COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 12.5.2023
COM(2023) 249 final
RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL
sur l’application de la directive 2014/92/UE du Parlement européen et du Conseil sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base
TABLE DES MATIÈRES
1.
INTRODUCTION
2.
TRANSPARENCE ET COMPARABILITÉ DES FRAIS AFFÉRENTS AUX COMPTES DE PAIEMENT
3.
ACCÈS À UN COMPTE DE PAIEMENT
3.1.
Accès non discriminatoire à un compte de paiement
3.2.
Accès à un compte de paiement assorti de prestations de base (CPPB)
3.3.
Liste des services
4.
CHANGEMENT DE COMPTE DE PAIEMENT
5.
ÉVALUATION DES MESURES SUPPLÉMENTAIRES POUVANT ÉVENTUELLEMENT ÊTRE PRISES EN MATIÈRE DE CHANGEMENT DE COMPTE
5.1.
Faisabilité de l’extension du service de changement de compte prévu à l’article 10 aux changements de comptes transfrontières
5.2.
Faisabilité d’un cadre pour le réacheminement automatique des paiements
5.3.
Évaluation des coûts et des avantages de la mise en œuvre d’une portabilité complète des numéros de compte de paiement dans toute l’UE
6.
EFFICACITÉ DES MESURES EXISTANTES ET NÉCESSITÉ DE MESURES COMPLÉMENTAIRES POUR ACCROÎTRE L’INCLUSION FINANCIÈRE ET VENIR EN AIDE AUX MEMBRES VULNÉRABLES DE LA SOCIÉTÉ POUR CE QUI CONCERNE LE SURENDETTEMENT
7.
EXEMPLES DE BONNES PRATIQUES DES ÉTATS MEMBRES PERMETTANT QU’UN NOMBRE PLUS ÉLEVÉ DE CONSOMMATEURS AIENT ACCÈS À DES SERVICES DE PAIEMENT
8.
CONCLUSION
ABRÉVIATIONS
LBC
Lutte contre le blanchiment de capitaux
LBC/FT
Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme
DAB
Directive antiblanchiment [directive (UE) 2015/849]
BIC
Code d’identification bancaire
ABE
Autorité bancaire européenne
FID
Document d’information tarifaire
IBAN
Numéro de compte bancaire international
DCP
Directive sur les comptes de paiement (directive 2014/92/UE)
CPPB
Compte de paiement assorti de prestations de base
PSP
Prestataire de services de paiement
1.INTRODUCTION
La directive sur les comptes de paiement (ci-après la «DCP» ou la «directive») a été adoptée le 23 juillet 2014 dans le cadre des efforts déployés par l’UE afin d’améliorer la transparence et la comparabilité des frais facturés aux consommateurs pour leurs comptes de paiement; le changement de compte de paiement; et l'ouverture et l'utilisation des CPPB dans l’UE.
La directive est entrée en vigueur le 17 septembre 2014. Les normes techniques d’exécution et les normes techniques de réglementation établies pour la mise en œuvre des exigences de la directive en matière de transparence sont entrées en application en octobre 2018.
Les États membres devaient transposer et publier les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive au plus tard le 18 septembre 2016. Toutefois, seuls neuf États membres ont déclaré avoir achevé la transposition dans le délai prescrit (ou peu après). La Commission européenne a ouvert des procédures d’infraction à l’encontre des 18 États membres restants pour non-communication des mesures de transposition. Toutes ces procédures d’infraction pour non-communication ont été clôturées une fois que les États membres ont fait savoir à la Commission qu’ils avaient achevé la transposition (et que la Commission a évalué et confirmé cette transposition). La Commission n’a pas encore ouvert de procédure d’infraction pour non-respect de la directive.
Le présent rapport a été adopté en réponse à l’article 28 de la directive, qui impose à la Commission de fournir un rapport sur l’application de la directive au plus tard pour le 18 septembre 2019. La publication du rapport a été retardée en raison de la nécessité de veiller à ce que la directive soit entrée en application depuis un certain temps. La Commission a, parallèlement, adopté le rapport exigé au titre de l’article 27 de la directive (ci-après le «rapport au titre de l’article 27»).
La Commission a lancé deux études pour étayer le présent rapport. La première (ci-après l’«étude Deloitte nº 1»
) évalue la directive et fournit des informations visant à alimenter l’évaluation de l’application de la directive. Elle a couvert 16 États membres. La deuxième étude (ci-après l’«étude Deloitte nº 2»
) évalue les nouveaux outils pouvant être utilisés pour faciliter les changements de comptes transfrontières et sert de base au chapitre 5, qui évalue les mesures supplémentaires pouvant éventuellement être adoptées pour faciliter les changements de comptes. Les États membres ont également fourni des données/contributions importantes pour le présent rapport. La Commission a toutefois rencontré des difficultés lors de la préparation de ce rapport, notamment en raison du manque de données disponibles et comparables. L’objectif de la directive est de stimuler le marché unique des services financiers de détail et, en particulier, des comptes de paiement. La directive visait à y parvenir 1) en apportant de la transparence et en assurant la comparabilité des frais afférents aux comptes de paiement, 2) en veillant à ce que les consommateurs aient accès à des comptes de paiement (assortis de prestations de base) et 3) en facilitant les changements de comptes de paiement. Les chapitres ci-après évaluent l’application de la directive ainsi que des éléments supplémentaires exigés à l’article 28.
2.TRANSPARENCE ET COMPARABILITÉ DES FRAIS AFFÉRENTS AUX COMPTES DE PAIEMENT
L’article 7 de la directive impose aux États membres de veiller à ce que les consommateurs aient accès gratuitement à au moins un site internet de comparaison. L’article 7, paragraphe 3, établit une liste d’obligations, à savoir l’indépendance du site internet comparateur sur le plan opérationnel, l'indication de l’identité du propriétaire du site internet, l’énonciation de critères de comparaison clairs et objectifs, l’emploi d’un langage clair et dénué d’ambiguïté, la fourniture d’informations à jour, la couverture d’une part importante du marché et la mise en place d’une procédure efficace pour signaler les informations inexactes quant aux frais publiés.
