invoqué en relation avec l'interdiction des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, il faut que les mesures publiques facilitent une violation des règles de concurrence par ceux à qui ces règles s'adressent, c'est-à-dire par les entreprises.

    Cela dit, et pour en revenir à notre problème, on pourrait se demander si les mesures adoptées par le «Produktschap» néerlandais, qui se présentent formellement comme des actes de droit public dont l'observation est garantie par l'État au moyen de sanctions pénales, n'expriment pas en réalité la volonté concordante des entreprises du secteur.

    En d'autres termes, on pourrait se demander si, pour une appréciation réaliste du phénomène considéré, il n'est pas insuffisant de s'arrêter à la considération formelle du caractère d'acte de l'autorité que l'État peut conférer (et qu'il a en l'espèce conféré) aux décisions d'organismes qui sont chargés d'exercer des fonctions d'intérêt public de réglementation de l'économie. Mais une question de ce genre n'a de sens que dans l'hypothèse où ces organismes sont constitués et fonctionnent de manière telle que leurs décisions expriment non seulement les intérêts, mais aussi la propre volonté concordante des entreprises qui opèrent dans le secteur économique pour lequel ils sont compétents.

    Dans cette hypothèse, l'efficacité obligatoire, ou plutôt le caractère normatif, que les pouvoirs publics confèrent aux décisions de pareils organismes «intermédiaires» ne devrait pas en soi exclure que ce type d'actes, tout en engageant la responsabilité de l'État à l'égard de la Communauté conformément aux articles 30 et suivants du traité, soit aussi apprécié à la lumière des règles des articles 85 et 86 du traité, et cela sous l'angle de «décisions d'associations d'entreprises», ou bien sous celui de pratiques concertées, ou encore dans l'optique de l'exploitation abusive d'une position dominante.

    Dans ce cas, le critère énoncé dans l'arrêt dans l'affaire Inno, qui fait dépendre l'appréciation de mesures étatiques à la lumière des articles 5, 3, lettre f), et 86, du rapport qui existe entre de telles mesures et des comportements anticoncurrentiels imputables à des entreprises, serait tout à fait pertinent. En l'espèce, les entreprises intéressées à un régime de prix imposés qui aboutit à des effets analogues à ceux qui résultaient précédemment d'un ensemble d'accords verticaux, auraient pu réaliser leur dessein anticoncurrentiel par l'intermédiaire de leurs représentants au comité directeur du Produktschap.

    La circonstance décisive qui doit toutefois être examinée est la composition de cet organe. En vertu de l'article 3 de la loi du 30 septembre 1954, qui a institué le Produktschap compétent pour les boissons distillées, le comité directeur de cet organisme se compose de 20 membres, qui sont nommés pour moitié par les associations d'entrepreneurs et pour moitié par les organisations des travailleurs du secteur de l'alcool de distillation. Chacune de ces deux catégories dispose d'un membre provenant de l'industrie de l'alcool et du moût, de trois membres de l'industrie des boissons distillées, d'un membre du secteur du commerce d'importation et du commerce intermédiaire de ces boissons, d'un membre du commerce intérieur de gros des boissons distillées et de quatre membres du commerce de détail de ces mêmes produits. Le président est nommé par la reine.

    Une composition de ce genre permet certes aux opérateurs nationaux du secteur des boissons distillées de faire valoir leur point de vue, tout en leur donnant la garantie que prévalent les intérêts de la production et du commerce des produits nationaux. Mais même si l'on peut penser que les décisions d'un pareil organisme reposent normalement sur un large consensus des entreprises du secteur, il ne nous semble pas possible de rapporter les mesures d'intervention dans l'économie qui sont délibérées par lui, aux catégories des actes et comportements qui sont régis par les articles 85 et 86 du traité, compte tenu surtout de la composition paritaire de la représentation des employeurs et des travailleurs. En d'autres termes, le Produktschap n'est pas l'organisme d'une association d'entrepreneurs.

