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Document 52021AE2594

Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’instauration d’une égalité des conditions de concurrence pour un secteur du transport aérien durable [COM(2021) 561 final — 2021/0205 (COD)]

EESC 2021/02594

JO C 105 du 4.3.2022, p. 134–139 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

4.3.2022   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 105/134


Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’instauration d’une égalité des conditions de concurrence pour un secteur du transport aérien durable

[COM(2021) 561 final — 2021/0205 (COD)]

(2022/C 105/20)

Rapporteur:

Thomas KROPP

Consultation

Parlement européen: 13.9.2021

Conseil de l’Union européenne, 14.9.2021

Base juridique

Article 100, paragraphe 2, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Transports, énergie, infrastructures et société de l’information»

Adoption en section

7.10.2021

Adoption en session plénière

20.10.2021

Session plénière no

564

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

231/0/9

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le Comité économique et social européen (CESE) rappelle que le marché européen de l’aviation est essentiel pour le commerce et le tourisme dans l’Union européenne, ainsi que pour la compétitivité internationale de l’économie européenne (1).

L’aviation étant toutefois l’un des secteurs dont les émissions de CO2 augmentent le plus rapidement, le CESE soutient les initiatives réglementaires prises par les institutions de l’Union pour atténuer son impact sur l’environnement (2).

1.2.

Le paquet «Ajustement à l’objectif 55» de la Commission doit permettre à l’Union de réaliser son objectif ambitieux consistant à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, en alignant la politique de l’Union sur les mandats politiques ambitieux du pacte vert et de la loi européenne sur le climat. Le CESE soutient cette politique extrêmement ambitieuse qui contient plusieurs propositions législatives ayant une incidence sur l’aviation, dont un élément essentiel est la promotion des carburants durables d’aviation (CDA). Bien que la Commission ait évalué la complémentarité de cette proposition avec d’autres propositions pertinentes, le CESE est d’avis qu’elle devrait également prendre en considération les implications financières cumulées de toutes les mesures réglementaires en la matière.

1.3.

Dans le contexte des initiatives réglementaires visant à accélérer la transition vers la neutralité carbone, la proposition «RefuelEU Aviation» revêt une importance capitale pour l’aviation. Contrairement à d’autres secteurs, l’aviation dépend des combustibles fossiles en tant que source d’énergie. Pour permettre au secteur de se développer tout en réduisant ses émissions de CO2, la proposition de règlement «RefuelEU Aviation» vise à accélérer la production, la distribution et l’utilisation des CDA en obligeant les fournisseurs de carburants d’aviation à fournir une part croissante de carburant d’aviation mélangé à des CDA dans tous les aéroports de l’Union, et en imposant aux compagnies aériennes d’accroître leur utilisation de CDA par étapes progressives prédéfinies.

Conformément à son approche en matière de promotion d’une aviation durable, le CESE soutient la proposition de la Commission dans ses grandes lignes mais propose certaines modifications pour qu’elle puisse être mise en œuvre de manière effective et sans générer de distorsions.

1.4.

Le CESE se félicite de l’initiative de la Commission visant à accélérer le développement d’un marché pour les CDA. Pour peu qu’ils soient produits en quantités suffisantes et soient accessibles à l’ensemble des compagnies aériennes, ceux-ci réduiraient en effet sensiblement les émissions de CO2 du secteur. Il n’est toutefois pas certain que l’approche suivie par la Commission empêcherait les distorsions de concurrence.

1.5.

L’aviation est un secteur de services de nature internationale, couvrant dans les faits deux marchés distincts ayant chacun leur propre dynamique: d’un côté, le marché unique européen correspondant à l’Espace économique européen (EEE) et, de l’autre, le marché réglementé à l’échelon international. Le CESE estime que le projet de proposition devrait refléter clairement cette différence; il invite la Commission à maintenir des conditions de concurrence équitables au sein de l’EEE et à promouvoir de manière proactive des normes de durabilité qui s’appliqueraient à l’échelle mondiale.

1.6.