Après avoir consulté les États membres avec le groupe d’experts compétent (GEGREFS), la Commission a globalement l’impression que les exigences actuellement énumérées à l’article 7, paragraphe 3, de la directive sont suffisantes et que la liste ne doit pas être modifiée de toute urgence. Toutefois, l’étude Deloitte nº 1 a souligné, sur la base d’un examen des sites internet recensés qui remplissent les exigences de la directive, que les deux obligations suivantes énumérées au paragraphe 3 ne sont pas entièrement remplies: 1) l’obligation d’énoncer les critères objectifs utilisés pour la comparaison et 2) l’obligation de signaler les informations inexactes quant aux frais publiés. En outre, les informations relatives à la dernière date de mise à jour d’un site internet ont posé des problèmes. Cela étant, les problèmes signalés par l’étude Deloitte nº 1 portent davantage sur l’aspect opérationnel du site internet que sur la liste elle-même. Dans ce contexte, la Commission continuera de surveiller de près la situation afin de veiller à ce que les sites internet des États membres qui sont conformes respectent effectivement les exigences établies à l’article 7, paragraphe 3, de la directive.
L’article 28, paragraphe 3, de la directive impose d’évaluer, dans le rapport, la nécessité d’agréer les sites internet comparateurs. Le sentiment général des États membres était qu’un tel agrément n’apporterait pas une grande valeur ajoutée, essentiellement parce que les tableaux de comparaison conformes actuels sont publics et donc intrinsèquement fiables. En outre, le processus de certification nécessiterait beaucoup de temps et d’argent. Aucun problème n’a été rencontré avec le site internet comparateur dans la plupart des États membres, et il n’est donc pas nécessaire de modifier le système actuel.
En ce qui concerne les mesures relatives aux «offres groupées», l’article 4, relatif au document d’information tarifaire, l’article 5, relatif au relevé de frais, et l’article 8 font référence à la notion d’offre groupée. Deloitte a observé dans l’étude nº 1, sur la base des données recueillies, que les parties prenantes avaient interprété le terme «offre groupée» de deux manières distinctes et différentes: soit i) au sens de la combinaison d’un compte de paiement et des différents services qui y sont liés et en permettent l’utilisation (par exemple, une carte ou un découvert), soit ii) au sens de la combinaison d’un compte de paiement et d’autres types de produits financiers (par exemple, des assurances ou des crédits hypothécaires). Dans ce contexte, 16 États membres (BE, BG, DE, IE, ES, IT, LV, LU, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SI et SK) ont soutenu l’idée d’ajouter une définition du terme «offre groupée» dans la directive afin d’apporter davantage de clarté (en particulier dans le cadre de ventes liées et groupées). Toutefois, certains autres États membres ont mis en garde contre une telle approche, en affirmant que le terme était déjà suffisamment clair et qu’il serait davantage pertinent de remédier à ce problème à l’article 4 de la directive. Concernant l’article 4 relatif au document d’information tarifaire, la section du document consacrée aux «offres groupées de services» pourrait, dans certains cas, être trop longue. En effet, certaines banques mentionnent plusieurs offres groupées dans leur document d’information tarifaire, et celui-ci fait donc plusieurs pages, ce qui va à l’encontre de l’objectif d’un document succinct et distinct. Par conséquent, selon ces États membres, les éventuelles modifications apportées à la notion d’offres groupées devraient cibler l’article 4. En ce qui concerne de manière plus générale cet article, une conséquence involontaire a été la duplication des documents sur les frais facturés pour les comptes de paiement dans les États membres où il existait déjà des documents comportant les mêmes informations. De fait, selon les observations des États membres, la conséquence involontaire la plus importante a été la duplication des documents sur les frais facturés pour les comptes de paiement dans les États membres où il existait déjà des documents comportant les mêmes informations. La Commission a pris bonne note de ces problèmes et tiendra compte des suggestions reçues lors de la future révision de la directive.
3.ACCÈS À UN COMPTE DE PAIEMENT
3.1.Accès non discriminatoire à un compte de paiement
L’article 15 de la directive impose aux États membres de veiller à ce que les établissements de crédit n’opèrent aucune discrimination à l’encontre des consommateurs résidant légalement dans l’UE du fait de leur nationalité ou de leur lieu de résidence (ou pour tout autre motif visé à l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne) lorsque ces consommateurs font une demande d’ouverture de compte de paiement au sein de l’UE ou accèdent à un tel compte. Cet article dispose également que les conditions applicables à la détention d’un CPPB ne peuvent en aucun cas être discriminatoires.
Les États membres ont soit transposé spécifiquement la disposition relative à la non-discrimination, soit conclu que cette question était déjà couverte par leur législation existante. Toutefois, seuls quelques-uns ont intégré le principe de non-discrimination dans leur droit national de manière à ne pas seulement couvrir l’accès aux comptes de paiement mais à aussi couvrir spécifiquement les conditions applicables.
Malgré cette règle, l’accès à un compte de paiement peut toujours être différent pour les consommateurs d’une autre nationalité ou ayant un autre lieu de résidence. Par exemple, l’obligation de présenter un document d’identité national spécifique peut affecter différemment les consommateurs d’autres États membres. Comme le montre l’étude Deloitte nº 1 et comme en témoignent les plaintes reçues par la Commission, des difficultés peuvent également exister au niveau de l’ouverture transfrontière de comptes de paiement, notamment en ce qui concerne l’ouverture transfrontière en ligne, qui n’est parfois pas accessible aux consommateurs d’autres États membres. La Commission a également reçu des plaintes au sujet des frais différents facturés aux non-résidents d’un État membre. La facturation de frais plus élevés pour un CPPB aux non-résidents serait discriminatoire si les frais supplémentaires n’étaient pas fondés sur des coûts objectivement justifiés.
Non seulement ces exigences différentes peuvent, dans de nombreux cas, donner lieu à un traitement différent, mais elles peuvent également affecter l’accès aux comptes de paiement, y compris aux CPPB. Ces cas sont décrits plus en détail à la section 3.2.
3.2.Accès à un compte de paiement assorti de prestations de base (CPPB)
§Le droit à un CPPB
Afin de favoriser l’inclusion financière, l’article 16 de la directive établit le droit d’accéder à un compte de paiement assorti de prestations de base pour tous les consommateurs résidant légalement dans l’UE, y compris les consommateurs n’ayant pas d’adresse fixe, les demandeurs d’asile et les consommateurs qui se voient refuser un titre de séjour mais dont l’expulsion est impossible pour des raisons juridiques ou pratiques. L’article 16, paragraphe 1, impose aux États membres de veiller à ce que des CPPB soient proposés aux consommateurs soit par tous les établissements de crédit, soit par un nombre suffisant d’entre eux afin de garantir l’accès à de tels comptes pour tous les consommateurs sur leur territoire.
