Contexte et objectifs
Les règles de l’UE en matière de pratiques anticoncurrentielles et de concentrations protègent et favorisent la concurrence dans le marché intérieur, dans l’intérêt des consommateurs, en interdisant les accords anticoncurrentiels et les abus de position dominante. Elles confèrent également à la Commission le pouvoir d’interdire les concentrations qui entraveraient de manière significative l’exercice d’une concurrence effective. La mise en œuvre des règles de concurrence de l’UE contribue à un marché intérieur intégré, à une croissance économique équilibrée et à une économie sociale de marché hautement compétitive pour le développement durable de l’Europe.
La définition du marché est un outil que la Commission utilise, lorsqu'elle fait appliquer ces règles, afin de délimiter le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre les entreprises. La Commission utilise la définition du marché en particulier dans les cas où l’évaluation du pouvoir de marché est pertinente aux fins de l’appréciation sous l’angle de la concurrence. La définition du marché permet à la Commission de repérer les pressions concurrentielles susceptibles d’influencer le comportement économique des entreprises et de calculer les parts de marché, ce qui donne une première indication du pouvoir de marché. Cependant, la définition du marché n’est qu’une première étape et la Commission ne décidera s’il y a lieu d'avoir des craintes en matière de concurrence qu’après avoir procédé à une appréciation complète sous l’angle de la concurrence.
La définition du marché se fonde sur des éléments de preuve et repose sur des principes économiques établis. La Commission est liée par les faits de l’affaire. Le contrôle juridictionnel exercé par les juridictions de l’UE permet de veiller à ce que la Commission respecte ces principes. En outre, la définition du marché est principalement axée sur le client, car elle sert de point de départ pour déterminer quels autres produits ou services sont disponibles pour satisfaire le même besoin. Par conséquent, la notion de marché en cause dans le cadre de l’application des règles en matière de pratiques anticoncurrentielles et de concentrations diffère des définitions de marché utilisées dans d’autres contextes.
La Commission a publié sa communication sur le marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (ci-après la «communication») en 1997. La communication est restée inchangée depuis lors. Elle a pour but d’accroître la transparence de la politique et du processus décisionnel de la Commission en matière de mise en œuvre des règles de l’UE relatives aux pratiques anticoncurrentielles et aux concentrations et d'aider les entreprises à mieux anticiper la possibilité que la Commission puisse conclure qu’une opération déterminée soulève des problèmes de concurrence. À cette fin, la communication vise à fournir des orientations correctes, complètes et claires sur l’approche adoptée par la Commission, dans le droit de la concurrence de l’UE, en ce qui concerne la définition du marché.
L’objectif de l’évaluation était d’analyser le fonctionnement de la communication et, en particulier, de déterminer si une mise à jour est nécessaire. Depuis la publication de la communication en 1997, il y a eu une évolution du marché et des meilleures pratiques en matière de définition du marché, laquelle résulte de la jurisprudence de l’UE, de la pratique décisionnelle de la Commission, de la pratique d’autres autorités de concurrence et de la recherche universitaire. L’évaluation s’inscrit dans le cadre d’un effort plus large de la Commission visant à faire en sorte que la politique et les règles de concurrence de l’UE soient adaptées à l’économie moderne.
Principales constatations
Dans l’ensemble, les éléments recueillis lors de l’évaluation indiquent que la communication est un instrument très utile et qui reste, de manière générale, pertinent. Elle facilite la mise en œuvre et le respect des règles de concurrence dans l’UE en assurant la transparence lors d’une première étape importante dans de nombreuses appréciations de la concurrence effectuées par la Commission et en permettant aux entreprises de mieux anticiper si celle-ci risque de conclure qu’il existe des problèmes de concurrence. Toutefois, les résultats de l’évaluation donnent également à penser qu’il existe des domaines dans lesquels il se pourrait que la communication ne tienne pas pleinement compte de l’évolution de l’approche de la Commission et de l’évolution récente de la jurisprudence de l’UE.
Pertinence. La nécessité de faciliter la mise en œuvre et le respect des règles de concurrence dans le marché intérieur, dans l’intérêt des consommateurs, demeure pertinente aujourd’hui, en tant que l’un des objectifs de l’Union inscrit dans les traités de l’UE depuis la création de l’UE. Les résultats de l’évaluation indiquent que l’objectif consistant à assurer la transparence grâce à des orientations correctes, complètes et claires relatives à l’approche de la Commission en matière de définition du marché reste un élément très pertinent pour répondre à ce besoin. À certains égards, il est encore plus important aujourd’hui qu’en 1997.
Efficacité. Il ressort des résultats de l’évaluation que la communication est efficace pour fournir des orientations et une transparence à de nombreux égards, mais pas nécessairement tous, aux parties prenantes.
