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Document 52022IP0238

    Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur l’instrumentalisation de la justice en tant qu’outil répressif au Nicaragua (2022/2701(RSP))

    JO C 493 du 27.12.2022, p. 100–103 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)
    JO C 493 du 27.12.2022, p. 97–97 (GA)

    27.12.2022   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    C 493/100


    P9_TA(2022)0238

    L'instrumentalisation de la justice en tant qu'outil répressif au Nicaragua

    Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur l’instrumentalisation de la justice en tant qu’outil répressif au Nicaragua (2022/2701(RSP))

    (2022/C 493/08)

    Le Parlement européen,

    vu ses résolutions antérieures sur le Nicaragua, en particulier celles du 16 décembre 2021 (1), du 8 juillet 2021 (2), du 8 octobre 2020, du 19 décembre 2019 (3), du 14 mars 2019 (4) et du 31 mai 2018 (5),

    vu les déclarations du 15 août 2021, du 8 novembre 2021 et du 14 mars 2022 du vice-président de la Commission / haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité au nom de l’Union européenne,

    vu les déclarations de la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme lors des 48e et 49esessions du Conseil des droits de l’homme et son rapport sur la situation des droits de l’homme au Nicaragua du 7 mars 2022,

    vu les déclarations du 23 juin 2021, du 20 novembre 2021 et du 11 février 2022 de la Commission interaméricaine des droits de l’homme,

    vu la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,

    vu les orientations de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme, adoptées en juin 2004 et actualisées en 2008,

    vu l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part (ci-après, l’«accord d’association UE-Amérique centrale»),

    vu les règlements et les décisions du Conseil concernant des mesures restrictives en réaction aux graves violations des droits de l’homme et aux graves atteintes à ces droits au Nicaragua,

    vu la convention américaine relative aux droits de l’homme de 1969 (pacte de San José),

    vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques, les règles minimales des Nations unies pour le traitement des détenus (règles Nelson Mandela), les règles des Nations unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (règles de Bangkok) et la convention de Vienne,

    vu la résolution A/HRC/49/L.20 sur la promotion et la protection des droits de l’homme au Nicaragua, adoptée le 31 mars 2022 par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies,

    vu la Constitution de la République du Nicaragua,

    vu l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

    A.

    considérant que, depuis avril 2018, le régime Ortega-Murillo a mis en place un cadre de répression d’État au Nicaragua, marqué par l’impunité systémique pour les violations des droits de l’homme, la détérioration des institutions et de l’état de droit et la mise en œuvre d’une stratégie orchestrée, avec la connivence manifeste du pouvoir judiciaire, qui vise à réduire au silence toute voix dissidente;

    B.

    considérant que, depuis 2018, les autorités nicaraguayennes ont procédé de manière systématique et ciblée à l’incarcération, au harcèlement et à l’intimidation des opposants politiques, de l’opposition, des dirigeants des mouvements étudiants et des dirigeants ruraux, des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des représentants des entreprises et des artistes, qui ont été la cible, à plusieurs reprises, de menaces de mort, d’intimidations, de campagnes de diffamation en ligne, de harcèlement, de surveillance, d’agressions, de persécutions judiciaires et de privations arbitraires de liberté; que, malgré ces nombreux risques, les journalistes et les autres défenseurs des droits de l’homme continuent de jouer un rôle essentiel dans le suivi de la situation des droits de l’homme et des libertés au Nicaragua;

    C.

    considérant que, ces dernières années, le régime Ortega-Murillo a adopté et appliqué un cadre réglementaire de plus en plus répressif;

    D.

    considérant qu’à ce jour, au moins 182 opposants politiques sont emprisonnés dans des conditions inhumaines qui ne respectent pas les obligations internationales en matière de droits de l’homme, telles que les règles Nelson Mandela, selon le mécanisme spécial de suivi pour le Nicaragua (MESENI); que sept de ces prisonniers politiques étaient des précandidats à la présidence pour les élections de 2021; que les détracteurs du régime nicaraguayen ont fait l’objet d’abus systématiques pendant leur détention, y compris de traitements inhumains, humiliants et dégradants assimilables à des actes de torture, qui ont entraîné la mort du prisonnier politique et ancien chef rebelle Hugo Torres, entre autres; que les autorités nicaraguayennes ont également harcelé les familles et les proches des prisonniers politiques, qui ont subi des persécutions et des menaces;

    E.

    considérant que l’absence de séparation des pouvoirs et le contrôle total des institutions par le régime nicaraguayen ont entraîné la soumission du pouvoir judiciaire et du ministère public à la volonté du régime, mettant à bas l’état de droit, l’indépendance de la justice et les organisations de la société civile, et donc la démocratie, afin d’instaurer une dictature au Nicaragua;