Les États membres ont transposé ce droit à un CPPB dans leur législation nationale. Dans la plupart des États membres, un CPPB est offert en tant que produit séparé, distinct d’un compte de paiement standard. Dans certains États membres, toutefois, les établissements de crédit (dans leur ensemble ou uniquement certains d’entre eux) ne proposent pas de CPPB en tant que produit séparé, mais préfèrent offrir un compte standard à tous les consommateurs.
La plupart des États membres obligent tous les établissements de crédit offrant des comptes de paiement à proposer un CPPB, mais quelques-uns ne l’imposent qu’à certains établissements qui remplissent certains critères. Toutefois, les établissements de crédit soumis à cette obligation fournissent bien, en général, un large accès. En outre, d’autres prestataires de services de paiement offrent également des CPPB dans certains États membres.
Les organisations sectorielles et de consommateurs s’accordent donc largement sur le fait que les consommateurs de leur pays disposent d’un accès suffisant aux CPPB.
L’article 16 prévoit plusieurs dérogations (potentielles) à ce droit à un CPPB. En pratique, la plus importante d’entre elles concerne la lutte contre le blanchiment de capitaux. L’article 16, paragraphe 4, de la directive impose aux États membres de veiller à ce que les établissements de crédit rejettent une demande lorsque l’ouverture d’un tel compte entraînerait une violation des dispositions en matière de prévention du blanchiment d’argent et de lutte contre le financement du terrorisme établies par la directive 2005/60/CE
. Cette obligation risque d’entrer en conflit avec le droit à un CPPB, et l’interaction peut ne pas être entièrement claire. Le considérant 34 de la directive souligne que les règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux ne devraient pas être utilisées comme prétexte pour refuser des consommateurs commercialement moins attractifs. Il n’existe actuellement aucune autre orientation générale au niveau de l’UE sur les liens entre les différentes règles.
Des difficultés pour ouvrir un CPPB ont notamment été rencontrées dans les situations ci-après.
1)Absence de documents d’identité spécifiques: des difficultés pour ouvrir un CPPB en raison de l’absence de documents d’identité spécifiques ont été recensées dans plusieurs rapports
et ont également fait l’objet de plaintes introduites par le grand public auprès de la Commission. La vérification de l’identité du client exigée par les directives relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est généralement effectuée au moyen des documents d’identité. Une obligation d’être en possession d’un document d’identification standard délivré par l’État membre peut engendrer des difficultés particulières non seulement pour les demandeurs d’asile et les réfugiés mais aussi (en fonction de l’exigence en question) pour les ressortissants d’autres États membres. Cette question a déjà été partiellement examinée dans l’avis de l’ABE sur l’application de mesures de vigilance à l’égard de clients qui sont des demandeurs d’asile issus de pays ou de territoires tiers à haut risque ainsi que dans la déclaration sur l’«inclusion financière dans le contexte de la guerre en Ukraine» publiée par l’ABE en avril 2022
. En outre, les personnes sans abri rencontrent parfois des difficultés pour ouvrir un compte de paiement (par exemple, lorsqu’il leur est demandé de fournir une adresse).
2)Accès transfrontière à un compte de paiement: des difficultés pour ouvrir un CPPB dans un autre État membre (y compris en ligne) ont également été signalées dans l’étude Deloitte nº 1 et ont fait l’objet de plaintes introduites par le grand public auprès de la Commission. Ces difficultés peuvent avoir différentes causes. Par exemple, elles peuvent être dues à l’absence de documents spécifiques ou à la nécessité de démontrer un réel intérêt, mais elles peuvent aussi être liées à des raisons ayant trait à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, étant donné que l’ouverture d’un compte de paiement dans un autre État membre peut être considérée comme une circonstance inhabituelle indicative d’un risque potentiellement plus élevé dans le cadre de l’évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme
.
3)Pratiques de réduction des risques fondées sur la LBC: des difficultés pour ouvrir un CPPB ont également été rencontrées en raison des pratiques de réduction des risques mises en œuvre par les établissements de crédit (consistant à refuser d’ouvrir, ou à fermer, des comptes de paiement appartenant à certaines catégories de clients en raison de leur risque accru de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme). Comme indiqué dans l’avis de l’ABE sur la réduction des risques
, celle-ci peut viser en particulier les consommateurs ayant des liens avec certains pays tiers (à haut risque) et les personnes politiquement exposées. La Commission a également reçu des plaintes à ce sujet.
4)Pratiques de réduction des risques dues à la loi américaine relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers (FATCA): des difficultés ont également été rencontrées par les consommateurs ayant la double nationalité européenne et américaine, qui ont présenté des pétitions au Parlement européen et introduit des plaintes auprès de la Commission. Comme l’a déclaré l’ABE dans son avis sur la réduction des risques, certains établissements de crédit pourraient avoir décidé de ne pas fournir de comptes de paiement aux ressortissants des États-Unis en raison des obligations et sanctions éventuelles au titre de la FATCA.
L’ABE a déjà fourni des orientations qui pourraient aider à répondre aux pratiques de réduction des risques indésirables
. Elle a notamment précisé que l’application d’une approche fondée sur les risques n’obligeait pas les sociétés à refuser les relations d’affaires avec des catégories entières de clients considérés comme présentant un risque accru de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ou à y mettre fin. Les autorités compétentes de certains États membres en ont donc tenu compte dans leurs propres orientations.
Afin d’atténuer le risque que représentent les pratiques de réduction des risques fondées sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, la Commission a proposé des dispositions spécifiques dans le paquet législatif qu’elle a présenté en juillet 2021 concernant la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme
. En particulier, afin de permettre aux autorités de surveillance d’évaluer si les établissements ont correctement calibré leurs pratiques de vigilance à l’égard de la clientèle, la proposition de règlement sur la LBC
inclut l’obligation, pour les établissements qui prennent la décision de ne pas établir de relation d’affaires avec un client potentiel, de conserver les documents dans lesquels figurent les motifs de cette décision. En outre, la proposition de sixième directive LBC
inclut l’obligation pour les autorités responsables de la surveillance en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux de coopérer avec celles responsables de la mise en œuvre de la directive sur les services de paiement
et de la directive sur les comptes de paiement.
