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Document 52021DC0092

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL sur l’utilisation de l’assurance maladie en voyage, prévue à l’article 15 du règlement (CE) nº 810/2009, par les titulaires de visa au cours de leur séjour dans les États membres

COM/2021/92 final

Bruxelles, le 2.3.2021

COM(2021) 92 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

sur l’utilisation de l’assurance maladie en voyage, prévue à l’article 15 du règlement (CE) nº 810/2009, par les titulaires de visa au cours de leur séjour dans les États membres


RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

sur l’utilisation de l’assurance maladie en voyage, prévue à l’article 15 du règlement (CE) nº 810/2009, par les titulaires de visa au cours de leur séjour dans les États membres

I.Introduction

Depuis 2004 1 , les demandeurs de visa de court séjour sont tenus de présenter la preuve «d’une assurance maladie en voyage adéquate et valide», couvrant les soins médicaux d’urgence ou le rapatriement en cas de problèmes de santé imprévus pendant leur séjour dans des États membres de l’Union. À l'époque de son adoption, la décision du Conseil qui a imposé ces règles ne nécessitait pas d’analyse d’impact et aucune autre forme d’analyse approfondie de l’effet de la mesure n’a été réalisée. Ces dispositions ont été intégrées, sans modification de leur contenu, à l’article 15 du code des visas [règlement (CE) nº 810/2009] 2 . 

Alors que la présentation de la preuve d’une assurance maladie en voyage adéquate et valide (ci‑après l’«assurance») est une condition préalable à la demande d’un visa de court séjour, être titulaire d'une telle assurance ne constitue pas une condition d’entrée 3 faisant l’objet d’un contrôle aux frontières extérieures de l’Union. Par conséquent, les ressortissants de pays tiers qui ne sont pas soumis à l’obligation de visa et les futurs demandeurs d'autorisation ETIAS 4 ne sont pas tenus de prouver qu’ils sont titulaires d’une assurance lorsqu’ils se rendent sur le territoire de l’Union. Il en résulte donc un traitement inégal des ressortissants de pays tiers exemptés de l’obligation de visa et de ceux soumis à cette obligation.

Dans sa proposition de refonte du code des visas présentée en 2014, la Commission prévoyait de supprimer l’obligation d’assurance. Cette proposition était motivée par les difficultés pratiques liées à l’obligation d’assurance (voir ci-après), par le fait que l’obligation d’assurance ne fait l’objet d’aucun contrôle aux frontières extérieures et par le fait qu'il existe très peu d'éléments disponibles sur l’application effective des polices d’assurance 5 . Le Conseil a rejeté la proposition, qui était en revanche soutenue par le Parlement européen. En fin de compte, en 2018, la Commission a retiré sa proposition de refonte.

Dans sa proposition de révision ciblée du code des visas présentée en 2018, la Commission ne prévoyait aucune modification des dispositions en matière d’assurance. Le Parlement européen et le Conseil ont convenu de charger la Commission d’établir un rapport en vue d'évaluer l’efficacité de cette mesure. Conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement (UE) 2019/1155 portant modification du règlement (CE) nº 810/2009 6 , la Commission établit un rapport, qui doit être transmis au Parlement européen et au Conseil, sur la base de «données disponibles pertinentes sur l’utilisation de l’assurance médicale de voyage [...] par les titulaires de visa au cours de leur séjour sur le territoire des États membres, ainsi que sur les frais engagés par les autorités nationales ou les prestataires de services médicaux pour des titulaires de visa», communiquées par les États membres.

Conformément à ladite disposition, le présent rapport fait état des difficultés (dont certaines ont déjà été documentées auparavant) liées à l’obligation d’assurance, il contient un résumé général des réponses fournies par les États membres de l’Union, notamment en ce qui concerne les répercussions possibles de la pandémie de COVID-19, et il suggère des mesures à prendre.

1.Problèmes posés par la procédure de visa et l'absence de contrôle aux frontières

Si les demandeurs ne semblent pas rencontrer de difficultés pour obtenir une assurance, des analyses antérieures ainsi que des discussions régulièrement menées au sein du comité des visas et dans le cadre de la coopération locale au titre de Schengen ont montré que l’obligation d’assurance est problématique à plusieurs autres égards.

