COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 27.6.2024
COM(2024) 261 final
RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL
concernant l'application des articles 13, 16 et 17 de la directive 2010/13/UE telle que modifiée par la directive (UE) 2018/1808 pour 2020-2021
{SWD(2024) 149 final}
1.Contexte
Le présent rapport s’inscrit dans le cadre du suivi régulier de la mise en œuvre des mesures relatives à la promotion des œuvres européennes par les services de médias audiovisuels, ainsi que le prévoit la directive 2010/13/UE (la directive «Services de médias audiovisuels» ou la «directive SMA»)
. Il couvre les années 2020 et 2021 et porte aussi bien sur les services linéaires que sur les services non linéaires. Son champ d’application géographique correspond au territoire des États membres. Le rapport se fonde sur les rapports nationaux fournis par les États membres et sur une étude indépendante (ci-après l’«étude»), qui contient également des informations
sur l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège [c’est-à-dire les pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE) qui sont membres de l’Espace économique européen (EEE), ci-après les «pays de l’AELE membres de l’EEE»]. Le rapport tient également compte des données pertinentes de l’Observatoire européen de l’audiovisuel et du rapport de prospective de la Commission sur les médias
. Il fait suite aux rapports précédents portant sur l’application des dispositions de la directive SMA au cours des périodes 2015-2019
et 2011-2014
.
Pour la première fois, le présent rapport périodique tient compte des nouvelles obligations introduites par la directive (UE) 2018/1808
, laquelle a modifié la directive 2010/13/UE en renforçant les règles relatives à la promotion des œuvres européennes par les services de médias audiovisuels. Son délai de transposition était fixé à septembre 2020.
En vertu des nouvelles dispositions de l’article 13 de la directive SMA, les États membres sont tenus de veiller à ce que les fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence qui fournissent des services de médias audiovisuels à la demande (fournisseurs de VOD) proposent une part d’au moins 30 % d’œuvres européennes dans leurs catalogues et mettent ces œuvres en valeur
. Les nouvelles règles permettent également aux États membres d’élargir les contributions financières à la production d’œuvres européennes, notamment par l’investissement direct dans des contenus et par la contribution à des fonds nationaux, qu’ils exigent de la part des fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence, de manière que les fournisseurs de services de médias qui ciblent des publics sur leur territoire mais sont établis dans d’autres États membres soient également soumis à ces contributions
. Ces obligations imposées aux services transfrontaliers doivent être proportionnées et non discriminatoires et, d’autre part, elles doivent être conformes au droit de l’Union. Les fournisseurs de services de médias qui ont un chiffre d’affaires peu élevé ou une faible audience sont exemptés à la fois des obligations de quota et de visibilité et des obligations de contribution financière. Les États membres peuvent aussi prévoir d’autres exemptions lorsque ces obligations seraient impossibles à respecter ou injustifiées en raison de la nature ou du thème des services de médias audiovisuels
. Aux fins d’un calcul cohérent de la part des œuvres européennes dans les catalogues des fournisseurs de VOD et de la définition d’une faible audience et d’un chiffre d’affaires peu élevé, la Commission a publié, en juillet 2020, des lignes directrices relatives à ces deux questions, conformément à la directive SMA
.
La directive (UE) 2018/1808 n’a pas modifié les obligations en matière de promotion des œuvres européennes applicables aux services linéaires prévues aux articles 16 et 17 de la directive SMA. Les organismes de radiodiffusion télévisuelle doivent réserver à des œuvres européennes une proportion majoritaire de leur temps de diffusion, chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés, à l’exclusion du temps consacré aux informations, à des manifestations sportives, à des jeux, à la publicité, aux services de télétexte et au téléachat
. Ils doivent également réserver au moins 10 % de leur temps d’antenne ou de leur budget de programmation à des œuvres européennes indépendantes
.
En vertu des nouvelles règles de la directive SMA, les États membres doivent soumettre un rapport sur la mise en œuvre de l’article 13 tous les deux ans
, conformément aux obligations existantes de communication de rapports sur l’application des articles 16 et 17. Les retards dans la transposition de la directive (UE) 2018/1808 par les États membres ainsi que, par la suite, la capacité de ces derniers à fournir des données pertinentes dans les rapports nationaux ont eu des répercussions sur la préparation du présent rapport.
Pour consulter le rapport détaillé, veuillez consulter le document de travail des services de la Commission qui accompagne le présent rapport. La première partie de ce document contient des informations sur l’application de l’article 13 de la directive SMA relatif à la promotion des œuvres européennes par les services de médias audiovisuels à la demande au cours de la période 2020-2021, conformément à l’article 13, paragraphe 5, de la directive SMA et compte tenu des évolutions du marché et des évolutions technologiques ainsi que de l’objectif de diversité culturelle. La deuxième partie concerne l’application des articles 16 et 17 de la directive SMA relatifs à la promotion des œuvres européennes et des productions indépendantes par les organismes de radiodiffusion télévisuelle au cours de la même période. Conformément à l’article 16, paragraphe 3, de la directive SMA, l’objectif est d’informer les États membres et le Parlement européen des rapports nationaux sur l’application des articles 16 et 17, que les États membres doivent communiquer tous les deux ans, accompagnés éventuellement d’un avis. Les principales constatations et conclusions sont présentées ci-dessous.
