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Document 61976CC0102

    Conclusions de l'avocat général Warner présentées le 30 mars 1977.
    H.O.A.G.M. Perenboom contre Inspecteur des contributions directes de Nimègue.
    Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad der Nederlanden - Pays-Bas.
    Affaire 102-76.

    Recueil de jurisprudence 1977 -00815

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:1977:57

    CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JEAN-PIERRE WARNER,

    PRÉSENTÉES LE 30 MARS 1977 ( 1 )

    Monsieur Je Président,

    Messieurs les Juges,

    La présente affaire a été déférée à la Cour par une demande de décision à titre préjudiciel formée par le Hoge Raad des Pays-Bas. Le demandeur au principal est M. H.O.A.G.M. Perenboom. Le défendeur au principal est l'inspecteur des contributions directes à Nimègue. La question qui les oppose essentiellement est de savoir si M. Perenboom était assujetti au paiement des cotisations néerlandaises de sécurité sociale pour l'année 1972. Le pourvoi formé par M. Perenboom devant le Hoge Raad était dirigé contre un jugement du Gerechtshof d'Arnhem en date du 31 janvier 1975 qui confirmait l'avis de taxation.

    Les faits tels qu'ils ont été constatés par le Gerechtshof peuvent être brièvement résumés comme suit:

    M. Perenboom est né en août 1955. Durant toute l'année 1972, il a résidé chez ses parents à Nimègue. Il a fréquenté l'école jusqu'en juin de cette année-là, où il a obtenu son diplôme d'études secondaires générales. N'ayant pas trouvé à s'employer aux Pays-Bas, il est allé travailler en République fédérale, où il a été occupé en qualité de salarié, du 14 juin au 18 août et, une nouvelle fois, du 2 octobre au 21 décembre 1972. Le salaire qu'il a gagné en République fédérale a été soumis à l'impôt allemand sur le revenu et au versement des cotisations du système allemand des assurances sociales. Convertis en florins, et après certaines déductions autorisées par le droit fiscal néerlandais, les gains de l'intéressé s'élevaient au total à 4015 florins. Cette somme était exemptée de l'impôt sur le revenu aux Pays-Bas, à la fois du fait qu'elle était inférieure au seuil de taxation néerlandais et du fait qu'elle avait été soumise à l'impôt allemand sur le revenu. A aucun moment, M. Perenboom n'a exercé une activité salariée aux Pays-Bas au cours de l'année 1972.

    Les lois néerlandaises en matière de sécurité sociale applicables en l'espèce ont été énoncées par le Hoge Raad dans son ordonnance de renvoi. Il s'agit de quatre lois «générales», prévoyant différents avantages sociaux: la Algemene Ouderdomswet (avantages vieillesse), la Algemene Weduwen- en Wezenwet (avantages accordés aux veuves et aux orphelins), la Algemene Kinderbijslagwet (avantages pour les enfants à charge) et la Algemene Wet Bijzondere Ziektekosten (couverture de dépenses médicales spéciales). Il semble que toute personne entre 15 et 65 ans résidant aux Pays-Bas soit assurée en vertu de ces textes de loi et soit assujettie aux cotisations qui en découlent, sur la base du revenu imposable. Le bénéfice des assurances sociales n'est cependant pas lié au versement des cotisations, de telle sorte qu'une personne peut bénéficier d'avantages sociaux, même si son revenu n'a jamais été suffisant pour être assujetti au paiement de cotisations.

    Lorsqu'une personne n'est soumise à cette législation que pour une partie de l'année, ses cotisations sont calculées en proportion de son revenu, une année étant réputée à cet effet s'étaler sur 360 jours (voir articles 4 et 5 du règlement d'application, Uitvoeringsbeschikking premieheffing volksverzekeringen, du 24 février 1968). Dans le cas de M. Perenboom, le défendeur a admis qu'en vertu de la réglementation communautaire (article 12, paragraphe 1, du règlement no 3 du Conseil et article 13 du règlement no 1408/71 du Conseil) le demandeur était soumis à la législation allemande et non à celle des Pays-Bas pour les périodes pendant lesquelles il avait travaillé en Allemagne. Il est constant que le reliquat pour l'année 1972 s'élevait à 217 jours. En conséquence, le défendeur au principal a réclamé à M. Perenboom des cotisations déterminées sur la base de son revenu imposable de 4015 florins, c'est-à-dire sur 2420 florins. Cette décision a été confirmée par le Gerechtshof d'Arnhem.