-Base juridique

En vertu de l’article 15 du code des visas, les demandeurs sont tenus de présenter la preuve «d’une assurance maladie en voyage adéquate et valide» qui doit couvrir «les éventuels frais de rapatriement pour raison médicale, de soins médicaux d’urgence et/ou de soins hospitaliers d’urgence ou de décès pendant leur(s) séjour(s) sur le territoire des États membres». Les personnes qui demandent un visa à entrées multiples sont tenues de présenter cette preuve pour le premier séjour envisagé. Lorsqu’elle introduit sa demande, la personne concernée est informée, en signant le formulaire de demande, de la nécessité de souscrire une assurance pour les séjours ultérieurs.

L’assurance doit couvrir la période de séjour du titulaire du visa sur le territoire des États membres de l’Union. La couverture minimale s’élève à 30 000 EUR (montant fixé en 2004) et les indemnités doivent être recouvrables dans un État membre de l’Union.

- Moment auquel présenter l’assurance

Le demandeur est tenu de présenter son assurance lorsqu’il demande un visa. Les demandeurs doivent donc présenter une assurance couvrant la période de séjour prévue avant même de savoir si le visa sera délivré, et pour combien de temps. En outre, certains consulats insistent, à tort, sur le fait que l’assurance doit couvrir toute la période de validité 7 du visa. Certains consulats décident de la durée de validité du visa sur la base de celle de l’assurance présentée, ce qui n’était pas l’intention du législateur.

Certaines compagnies d’assurance autorisent l’annulation, par la suite, des polices d’assurance. Si cette mesure est bénéfique aux personnes dont la demande a été refusée et qui, autrement, auraient perdu l’argent dépensé pour souscrire l’assurance, elle permet également de contourner l’obligation, une fois le visa accordé.

Lorsqu’ils introduisent une demande de visa de longue durée à entrées multiples ou qu'ils sont éligibles à un tel visa, les demandeurs sont tenus de prouver qu’ils sont couverts par une assurance pour le premier séjour envisagé. En signant le formulaire de demande, ils sont informés qu’ils doivent être titulaires d’une assurance pour les voyages suivants. Or cette assurance ne fait l’objet d’aucun contrôle à leur entrée dans un État membre et il n’existe aucune preuve attestant que cette obligation est respectée.

-Contrôle des assurances maladie par les consulats

Du point de vue des consulats, il est difficile et laborieux de vérifier si les polices d’assurance détaillées et très techniques offrent effectivement les garanties de couverture nécessaires. La difficulté est d’autant plus grande que le libellé très large de l’article 15 du code des visas ne permet pas de contrôler rapidement le respect de cette obligation. Les problèmes signalés par le secteur de la santé (voir ci-après) témoignent également de la difficulté à réaliser des contrôles approfondis.

Dans certains cas, des États membres de l’Union ont, à la suite des échanges d’informations prévus par l’article 48, paragraphe 3, point d), du code des visas, établi conjointement une liste de «compagnies d’assurance recommandées» dont les produits ont été contrôlés pour vérifier qu’ils respectent les obligations prévues. En plus de faciliter la tâche d’évaluation pour tous les acteurs concernés, il s’agit également d’inciter les demandeurs à choisir l’une des assurances figurant sur la liste et de limiter ainsi le nombre de polices différentes présentées. Dans certains États membres, ces listes se sont avérées être un outil efficace, car les compagnies d’assurance demandent à y être incluses (même si aucune demande officielle de ce type n’est envisagée) et tiennent à y rester. Une liste d’assurances «recommandées» permet également de rassurer les demandeurs quant au caractère approprié de leur couverture. Dans la plupart des États membres, une telle évaluation conjointe a été jugée impossible en raison du nombre de polices d’assurance qui existent, notamment sur l’internet. Cela dit, si les polices d’assurance remplissent les critères énoncés dans le code des visas, les règles de concurrence interdisent de les rejeter au motif qu’elles ne figurent pas sur ces listes d’assurances «recommandées».

-Absence de vérifications aux frontières extérieures

Ainsi qu'il a été indiqué précédemment, aucun contrôle visant à vérifier si la personne est titulaire d’une assurance n’est effectué aux frontières extérieures. Il dépend donc de la bonne foi des titulaires de visa d’avoir une assurance en cours de validité, couvrant leur période de séjour, lorsqu’ils franchissent la frontière extérieure et de respecter cette obligation chaque fois qu’ils voyagent avec un visa à entrées multiples (dont la période de validité peut aller jusqu’à cinq ans).

