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Document 52022AE6310

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes [COM(2022) 732 final — 2022/0426(COD)] et sur le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Rapport sur les progrès réalisés dans la lutte contre la traite des êtres humains (quatrième rapport)» [COM(2022) 736 final]

EESC 2022/06310

JO C 228 du 29.6.2023, p. 108–113 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, GA, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

29.6.2023   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 228/108


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes

[COM(2022) 732 final — 2022/0426(COD)]

et sur le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — «Rapport sur les progrès réalisés dans la lutte contre la traite des êtres humains (quatrième rapport)»

[COM(2022) 736 final]

(2023/C 228/15)

Rapporteur:

José Antonio MORENO DÍAZ

Corapporteur:

Pietro Vittorio BARBIERI

Consultation

Commission européenne, 8.2.2023

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

3.4.2023

Adoption en session plénière

27.4.2023

Session plénière no

578

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

125/1/1

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La traite des êtres humains constitue un crime abominable et une violation grave des droits fondamentaux des personnes. La stratégie de l’UE pour l’union de la sécurité, adoptée en 2020, met en avant le rôle que joue la criminalité organisée dans la traite des êtres humains et le coût humain qu’elle implique.

1.2.

En 2011 a eu lieu l’adoption de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil (1) concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes. En 2021, la Commission européenne a approuvé la stratégie de l’UE visant à lutter contre la traite des êtres humains 2021-2025, dans laquelle elle faisait déjà valoir la nécessité d’évaluer, aux fins de l’améliorer, la mise en œuvre de la directive précitée.

1.3.

Le Comité économique et sociale européen (CESE) salue le quatrième rapport sur les progrès réalisés dans la lutte contre la traite des êtres humains, qui met en relief l’évolution de ce phénomène, et se félicite de la proposition de modification de la directive y afférente. Cette directive vise à prévenir et combattre la traite des êtres humains ainsi qu’à protéger les personnes qui en sont victimes. À cette fin, elle s’articule autour de trois cadres d’action: i) l’érection en infraction pénale de la traite des êtres humains ainsi que les enquêtes et les poursuites relatives à ce phénomène, y compris la définition des infractions, des peines et des sanctions; ii) l’assistance et l’aide aux victimes de la traite des êtres humains, et la protection de celles-ci; et iii) la prévention de la traite des êtres humains.

1.4.

Le CESE accueille de manière positive l’élargissement de la définition des différentes formes d’exploitation. Le CESE reconnaît qu’il ne faut pas considérer la liste de ces infractions comme exhaustive, car malheureusement, les formes d’exploitation revêtent chaque jour de nouvelles facettes. Il estime que c’est ainsi que les États membres doivent appréhender la question de la traite des êtres humains, en examinant sous un angle global les enjeux liés à l’exploitation.

1.5.

Le CESE est d’avis qu’il faudrait renforcer la perspective de genre dans le contenu et la mise en œuvre de la directive, étant donné que l’immense majorité des victimes sont des femmes et des jeunes filles. De même, il y a lieu de prêter attention aux situations de vulnérabilité susceptibles de favoriser le recrutement et l’exploitation, entre autres, par les réseaux criminels, et d’accorder en outre davantage de considération à d’autres groupes vulnérables, dont les réfugiés, les demandeurs d’asile et les personnes sans papiers ou possédant un statut de résident précaire.

1.6.

Le CESE voit d’un œil positif la référence explicite à la dimension en ligne de cette forme de criminalité qu’est la traite des êtres humains. Le recours aux nouvelles technologies a favorisé les infractions de traite des êtres humains, en ce qu’elles offrent un accès plus étendu aux victimes, facilitent leur exploitation et entravent le suivi des profits tirés de ces infractions.

1.7.

Le CESE approuve le fait que la Commission ait développé un meilleur système de sanctions. L’évaluation ayant montré que la plupart des États membres n’avaient pas mis pleinement en œuvre les mesures de sanction facultatives, le nouveau régime obligatoire, qui établit une distinction entre les infractions standard et les infractions aggravées, permet de renforcer la lutte contre les infractions de traite des êtres humains.

1.8.

Le CESE juge également positif que les personnes morales puissent être passibles de sanctions consistant notamment en l’exclusion du bénéfice d’aides ou de soutiens publics, la fermeture temporaire ou définitive d’établissements ou encore l’interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité commerciale. Il estime qu’un lien pourrait être établi entre l’utilisation, en connaissance de cause, de services résultant de l’exploitation et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, de sorte que les entreprises qui profitent des différentes formes d’exploitation puissent aussi être tenues pour responsables.