    Il n'est pas douteux que cette base de taxation est valable pour autant que le droit néerlandais se trouve concerné. Cependant le moyen allégué par M. Perenboom est l'incompatibilité avec le droit communautaire de l'application de la loi néerlandaise dans la mesure où elle avait pour effet de lui attribuer pour une partie de l'année durant laquelle il était soumis à la législation néerlandaise de sécurité sociale, mais au cours de laquelle il n'avait rien gagné, une partie des salaires qu'il avait gagnés lorsqu'il travaillait en Allemagne et était soumis à la législation allemande. Il fait notamment valoir que cela signifierait que cette partie de ses revenus serait soumise deux fois à une cotisation d'assurance sociale — une première fois en Allemagne, et une deuxième fois aux Pays-Bas — ce qui, selon lui, est contraire à ce qui est voulu par les règlements communautaires applicables.

    Vous vous rappelez, Messieurs, que le règlement no 3 a été remplacé par le règlement no 1408/71 à compter du 1er octobre 1972. C'est ainsi que la première réglementation s'est appliquée durant la première période au cours de laquelle M. Perenboom a travaillé en Allemagne, tandis que la nouvelle réglementation s'est appliquée durant la seconde période de travail.

    La disposition du règlement no 3 qui nous intéresse en l'espèce est, comme nous l'avons indiqué, l'article 12, paragraphe 1. Les termes de cette disposition, pour autant qu'elle importe ici, sont les suivants:

    «Sous réserve des dispositions du présent titre, les travailleurs salariés ou assimilés occupés sur le territoire d'un État membre sont soumis à la législation de cet État, même s'ils résident sur le territoire d'un autre État membre …»

    Cette disposition faisait partie d'un ensemble de dispositions du règlement no 3 (articles 12 à 15), regroupées sous le titre II et intitulées «dispositions déterminant la législation applicable». Ces disposition avaient pour but, comme l'indique une série d'arrêts que vous avez rendus, de garantir qu'en général un travailleur ne serait soumis à tout moment qu'à la législation de sécurité sociale d'un seul État membre, de manière à éviter dans l'intérêt non seulement du travailleur lui-même et de son ou de ses employeurs, mais aussi des institutions des Etats membres compétents en matière de sécurité sociale, tous cumuls et enchevêtrements inutiles qui pourraient en eux-mêmes constituer des obstacles à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté. Nous avons repris ces arrêts dans nos conclusions dans l'affaire 8-75 CPAM Sélestat/Footballclub d'Andlau (Recueil 1975, p. 753) dans lesquelles nous avons également relevé (p. 754) que lorsque la législation d'un certain État membre était, du fait de ces dispositions communautaires, rendue applicable à un travailleur déterminé, cette législation trouvait application tant en ce qui concerne les cotisations qu'en ce qui concerne les prestations. Ces considérations sont sous-jacentes, nous semble-t-il, à l'arrêt même de la Cour dans l'affaire du Football club d'Andlau.

    Dans deux des arrêts en question, auxquels ont donné lieu l'affaire 92-63 Nonnenmacher/Sociale Verzekeringsbank, Recueil 1964, p. 557, et l'affaire 19-67 Sociale Verzekeringsbank/Van der Vecht, Recueil 1967, p. 445, la Cour a formulé une exception au principe général. Elle a estimé que l'article 12 ne faisait pas obstacle à ce qu'un État membre autre que celui sur le territoire duquel un travailleur était employé applique à ce dernier sa propre législation de sécurité sociale, même si ceci avait pour effet d'accroître sa charge contributive ou celle de son employeur, dès lors qu'il en résulterait au profit de l'intéressé un «complément de protection sociale» correspondant. Cette exception a été mentionnée expressément par le Hoge Raad dans son ordonnance de renvoi, où il cite l'affaire Van der Vecht.