    F.

    considérant que les tribunaux nicaraguayens ont prononcé des condamnations et des peines sévères à l’encontre de toute voix dissidente à l’issue de procès à huis clos qui n’ont pas respecté les garanties fondamentales propres à un procès équitable;

    G.

    considérant que dans le cadre de ces procès, les juges et les procureurs ont systématiquement violé le droit à un procès équitable; que la présomption d’innocence a été bafouée par le ministère public dans une note publique;

    H.

    considérant que la poursuite de la répression a contraint des milliers de Nicaraguayens à fuir le pays; que l’on observe des formes de répression similaires accompagnant une intensification des atteintes à la liberté d’expression; que les menaces du ministère public à l’encontre de plusieurs journalistes et professionnels des médias ont incité nombre d’entre eux à quitter le Nicaragua en quête de protection;

    I.

    considérant qu’en 2022, le régime Ortega-Murillo a interdit près de 400 organisations à but non lucratif, les privant de leur statut juridique; que l’Église catholique a également été victime du régime Ortega-Murillo, tout comme l’Académie des langues nicaraguayenne, des membres de communautés autochtones et d’autres groupes minoritaires, entre autres;

    J.

    considérant que le régime Ortega-Murillo a violé le droit international, en particulier la convention de Vienne, en attaquant le quartier général et en occupant les locaux de l’Organisation des États américains, qui a été expulsée du Nicaragua le 25 avril 2022;

    K.

    considérant qu’à la suite d’une initiative fortement soutenue par la société civile, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a créé un groupe d’experts des droits de l’homme chargé de mener des enquêtes approfondies et indépendantes sur toutes les allégations de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits commises depuis avril 2018, y compris leur dimension de genre; que tant l’Union européenne que les États-Unis ont imposé des sanctions au Nicaragua;

    1.

    condamne avec la plus grande fermeté la répression systématique à l’encontre des partis politiques d’opposition, la répression des acteurs de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et des médias, des autres professionnels des médias, des journalistes, ainsi que des membres de leur famille, des étudiants et des membres de l’Église catholique, entre autres, et la corruption persistante de fonctionnaires du régime nicaraguayen;

    2.

    condamne fermement la mort en détention de M. Hugo Torres;

    3.

    condamne l’arrestation du père Manuel Salvador García le 1er juin 2022 et son maintien en détention provisoire, et demande sa libération immédiate;

    4.

    renouvelle son appel à procéder sans délai à l’extradition d’Alessio Casimirri vers l’Italie;

    5.

    condamne les détentions abusives, l’absence de garanties procédurales et les condamnations illégales de prisonniers politiques qui ont eu lieu au Nicaragua; demande instamment aux autorités nicaraguayennes de rétablir les garanties nécessaires au plein exercice des droits civils et politiques de tous les Nicaraguayens, de mettre fin à la persécution de l’opposition démocratique, de la presse et de la société civile, de libérer immédiatement et sans condition les personnes détenues depuis avril 2018, d’annuler les procédures judiciaires à leur encontre et de permettre le retour en toute sécurité de tous les réfugiés et exilés dans leur foyer;

    6.

    demande le rétablissement de l’état de droit, de la séparation des pouvoirs ainsi que de l’indépendance et impartialité du pouvoir judiciaire, et demande aux autorités publiques de respecter le code pénal et la présomption d’innocence et de cesser de criminaliser l’opposition;

    7.

    condamne les décisions judiciaires illégitimes qui ne font que confirmer la dérive répressive du régime nicaraguayen, ainsi que le fait que les juges sont devenus un instrument répressif responsable de violations des droits de l’homme;

    8.

    prie instamment l’Union européenne de demander des comptes au régime nicaraguayen, en particulier à ses juges, pour la répression dans le pays et les procédures judiciaires engagées contre des personnalités de l’opposition et d’autres voix critiques; invite le Conseil à entamer immédiatement les procédures visant à inscrire les juges suivants sur la liste des personnes sanctionnées par l’Union européenne: Nadia Camila Tardencilla, Angel Jeancarlos Fernández González, Ulisa Yaoska Tapia Silva, Rosa Velia Baca Cardoza, Veronica Fiallos Moncada, Luden Martin Quiroz García, Karen Vanesa Chavarría, Felix Ernesto Salmerón Moreno, Nancy Aguirre Gudiel, William Irving Howard López, Erick Ramón Laguna Averruz, Melvin Leopoldo Vargas García, Irma Oralia Laguna Cruz et Rolando Sanarrusia, entre autres, ainsi que les juges de la cour d’appel de Managua qui ont également été impliqués dans la privation des droits procéduraux et substantiels des personnes illégalement condamnées: Octavio Rothschuh Andino, Ángela Dávila et Argentina Solís;