1.9.

Le CESE estime que la directive devrait porter une plus grande attention aux victimes de la traite des êtres humains, et il tient à rappeler que les États membres ont l’obligation de les prendre en charge, de les protéger et de garantir, dans la mesure du possible, leur inclusion sociale. En plus de réaffirmer la nécessité de ne pas sanctionner les victimes de la traite des êtres humains, la directive devrait viser le renforcement des mécanismes et instruments d’assistance et d’aide aux victimes, en particulier s’agissant de groupes vulnérables.

1.10.

Le CESE demande à la Commission d’inclure dans sa proposition de directive l’exigence de se conformer à la directive 2004/81/CE du Conseil (2) relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes.

1.11.

Le CESE rappelle l’importance d’œuvrer à la prévention de la traite des êtres humains, en mettant l’accent sur la nécessité de réduire la demande de toute forme d’exploitation. Comme l’indique le rapport, la demande de main-d’œuvre bon marché ou de prostitution, quoique souvent liée à l’existence d’infractions de traite des êtres humains, continue d’augmenter.

1.12.

Le CESE convient de la nécessité d’améliorer la collecte de données, mais aussi de perfectionner les outils disponibles afin de mieux détecter ces infractions. Comme le souligne le rapport, il ne fait aucun doute qu’un nombre élevé de cas ne sont pas signalés, situation qu’il importe également de corriger et de traiter dans le cadre d’une coordination et d’une collaboration entre les États membres, ainsi qu’avec les institutions européennes.

1.13.

Le CESE estime qu’il faudrait tirer parti de la présentation de la proposition de directive à l’examen pour mieux communiquer sur la nécessité d’intensifier la lutte contre la traite des êtres humains et renforcer la sensibilisation à ce sujet. La violation des droits engendrée par les différentes formes d’exploitation appelle une réponse globale et multidimensionnelle, dans laquelle le rôle des citoyens est capital pour lutter contre l’impunité et la normalisation de ces abus.

1.14.

Le CESE rappelle que les facteurs qui influent sur le phénomène de traite des êtres humains comprennent notamment: la «féminisation de la pauvreté», les différences d’accès aux études et aux ressources entre les hommes et les femmes, les inégalités en matière de soins médicaux et de santé, la propagation de la violence sexiste dans le monde et les disparités sociales qui existent de manière plus générale entre les femmes et les hommes.

1.15.

La création, par les États membres, d’autres mécanismes d’orientation nationaux associant les organisations de la société civile à l’identification des victimes et à la fourniture de services d’aide est une étape importante et nécessaire. Dans chacun des États membres, un nouvel outil pourrait être mis en place, à savoir un organe indépendant de suivi et d’assurance, comprenant un rapporteur national chargé de contrôler l’efficacité des mesures mises en œuvre par les États membres pour lutter contre la traite des êtres humains, d’effectuer des recherches et de collaborer avec les acteurs publics et privés qui s’occupent de ce phénomène à différents niveaux.

2.   Observations générales

2.1.

En 2000, l’Organisation des Nations unies a défini la traite des êtres humains au niveau international comme suit:

l’expression «traite des personnes» désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation» (article 3 du protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, 2000),

le terme «exploitation» désigne «l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes».

2.2.

La traite des êtres humains constitue un crime abominable et une violation grave des droits fondamentaux des personnes. La stratégie de l’UE pour l’union de la sécurité, adoptée en 2020, met en avant le rôle que joue la criminalité organisée dans la traite des êtres humains et le coût humain qu’elle implique.

2.3.

En 2011 a eu lieu l’adoption de la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes (directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains), étape importante dans l’harmonisation des règles entre les États membres. En 2021, la Commission a approuvé la stratégie de l’UE visant à lutter contre la traite des êtres humains 2021-2025, dans laquelle elle faisait déjà valoir la nécessité d’évaluer, aux fins de l’améliorer, la mise en œuvre de la directive précitée.

2.4.

L’évaluation réalisée par la Commission couvre la période courant de la date de transposition de la directive (avril 2013 jusqu’au mois de mars 2022) et repose sur des données recueillies au niveau européen ainsi que sur des informations qualitatives issues de discussions avec des experts et des entités spécialisées.