    Un ensemble de règles analogues, destinées à déterminer la législation applicable à un travailleur, sont contenues dans le titre II, qui comprend les articles 13 à 17 du règlement no 1408/71. Un changement important a cependant été introduit par l'article 13, paragraphe 1, de ce règlement. Celui-ci prévoit:

    «Le travailleur auquel le présent règlement est applicable n'est soumis qu'à la législation d'un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre».

    Ainsi, un État membre, autre que celui dont la législation est applicable à un travailleur donné en vertu de cet ensemble de règles, n'a plus la faculté, quelles que soient les circonstances, d'imposer à ce dernier, ou à son employeur, le paiement des cotisations exigées par sa propre législation. La seule hypothèse où le cumul des cotisations est admis est celle prévue par l'article 15, qui concerne «l'assurance volontaire ou l'assurance facultative continuée». En d'autres termes, un tel cumul ne peut résulter que du choix du travailleur concerné. Il est intéressant de noter qu'une telle disposition s'aligne sur ce que M. l'avocat général Lagrange considérait comme devant être tenu pour le droit au sens du règlement no 3 — voir ses conclusions dans l'affaire Nonnenmacher (Recueil 1964, p. 585-586) — et rend caduques — ou peu s'en faut, du moins — les critiques adressées par certains auteurs aux arrêts Nonnenmacher et Van der Vecht.

    Le règlement no 1408/71 n'a pas affecté autrement le droit sous l'angle qui nous intéresse ici. En particulier, l'article 13, paragraphe 2, reproduisant l'article 12, paragraphe 1, du règlement no 3, dispose:

    «Sous réserve des dispositions des articles 14 à 17:

    (a)

    le travailleur occupé sur le territoire d'un État membre est soumis à la législation de cet État, même s'il réside sur le territoire d'un autre État membre …»

    Comme le relèvent à la fois le Hoge Raad et la Commission, la question à trancher dans la présente affaire n'est pas tant de savoir si les législations allemande et néerlandaise pouvaient s'appliquer simultanément, car il est constant que cette dernière ne s'appliquait pas pendant le temps où M. Perenboom était employé en Allemagne, mais de savoir si les revenus de M. Perenboom en Allemagne pouvaient, dans une mesure quelconque, constituer l'assiette d'imposition pour les cotisations de sécurité sociale aux Pays-Bas pour la période au cours de laquelle il est reconnu n'avoir relevé que de la seule législation néerlandaise.

    Deux questions ont été déférées à la Cour par le Hoge Raad, la première ayant trait au règlement no 3 et la seconde au règlement no 1408/71. Elles ont été posées dans les termes suivants:

    «1.

    Lorsqu'un travailleur réside sur le territoire d'un État membre (ci-après État de résidence) durant toute une année civile, mais travaille dans un autre État membre pendant une partie de cette année — avec cette conséquence que, durant cette partie de l'année, il est soumis à la législation de sécurité sociale de cet autre État membre et n'a pas, durant la même période, la qualité d'assuré au regard de la législation de l'État de résidence, cependant qu'il est soumis à la législation de l'Etat de résidence pour la partie restante de l'année en question —, l'article 12 du règlement no 3 du Conseil de la Communauté économique européenne, le cas échéant en liaison avec d'autres règles du droit communautaire, permet-il que le salaire gagné par ce travailleur dans l'autre État membre soit, pour la perception de cotisations de sécurité sociale, pris en considération dans l'État de résidence en rapportant à la période durant laquelle il a été soumis à la législation de l'État de résidence une partie du revenu annuel total du travailleur, comprenant le salaire gagné par lui dans l'autre État membre, proportionnelle dans le temps à cette période, et cela, alors que, d'après le régime de l'État de résidence, l'étendue des droits dérivant des assurances n'est pas fonction du paiement de cotisations de manière telle que lorsqu'un assuré résident ne dispose pas, au cours d'une quelconque année, d'un revenu assujetti à la perception de cotisations, ces droits s'en trouveraient réduits?

    2.

    Comment la légalité doit-elle être appréciée lorsque l'activité exercée dans l'autre État membre se situe après le 1er octobre 1972, et est donc postérieure à l'entrée en vigueur de l'article 13 du règlement no 1408/71 du Conseil des Communautés européennes?»