L’application du droit à un CPPB peut également être rendue difficile par le fait que l’obligation générale, énoncée à l’article 16, paragraphe 7, de la directive, d’informer immédiatement le consommateur du refus et du motif précis de celui-ci est rarement respectée, étant donné qu’elle est contournée grâce à l’interdiction d’«alerter» la société concernée, prévue dans les règles en matière de LBC.
D’autres dérogations prévues dans la directive incluent la possibilité d’exiger des consommateurs qui souhaitent ouvrir un CPPB qu’ils montrent un véritable intérêt à agir ainsi (article 16, paragraphe 2). Seuls quelques États membres ont fait usage de cette possibilité. En revanche, de nombreux États membres ont fait usage de la possibilité prévue à l’article 16, paragraphe 5, d’autoriser les établissements de crédit à rejeter une demande d’ouverture de CPPB lorsqu’un consommateur détient déjà un compte de paiement auprès d’un établissement de crédit situé sur leur territoire.
En outre, plusieurs États membres ont fait usage de la possibilité de définir un nombre limité d’autres cas spécifiques dans lesquels des demandes peuvent ou doivent être rejetées – pour autant que ces exceptions visent à faciliter l’accès à un CPPB à titre gratuit selon le mécanisme prévu à l’article 25 de la directive ou à éviter les abus par les consommateurs (article 16, paragraphe 6, de la directive). Par exemple, certains États membres ont défini des critères obligeant les demandeurs à fournir des preuves démontrant qu’ils n’ont commis aucune fraude ou autre infraction pénale, ou ils ont établi une dérogation à des fins de sécurité nationale. La possibilité offerte par l’article 19, paragraphe 3, de définir d’autres cas spécifiques et limités dans lesquels l’établissement de crédit peut résilier unilatéralement un contrat-cadre relatif à un CPPB a été utilisée par de nombreux États membres pour des cas similaires (ainsi que d’autres) (par exemple, pour certaines infractions pénales intentionnelles ou pour des activités commerciales).
§Le montant moyen des frais annuels prélevés pour les CPPB
L’article 18, paragraphe 1, de la directive impose aux États membres de veiller à ce que les établissements de crédit proposent des CPPB «à titre gratuit ou moyennant des frais raisonnables». Les États membres ont mis en œuvre cette exigence de différentes manières. Certains ont décidé que les CPPB devaient être proposés gratuitement ou ont clairement délimité les frais ou fixé des paramètres précis pour leur calcul. D’autres États membres exigent que les comptes soient proposés à titre gratuit ou moyennant des frais raisonnables, mais ne fixent pas d’autres critères (en dehors de celui établi à l’article 18, paragraphe 3, sur ce qui peut être considéré comme «raisonnable»).
Les montants des frais prélevés pour les CPPB dans les différents États membres varient considérablement
. On observe également, parfois, un écart conséquent entre l’offre la moins chère et l’offre la plus chère, même au sein d’un même État membre. Par rapport aux frais prélevés pour les comptes de paiement standard
, les CPPB peuvent globalement s’avérer moins chers, mais la différence n’est pas très significative.
Les organisations sectorielles et certaines des organisations de consommateurs interrogées dans le cadre de l’étude Deloitte nº 1 ont toutefois indiqué que les CPPB seraient globalement abordables pour tout le monde.
§Application concrète/adoption des CPPB
Comme le montre le rapport au titre de l’article 27, sur la période 2016-2021, l’adoption des CPPB a été considérable dans certains États membres. On a observé, par exemple, une importante adoption de ces comptes dans certains des États membres qui affichaient auparavant un taux plus élevé de population ne disposant pas d’un compte de paiement. Dans d’autres, toutefois, l’adoption de ces comptes était relativement faible
. En outre, selon la dernière base de données Global Findex 2021
, la part de la population ayant un compte bancaire (âgée de 15 ans ou plus) a augmenté dans la plupart des États membres entre 2017 et 2021, pour atteindre même parfois 100 % en 2021.
Plusieurs raisons différentes peuvent expliquer le nombre relativement faible de CPPB. Premièrement, le taux de personnes possédant un compte de paiement était déjà très élevé dans de nombreux États membres lorsque la directive a été adoptée. Deuxièmement, certains États membres avaient déjà mis en place des outils similaires. Troisièmement, compte tenu de la grande accessibilité des comptes standard (y compris des comptes en ligne gratuits), les CPPB ne sont pas forcément utiles aux consommateurs qui ont déjà accès à ces comptes. Le manque d’information des consommateurs pourrait également expliquer la faible adoption de ces comptes. Si les consommateurs peuvent accéder aux informations nécessaires par différents moyens, par exemple sur des sites internet ou lors de campagnes de sensibilisation, les organisations de consommateurs considèrent que ceux-ci connaissent encore relativement mal leur droit à un CPPB et que de nombreuses banques ne proposent pas proactivement un tel compte aux consommateurs. Dans certains cas, le coût d’un CPPB peut également en limiter l’adoption. Comme indiqué dans la base de données Global Findex, les consommateurs qui ne possèdent pas de compte de paiement dans les États membres affichant une faible proportion de personnes ayant un compte en banque ont également justifié leur choix par un manque de moyens, une méfiance vis-à-vis des établissements financiers ou l’éloignement géographique excessif des établissements financiers.
En revanche, cette faible adoption ne semble pas s’expliquer par une offre insuffisante de CPPB. Des CPPB sont offerts par l’ensemble ou une grande partie des établissements de crédit des différents États membres et, selon l’étude Deloitte nº 1, les organisations sectorielles et de consommateurs s’accordent globalement pour dire que les consommateurs ont suffisamment accès aux CPPB. La faible adoption ne semble pas non plus s’expliquer principalement par les refus des établissements de crédit de fournir de tels comptes: comme indiqué dans le rapport au titre de l’article 27: le nombre de demandes rejetées dans les différents États membres semble globalement faible
, à quelques exceptions près.
L’objectif de la directive n’est pas nécessairement de parvenir à un taux élevé d’adoption des CPPB, mais plutôt d’accroître l’inclusion financière et de veiller à ce que tous les consommateurs aient accès à un compte de ce type. Compte tenu de la disponibilité générale de ces comptes, cet objectif semble avoir été globalement atteint. En outre, comme le montre la dernière base de données Global Findex 2021, le pourcentage de la population ayant un compte de paiement a augmenté dans les États membres, pour atteindre 95 % en moyenne, et près de 100 % dans certains États membres.