Le règlement proposé couvrira l’ensemble des opérations de toutes les compagnies aériennes de l’Union, qu’elles opèrent au sein de l’EEE ou à l’international; les réseaux de compagnies aériennes extérieures à l’Union ne seront cependant couverts que dans la mesure où ils incluent des services fournis depuis un aéroport de l’Union. Tous les autres services mondiaux fournis par des compagnies aériennes de pays tiers ne seraient pas concernés par l’obligation d’utiliser un minimum de carburant d’aviation mélangé à des CDA. L’écart de prix attendu entre le carburant d’aviation et les CDA pourrait donc conférer un avantage concurrentiel aux compagnies aériennes des pays tiers. Alors que l’ensemble du secteur mondial de l’aviation peine à se remettre de la pire crise de son histoire d’après-guerre, les compagnies aériennes de l’Union ne devraient pas avoir à supporter unilatéralement des coûts supplémentaires. En outre, si l’écart de prix était répercuté sur les passagers, les vols moins respectueux de l’environnement assurés par des compagnies aériennes de pays tiers deviendraient plus attrayants pour les passagers de l’Union.

1.7.

Le CESE recommande que la mise en œuvre effective du règlement à l’examen soit précédée d’une phase pilote durant laquelle les dispositions internes à l’EEE en matière d’atténuation de l’impact de l’aviation sur l’environnement pourraient être alignées, tandis que la Commission s’attellerait en particulier à coordonner étroitement la promotion par l’Union des CDA avec les initiatives similaires entreprises au niveau international. Une fois les CDA produits et mis à la disposition des transporteurs de l’Union et des pays tiers en quantités suffisantes, le règlement serait pleinement appliqué en ce qu’il imposerait également des obligations aux compagnies aériennes de pays tiers opérant au départ d’aéroports de l’Union. Une telle approche échelonnée réduirait au minimum les risques de pénaliser les précurseurs, limiterait le risque de fuite de carbone, assurerait la rentabilité du processus de mise en œuvre et instaurerait une stabilité de planification pour l’ensemble des parties prenantes, y compris les producteurs de CDA. Elle faciliterait en outre une approche cohérente des biocarburants.

1.8.

Les liaisons internationales long-courriers étant responsables d’une proportion sensiblement plus élevée d’émissions de CO2 que les vols court-courriers et moyen-courriers effectués au sein de l’EEE (3), le CESE estime que la Commission devrait mettre davantage l’accent sur les moyens de parvenir à une coordination des mesures réglementaires internationales. Ces mesures prises par des tiers, associées aux mécanismes de compensation déjà convenus tels que le régime CORSIA (4), créeront un nouvel élan au service de la production, de la diffusion et de l’utilisation des CDA à l’échelle internationale, accélérant ainsi la hausse de la demande en CDA et réduisant le risque de fuite de carbone (5).

Le CESE partage l’analyse de la Commission selon laquelle il faudra du temps pour créer un marché pour les CDA. Il invite la Commission à élaborer une feuille de route réaliste et exhaustive pour l’augmentation progressive de l’utilisation des CDA, afin d’assurer une stabilité de planification pour l’ensemble des parties prenantes, y compris les producteurs de tels carburants, et de fournir des orientations pour le processus de suivi politique.

2.   Observations générales

2.1.

Il y a lieu d’adopter une approche réglementaire exhaustive et efficace pour promouvoir le développement d’une aviation durable.

2.1.1.

Le projet de proposition «RefuelEU Aviation» est ancré dans plusieurs autres propositions réglementaires du paquet «Ajustement à l’objectif 55», toutes destinées à atténuer les effets de l’aviation sur l’environnement (6). Au moment d’évaluer son incidence et sa faisabilité, il convient donc de prendre dûment en considération l’interdépendance de ces propositions et leur effet cumulatif sur le marché de l’aviation.

2.1.2.