    Il resterait encore l'hypothèse que l'acte formel du Produktschap reflète un accord ou une pratique concertée sous-jacents des entreprises du secteur. Ce problème ne se pose toutefois pas en l'espèce, pour le simple motif qu'à aucun moment de la présente procédure la compatibilité du comportement des entreprises néerlandaises, en faveur desquelles les prix minimaux ont été adoptés, avec les articles 85 et 86 du traité n'a été mise en question. Le juge de renvoi s'est référé uniquement au décret du Produktschap et à l'arrêté royal qui à permis de l'édicter. Quant à la Commission, à qui le traité confie la tâche de veiller à l'application des règles de concurrence, non seulement elle n'a fait mention d'aucune enquête de sa part sur le comportement des entreprises du secteur en rapport avec l'application des interdictions établies aux articles 85 et 86, mais elle n'a non plus exprimé aucun doute, dans la présente procédure, sur la compatibilité de ce comportement avec ces normes.

    En conséquence, nous estimons que, dans l'état des actes, les conditions nécessaires pour que ces dispositions puissent jouer, aux fins d'une appréciation de mesures du genre de celles auxquelles le juge de renvoi s'est référé, ne sont pas remplies.

    6. 

    Il convient maintenant d'examiner chacun des trois types de prix minimaux que le décret du Produktschap, comme nous l'avons déjà rappelé, a établis, et cela du point de vue des effets restrictifs qu'ils peuvent avoir sur les échanges entre les États membres.

    En ce qui concerne le «prix-catalogue unitaire», la manière dont il est calculé — en appliquant certaines majorations au prix de vente annoncé par le producteur le 6 octobre 1975 — vise évidemment à garantir une certaine marge bénéficiaire à la vente au détail.

    Du fait même qu'il ne prend pas en considération les remises et les réductions de prix que le producteur accorde généralement aux acheteurs en gros de quelque importance, ce prix minimal évite que les magasins à grande surface puissent répercuter sur le niveau des prix la position avantageuse qu'ils détiennent par rapport aux petits négociants, à la fois sur le plan des prix réels d'achat et sur celui des coûts, ce qui risquerait d'être ruineux pour ce négoce.

    Il est bien connu que les produits de grande consommation vendus dans un magasin à grande surface qui applique le système du libre service sont généralement, et très normalement, offerts à des prix inférieurs à ceux qui sont comptés par les négociants où le client est individuellement servi par un vendeur. Ce prix inférieur est la conséquence de l'économie de frais de personnel que le système de vente en libre service permet de réaliser, et il tient généralement aussi aux rabais que les magasins à grande surface peuvent obtenir à l'achat des marchandises, en raison de l'importance de leurs commandes, qui sont normalement plus élevées que celles des petits revendeurs. De plus, les quantités plus importantes qui sont vendues par un magasin à grande surface permettent à ce dernier de limiter sa marge de bénéfice unitaire par rapport à celle que doit réaliser un petit négociant. Dans ces conditions, en évitant que la concurrence spontanée abaisse le prix des boissons alcoolisées à un niveau si bas qu'il ne serait plus rentable pour les petits détaillants, le prix imposé en question est une mesure de soutien à ces derniers.

    Corrélativement, on se trouve en l'occurrence en présence d'une restriction de la concurrence au détriment des magasins à grande surface (qui est compensée, pourrait-on ajouter, par la plus grande marge bénéficiaire que le régime des prix minimaux leur permet de réaliser). Ce qui a toutefois de l'importance ici est le fait que la restriction ne concerne pas spécifiquement tel ou tel autre produit (et en particulier les produits importés), mais qu'elle se vérifie pour tous les produits, nationaux ou étrangers, qui sont vendus par ces magasins. Comme le prix est spécifiquement établi, pour toute marque et variété de boisson alcoolisée, sur la base du prix indiqué par le fabricant deux années plus tôt, le mécanisme en question a pour seul effet d'éviter la concurrence entre les distributeurs des produits d'une même marque, cependant qu'à la différence de ce qui se produit dans le domaine d'application du prix minimal uniforme, il ne fait pas obstacle à la concurrence entre les diverses marques.