2.Difficultés signalées par le secteur de la santé

La Commission a effectué des recherches préliminaires (2019-2020) sur cette question en contactant les établissements et agences de santé publique des États membres de l’Union. La plupart ont déclaré ne pas être en mesure de communiquer des informations supplémentaires sur l’utilisation des assurances, car ces données ne sont pas collectées de manière centralisée. Les lacunes suivantes ont néanmoins été signalées:

-absence fréquente de couverture financière, soit parce qu’aucune assurance n’a été souscrite pour la durée du séjour, soit parce qu’elle a expiré avant la fin de la prestation des soins (en particulier si le séjour des personnes a dû être prolongé en raison de leur état de santé), soit parce qu’elle a été sciemment résiliée par l’assuré avant la fin de son séjour;

-insuffisance de la couverture d’assurance, en particulier lorsque le plafond de remboursement des soins est très bas. Un autre problème concerne également la couverture des soins qui peuvent être programmés (par exemple, les soins infirmiers en salle après une prise en charge aux urgences, ou si d’autres soins distincts sont nécessaires après la prise en charge aux urgences). Ces soins ne sont pas (totalement) couverts par les polices d’assurance;

-généralement, les compagnies d’assurance ne remboursent pas les frais engagés, en raison de clauses d’exclusion ou parce qu’un patient a un ou plusieurs problème(s) de santé préexistant(s), c’est-à-dire des antécédents médicaux qui augmentent considérablement la probabilité que le risque couvert puisse se réaliser;

-exigences disproportionnées pour le remboursement: certains remboursements sont subordonnés à des conditions qui ne sont pas compatibles avec le secret médical (par exemple, demande de rapports médicaux avant d’octroyer un remboursement);

-impossibilité de retrouver des patients après leur sortie de l’hôpital et difficultés à contacter la compagnie d’assurance à l’étranger. Par exemple, le patient communique ses coordonnées d’assurance à l’hôpital, mais les prestataires de soins ne reçoivent pas de réponse des compagnies d’assurance. En l’absence d’un assureur tiers couvrant les frais, les hôpitaux sont obligés de les facturer directement au patient, sans garantie de paiement;

-la plupart des hôpitaux ont pour politique d’indiquer les prix au préalable et de facturer ensuite directement au patient. Ce cas de figure ne peut évidemment être applicable en cas d’urgence;

-souvent, les patients doivent rester plus longtemps que la durée de validité de leur visa ou être transférés dans un autre hôpital. Dans ces cas, les compagnies d’assurance refusent de payer;

-il existe également des problèmes concernant le niveau de couverture, considéré comme insuffisant pour couvrir les traitements et les soins de suivi qui ne sont généralement jamais couverts. Malgré cela, ces soins sont souvent dispensés.

II.Résultats de l’enquête 2020 sur les assurances et les frais engagés

Les États membres de l’Union ont été invités à communiquer les «données pertinentes sur l’utilisation de l’assurance médicale de voyage par les titulaires de visa au cours de leur séjour sur le territoire des États membres, ainsi que sur les frais engagés par les autorités nationales ou les prestataires de services médicaux pour des titulaires de visa», sur la base des questions énoncées ci-après.

-Comment vérifie-t-on que les titulaires de visa qui nécessitent des soins médicaux d’urgence pendant leur séjour disposent d’une assurance maladie en voyage adéquate et valide? Que se passe-t-il dans le cas contraire?

-Quelles données sont recueillies concernant les soins de santé dispensés aux titulaires de visas de court séjour et l’assurance dont ils disposent?

-Quel est l’organisme chargé de recueillir ces données?

-Quelle est la politique en matière de factures de soins de santé impayées? Des tentatives sont-elles faites pour recouvrer ces montants impayés? Quel est le taux de recouvrement effectif des frais médicaux impayés auprès des patients ou des compagnies d’assurance?