Des difficultés peuvent néanmoins exister dans les cas spécifiques décrits ci-dessus. L’objectif du paquet législatif en matière de LBC/FT est d’atténuer le risque que représentent les pratiques de réduction des risques. L’ABE a fourni des orientations supplémentaires sur l’interaction entre la directive et les règles en matière de LBC
.
3.3.Liste des services
L’article 17, paragraphe 1, exige des États membres qu’ils veillent à ce que les CPPB incluent un certain nombre de services (y compris des retraits d’argent, des virements, des prélèvements et des opérations de paiement au moyen d’une carte de paiement) dans la mesure où ces services sont déjà proposés aux consommateurs titulaires d’un compte de paiement standard. Le CPPB couvre l’ensemble des services énoncés à l’article 17, paragraphe 1, dans la plupart des États membres. Toutefois, dans quelques États membres, certains des services inclus à l’article 17, paragraphe 1 (ordres permanents et prélèvements) n’étaient pas offerts dans le cadre d’un CPPB, car ils ne l’étaient pas dans le cadre d’un compte standard dans ces mêmes États. Dans certains cas, les établissements de crédit fournissent des services supplémentaires pour les CPPB (dont des facilités de découvert, des cartes de crédit et des paiements instantanés) bien que la loi ne les y oblige pas.
Contraindre les États membres à obliger les établissements de crédit à fournir les prestations supplémentaires d’un CPPB devrait être justifié par des raisons d’inclusion financière. Cette obligation doit également être soigneusement mise en balance avec le coût supplémentaire, pour les établissements de crédit, de l’offre d’un CPPB, car ce coût pourrait lui-même rendre plus onéreux les CPPB et nuire ainsi à l’inclusion financière. Les paiements instantanés pourraient devenir une prestation de CPPB à l’avenir, mais, bien qu’ils soient de plus en plus utilisés, ils ne constituent pas encore un service standard. Une autre prestation supplémentaire envisageable pourrait concerner l’accès aux espèces. L’article 17, paragraphe 1, exige déjà que les CPPB incluent les retraits d’espèces au guichet ou aux distributeurs automatiques en tant que service, mais la réduction du nombre de succursales et de distributeurs automatiques pourrait (par exemple, dans certaines régions reculées) nuire à l’inclusion financière en général (et pas seulement aux CPPB). Comme exposé dans la stratégie en matière de paiements de détail
, la Commission s’inquiète, elle aussi, du risque que la numérisation accrue des services n’aggrave encore plus l’exclusion des personnes qui n’ont pas accès aux services numériques. La question de l’accès aux espèces et de leur acceptation a été examinée dans différentes instances [au niveau de la Commission par le groupe d’experts sur le cours légal de l’euro (ELTEG)
, ainsi que par le Comité des paiements de détail en euros (ERPB)]. À la suite du rapport adopté par le groupe ELTEG le 6 juillet 2022, la Commission étudie actuellement les moyens envisageables pour garantir la disponibilité et l’acceptation des espèces en euros.
Les organisations sectorielles et de consommateurs semblent penser les unes comme les autres que les consommateurs sont satisfaits des services actuellement offerts conformément aux exigences nationales. En outre, il semble que de nombreux États membres n’estiment pas nécessaire de modifier la directive.
4.CHANGEMENT DE COMPTE DE PAIEMENT
Un service de changement de compte fondé sur les principes communs du Comité européen de l’industrie bancaire pour les changements de comptes bancaires
existait déjà dans plusieurs États membres avant l’entrée en vigueur de la directive, mais l’article 10 a introduit l’obligation pour tous les États membres de veiller à ce qu’un service obligatoire de changement de compte soit en place. Selon l’étude Deloitte nº 1, la directive a donc donné à tous les consommateurs de l’UE la possibilité de changer aisément et, souvent, gratuitement de compte au niveau national. Les consommateurs qui ont fait usage de ce service l’ont jugé satisfaisant. Les lacunes signalées par les organisations de consommateurs concernent des problèmes techniques rencontrés pour appliquer le processus dans des cas spécifiques, mais pas le processus en lui-même
.
Comme le montre le rapport au titre de l’article 27, le nombre de changements sur un an varie considérablement d’un État membre à l’autre. Certains États membres enregistrent un nombre conséquent de changements, avec une tendance à la hausse pour certains, tandis que d’autres États membres affichent très peu de changements
.
Plusieurs facteurs peuvent influencer le taux de changement de compte
. Par exemple, le service de changement de compte s’applique aux comptes de paiement mais pas aux autres produits financiers (par exemple, les prêts hypothécaires et les investissements) auxquels le compte de paiement peut être associé. Les consommateurs peuvent également n’avoir qu’une connaissance limitée du service et ne pas toujours être informés de son existence, ou peuvent même être découragés de l’utiliser. D’autres raisons potentielles sont notamment des connaissances financières insuffisantes et le fait de partir du principe que changer de compte ne rapporterait que peu d’économies, le souhait de ne pas perdre son numéro de compte de paiement et le risque que les paiements s’égarent.
Toutefois, le but des dispositions de la directive relatives au changement n’était pas nécessairement d’augmenter le nombre de changements, mais plutôt de faciliter le changement afin d’accroître la concurrence. Compte tenu de la disponibilité globale d’un service de changement de compte (efficace), l’objectif de faciliter le changement paraît avoir été atteint. Il pourrait néanmoins être utile de prendre des mesures supplémentaires, notamment pour mieux informer les consommateurs de leur droit de changer de compte de paiement.
Contrairement aux situations nationales, il n’existe actuellement aucun service de changement de compte dans les situations qui concernent des prestataires de services de paiement issus de différents États membres. En lieu et place, l’article 11 oblige uniquement le prestataire de services de paiement transmetteur à fournir une assistance (par exemple, en communiquant des informations et en transférant les fonds) aux consommateurs lorsque ceux-ci annoncent leur intention d’ouvrir un compte de paiement auprès d’un prestataire de services de paiement situé dans un autre État membre. Comme le démontre l’étude Deloitte nº 1, les consommateurs sont peu intéressés par un accès transfrontière aux comptes de paiement, bien que cet intérêt pourrait s’accroître en raison de l’expansion des néobanques. Parmi les facteurs susceptibles d’influencer ce niveau d’intérêt, citons le fait de préférer être physiquement proche d’une banque, les barrières linguistiques et la possibilité d’utiliser les comptes nationaux dans toute l’UE.