2.PRINCIPALES CONSTATATIONS ET CONCLUSIONS
La période couverte par le présent rapport (2020-2021) était une période de transition, étant donné que le délai de transposition de la directive (UE) 2018/1808 était fixé à septembre 2020 et que tous les États membres n’avaient pas intégralement transposé la directive à la fin de la période de référence du présent rapport.
La période de référence a également été marquée par le début de la pandémie de COVID-19. La pandémie a eu une incidence notable sur la production de contenu audiovisuel, mais elle a permis aux acteurs de la VOD d’élargir leur public et, en particulier, leur offre globale de services d’abonnement payant à la vidéo à la demande (SVOD) afin de continuer à faire augmenter leurs recettes dans l’UE, lesquelles sont passées de 6,7 milliards d’EUR en 2019 à 11,7 milliards d’EUR en 2021. Le nombre total de services de VOD opérationnels dans les pays de l’UE et dans les pays de l’AELE membres de l’EEE est également passé de 1 030 en 2019 à 1 984 en 2021.
Au cours de la période de référence, 17 États membres ont introduit des mesures nationales de transposition pour transposer dans leur droit national les nouvelles règles de l’article 13, tandis que les autres ne les ont introduites qu’après la période de référence. Dans de nombreux cas, lorsque la transposition a été achevée au cours de la période de référence, les modalités d’application des règles restaient à définir dans le droit dérivé ou dans la réglementation. En outre, l’obligation pour les fournisseurs de services de respecter les règles n’a souvent commencé à s’appliquer qu’après la fin de la période de référence. Toutefois, tant les transpositions en droit national achevées au cours de la période de référence que celles intervenues après la période de référence étaient très largement alignées sur les lignes directrices de la Commission et présentaient des similitudes en termes de méthodes de calcul et d’exemptions. Dans l’ensemble, les fiches de mise en correspondance sur le plan juridique fournies par les États membres montrent que, au cours de la période de référence, des mesures nationales de transposition visant à garantir une part de 30 % des œuvres européennes dans les catalogues des services de vidéo à la demande (VOD) étaient en vigueur dans 17 États membres.
Selon les rapports communiqués par les États membres, la proportion moyenne d’œuvres européennes dans les services de VOD oscillait aux alentours de 63-64 % pendant la période 2020-2021. Cette part est légèrement supérieure aux 42-63 % constatés dans l’étude précédente relative à la période 2015-2019, mais il est important de noter que les données n’étaient pas disponibles pour tous les services de VOD actifs dans les États membres.
L’étude comprenait un échantillon de 1 062 services de VOD actifs dans 21 États membres et en Norvège, sur la base de données arrêtées en 2023. L’analyse livrée dans l’étude a révélé une part moyenne de 35 % d’œuvres européennes dans les services de VOD, contre 36 % en 2021, mais sur un échantillon plus restreint. Le chiffre le plus récent montre une part moyenne nettement inférieure à celle indiquée dans les rapports des États membres (63-64 %). Plusieurs raisons peuvent expliquer en partie ces différences: i) l’échantillon de l’étude comprenait uniquement des services de VOD provenant de 21 États membres et de Norvège; ii) l’analyse indépendante et les rapports des États membres couvraient des périodes différentes et iii) il est difficile de comparer les définitions et les méthodes utilisées pour la mesure, étant donné qu’il existe peu de données sur la méthode utilisée par les États membres pour contrôler la conformité
.
La directive (UE) 2018/1808 a également introduit la possibilité pour les États membres d’élargir les contributions financières à la production d’œuvres européennes qu’ils imposent aux fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence de manière à que les fournisseurs de services de médias qui ciblent des publics sur leur territoire mais sont établis dans d’autres États membres soient également soumis à ces contributions. Au cours de la période de référence (2020-2021), sept États membres ont déclaré avoir mis en place des obligations en matière de contribution financière pour les fournisseurs de services de VOD transfrontaliers et deux États membres ont déclaré avoir imposé de telles obligations aux fournisseurs de services linéaires transfrontaliers.