2.5.

L’évaluation interne de la Commission a fait ressortir les difficultés qu’il y a à déterminer correctement le nombre réel de victimes, sachant que celui de 55 314 victimes identifiées entre 2013 et 2022 est considéré comme une sous-estimation. La traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle reste la forme d’exploitation la plus répandue, représentant 55,7 % des cas signalés en 2021, alors que l’exploitation par le travail prend de plus en plus d’ampleur, en particulier dans des secteurs tels que l’agriculture, la construction ou les services de soins. Les enfants représentent 21 % du nombre total de victimes de la traite des êtres humains, lesquelles sont à 75 % des femmes et des jeunes filles.

2.6.

Il ressort de l’évaluation et du rapport que le nombre de poursuites et de condamnations est très faible, ce qui peut favoriser une culture de l’impunité chez les trafiquants. Les réseaux sociaux ont ouvert de nouvelles possibilités pour les réseaux criminels opérant dans l’Union européenne, dont la plupart sont impliqués dans la traite des êtres humains. La guerre en Ukraine est également susceptible d’entraîner une augmentation du trafic et de la traite des êtres humains, laquelle reste une infraction comportant des risques faibles pour des profits élevés.

2.7.

Si la directive a servi à mettre en place un cadre législatif commun pour combattre la traite des êtres humains, elle a aussi mis en évidence les difficultés à faire progresser la lutte contre certaines formes d’exploitation qui ne relèvent ni de la définition de la traite des êtres humains ni de la criminalité transfrontière. La directive recense également des marges d’amélioration pour ce qui est des procédures d’enquête et de poursuite des trafiquants, et elle relève la nécessité de renforcer les capacités des autorités répressives et judiciaires à conduire des enquêtes financières liées à la traite des êtres humains.

2.8.

Même si la directive est principalement axée sur la protection contre la traite des êtres humains, l’évaluation a montré que des améliorations sont possibles, notamment sur des questions telles que l’application des principes consistant à ne pas poursuivre ni sanctionner les victimes, la protection des victimes dans le cadre des procédures d’enquête ou judiciaires et la fourniture d’une assistance adaptée aux caractéristiques et aux besoins des victimes, en particulier lorsqu’il s’agit d’enfants et de groupes vulnérables. La faiblesse caractérisant la collecte et le traitement des données relatives à la traite des êtres humains est également considérée comme un problème.

2.9.

L’évaluation reconnaît que la directive a marqué un tournant important dans la lutte contre la traite des êtres humains au sein de l’Union européenne. Elle souligne par ailleurs la nécessité de progresser dans la mise en place d’instruments visant à accroître la surveillance, la prévention, la poursuite et le traitement judiciaire de la traite des êtres humains et des trafiquants, ainsi qu’à améliorer l’assistance apportée aux victimes.

2.10.

Dans ce contexte, la Commission présente une proposition de modification de la directive, dans l’objectif d’avancer une série de mesures destinées à renforcer la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène dans l’Union européenne, ainsi qu’à améliorer la protection des victimes.

3.   La directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains

3.1.

La directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains vise à prévenir et combattre ce phénomène ainsi qu’à protéger les personnes qui en sont victimes. À cette fin, elle s’articule autour de trois cadres d’action: i) l’érection en infraction pénale de la traite des êtres humains ainsi que les enquêtes et les poursuites relatives à ce phénomène, y compris la définition des infractions, des peines et des sanctions; ii) l’assistance et l’aide aux victimes de la traite des êtres humains, et la protection de celles-ci; et iii) la prévention de la traite des êtres humains.

3.2.

Le CESE salue la proposition de modification de cette directive, qui reconnaît la nécessité de continuer à progresser et à apporter des améliorations dans la lutte contre la traite des êtres humains et la protection des victimes. Il convient que l’infraction que constitue la traite des êtres humains est devenue une menace de plus en plus présente, qui intervient dans un contexte plus difficile qu’en 2011.

3.3.