Premièrement, en ce qui concerne les questions essentielles, la communication continue de fournir des orientations correctes, complètes et claires sur la définition du marché. Elle y parvient notamment en résumant de manière adéquate les bonnes pratiques en matière de définition du marché, telles qu’elles résultent de la jurisprudence de l’UE, de la pratique décisionnelle de la Commission, de la pratique d’autres autorités de concurrence de premier plan et de la recherche universitaire. Le rôle de la définition du marché et les principes de base qui sous-tendent celle-ci sont restés largement inchangés depuis 1997 et ont été confirmés en grande partie par les arrêts des juridictions de l’UE. Les définitions du marché telles qu’utilisées par la Commission continuent de reposer sur la définition des marchés de produits et des marchés géographiques effectuée à l’aune du critère de la substituabilité du côté de l’offre ou de la demande, en se fondant, dans le cadre de l’appréciation, sur les pressions à court terme et sur les pressions effectives, en tenant compte des paramètres tarifaires et non tarifaires, et en procédant à l’analyse à l’aide d’un vaste ensemble d’éléments probants. Il est également tenu compte de considérations relatives à la pression concurrentielle exercée par les importations et à la concurrence potentielle, et notamment de la distinction entre la phase de définition du marché (lors de laquelle la concurrence potentielle n’est pas prise en considération) et la phase d’appréciation au regard de la concurrence (lors de laquelle il est tenu compte de la concurrence potentielle et de la concurrence des importations même si cette dernière n’a pas abouti à une définition plus large du marché).
Deuxièmement, les résultats de l’évaluation donnent à penser qu’il existe des domaines dans lesquels la communication pourrait ne pas être entièrement à jour, notamment au regard des évolutions exposées dans la jurisprudence de l’UE. La Commission a affiné son approche de la définition du marché sur la base des théories du préjudice examinées, des conditions prévalant sur le marché et de la sophistication des outils disponibles. Les domaines concernés sont notamment l’utilisation et la finalité du test SSNIP («small significant non‑transitory increase in price») dans différentes configurations de marché, l’appréciation des définitions du marché sur des marchés en évolution rapide, les contraintes asymétriques, l’appréciation des marchés géographiques dans le contexte de la mondialisation et de la concurrence des importations, les techniques quantitatives, le calcul des parts de marché et la concurrence non tarifaire, notamment sur le plan de l’innovation.
Troisièmement, les résultats de l’évaluation indiquent que, bien que les principes de la définition du marché restent inchangés, leur application dans des contextes numériques peut donner lieu à un niveau de complexité supplémentaire dont la communication ne tiendrait peut-être pas entièrement compte. Il s’agit notamment de définir les marchés des plateformes multifaces, en particulier lorsque les services sont fournis à un prix monétaire nul, de définir les marchés des «écosystèmes» ou des données, et d’évaluer la concurrence en ligne par opposition à la concurrence hors ligne. La numérisation peut également entraîner de nouveaux obstacles à l’entrée et des coûts de changement. Cela s’explique notamment par le rôle des données (portabilité), l’interopérabilité, les questions de respect de la vie privée, les effets de réseau et l’hébergement unique/multiple. En outre, la numérisation peut accroître la nécessité de tenir compte de considérations autres que les prix dans les appréciations de la substituabilité. Toutefois, les résultats de l’évaluation montrent également que toutes les questions liées à la définition du marché qui découlent de la numérisation n’ont pas été tranchées, qu’elles n’ont pas été transcrites en bonnes pratiques et que les pratiques sont susceptibles de continuer à évoluer à l’avenir.
Efficience. Les résultats de l’évaluation semblent indiquer qu’il n’y a pas de coûts associés à la communication, par rapport à un scénario dans lequel aucune orientation ne serait fournie. Au contraire, la communication présente des avantages non seulement pour le travail de la Commission, mais aussi pour les parties prenantes qui l’utilisent. Sans elle, les entreprises devraient consacrer des ressources supplémentaires à la réalisation de recherches dans un ensemble de décisions de la Commission, de décisions de justice et de publications sur la définition du marché afin de déterminer quelle définition du ou des marchés en cause la Commission serait susceptible de retenir et sur quels éléments elle se fonderait. Les résultats de l’évaluation indiquent néanmoins que les avantages tant pour les parties prenantes que pour la Commission pourraient être encore plus élevés si la communication était mise à jour sur certains points spécifiques.
Cohérence. Il ressort des résultats de l’évaluation que les différentes composantes de la communication fonctionnent bien ensemble et qu’elles sont, de manière générale, conformes aux autres orientations du droit de la concurrence, à la jurisprudence et aux autres politiques de l’UE. Cependant, ces résultats indiquent aussi que la communication ne tient pas compte de certaines clarifications découlant des arrêts des juridictions de l’UE et qu’elle n’a pas été mise à jour au regard du critère de contrôle des concentrations de l'«entrave significative à une concurrence effective» introduit par le règlement de l’UE sur les concentrations de 2004.
Valeur ajoutée de l’UE. L’évaluation montre que la communication apporte une valeur ajoutée en contribuant à garantir une approche identique des règles de concurrence de l’UE par les autorités nationales de concurrence et la Commission. Les résultats de l’évaluation indiquent également que la valeur ajoutée pourrait être plus élevée si la communication était plus facile à utiliser et qu’elle contenait, lorsque cela se justifie, des exemples ou des références à la jurisprudence qui sous-tendent ses déclarations ou qu’elle fournissait des orientations sur les questions de définition du marché sur les marchés nationaux et régionaux, qui sont souvent pertinentes pour les autorités nationales de la concurrence (ANC).
Suivi
Il résulte de ce qui précède qu’une communication reste nécessaire pour fournir des orientations sur l’approche de la Commission en matière de définition du marché. Toutefois, les résultats montrent également qu’il existe des domaines dans lesquels il est possible que la communication ne soit pas entièrement à jour au regard de l’évolution de la jurisprudence des juridictions de l’UE, de l’affinement de la pratique décisionnelle de la Commission et d’autres autorités de concurrence, ainsi que des dernières constatations issues de la recherche universitaire.