Une directive révisée sur la taxation de l’énergie introduirait un taux minimum de taxation pour les vols effectués à l’intérieur de l’Union; les CDA bénéficieraient d’un taux minimum de taxation nul, tandis que ces taux minima devraient augmenter progressivement sur une période de dix ans pour atteindre 10,75 EUR par gigajoule. L’objectif déclaré de cette proposition est d’«encourager l’utilisation de carburants d’aviation plus durables», d’«inciter […] les compagnies aériennes à utiliser des aéronefs plus efficaces et moins polluants» et d’«éviter une perte potentielle de revenus de 32 %». Si les États membres dépassaient individuellement le taux minimum, ces taxes nationales supplémentaires sur le CO2 augmenteraient sensiblement la charge financière pesant sur les compagnies aériennes, à moins que les CDA ne soient produits en quantités suffisantes. Il semble essentiel d’établir un tel lien avec la disponibilité des CDA, faute de quoi les règles pourraient avoir un effet punitif au lieu de fournir davantage d’incitations à produire et à utiliser ces carburants.

2.1.3.

Dans les faits, la question se pose de savoir si des taxes supplémentaires pourront encourager la transition des combustibles fossiles vers les CDA si ces derniers ne sont pas disponibles en quantités suffisantes.

2.1.4.

En l’absence de dispositions antidumping significatives, les conditions du marché permettent actuellement aux compagnies aériennes concurrentes de proposer des prix de billets inférieurs à leurs coûts d’exploitation marginaux, et même aux coûts cumulés des redevances aéroportuaires et de gestion du trafic aérien. Une nouvelle taxe n’aurait pas d’incidence sur des niveaux de prix aussi marginaux et n’inciterait donc aucunement à tirer parti des CDA pour soutenir la compétitivité; une telle taxe minimale à l’échelle de l’Union priverait simplement les compagnies aériennes de ressources financières dont elles ont besoin pour investir dans des aéronefs plus efficaces. En outre, les recettes issues de ces taxes supplémentaires ne peuvent, par définition, pas servir à la réalisation d’objectifs prédéfinis (au service de l’environnement) mais iront alimenter les caisses des États membres. Elles ne permettraient donc pas d’étoffer l’offre pour répondre à une demande croissante de transport aérien.

2.1.5.

Le CESE estime dès lors qu’il y a lieu d’évaluer la dynamique du marché de façon plus différenciée, en mettant particulièrement l’accent sur la nécessité éventuelle de répondre, en tant que mesure réglementaire supplémentaire, à la nécessité d’une législation antidumping ciblée imposant concrètement un niveau de prix minimal pour couvrir les coûts exogènes (7).

La Commission propose également, comme mesure supplémentaire dans le cadre du paquet «Ajustement à l’objectif 55», de réviser les règles du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) dans le secteur de l’aviation. Le SEQE couvrait précédemment quelque 40 % des émissions totales de l’Union; dans sa version révisée, cette proportion a augmenté en raison de l’inclusion de nouveaux secteurs, tels que le secteur maritime. L’obligation de réduction des émissions pour les secteurs couverts par le SEQE est également passée de 40 % à 61 % d’ici à 2030 sur la base des niveaux de 2005, tandis que les quotas alloués à titre gratuit dans le secteur de l’aviation doivent être progressivement supprimés entre 2023 et 2025.

2.1.6.

L’échange de droits d’émission est en effet un mécanisme de réduction des émissions fondé sur le marché, et de nouveaux ajustements des paramètres de cet instrument sont susceptibles de le renforcer. Au moment d’évaluer les effets de telles mesures sur la dynamique du marché, comme suggéré ci-dessus, il faut garder à l’esprit que la réduction progressive des quotas gratuits entraîne une charge financière qui s’ajoute au coût supplémentaire qu’il est déjà prévu d’imposer au titre de la taxe minimale applicable à l’échelle de l’Union. En outre, la directive sur la taxation de l’énergie, la directive SEQE et le règlement «RefuelEU Aviation» nécessitent chacun des données sur l’utilisation et la consommation de carburants d’aviation ainsi que sur l’utilisation des CDA. Il convient de se pencher davantage sur la rationalisation des dispositions relatives à la collecte, à la déclaration et à la vérification des données, afin d’éviter toute complexité inutile et de garantir la faisabilité des différents processus.