Le CESE accueille de manière positive l’élargissement de la définition des différentes formes d’exploitation et se félicite que le rapport y fasse référence. S’il est vrai que l’exploitation sexuelle reste la forme la plus courante de traite des êtres humains, suivie de l’exploitation par le travail, la directive couvre encore d’autres formes, comme l’exploitation de la mendicité, l’exploitation à des fins d’activités criminelles ou le trafic d’organes, dont certaines ont également pris de l’ampleur ces dernières années. De même, d’autres méthodes sont apparues qui ne relevaient pas de la directive, mais que l’on pourrait aussi considérer comme des formes de traite des êtres humains, par exemple les mariages forcés, la gestation pour autrui illégale ou les adoptions illégales. Le CESE apprécierait qu’il soit fait référence aux «conditions de travail particulièrement abusives», telles que définies dans la directive européenne relative aux sanctions à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Le CESE juge nécessaire que la Commission fournisse des orientations supplémentaires sur les définitions de toutes ces différentes formes possibles afin de garantir une application plus uniforme par les États membres.

3.4.

Le CESE reconnaît qu’il ne faut pas considérer la liste de ces infractions comme exhaustive, car malheureusement, les formes d’exploitation revêtent chaque jour de nouvelles facettes. Il estime que c’est ainsi que les États membres doivent appréhender la question de la traite des êtres humains, en examinant sous un angle global les enjeux liés à l’exploitation.

3.5.

Le CESE est d’avis qu’il faudrait renforcer la perspective de genre dans le contenu et la mise en œuvre de la directive, étant donné que l’immense majorité des victimes sont des femmes et des jeunes filles. De même, il y a lieu de prêter attention à certains groupes vulnérables spécifiques, dont les réfugiés, les demandeurs d’asile et les personnes sans papiers ou possédant un statut de résident précaire, ainsi qu’aux situations de vulnérabilité susceptibles de favoriser le recrutement et l’exploitation par les réseaux criminels. Le CESE souligne que les facteurs qui influent sur le phénomène de traite des êtres humains comprennent notamment: la «féminisation de la pauvreté», les différences d’accès aux études et aux ressources entre les hommes et les femmes, les inégalités en matière de soins médicaux et de santé, la propagation de la violence sexiste dans le monde et les disparités sociales qui existent de manière plus générale entre les femmes et les hommes.

3.6.

Le CESE voit d’un œil positif la référence explicite à la dimension en ligne de cette forme de criminalité qu’est la traite des êtres humains. Le recours aux nouvelles technologies a favorisé les infractions de traite des êtres humains, en ce qu’elles offrent un accès plus étendu aux victimes, facilitent leur exploitation et entravent le suivi des profits tirés de ces infractions. Les réseaux sociaux ont simplifié le recrutement et l’exploitation des victimes, et ont créé de nouvelles formes d’abus associées aux situations d’exploitation, telles que la diffusion d’images, de vidéos, etc.

3.7.

Le CESE approuve le fait que la Commission ait développé un meilleur système de sanctions. L’évaluation ayant montré que la plupart des États membres n’ont pas mis pleinement en œuvre les mesures de sanction facultatives, le nouveau régime obligatoire, qui établit une distinction entre les infractions standard et les infractions aggravées, permet de renforcer la lutte contre les infractions de traite des êtres humains.

3.8.

Le CESE juge également positif que les personnes morales puissent être passibles de sanctions consistant notamment en l’exclusion du bénéfice d’aides ou de soutiens publics, la fermeture temporaire ou définitive d’établissements ou encore l’interdiction temporaire ou définitive d’exercer une activité commerciale. Il estime qu’un lien pourrait être établi entre l’utilisation, en connaissance de cause, de services résultant de l’exploitation et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, de sorte que les entreprises qui profitent des différentes formes d’exploitation puissent aussi être tenues pour responsables. Les expériences en matière d’exploitation par le travail peuvent ainsi servir de référence.

3.9.

Le CESE estime que la proposition de modification constitue une avancée en ce qu’elle érige en infraction pénale l’utilisation de services ou d’activités résultant de l’exploitation en ayant connaissance du fait que la personne qui fournit ce service ou exerce cette activité est victime d’une infraction de traite des êtres humains, c’est-à-dire l’utilisation en connaissance de cause des services résultant de l’exploitation. Les États membres peuvent par ailleurs adopter des mesures plus sévères à cet égard. Le CESE considère qu’il importe d’aider de manière plus soutenue les États membres à appliquer cette mesure et d’évaluer, dans le rapport de transposition que la Commission devra présenter au Parlement et au Conseil, son incidence sur le plan tant de la prévention que de la poursuite de la traite des êtres humains, afin de s’assurer qu’elle n’a pas eu d’effets néfastes sur les victimes ou les groupes vulnérables, et qu’elle a fait progresser la lutte contre la «culture de l’impunité» face à ces infractions.