-Quel est le montant total (estimé) des frais médicaux impayés par les titulaires de visas de court séjour (en 2019)? Comment ce montant se situe-t-il par rapport aux frais médicaux impayés par d’autres catégories de ressortissants de pays tiers (visiteurs exemptés de visa; personnes titulaires d’un permis de séjour ou d’un visa de long séjour)?

Les États membres de l’Union ont été invités à recueillir des informations auprès de l’ensemble des administrations publiques et des parties prenantes de leur pays, notamment les autorités sanitaires, les organismes d’assurance et les prestataires de soins de santé.

1.Réponses des États membres de l’Union

Tous les États membres de l’EU-28, sauf un, et les États associés à Schengen ont répondu à l’enquête, bien que les informations communiquées varient considérablement. Seize d’entre eux avaient mené des enquêtes par l’intermédiaire de divers organismes publics, mais le degré de précision des enquêtes varie. Les autres se sont contentés de déclarer qu’aucune donnée n’était disponible.

Quant au contenu des réponses, le point commun est le fait qu’il n’existe généralement pas de collecte de données centralisée et formalisée sur les soins de santé dispensés aux ressortissants de pays tiers, et qu’il n’est recueilli aucune donnée relative à la base juridique du séjour d’un patient ressortissant de pays tiers (par exemple, titulaire d’un visa de court séjour, voyageur «exempté de visa») lorsqu’il reçoit des soins médicaux. Certaines réponses contiennent une description détaillée de l’organisation nationale des soins de santé et du recouvrement des paiements, tandis que d’autres sont très générales. Quelques États membres de l’Union ont communiqué des chiffres précis sur les frais médicaux impayés par des ressortissants de pays tiers, mais les méthodes de calcul et les périodes couvertes ne permettent pas d’établir une comparaison valable.

-Garantie générale des soins médicaux d’urgence

En général, les soins médicaux d’urgence sont dispensés par les hôpitaux publics dans tous les États membres de l’Union, à toutes les personnes, qu'elles aient ou non le statut de résident, un visa ou une assurance maladie. En outre, plusieurs États membres de l’Union ont conclu avec certains pays tiers soumis à l’obligation de visa des accords bilatéraux concernant les soins médicaux, ce qui signifie que les frais liés à n’importe quels soins sont susceptibles d’être couverts pour les titulaires de visa ressortissants de ces pays, même s’ils ne sont pas titulaires d’une assurance.

-Contrôle de la souscription d’une assurance effectué par les établissements de santé

Être titulaire d’une assurance ne constitue pas une condition préalable pour recevoir des soins médicaux. Toutefois, la plupart des États membres de l’Union notent que, en fonction de l’état du patient au moment de son admission, les établissements de soins peuvent demander la preuve d’une assurance avant de dispenser des soins, mais il n’existe pas d’approche uniforme. Dans la plupart des cas, il est demandé au patient de présenter cette preuve après avoir reçu les soins ou de payer directement l’hôpital. Ce dernier peut également envoyer la facture à l’assureur.

Certains établissements de soins des États membres de l’Union demandent au patient de payer un acompte (par exemple, un montant de 300 EUR ou moins), auquel cas le recouvrement de l’assurance n’intervient pas. D’autres exigent que tous les ressortissants de pays tiers ou, le cas échéant, la personne qui invite ou prend en charge le patient, paient directement les soins dispensés.

-Données insuffisantes pour déterminer si les titulaires de visa utilisent leur assurance

Lors de la collecte des données à caractère personnel des patients, des informations sur leur nationalité peuvent également être recueillies. Les conditions de séjour (c’est-à-dire le fait que la personne soit titulaire d’un visa ou d’un permis de séjour) des personnes qui ont reçu des soins ne sont pas recueillies de manière centralisée, mais peuvent être conservées au sein de l’hôpital ou au niveau de la région. Certains États membres de l’Union ont réalisé des enquêtes ponctuelles sur les ressortissants de pays tiers ayant reçu des soins médicaux, mais sans établir de distinction entre les conditions de séjour ni préciser si des accords bilatéraux couvraient les soins médicaux.

Trois États membres de l’Union ont déclaré effectuer des contrôles aléatoires aux frontières extérieures pour vérifier si les titulaires de visa ont une assurance en cours de validité. L’un d’entre eux indique que la non-souscription d’une assurance peut entraîner l’abrogation du visa, au motif qu’une de ses conditions d’octroi n’est plus respectée.