La proposition de règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs vise à faire en sorte que les infrastructures appropriées soient en place dans les aéroports pour permettre l’accès aux CDA dans tous les aéroports de l’Union. S’il est évidemment essentiel d’assurer une logistique efficace pour la diffusion des CDA, le règlement a lui-même besoin d’être davantage clarifié; selon son libellé actuel, les véhicules utilisés pour la fourniture de carburants écologiques au secteur de l’aviation pourraient être considérés comme non écologiques (8). En l’absence de telles clarifications, il est difficile d’évaluer dans quelle mesure d’autres coûts au niveau des aéroports pourraient se concrétiser et potentiellement être répercutés sur les compagnies aériennes.

2.2.

La proposition de règlement «RefuelEU Aviation» est essentielle pour garantir un avenir durable au secteur de l’aviation, mais elle doit éviter les effets de distorsion sur ce marché.

2.2.1.

La Commission reconnaît que la production et la diffusion des CDA à un niveau industriel nécessiteront des investissements considérables, en temps comme en argent, pour parvenir à un déploiement significatif. Ses compétences étant limitées juridiquement au trafic aérien à l’intérieur de l’Union, et concrètement à celui qui a lieu au sein de l’EEE, la Commission propose deux mesures pour limiter au maximum les distorsions de concurrence au niveau international: garantir l’utilisation de carburants d’aviation mélangés à des CDA pour tous les vols au départ des aéroports de l’Union, quelle que soit leur destination, et imposer l’embarquement d’une quantité minimale de carburant d’aviation dans les aéroports de l’Union. La première cible le fournisseur et n’est pas discriminatoire à l’égard des compagnies aériennes. On peut toutefois se demander si la seconde est réalisable et si elle est efficace pour prévenir toute distorsion sur le marché.

2.2.2.

L’article 7 impose notamment à toutes les compagnies aériennes l’obligation de fournir des données sur la quantité de carburant d’aviation embarquée dans un aéroport donné de l’Union, ainsi que de communiquer la quantité totale de carburant d’aviation mélangé à des CDA achetée auprès de leurs fournisseurs. Les compagnies aériennes communiquent déjà actuellement la quantité de carburant d’aviation qu’elles embarquent et consomment par vol dans le contexte des obligations de déclaration découlant du SEQE de l’Union. Ce régime ne s’applique qu’aux vols effectués au sein de l’Union (9). Le règlement proposé étend les obligations de déclaration aux vols internationaux au départ d’aéroports de l’Union. Ceux-ci sont également exploités par des transporteurs de pays extérieurs à l’Union, qui sont donc eux aussi soumis à ces obligations. Il est admis au niveau international que les compagnies aériennes étrangères puissent être incluses dans les obligations de déclaration, pour permettre aux autorités nationales de contrôler le respect des règles. Cette obligation ne devrait donc pas rencontrer d’opposition sur la scène internationale.

2.2.3.

L’article 5 oblige toutefois les compagnies aériennes (dans leur ensemble) à s’assurer que la quantité de carburant d’aviation qu’elles embarquent annuellement dans un aéroport donné de l’Union représente au moins 90 % du carburant d’aviation requis sur une base annuelle. Cette disposition vise à prévenir ce que l’on appelle le suremport («tankering»). La Commission définit le suremport comme une pratique par laquelle une compagnie aérienne embarque plus de carburant d’aviation que nécessaire dans le but d’éviter un ravitaillement dans l’aéroport de destination où le carburant est peut-être plus cher (10). Les plateformes aéroportuaires de certaines compagnies aériennes en réseau extérieures à l’Union européenne se situent à proximité de l’EEE (par exemple à Londres, Doha, Dubaï ou Istanbul), de sorte qu’un vol court-courrier suffit pour les rejoindre depuis un aéroport de l’EEE. Les destinations long-courriers pourraient dès lors être desservies en embarquant du carburant depuis la plateforme aéroportuaire extérieure à l’Union, sans recourir au suremport. Répercutés dans le prix du billet, les coûts supplémentaires imputables aux CDA pourraient inciter les passagers à atteindre leur destination finale long-courrier en empruntant l’aéroport de correspondance (moins cher) situé en dehors de l’Union (11). L’article 5 n’apporte cependant pas de réponse à la question des distorsions systémiques qu’entraîne la création de désavantages concurrentiels pour les plateformes aéroportuaires de l’Union et, partant, pour les compagnies aériennes en réseau de l’Union.

2.2.4.