5.ÉVALUATION DES MESURES SUPPLÉMENTAIRES POUVANT ÉVENTUELLEMENT ÊTRE PRISES EN MATIÈRE DE CHANGEMENT DE COMPTE
5.1.Faisabilité de l’extension du service de changement de compte prévu à l’article 10 aux changements de comptes transfrontières
L’extension du service de changement de compte aux situations transfrontières permettrait de changer plus facilement de compte de paiement d'un État membre à l'autre et rendrait ce changement aussi facile que le changement au sein d'un seul et même État membre.
Il existe plusieurs moyens différents d’étendre l’actuel service de changement de compte, qui couvre les changements au sein d’un même État membre, aux changements de compte entre deux États membres (par exemple, relier entre eux les différents services de changement de compte au niveau national, ou créer un service de changement de compte standardisé à l’échelle de l’UE, qui remplacerait les actuels systèmes de changement de compte à l’échelon national). Cette deuxième option supposerait un processus allégé, mais une transformation informatique plus radicale pour les différentes parties prenantes.
Les deux options seraient techniquement possibles. Toutefois, sur la base des taux de changement estimés, le coût attendu (coût ponctuel + coût récurrent) dépasserait largement les bénéfices attendus: les coûts ponctuels des deux options ont été estimés à environ 840 millions d’EUR, et les coûts récurrents ont été estimés à environ 158 millions d’EUR par an
. En revanche, les bénéfices (récurrents) (essentiellement pour les consommateurs) ne s’élèveraient qu’à environ 41 millions d’EUR par an
. En outre, compte tenu du faible nombre (attendu) de changements de compte transfrontières, les organisations de consommateurs ne considèrent pas que l’extension du service de changement de compte aux situations transfrontières constitue une priorité (tandis que les établissements de crédit n’y voient aucun avantage et soulignent les barrières linguistiques, la distance physique et d’autres obstacles).
5.2.Faisabilité d’un cadre pour le réacheminement automatique des paiements
Un cadre pour le réacheminement automatique des paiements garantirait que, pendant une période donnée faisant suite à un changement de compte de paiement, les paiements effectués sur le précédent (l’«ancien») compte soient redirigés vers le nouveau compte. Il permettrait d'atténuer les préoccupations éventuelles en offrant une assurance supplémentaire sur le fait que les paiements entrants arriveront bien sur le bon compte. Il faciliterait également les changements de compte et accroîtrait ainsi la concurrence. Un tel service de réacheminement automatique existe déjà aux Pays-Bas: il est proposé en tant que prestation supplémentaire du service de changement de compte national. Un cadre pour le réacheminement automatique des paiements pourrait être mis en place au niveau national au sein des différents États membres, ou globalement au niveau de l’UE. La mise en place d’un tel cadre au niveau de l’UE nécessiterait tout d’abord la création d’un service de changement de compte transfrontière. Ce cadre pourrait être mis en place de plusieurs manières différentes (par exemple, un système dans lequel les nouvelles coordonnées bancaires seraient incluses dans les messages d’erreur envoyés aux banques qui tentent d’effectuer un virement sur un compte clôturé; un système dans lequel des tables de redirection seraient intégrées aux systèmes d’acheminement des banques; et la création d’un moteur de compensation central distinct pour gérer les informations sur les changements de compte).
Toutefois, sur la base des taux de changement estimés, les coûts attendus (coûts ponctuels + coûts récurrents) dépasseraient largement les bénéfices attendus. Les coûts ponctuels de chaque option ont été estimés entre 1 et 5 milliards d’euros. Les coûts récurrents annuels des options se chiffrent entre 228 millions d’EUR et 782 millions d’EUR pour le réacheminement automatique au niveau national, et entre 461 millions d’EUR et 1 milliard d’EUR pour le réacheminement automatique au niveau de l’UE associé à un service de changement de compte. Toutefois, les bénéfices (récurrents annuels) (essentiellement pour les consommateurs) ne s’élèveraient qu’à environ 80 millions d’EUR pour le réacheminement automatique au niveau national et 154 millions d’EUR pour le réacheminement automatique au niveau de l’UE
.
5.3.Évaluation des coûts et des avantages de la mise en œuvre d’une portabilité complète des numéros de compte de paiement dans toute l’UE
Une portabilité complète des numéros de compte dans toute l’UE signifierait la possibilité de conserver le même numéro de compte de paiement lors d’un changement de compte de paiement dans l’UE. Les consommateurs n’auraient plus besoin d’informer les créanciers et/ou débiteurs avec lesquels ils ont des transactions récurrentes de leur nouveau numéro de compte de paiement, et leurs créanciers/débiteurs ne devraient plus mettre à jour leurs systèmes comptables. Garder le même numéro de compte permettrait aux consommateurs d’être sûrs que tous les paiements entrants arriveront sur le bon compte de paiement, ce qui atténuerait les préoccupations éventuelles et rendrait le changement de compte plus facile non seulement au niveau national, mais aussi au niveau transfrontière. La concurrence s’en trouverait ainsi favorisée.
La portabilité des numéros de compte de paiement pourrait être organisée de différentes manières. Une possibilité serait la portabilité d’un IBAN existant qui serait associé à un nouvel IBAN en arrière-plan (le consommateur n’en serait pas forcément informé). Une autre possibilité serait de créer un alias pouvant être associé à un IBAN existant et communiqué aux débiteurs/créanciers. Lors du changement de compte, cet alias (c’est-à-dire le numéro communiqué aux parties) pourrait être associé à un nouvel IBAN en arrière-plan (ici encore, le consommateur n’en serait pas forcément informé). Une troisième possibilité, plus importante, serait de remplacer la totalité des IBAN existants par de nouveaux IBAN européens (nouveaux numéros de compte portables). Cette solution est la seule permettant une véritable portabilité du numéro de compte, et elle nécessiterait uniquement le code BIC comme identifiant en arrière-plan, afin que les banques puissent déterminer où se trouve le compte.
Sur la base des taux de changement estimés, les coûts attendus (coûts ponctuels + coûts récurrents) dépasseraient largement les bénéfices attendus. Les coûts ponctuels ont été estimés entre 7 et 22 milliards d’EUR et les coûts récurrents pour ces options ont été estimés à environ 1 milliard d’EUR par an. En revanche, les bénéfices (récurrents) (essentiellement pour les consommateurs et les créanciers/débiteurs) ne se chiffreraient qu’entre 151 et 242 millions d’EUR par année
.