-Recouvrement des frais médicaux impayés

Aucun État membre de l’Union ne semble appliquer de règles ou lignes directrices horizontales pour le recouvrement des frais d’hôpitaux impayés. Cette tendance s’explique également par la décentralisation des soins de santé dans la plupart des États membres de l’Union, qui permet à chaque établissement de définir ses propres pratiques.

Tous les États membres de l’Union confirment que le recouvrement auprès de particuliers ou de compagnies d’assurance à l’étranger est extrêmement difficile (laborieux et coûteux).

Dans certains États membres, il existe des «réassureurs» nationaux, sous la forme d’organismes publics relevant du ministère de la santé qui prennent en charge les frais des hôpitaux pour les factures impayées, mais qui n’ont aucun moyen de demander un remboursement au patient ou à l’assureur.

Plusieurs États membres de l’Union indiquent des estimations de frais médicaux impayés pour les soins dispensés à des ressortissants étrangers (sans distinction de nationalité) allant de 10 % à 60 %, mais un seul État a communiqué des données sur les frais médicaux impayés de titulaires de visas de court séjour, dans une région du pays (65 %). Cet État membre de l’Union indique également que le taux de frais médicaux impayés pour les ressortissants de pays tiers qui peuvent entrer dans l’Union européenne sans visa (et sans assurance) s’élève à 62 %. Dans ce contexte, on peut difficilement affirmer que l’obligation de visa fait réellement une différence.

2.Situation actuelle: aucune idée précise

La situation varie considérablement entre les États membres de l’Union, principalement en raison des différences constatées entre les systèmes de soins de santé. Les soins médicaux d’urgence sont offerts de manière générale, la prise en charge des frais étant une question secondaire. Dans certains États membres de l’Union, des accords bilatéraux en matière de soins de santé conclus avec des pays tiers couvrent les soins médicaux, que la personne concernée soit titulaire ou non d’une assurance. La situation varie également selon que les soins de santé sont dispensés dans le cadre d’un «contrat» commercial privé, directement par des établissements publics, ou les deux lorsque l’État est le «réassureur». Les estimations des États membres de l’Union concernant les montants que représentent les frais médicaux impayés varient considérablement. Certains États membres de l’Union estiment que le problème est mineur, affirmant que les «titulaires de visa paient leurs frais médicaux», sans présenter de preuves. D’autres considèrent qu’il s’agit d’un sujet de préoccupation majeur, en soulignant que le plafond de couverture fixé à 30 000 EUR est insuffisant.

Comme la souscription d’une assurance ne constitue pas une condition d’entrée et ne fait donc l’objet d’aucun contrôle à l’entrée sur le territoire, il n’existe aucune preuve attestant que les titulaires de visa ont l’assurance appropriée chaque fois qu’ils voyagent.

En outre, la collecte de données précises sur les frais médicaux impayés par les titulaires de visas de court séjour est difficile et semble inexistante. Partant, les motifs du non-paiement de ces frais (engagés par les ressortissants de pays tiers) restent inconnus et les questions énoncées ci-après méritent une réponse:

-quel est le pourcentage de titulaires de visas de court séjour qui nécessitent des soins médicaux d’urgence pendant leur séjour et qui ne sont pas assurés ou ne le sont pas suffisamment?

-la couverture d’assurance insuffisante peut-elle s’expliquer par le fait que la base juridique actuelle n’énonce pas clairement les conditions pour qu’une assurance soit considérée comme adéquate?

-le niveau de couverture (30 000 EUR) est-il trop bas pour couvrir l’ensemble des frais?

-quels sont les motifs du refus des compagnies d’assurance de couvrir les frais médicaux engagés?

-pour quelle raison les établissements de soins ne cherchent-ils pas à obtenir le paiement? Cette tendance s’explique-t-elle par le faible taux de recouvrement effectif ou par le paiement, en fin de compte, par les autorités centrales?

Un autre problème important est le fait qu’il n’existe aucune preuve que les ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa présentent des problèmes de santé différents de ceux des ressortissants de pays tiers qui peuvent entrer dans l’Union sans visa 8 (voir ci-dessus). On peut dès lors raisonnablement se demander si les différences d’obligations entre ces catégories de voyageurs sont justifiées.