    Il ne nous semble donc pas que le prix-catalogue unitaire soit susceptible de placer les produits importés dans une situation de désavantage par rapport aux produits nationaux.

    Pour des considérations analogues il faut exclure que le prix minimal qui est imposé pour toutes les boissons alcoolisées autres que le genièvre et le «vieux», et qui correspond au prix de revient effectif, puisse comporter une restriction indue au commerce intracommunautaire. A ce sujet nous ajouterons que dans un régime de liberté des échanges et de saine concurrence, la vente au-dessous du prix de revient pour conquérir un marché ne saurait pas être considérée comme normale!

    7. 

    Il reste à examiner le cas du prix minimal uniforme qui s'applique au vieux genièvre et qui s'étend au genièvre jeune et au «vieux» lorsqu'il manque un «prix-catalogue unitaire».

    A la différence des deux types de prix précédents, le niveau du prix minimal uniforme ne se rattache pas à une indication autonome du fabricant, ni au choix effectué par le distributeur qui acquiert un produit déterminé. Ce prix est en effet entièrement fixé par voie d'autorité et il ne se prête pas à être différencié en fonction de la qualité, des coûts ou des positions commerciales et concurrentielles relatives des divers produits.

    Durant la procédure le gouvernement des Pays-Bas a affirmé que le prix minimal en question était établi en tenant compte du niveau des prix des boissons distillées néerlandaises à prix peu élevé, lequel était nettement différent du niveau des prix des boissons distillées de marque. De plus, dans ce secteur des boissons à prix peu élevé, il n'y aurait pas de grands écarts entre les prix du genièvre jeune et ceux du genièvre vieux.

    La défense de l'entreprise Van Tiggele a pour sa part soutenu qu'avant l'instauration de la réglementation des prix en cause, le prix du genièvre jeune se situait aux environs de 9,5 florins la bouteille d'un litre, soit à un niveau sensiblement inférieur à celui du prix minimal uniforme de 11,25 florins. Cette entreprise a aussi signalé qu'elle disposait actuellement d'une offre de genièvre d'un producteur de la république fédérale d'Allemagne à un prix tel (8,95 florins le litre franco de port) qu'il lui permettrait de revendre ce genièvre aux Pays-Bas, tout en réalisant un bénéfice, bien au-dessous du prix minimal actuel de 11,70 florins.

    Indépendamment de ces aspects de fait — dont l'appréciation appartient au juge national, à la lumière de l'arrêt interprétatif que vous rendrez — nous observerons qu'à la différence de ce que nous avons déclaré pour les deux autres types de prix minimaux examinés précédemment, il est possible d'imaginer que le prix minimal uniforme soit tel qu'il place artificiellement les produits importés dans une situation plus défavorable que celle des produits nationaux concurrents.

    Un produit étranger moins connu et moins introduit sur le marché d'un certain pays que le produit correspondant de marque nationale, peut en effet rencontrer de sérieuses difficultés à pénétrer sur ce marché, ou à y maintenir sa position, lorsqu'il est privé de toute possibilité de concurrence en matière de prix.

    L'on songera en particulier à un produit étranger dont la qualité et la présentation (emballage, conditionnement, etc.) sont inférieures à celles du produit national correspondant, mais qui présente l'avantage d'un coût de fabrication sensiblement moindre et qui est par conséquent en mesure de s'affirmer sur le marché, uniquement en raison de son prix particulièrement avantageux. Dans une hypothèse de ce genre, la fixation de prix minimaux obligatoires représente de toute évidence un obstacle à l'importation du produit en cause chaque fois que le niveau de prix minimal a été fixé en tenant compte de la qualité, de la présentation et des coûts moyens (ou même minimaux) des produits nationaux, sans prendre en considération la différence de niveau qui peut exister, en ce qui concerne ces éléments, entre le marché national et le marché des autres États membres.