Bien qu’il s’agisse de la première fois que les nouvelles règles établies dans la directive SMA fassent l’objet d’un rapport, certains progrès ont déjà été accomplis en matière de suivi. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire pour obtenir un tableau complet et détaillé. Par conséquent, la Commission encourage tous les États membres à suivre et à vérifier la part des œuvres européennes dans les services de VOD et à fournir des informations détaillées sur les éventuels manquements et sur la méthodologie utilisée. La Commission encourage également les États membres à fournir, dans leurs rapports, des informations complètes sur la part des œuvres européennes dans tous les services de VOD relevant de leur compétence. En outre, elle encourage la communication d’informations sur les raisons pour lesquelles certains services de VOD pourraient ne pas atteindre la part minimale d’œuvres européennes, ainsi que sur l’évaluation et le suivi de ces cas par les autorités de régulation nationales.
En ce qui concerne les chaînes linéaires, la pandémie a eu une incidence momentanée sur la durée moyenne de visionnage et les recettes générées par la publicité télévisée. En tout état de cause, la tendance générale semble être à une stagnation des recettes. Bien que les ensembles de données ne soient pas totalement comparables, le nombre total de chaînes de télévision semble être resté similaire ou avoir légèrement diminué, passant de 4 657 chaînes à la fin de 2019 dans les États membres, y compris à l’époque le Royaume-Uni, selon les chiffres de l’Observatoire européen de l’audiovisuel
, à 4 483 chaînes en 2021 déclarées par les États membres et les pays de l’AELE membres de l’EEE comme étant opérationnelles sur leur territoire.
En ce qui concerne les articles 16 et 17 de la directive SMA, qui ne contiennent pas de nouvelles règles, tous les États membres exigent des organismes de radiodiffusion télévisuelle qu’ils réservent à des œuvres européennes une proportion majoritaire de leur temps de diffusion, certains États membres fixant une proportion plus élevée pour les organismes publics de radiodiffusion uniquement ou pour tous les organismes confondus. Quatre États membres ont apporté des modifications à leur législation nationale au cours de la période de référence en ce qui concerne l'article 16 et cinq en ont fait autant pour l'article 17. Il s'agissait toutefois de modifications mineures ou de nature technique. Les rapports des États membres montrent que la proportion moyenne d’œuvres européennes dans les services linéaires — 68 % en 2020 et 69 % en 2021 — était nettement supérieure à la proportion majoritaire obligatoire fixée à l’article 16 de la directive SMA. D’une manière générale, ces chiffres témoignent d’une bonne application de cette disposition dans l’ensemble de l’Union. Toutefois, les rapports des États membres indiquent une diminution de la part des œuvres européennes par rapport à la période de référence précédente (72,6 % en 2019). En outre, l’analyse livrée dans l’étude donne à penser que la part des œuvres européennes (38 %) est nettement inférieure à la part des œuvres européennes déclarées en moyenne par les États membres (68-69 %). Plusieurs raisons peuvent expliquer en partie les différences entre les conclusions de l’étude et les données communiquées par les États membres, par exemple le fait que l’échantillon de l’étude contenait des chaînes de 15 États membres seulement.
Dans l’ensemble, les États membres ont également déclaré avoir répondu à l’exigence relative à la part des productions indépendantes énoncée à l’article 17 de la directive SMA. Selon les données fournies par les États membres, la part moyenne des œuvres européennes créées par des producteurs indépendants était de 40,6 % en 2020 et de 41,4 % en 2021. Toutefois, la part moyenne des productions indépendantes européennes calculée à partir des rapports des États membres est nettement plus élevée que celle qui ressort de l’étude. Cette dernière indique que la part globale des œuvres européennes indépendantes était relativement faible dans tous les États membres (moins de 3 %) et semble inférieure à la part calculée dans l’étude précédente. Néanmoins, des différences notables entre les chaînes peuvent être observées, parfois liées à des définitions différentes des productions indépendantes. La part moyenne d’œuvres européennes récentes déclarées par les États membres était de 56,4 % en 2020 et de 59,0 % en 2021, ce qui représente une augmentation par rapport à la période de référence précédente (54,6 % en 2019).
Le nombre total de chaînes exemptées est resté constant au cours de la période de référence (2 236 en 2020 et 2021), représentant près de la moitié de l’ensemble des chaînes de télévision déclarées par les États membres. Toutefois, les chiffres indiquent une diminution du nombre de chaînes exemptées par rapport à la période de référence précédente (2 895 en 2019).
Comme dans le rapport précédent, la Commission invite les États membres à fournir des informations détaillées sur les cas dans lesquels les fournisseurs de services linéaires ne respectent pas la part obligatoire d’œuvres européennes, de productions indépendantes et de productions récentes, ainsi que sur l’évaluation et le suivi de ces cas par les autorités de régulation nationales, afin de garantir l’alignement sur les articles 16 et 17. Comme elle le fait pour les services de VOD, la Commission encourage en outre les États membres à partager des informations sur la méthode de calcul employée et à augmenter le nombre de chaînes pour lesquelles des données sont communiquées. Cette recommandation vise à permettre la mise en place de mesures d’application efficaces, si nécessaire, et une meilleure comparaison avec les résultats des futures études menées pour contrôler le respect des obligations de la directive SMA.