Dans leurs réponses, certains États membres de l’Union font valoir que l’obligation d'assurance devrait également être considérée comme un moyen de protéger les voyageurs dans le cas où ils auraient besoin de soins médicaux d’urgence pendant leur séjour. Toutefois, cette préoccupation devrait s’appliquer à l’ensemble des ressortissants de pays tiers qui se rendent sur le territoire de l’Union.

3.Conséquences de la pandémie de COVID-19

La pandémie de COVID-19 et les restrictions de voyage que cette crise a entraînées dans le monde entier ont mis un terme soudain et presque complet aux opérations de visa à partir de la fin du mois de mars 2020, et un grand nombre de titulaires de visa présents dans les États membres de l’Union n’ont pas pu quitter le territoire avant la date d’expiration de leur visa. La pandémie a par ailleurs mis en évidence le besoin urgent d’évaluer l’efficacité des assurances et les questions suivantes ont été posées aux États membres:

-quelles sont les conséquences de la pandémie actuelle de COVID-19? Avez-vous remarqué des changements concernant les frais de soins de santé impayés au cours de cette période? Si ces données ne sont pas encore disponibles, veuillez indiquer la date à laquelle elles le seront;

-quelles sont les dispositions en matière d’assurance maladie et de soins médicaux qui s’appliquent aux titulaires de visas de court séjour qui doivent rester dans l’espace Schengen pendant plus de 90 jours en raison de la pandémie de COVID-19?

Les réponses des États membres de l’Union à ces questions sont très similaires: il est trop tôt pour déterminer si la pandémie a eu des répercussions, mais le faible nombre de voyageurs ressortissants de pays tiers («exemptés de visa» ou «soumis à l’obligation de visa») indique qu’aucune incidence ne sera constatée. La plupart des États membres de l’Union n’ont pas demandé aux personnes ayant involontairement dépassé la durée du séjour autorisée de souscrire une assurance pour la prolongation de leur séjour et pour les soins d’urgence qui ont été dispensés pendant cette période. Les personnes nécessitant d’autres types de soins médicaux pendant la prolongation de leur séjour doivent couvrir elles-mêmes les frais correspondants.

En novembre 2020, les États membres de l’Union ont recommencé à traiter les demandes de visa peu nombreuses déposées dans le monde, et un nouvel aspect d’assurance, directement lié à la pandémie de COVID-19, est apparu. Des contrôles ponctuels effectués en avril 2020 montrent que plusieurs grandes compagnies d’assurance proposent désormais des polices contenant des clauses spécifiques qui excluent de la couverture les frais médicaux liés à une épidémie ou à une pandémie, ou ne les couvrent que partiellement. Des tendances similaires ont également été signalées par les consulats des États membres de l’Union. 

III.Mesures à prendre

La situation décrite ci-dessus ne permet pas d’établir si l’obligation d’assurance actuelle est efficace. Le présent rapport montre que les données pertinentes et fiables qui permettraient à la Commission d’évaluer pleinement l’efficacité des règles en vigueur font défaut. Il existe toutefois de nombreux éléments attestant des difficultés rencontrées par les différents acteurs dans l'application des mesures. Nous pouvons déjà en tirer les conclusions suivantes:

1)il n’existe aucune preuve indiquant que l’obligation d’assurance actuelle soulage de manière significative les systèmes de soins de santé en garantissant le paiement des soins, car le problème des factures impayées subsiste. En outre, le recouvrement des frais d’hôpitaux impayés semble être un problème majeur, même lorsque le patient est titulaire d’une assurance au moment de la prestation des soins;

2)Telle qu’elle est conçue actuellement, l’obligation d’assurance présente les failles suivantes:

-le moment de la présentation des justificatifs (lors de l'introduction de la demande de visa);

-les règles générales, imprécises et probablement dépassées concernant la couverture d’assurance, à cause desquelles il est difficile au personnel consulaire de vérifier si l’assurance est conforme;

-la possession effective d’une assurance n’est pas vérifiée lorsque le titulaire du visa franchit la frontière de l’Union;

3)les informations communiquées par les États membres de l’Union indiquent que l’absence d’une obligation équivalente pour les voyageurs exemptés de visa pourrait expliquer en partie le problème des frais d’hôpitaux impayés, car rien ne prouve que les ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa présentent des problèmes de santé différents de ceux des ressortissants de pays tiers qui peuvent entrer dans l’Union sans visa.