    Il nous semble par conséquent qu'un régime de prix qui présente ces caractéristiques fait obstacle, fût-ce indirectement, aux échanges entre États membres et que, dans l'hypothèse envisagée, le critère que nous avons énoncé tout à l'heure, à la suite de l'analyse de la jurisprudence de cette Cour, doit trouver application, à savoir qu'un prix fixé par voie d'autorité, même s'il s'applique indistinctement aux produits nationaux et aux produits étrangers, constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative lorsque son niveau rend l'écoulement des produits importés plus difficile que celui des produits nationaux. L'hypothèse décrite entre du reste dans le champ d'application de l'article 2, paragraphe 3, lettre e), de la directive de la Commission du 22 décembre 1969, qui interdit les mesures qui fixent les prix en fonction du coût ou de la qualité des seuls produits nationaux à un niveau tel qu'il en résulte un obstacle à l'importation.

    En nous tournant vers le cas de l'espèce, nous observerons que d'après les termes de l'exposé des motifs de l'arrêté royal néerlandais no 51 du 18 décembre 1975, qui a habilité le Produktschap à fixer pour les boissons distillées des prix minimaux, cette réglementation visait à éviter que les prix de vente du produit considéré ne descendent à des niveaux tels qu'ils ne seraient plus rentables, non plus pour des entreprises de distribution efficientes et bien gérées, et qu'elle tendait en outre à permettre aux entreprises de procéder à une modernisation propre à améliorer leur mode de gestion.

    A l'audience nous avons toutefois entendu des déclarations, non contredites par l'agent du gouvernement néerlandais, dont il résulterait que la réglementation litigieuse oblige les importateurs à revendre les produits d'autres État membres à des prix sensiblement supérieurs à ceux qu'ils pourraient utilement pratiquer, tout en se réservant une marge bénéficiaire raisonnable.

    Si le juge national devait donc constater que le prix minimal dont nous discutons a été fixé à un niveau excessivement élevé par raport aux coûts des produits importés d'autres États membres, et qu'il place ainsi ces produits, du point de vue de leur capacité effective de concurrence, dans une situation désavantageuse par rapport aux produits internes correspondants, il y aurait du même fait violation de l'interdiction des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives, établie à l'article 30 du traité.

    Le gouvernement néerlandais a toutefois soutenu que, même dans cette hypothèse, la réglementation considérée ne serait pas incompatible avec l'interdiction de l'article 30, parce que ledit règlement sur les prix minimaux du 17 décembre 1975 prévoit en son article 8 que «le président du Produktschap peut, dans certains cas ou groupes de cas, accorder l'exemption de l'application des dispositions du présent règlement».

    Cet argument ne nous semble pas convaincant. A notre avis, des mesures qui sont aptes à entraver les importations de marchandises d'autres États membres n'échappent pas à l'interdiction inscrite à l'article 30 du seul fait qu'une autorité administrative interne a été investie du pouvoir d'accorder des exemptions de l'application de ces mesures. Il faut du reste noter que la disposition de l'article 8 du règlement néerlandais ne détermine aucun critère directeur de l'exercice de ce pouvoir d'exemption, mais qu'il laisse à l'organisme national la plus large marge d'appréciation discrétionnaire. En conséquence; loin de prévoir un droit à l'exemption en faveur des produits d'autres États membres qui rencontreraient des difficultés lors de leur introduction sur le marché à cause du régime des prix minimaux, cette disposition présente directement le risque d'être ultérieurement utilisée de manière discriminatoire, au détriment des produits importés.

    8. 

    Par sa deuxième question le juge néerlandais demande, comme nous l'avons déjà rappelé, comment les articles 92 à 94 du traité CEE doivent être interprétés pour établir si un régime de prix minimaux comme celui décrit ci-dessus doit être considéré comme une aide accordée par les Pays-Bas, qui est contraire à cette disposition.