Comme le montre l’étude Deloitte nº 1, les organisations sectorielles ne pensent pas que la portabilité des numéros de compte changerait véritablement la donne en ce qui concerne les changements de compte. Les organisations de consommateurs ont des avis mitigés, mais ne considèrent pas que la création d’un service de changement de compte transfrontière soit prioritaire.
Il ressort clairement des résultats de l’étude que ces éventuelles mesures supplémentaires pourraient encore faciliter les changements de compte de paiement au sein de l’UE. Toutefois, étant donné que leur coût serait, à l’heure actuelle, largement supérieur à leurs bénéfices attendus, elles ne semblent pas forcément justifiables à ce stade.
6.EFFICACITÉ DES MESURES EXISTANTES ET NÉCESSITÉ DE MESURES COMPLÉMENTAIRES POUR ACCROÎTRE L’INCLUSION FINANCIÈRE ET VENIR EN AIDE AUX MEMBRES VULNÉRABLES DE LA SOCIÉTÉ POUR CE QUI CONCERNE LE SURENDETTEMENT
L’accès à un compte de paiement est essentiel pour participer à la société et à l’économie. Il s’agit d’un outil vital pour l’inclusion financière. Dans l’UE, le pourcentage de consommateurs qui possèdent un compte de paiement est généralement (très) élevé. Selon la dernière base de données Global Findex 2021, en moyenne 95 % des citoyens de l’UE âgés de 15 ans ou plus possèdent au moins un compte de paiement
, un taux en augmentation ces dernières années (de quatre points de pourcentage depuis 2017). Cette évolution peut s’expliquer par différents facteurs, tels que la finance numérique, l’arrivée de comptes en ligne gratuits et le fait que la directive prévoie le droit à un compte bancaire de base.
Toutefois, la base de données Global Findex 2021 met en évidence d’importantes différences entre les États membres. Si, dans bon nombre d’entre eux, plus de 95 % de la population (âgée de 15 ans ou plus) possède un compte de paiement, ce pourcentage est considérablement plus faible dans certains autres États membres
. La base de données Global Findex met également en lumière des différences entre les types de consommateurs, en particulier les personnes vulnérables. L’étude Deloitte nº 1 a aussi montré que, selon les organisations sectorielles et de consommateurs, les personnes les plus à risque de ne pas avoir de compte de paiement étaient les personnes sans abri et les immigrés. La directive prévoit déjà le droit légal (y compris pour les personnes vulnérables) de posséder un CPPB moyennant des frais raisonnables. La question de savoir si elle doit être modifiée afin de renforcer davantage l’inclusion financière, par exemple en ce qui concerne les frais facturés pour un CPPB, sera étudiée plus en détail conformément aux principes relatifs à l’amélioration de la réglementation. D’autres mesures non législatives, telles que les orientations de l’ABE sur l’interaction entre la directive antiblanchiment et la directive sur les comptes de paiement et les mesures de sensibilisation adoptées dans certains États membres, pourraient être utiles.
La numérisation peut engendrer des obstacles supplémentaires à l’inclusion financière. Si elle peut, de certaines manières, contribuer à améliorer l’inclusion financière (par exemple, en offrant un accès en ligne, 24 heures sur 24, aux services bancaires), une numérisation accrue peut également entraîner une réduction de l’accès physique (aux succursales et distributeurs automatiques), ce qui risque d’engendrer des difficultés pour les consommateurs qui ne sont pas formés au numérique ou n’ont pas accès à un appareil numérique. En réalité, la diminution du nombre de distributeurs automatiques et de succursales ces dernières années a réduit la disponibilité des services de paiement de base
. La Commission s’efforce de remédier à ces problèmes de plusieurs façons. En particulier, elle œuvre afin d’améliorer les connaissances financières (dans les limites de ses compétences en vertu des traités). Avec l’OCDE, la Commission a élaboré un cadre de compétences financières pour les adultes
, qui aborde spécifiquement les connaissances financières numériques. La Commission et l’OCDE travaillent désormais sur un cadre de compétences similaire pour les jeunes. Comme indiqué dans le plan d’action pour l’union des marchés des capitaux
, la Commission examine également la possibilité d’imposer aux États membres de promouvoir des mesures d’apprentissage en faveur de l’éducation financière. En outre, la Commission se tient prête à continuer de soutenir les États membres dans le domaine des connaissances et de l’inclusion financières au moyen de l’instrument d’appui technique. À ce jour, elle a fourni environ 20 projets d'appui technique, allant de thèmes généraux tels que le soutien à la mise en œuvre de stratégies nationales d’amélioration des connaissances financières à des domaines plus ciblés couvrant le vieillissement de la population, les investisseurs de détail ou l’habileté numérique. Comme exposé ci-dessus (point 3.3), des travaux sur l’accès aux espèces et leur acceptation sont en cours.
La Commission a récemment lancé une étude sur le surendettement des consommateurs de l’UE et ses conséquences. Cette étude fournira une vue d’ensemble du surendettement des ménages et consommateurs de l’UE, en tenant compte de l’incidence de la COVID-19 sur le surendettement des ménages.
7.EXEMPLES DE BONNES PRATIQUES DES ÉTATS MEMBRES PERMETTANT QU’UN NOMBRE PLUS ÉLEVÉ DE CONSOMMATEURS AIENT ACCÈS À DES SERVICES DE PAIEMENT
Les États membres ont adopté plusieurs mesures différentes – afin de transposer la directive et d’éviter ou de limiter l’exclusion financière dans l’accès aux services de paiement – qui peuvent servir de meilleures pratiques.
Afin de faciliter l’accès à un CPPB et d’éviter l’exclusion, au moins un État membre dispose d’un mécanisme permettant de désigner un établissement de crédit spécifique chargé de fournir un CPPB aux consommateurs dont les demandes de CPPB ont été rejetées. Ce mécanisme peut grandement faciliter l’accès concret à un CPPB, en particulier pour les consommateurs vulnérables ou visés par les mesures de réduction des risques de certaines banques. Peu d’États membres ont adressé des orientations aux établissements de crédit concernant l’interaction entre les exigences de la directive et celles en matière de LBC/FT pour les situations où les clients n’ont pas d’adresse fixe ou de documents standard. Pour remédier au problème des documents d’identité, un État membre a mis en place un système permettant aux travailleurs sociaux d’attester de l’identité d’une personne sans abri souhaitant ouvrir un compte de paiement.