Plusieurs options pourraient être envisagées pour la suite:

-accepter la situation actuelle sans qu'il soit prouvé qu'elle est bénéfique aux systèmes de santé, malgré les problèmes connus pour les demandeurs de visa, les difficultés rencontrées par les consulats, les problèmes structurels intrinsèques et le manque de données disponibles qui permettraient d’apprécier si l’obligation d’assurance est effectivement appliquée comme prévu;

-reconnaître que la base juridique (établie il y a 17 ans) est obsolète et doit être améliorée pour pouvoir atteindre sa finalité, à savoir que les titulaires de visa aient une assurance adéquate pendant leur séjour, par exemple en définissant des conditions précises auxquelles les assureurs devront explicitement se référer dans leur police («norme minimale garantie pour l’assurance maladie en voyage dans l’Union»). Les dispositions pourraient définir des procédures de paiement standard pour garantir le recouvrement des frais; la possibilité de prolonger la couverture en cas de séjour dépassant la date d’expiration du visa, en raison d’un traitement prolongé; et la possibilité d’une couverture continue pour les titulaires de visas à entrées multiples (paiement à l’acte). Un «label de garantie» pourrait également, notamment lorsque la procédure de délivrance des visas sera entièrement numérisée, permettre aux consulats de vérifier que les polices d’assurance présentées par les demandeurs de visa respectent les conditions légales;

-reconnaître le fait qu’aucune différence de traitement ne devrait être établie entre les ressortissants de pays tiers soumis à l’obligation de visa et ceux qui en sont exemptés, en ce qui concerne la couverture d’assurance pendant leur séjour dans l’Union, et envisager d’étendre l’obligation d’assurance aux voyageurs exemptés de visa, tout en veillant à ce que le respect de cette obligation soit vérifié au moment opportun (c’est-à-dire au moment du voyage).

Pour avoir une idée plus précise de l’efficacité de l’obligation d’assurance et de l’éventuelle nécessité de réviser la base juridique, la Commission entend, sur la base du présent rapport, réaliser une étude pour recueillir des données supplémentaires.

(1)

     Décision du Conseil du 22 décembre 2003 modifiant la partie V, point 1.4, des instructions consulaires communes et de la partie I, point 4.1.2, du manuel commun en vue d’inclure l’assurance-maladie en voyage dans les justificatifs requis pour l’obtention du visa uniforme (2004/17/CE) (JO L 5 du 9.1.2004, p.79).

(2)

     Règlement (CE) nº 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) (JO L 243 du 15.9.2009, p. 1).

(3)

     Article 6, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO L 77 du 23.3.2016, p. 1).

(4)

     Système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages.

Règlement (UE) 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d’un système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) et modifiant les règlements (UE) nº 1077/2011, (UE) nº 515/2014, (UE) 2016/399, (UE) 2016/1624 et (UE) 2017/2226 (JO L 236 du 19.9.2018, p. 1).

(5)

     SWD(2014) 101 final.

(6)

     Règlement (UE) 2019/1155 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 portant modification du règlement (CE) nº 810/2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas) (JO L 188 du 12.7.2019, p. 25). 

(7)

     Période de séjour autorisée: le nombre de jours pendant lesquels le titulaire du visa est autorisé à séjourner, par exemple 30 jours.

   Période de validité du visa: 15 jours sont ajoutés à la période de séjour autorisée pour offrir au titulaire du visa une certaine souplesse lorsqu’il utilise son visa (ses plans de voyage ou ses vols peuvent être modifiés, etc.), ce qui signifie qu’une personne peut avoir un visa valable pendant 45 jours, permettant un séjour de 30 jours. L’assurance maladie en voyage doit couvrir une période de 30 jours.

(8)

     En 2019, environ 15 millions de visas de court séjour ont été délivrés et plus de 50 % d’entre eux étaient des visas à entrées multiples. À titre de comparaison, le rapport sur l’étude technique relative aux frontières intelligentes indiquait en conclusion qu’en 2020, le nombre attendu de ressortissants de pays tiers exemptés de visa aux frontières extérieures serait de 104 millions.

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