    Il est constant que, pour qu'une mesure qui a pour effet d'avantager certaines entreprises puisse constituer une aide, il faut qu'elle comporte une charge pécuniaire pour l'État. Cela découle de la formulation même de l'article 92, paragraphe 1, qui se réfère aux «aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'États».

    Il faut donc que l'État accorde à certaines entreprises, déterminées individuellement ou par catégories, un avantage qui comporte une charge pour les finances publiques, soit sous la forme d'une dépense, soit la forme d'une recette en moins.

    Dans la jurisprudence de la Cour de justice, l'arrêt du 23 février 1961 dans l'affaire 30/59, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg (Recueil 1961, p. 7 et suiv.) a précisé, par référence à l'article 4 du traité CECA, que la notion d'aide comprenait à la fois des prestations positives, comme les subventions, et des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d'une entreprise et qui par là, par rapport aux subventions, sont d'une même nature et ont des effets identiques. Par la suite, la Cour a eu l'occasion de préciser que constituent des aides interdites par l'article 92 du traité CEE, aussi bien un taux de réescompte préférentiel des crédits à l'exportation, octroyé par un État en faveur des seuls produits nationaux exportés (arrêt du 10. 12. 1969 dans les affaires 6 et 11/69, Commission/France, Recueil 1969, p. 523 et suiv.), que le dégrèvement partiel des charges sociales en faveur des entrepreneurs d'un certain secteur (arrêt du 2. 7. 1974 dans l'affaire 173/73, Italie/ Commission, Recueil 1974, p. 709 et suiv.).

    Le fait d'établir des prix minimaux qui, tout en s'appliquant uniformément à la vente au détail de produits déterminés, peu importe que ceux-ci soient nationaux ou étrangers, ont pour effet de défavoriser sur le plan de la concurrence certaines catégories d'entreprises par rapport à d'autres, ne peut pas être considéré comme une aide accordée par l'État à ces dernières. Un régime de prix applicables à des marchandises produites par des entrepreneurs privés n'implique en effet aucune charge pour les finances publiques.

    Dans l'hypothèse où les entreprises défavorisées par une disposition d'un État s'identifient avec celles qui commercialisent des produits importés, la compatibilité avec le traité d'une pareille mesure devra être appréciée, comme nous avons cherché à le faire, sur la base des normes qui interdisent de faire obstacle à la libre circulation des marchandises.

    9. 

    Pour ces motifs, nous concluons à ce qu'en réponse aux questions posées par la cour d'appel d'Amsterdam en application de l'article 177 du traité CEE, par ordonnance du 30 juin 1977, la Cour déclare:

    1.

    Une réglementation nationale des prix relève des mesures d'effet équivalant aux restrictions quantitatives, interdites par les articles 30 et 34 du traité CEE, si et dans la mesure où elle fait directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, obstacle aux échanges intracommunautaires.

    2.

    En interdisant aux États membres d'appliquer des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation, l'article 30 du traité s'oppose à ce que l'État ou des organismes publics délégués par lui fixent un prix minimal uniforme, applicable à la vente au détail de produits déterminés, lorsque ce prix est fixé à un niveau tel qu'il rend l'écoulement des produits importés plus difficile que celui des produits nationaux. Cette situation peut en particulier se produire lorsque le niveau du prix minimal, fixé sur la base du niveau moyen des coûts des produits nationaux et par référence à la qualité moyenne de ces produits, est sensiblement plus élevé que le prix auquel des produits importés, dont le coût est moindre et la qualité inférieure, pourraient s'affirmer sur le marché.

    3.

    Ne constitue pas une aide étatique, au sens de l'article 92 du traité, une mesure interne qui, sans comporter aucune charge pour l'État, établit des prix minimaux de vente au détail de certaines marchandises produites par des entrepreneurs privés, même lorsqu'elle a pour effet d'avantager sur le plan de la concurrence les produits nationaux par rapport aux produits importés.


    ( 1 ) Traduit de l'italien.

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