3.10.

Le CESE juge opportun que la Commission adapte le cadre réglementaire et répressif à l’environnement en ligne. À cet égard, il est particulièrement bienvenu que la directive prévoie le gel et la confiscation d’avoirs, conformément aux cadres réglementaires établis par l’Union européenne en la matière. Les avoirs saisis auprès des auteurs de telles infractions devraient être mis à disposition pour indemniser les victimes, lesquelles devraient se voir accorder la priorité dans le classement des créanciers.

3.11.

Le CESE voit d’un œil positif que la Commission insiste sur la nécessité d’améliorer la coopération pour ce qui est des infractions de traite des êtres humains commises dans différents États membres. La coopération transfrontière est essentielle et peut être améliorée grâce à l’échange d’informations ou à des actions conjointes, ainsi qu’à la formation des professionnels chargés de s’occuper des victimes dans les affaires transfrontières, en particulier les services répressifs.

3.12.

La création, par les États membres, d’autres mécanismes d’orientation nationaux associant les organisations de la société civile à l’identification des victimes et à la fourniture de services d’aide est une étape importante et nécessaire. Le CESE est d’avis que la Commission doit aider les États membres à mettre sur pied ou à renforcer de tels instruments, lesquels peuvent être coordonnés au niveau européen dans l’optique d’améliorer la prise en charge et la protection des victimes de la traite des êtres humains. Il serait nécessaire de progresser dans la mise en place d’un instrument d’orientation européen afin d’harmoniser davantage la prise en charge des victimes et l’assistance qui leur est fournie, tout comme dans le développement de systèmes d’aide à leur intention. Dans chacun des États membres, un nouvel outil pourrait être mis en place, à savoir un organe indépendant de suivi et d’assurance, comprenant un rapporteur national chargé de contrôler l’efficacité des interventions mises en œuvre par les États membres pour lutter contre la traite des êtres humains, d’effectuer des recherches et de collaborer avec les acteurs publics et privés qui s’occupent de ce phénomène à différents niveaux.

3.13.

Le CESE estime que la directive devrait porter une plus grande attention aux victimes de la traite des êtres humains, et il tient à rappeler que les États membres ont l’obligation de les prendre en charge, de les protéger et de garantir, dans la mesure du possible, leur inclusion sociale. En plus de réaffirmer la nécessité de ne pas sanctionner les victimes de la traite des êtres humains, la directive devrait viser le renforcement des mécanismes et instruments d’assistance et d’aide aux victimes, en particulier s’agissant de groupes vulnérables comme les mineurs, les minorités, les réfugiés ou encore les migrants sans papiers. Elle devrait en outre explorer plus avant et renforcer les instruments de réparation en faveur des victimes et les mesures de prévention, tout en prévoyant des mécanismes sûrs de signalement et de plainte, ainsi que des fonds d’indemnisation.

3.14.

Pour réussir à s’intégrer dans leur pays de destination, les victimes de la traite des êtres humains doivent avoir accès à des projets personnalisés d’assistance, d’information, d’autonomisation et d’émancipation, ce qui passe par un accueil dans des structures spécifiques protégées; la délivrance obligatoire d’un titre de séjour, condition sine qua non pour s’affranchir de la traite; l’assistance, l’information et la prévention en matière de santé; un soutien psychologique et une médiation culturelle; des informations et des conseils en matière sociale et juridique; des cours de langue et d’alphabétisation; l’évaluation des aptitudes et des compétences; l’orientation et la formation professionnelles; et enfin l’insertion sur le marché du travail.

3.15.

La directive fait l’impasse sur des modifications législatives concernant la protection des droits des victimes de la traite des êtres humains, ainsi que l’assistance et le soutien qui leur sont apportés, domaines dans lesquels la marge d’amélioration est encore grande. Le CESE rappelle que la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil (3) établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité répond, entre autres, aux besoins spécifiques de catégories particulières de victimes que sont les victimes de la traite des êtres humains, d’abus sexuels, d’exploitation sexuelle et de pédopornographie.

3.16.

Le CESE demande à la Commission d’inclure dans sa proposition de modification de la directive l’exigence de se conformer à la directive 2004/81/CE.