Afin de limiter le coût d’un CPPB, certains États membres imposent que ces comptes soient fournis gratuitement à tout le monde ou uniquement aux groupes particulièrement vulnérables. Dans d’autres cas, des États membres ont fixé des plafonds clairs et bas pour les frais, en termes absolus ou relatifs (par exemple, par rapport aux autres comptes de paiement). D’autres États membres ont établi des systèmes de tarification différents afin d’accorder des conditions plus avantageuses aux consommateurs vulnérables.
Afin d’améliorer le niveau d’information, plusieurs États membres ont pris des mesures pour informer les consommateurs et mieux leur faire connaître les CPPB, notamment la publication de brochures, de guides et d’informations sur des sites internet. Les États membres ont également lancé de nombreuses initiatives afin d’améliorer l’inclusion financière grâce à différents programmes d’éducation financière
.
8.CONCLUSION
Les objectifs de la directive sont 1) d’apporter de la transparence et d’assurer la comparabilité des frais afférents aux comptes de paiement, 2) de veiller à ce que les consommateurs aient accès à des comptes de paiement (assortis de prestations de base) et 3) de faciliter les changements de compte de paiement.
De manière générale, la directive a contribué à apporter de la transparence et à assurer la comparabilité des frais afférents aux comptes de paiement. Elle a, en particulier, assuré un niveau minimal d’harmonisation, notamment en établissant une terminologie normalisée (partiellement uniforme au niveau de l’UE), des modèles communs pour la déclaration des frais liés aux comptes de paiement, un processus de changement de compte uniforme et un droit d’accès aux CPPB au niveau de l’UE. Toutefois, certains États membres ont créé de nouvelles dispositions législatives supplémentaires lors de sa transposition, au lieu de remplacer la législation existante, ce qui augmente la fragmentation du cadre réglementaire de l’UE et des États membres. La conséquence involontaire la plus importante a été la duplication des documents sur les frais facturés pour les comptes de paiement dans les États membres où il existait déjà des documents comportant les mêmes informations. Les mesures prévues par la directive (en particulier, les sites internet comparateurs) peuvent améliorer la transparence et la capacité des consommateurs de comparer les frais. Toutefois, certains aspects doivent encore être améliorés, et la transparence et la comparaison au niveau transfrontière ne sont pas encore possibles en raison des différences dans les terminologies utilisées et des barrières linguistiques.
La directive a également permis de garantir que les consommateurs aient accès à des CPPB proposés par l’ensemble ou un grand nombre des établissements de crédit de chaque État membre. Le pourcentage de consommateurs de l’UE possédant un compte de paiement est généralement (très) élevé et a encore augmenté depuis l’entrée en vigueur de la directive. Les CPPB ont été largement adoptés dans certains États membres. On a observé, par exemple, une importante adoption de ces comptes dans certains des États membres qui affichaient auparavant un taux plus élevé de population ne disposant pas d’un compte de paiement. Dans d’autres, toutefois, l’adoption de ces comptes était relativement faible, ce qui peut s’expliquer par différentes raisons (par exemple, la grande accessibilité des comptes standard, les comptes en ligne gratuits, le manque d’information des consommateurs et, dans certains cas, le coût lié à la détention d’un CPPB). Toutefois, l’objectif de la directive n’était pas nécessairement de parvenir à un taux élevé d’adoption des CPPB, mais plutôt d’accroître l’inclusion financière et de veiller à ce que tous les consommateurs aient accès à un compte de ce type. Compte tenu de la disponibilité générale de ces comptes, cet objectif semble avoir été globalement atteint. Des difficultés peuvent néanmoins exister dans des cas spécifiques. L’ABE a fourni des orientations supplémentaires sur l’interaction entre la directive et les règles en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux. D’autres mesures peuvent également être utiles, notamment pour mieux informer les consommateurs de leur droit à un CPPB.
La directive a également permis à l’ensemble des consommateurs de l’UE de changer aisément de compte au sein d’un État membre, souvent gratuitement. Comme le montre le rapport au titre de l’article 27, le nombre de changements de compte par an varie considérablement d’un État membre à l’autre. Si certains États membres ont enregistré un certain nombre de changements de compte (avec, dans plusieurs cas, une tendance à la hausse), le taux de changement de compte a été très faible dans d’autres. Cette situation peut s’expliquer par plusieurs facteurs différents, dont le fait que le service de changement ne s’applique qu’aux comptes de paiement (et pas aux autres produits financiers, tels que les prêts hypothécaires et les investissements) et la faible connaissance qu’ont les consommateurs de ce service, mais aussi par le fait qu’ils sont satisfaits de leur fournisseur actuel et qu’ils n’ont, pour certains d’entre eux, jamais envisagé d’en changer. Toutefois, le but des dispositions de la directive relatives au changement n’était pas nécessairement d’augmenter le nombre de changements, mais plutôt d’accroître la concurrence en faisant en sorte que les consommateurs puissent plus facilement changer de compte de paiement. Compte tenu de la disponibilité globale d’un service de changement de compte (efficace), l’objectif de faciliter le changement paraît avoir été atteint. D’autres mesures peuvent être utiles, notamment pour mieux informer les consommateurs de leur droit de changer de compte.
Des mesures supplémentaires pourraient être prises afin de faciliter davantage les changements de compte au sein de l’UE à l’avenir (en étendant le service de changement de compte aux situations transfrontières, en assurant le réacheminement automatique des paiements au sein d’un même État membre ou de et vers un autre État membre ou en garantissant une portabilité complète des numéros de compte de paiement dans toute l’UE). Toutefois, étant donné que le coût de ces mesures serait, à l’heure actuelle, largement supérieur à leurs bénéfices attendus, elles ne semblent pas forcément justifiables à ce stade.
Eu égard à ce qui précède, la Commission n’accompagne le présent rapport d’aucune proposition législative. La nécessité de modifier la directive devra être examinée plus en détail et conformément aux principes relatifs à l’amélioration de la réglementation à un stade ultérieur et en tenant compte, en particulier, des orientations de l’ABE sur l’interaction entre la directive sur les comptes de paiement et les règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. La Commission continuera de suivre la mise en œuvre et l’application de la directive dans les États membres.