    9.

    demande aux États membres et au Conseil de sécurité des Nations unies, conformément aux articles 13 et 14 du statut de Rome, d’ouvrir, par l’intermédiaire de la Cour pénale internationale, une enquête formelle sur le Nicaragua et Daniel Ortega pour crimes contre l’humanité au titre de l’article 7 du statut de Rome;

    10.

    exprime son soutien aux citoyens nicaraguayens qui protestent pacifiquement contre le régime Ortega-Murillo; regrette profondément qu’aucune mesure judiciaire n’ait été prise pour faire en sorte que justice et réparation soient rendues aux victimes de graves violations des droits de l’homme depuis la répression de 2018;

    11.

    demande instamment au Nicaragua d’abroger la législation adoptée depuis 2018 qui restreint indûment l’espace civique et démocratique, en particulier la loi spéciale sur la cybercriminalité (loi no 1042), la loi no 1040 sur l’encadrement des agents étrangers et la loi no 1055 sur la défense des droits du peuple à l’indépendance, à la souveraineté et à l’autodétermination pour la paix, ainsi que la réforme du code de procédure pénale; rappelle que, à la lumière de l’accord d’association UE-Amérique centrale, le Nicaragua doit respecter et consolider les principes de l’état de droit, de la démocratie et des droits de l’homme; demande une nouvelle fois que la clause démocratique de l’accord d’association soit déclenchée compte tenu des circonstances;

    12.

    souligne que les organismes internationaux de défense des droits de l’homme doivent être autorisés à revenir au Nicaragua, y compris le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et la Commission interaméricaine des droits de l’homme; déplore le manque de coopération des autorités nicaraguayennes avec les mécanismes régionaux et internationaux en matière de droits de l’homme; demande à l’Union de soutenir le mandat des trois membres indépendants du groupe d’experts des droits de l’homme sur le Nicaragua récemment créé par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies et de collaborer étroitement avec eux afin de faire progresser l’obligation de rendre des comptes en cas de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits au Nicaragua;

    13.

    condamne le fait que près de 400 ONG ont été contraintes de cesser leurs activités au Nicaragua, y compris l’Académie des langues nicaraguayenne; invite les autorités nicaraguayennes à cesser de dissoudre indûment les ONG et à rétablir la personnalité juridique de l’ensemble des organisations, partis politiques, universités et médias qui ont été arbitrairement contraints de fermer, ainsi qu’à restituer tous les biens, documents et équipements saisis illégalement;

    14.

    exprime sa profonde préoccupation face à la répression des médias libres et indépendants dans le pays, qui a contraint plus de 100 journalistes à l’exil;

    15.

    demande à l’Union et à ses États membres de suivre de près la situation sur le terrain par l’intermédiaire de leurs représentants locaux et de leurs ambassades au Nicaragua; invite la délégation de l’Union et les États membres qui disposent de missions diplomatiques dans le pays à mettre pleinement en œuvre les orientations de l’Union sur les défenseurs des droits de l’homme, à apporter tout le soutien nécessaire à ceux d’entre eux qui ont été placés en détention, notamment en leur rendant visite en prison et en assurant un suivi de leurs procès, à dénoncer publiquement les violations commises contre les défenseurs des droits de l’homme et les médias indépendants et à soutenir leur travail; invite la délégation de l’Union et les États membres à utiliser tous les instruments disponibles pour accroître leur soutien au travail des défenseurs des droits de l’homme et à faciliter la délivrance de visas d’urgence, si nécessaire, ainsi qu’à fournir un refuge temporaire dans les États membres de l’Union pour des motifs humanitaires;

    16.

    regrette profondément que les représentants nicaraguayens aient voté contre l’expulsion de la Russie du Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour les atrocités commises par ses forces au cours de la guerre en Ukraine et que le Nicaragua se soit abstenu au sujet de la résolution ES-11/1 de l’Assemblée générale des Nations unies du 2 mars 2022, qui déplorait l’invasion de l’Ukraine par la Russie et exigeait un retrait total des forces russes;

    17.

    charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres ainsi qu’au secrétaire général de l’Organisation des États américains, à l’Assemblée parlementaire euro-latino-américaine, au Parlement d’Amérique centrale, au groupe de Lima et au gouvernement et au Parlement de la République du Nicaragua.

    (1)  Textes adoptés de cette date, P9_TA(2021)0513.

    (2)  JO C 99 du 1.3.2022, p. 204.

    (3)  JO C 255 du 29.6.2021, p. 65.

    (4)  JO C 23 du 21.1.2021, p. 126.

    (5)  JO C 76 du 9.3.2020, p. 164.


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