    Ce qui frappe peut-être le plus dans l'énoncé de ces questions est que l'une et l'autre admettent — la première, explicitement, et la seconde, implicitement — que les cotisations de sécurité sociale sont nécessairement établies sur la base d'une année civile. Or, ni le règlement no 3 ni le règlement no 1408/71 ne se fondent sur une telle hypothèse, car ces règlements sont destinés à s'appliquer uniformément non seulement dans les États membres où la base d'imposition est annuelle (comme aux Pays-Bas), mais également dans d'autres États membres où ce n'est précisément pas le cas. Il existe à cet égard une très grande disparité entre les systèmes en vigueur dans les différents États membres. C'est ainsi que dans certains d'entre eux (par exemple en Italie et au Royaume-Uni) la base d'imposition est hebdomadaire. Dans d'autres (par exemple en Allemagne), c'est la périodicité des jours de paie du travailleur intéressé qui est déterminante. Dans d'autres (par exemple en Belgique et en France), la perception des cotisations est également fonction de cette périodicité, mais sous réserve de certains plafonds appliqués à des intervalles de temps variés (mensuels ou trimestriels, selon les cas, en Belgique, annuellement en France). Et ainsi de suite.

    C'est là, croyons-nous, que réside la clef du problème posé en l'espèce.

    Le titre II du règlement no 3 et le même titre du règlement no 1408/71 déterminent la législation applicable au travailleur pour l'ensemble de la période, quelle qu'en soit la durée, pendant laquelle les conditions dans lesquelles il est employé renvoient à une catégorie déterminée. Durant cette période — si nous faisons abstraction de l'exception dégagée par les arrêts Nonnenmacher et Van der Vecht et si nous laissons de côté les cas d'assurance volontaire ou d'assurance facultative continuée — aucun État membre autre que celui dont la législation est ainsi rendue applicable n'est habilité à percevoir des cotisations du travailleur en question. A notre avis, il doit nécessairement s'ensuivre qu'aucun État membre n'est en droit de légiférer de manière à imputer artificiellement une partie quelconque des revenus du travailleur afférents à cette période sur une autre période au cours de laquelle sa propre législation lui est applicable de façon à pouvoir mettre à sa charge des cotisations en considération de ces revenus. Si nous transposons cette conclusion en l'espèce, cela signifie que, aussi longtemps que M. Perenboom était employé en Allemagne, et bien que résidant aux Pays-Bas, la République fédérale était seule habilitée à percevoir de lui des cotisations d'assurance sociale et qu'aucune disposition législative néerlandaise ne pouvait valablement considérer qu'une partie quelconque de ses revenus afférents à cette période puisse être prise en compte pour une autre période, même s'il se trouvait que celle-ci tombât au cours de la même année civile, de façon à pouvoir soumettre ces revenus au paiement des cotisations de sécurité sociale néerlandaises.

    En ce qui concerne l'exception découlant des arrêts Nonnenmacher et Van der Vecht, nous pensons qu'il suffit de dire, étant donné que nous savons par le jugement du Hoge Raad lui-même que les cotisations versées par M. Perenboom n'auraient pas pour effet de modifier ses droits à bénéficier des prestations offertes par la législation néerlandaise, que cette exception ne peut pas s'appliquer en l'espèce.

    Par conséquent, nous concluons à ce que, en réponse aux questions posées par le Hoge Raad, vous disiez pour droit que:

    1)

    l'article 12 du règlement no 3 du Conseil de la Communauté économique européenne faisait obstacle à ce qu'un État membre autre que celui à la législation duquel, en vertu de ce texte, un travailleur se trouvait soumis pendant une période donnée prît en compte le salaire gagné par lui durant cette période pour la perception de cotisations de sécurité sociale pour une autre période, à moins que l'intéressé ait pu prétendre bénéficier par là d'un complément de protection sociale.

    2)

    L'article 13 du règlement no 1408/71 du Conseil des Communautés européennes fait obstacle à ce qu'un État membre prenne en compte à cet effet des gains de cette nature, quelles que soient les circonstances.


    ( 1 ) Traduit le l'anglais.

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