3.17.

La coopération de la victime doit s’entendre comme la volonté dont elle fait preuve d’adhérer à un projet individualisé d’intégration sociale et d’affranchissement de sa condition de personne exploitée. Le titre de séjour ne saurait être octroyé uniquement aux personnes qui décident de collaborer avec la justice, car les solutions pour s’affranchir de la traite des êtres humains, notamment l’accès à des services territoriaux favorisant l’autonomisation et l’émancipation, passent inévitablement par la délivrance d’un titre de séjour.

3.18.

Les victimes sont réticentes à témoigner contre leurs trafiquants. Elles subissent souvent une situation de chantage permanent et sont obligées de risquer leur vie et celle de leur famille pour apporter leur témoignage. À cet égard, il convient de rappeler que le consentement d’une victime de la traite des êtres humains à l’exploitation est indifférent [article 3, alinéa b), du protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, 2000].

3.19.

Par ailleurs, le CESE invite la Commission à faire progresser la mise en œuvre des recommandations qu’elle a formulées dans sa publication intitulée Les droits des victimes de la traite des êtres humains dans l’Union européenne (4), afin que les États membres accordent toujours un titre de séjour aux victimes de ce phénomène dans les cas suivants:

la présence de la victime est indispensable à l’enquête ou à la procédure judiciaire,

la victime fait preuve d’une volonté manifeste de coopérer,

la victime a rompu toute relation avec l’auteur ou les auteurs de l’infraction de traite des êtres humains,

la victime ne représente aucun danger pour l’ordre public ni pour la sécurité.

Le CESE invite en outre les États membres à recourir davantage à la possibilité d’octroyer, pour des raisons humanitaires ou personnelles, un titre de séjour aux victimes, même lorsque les conditions ci-dessus ne sont pas remplies.

3.20.

Le CESE rappelle l’importance d’œuvrer à la prévention de la traite des êtres humains, en mettant l’accent sur la nécessité de réduire la demande de toute forme d’exploitation. La demande de main-d’œuvre bon marché ou de prostitution, quoique souvent liée à l’existence d’infractions de traite des êtres humains, continue d’augmenter.

3.21.

Le CESE estime qu’il convient de renforcer les nombreuses activités visant à améliorer l’information sur ces questions et la sensibilisation à celles-ci, y compris en envisageant de nouveaux outils de communication, des formations, des programmes éducatifs et des campagnes de sensibilisation qui permettront d’intensifier la lutte contre la traite des êtres humains dans tous les États membres.

3.22.

Le CESE convient de la nécessité d’améliorer la collecte de données, mais aussi de perfectionner les outils disponibles afin de mieux détecter ces infractions. Il ne fait aucun doute qu’un nombre élevé de cas ne sont pas signalés, situation qu’il importe également de corriger et de traiter dans le cadre d’une coordination et d’une collaboration entre les États membres, ainsi qu’avec les institutions européennes. La proposition relative à l’élaboration d’un rapport statistique annuel sur la traite des êtres humains peut aider à obtenir des données de meilleure qualité, à améliorer les mesures prises et à mieux faire connaître ces infractions auprès du grand public.

3.23.

De même, le CESE juge positif que la Commission établisse la nécessité de présenter au Parlement européen et au Conseil un rapport annuel sur les travaux menés par les États membres en matière de lutte contre la traite des êtres humains, qui mette en évidence la mise en œuvre des mesures prévues et leur incidence.

3.24.

Le CESE estime qu’il faudrait tirer parti de la présentation de cette proposition de modification de la directive pour mieux communiquer sur la nécessité d’intensifier la lutte contre la traite des êtres humains et renforcer la sensibilisation à ce sujet. La violation des droits engendrée par les différentes formes d’exploitation appelle une réponse globale et multidimensionnelle, dans laquelle le rôle des citoyens est capital pour lutter contre l’impunité et la normalisation de ces abus.

Bruxelles, le 27 avril 2023.

Le président du Comité économique et social européen

Oliver RÖPKE


(1)  Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil (JO L 101 du 15.4.2011, p. 1).

(2)  Directive 2004/81/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes (JO L 261 du 6.8.2004, p. 19).

(3)  Directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil (JO L 315 du 14.11.2012, p. 57).

(4)  Les droits des victimes de la traite des êtres humains dans l’Union européenne.


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