Étant donné que les liaisons vers les plateformes situées à proximité de l’Union impliquent des vols court-courriers, l’utilisation de carburant pour ces vols quittant l’Union ne couvre qu’une petite partie du total des activités internationales des compagnies aériennes de pays tiers. Au fil du temps, au fur et à mesure que la part du carburant mélangé à des CDA augmentera, l’écart de prix entre celui-ci et le carburant d’aviation traditionnel se creusera également, renforçant ainsi l’attractivité concurrentielle des vols transitant par des plateformes extérieures à l’Union. Les voyageurs seront d’autant plus encouragés à éviter les itinéraires impliquant l’utilisation de CDA, ce qui nuirait à l’objectif affiché de la proposition de règlement à l’examen consistant à promouvoir l’utilisation des CDA et à réduire ainsi les émissions de CO2, y compris sur les vols quittant l’Union.

2.2.5.

Compte tenu de ce qui précède, le CESE recommande d’échelonner dans le temps l’application de cette proposition de règlement. Au cours d’une phase pilote, les activités devraient être axées sur l’alignement des dispositions existantes en matière de déclaration et de taxes liées au CO2 au niveau de l’Union et au niveau national. Plusieurs dispositions de ce type se côtoient actuellement et servent de base au calcul du niveau des quotas d’émission et des compensations, d’une part, et des taxes nationales à payer sur le CO2 et sur le carburant d’aviation, d’autre part. À l’heure actuelle, toutefois, elles ne sont pas traitées dans le même contexte, ce qui donne lieu à des procédures administratives parallèles pour les parties prenantes et les administrations. Dans sa forme actuelle, la proposition de règlement introduirait une exigence supplémentaire, qui consisterait à fournir encore plus de données sur l’embarquement de carburant dans tous les aéroports, y compris l’embarquement de CDA et celui de carburant à l’échelle de l’Union; l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA) et Eurocontrol seraient également tenus de communiquer les données accumulées reçues conformément aux dispositions du règlement, mais pas nécessairement d’autres données.

2.2.6.

Il semble nécessaire, dans un premier temps, d’instaurer la transparence et de réduire les procédures inutilement complexes en rationalisant les mécanismes de déclaration, de vérification et de suivi au titre des règlements existants pour les compagnies aériennes de l’Union, et de mettre ainsi en place un ensemble cohérent et efficace de mesures qui pourraient également intégrer les diverses initiatives nationales, de façon à créer un cadre harmonisé. Au cours de cette phase pilote, les données fournies par les compagnies aériennes de l’Union refléteraient l’utilisation des CDA (uniquement) par les compagnies aériennes de l’Union pour les vols intérieurs à l’EEE. Cette approche semble réaliste compte tenu du temps nécessaire pour développer la production de CDA. Ces vols au sein du marché unique européen de l’aviation ne devraient pas, dans un premier temps, inclure les passagers internationaux.

2.2.7.

Cette phase pilote proposée ne retarderait pas nécessairement la mise en œuvre intégrale du règlement, son objectif étant de rationaliser les processus de déclaration et de vérification des données à l’intérieur de l’Union afin de garantir que les mesures du paquet «Ajustement à l’objectif 55» applicables à l’aviation n’entraînent pas de charges administratives inutilement complexes. Elle assurerait en outre une certaine transparence quant à l’effet financier cumulé des mesures sur le secteur européen de l’aviation. La phase pilote n’empêcherait pas la Commission d’aligner les processus sur ceux adoptés en dehors de l’EEE.

2.2.8.

L’application du présent règlement aux vols internationaux au départ des aéroports de l’Union devrait dépendre de la disponibilité des CDA pour répondre à l’augmentation de la demande. Un système efficace d’utilisation des CDA à l’échelle de l’EEE pourrait alors éventuellement servir de référence, de modèle et de norme au niveau international. Élargir progressivement le champ d’application du système proposé permettra en outre d’éviter une répétition de la controverse qu’a vécue la Commission au sujet de l’inclusion des vols au départ de l’Union dans le SEQE de l’Union. Le point essentiel est que la Commission mette en place des instruments réglementaires réalisables au niveau de l’EEE et négocie une approche harmonisée au niveau mondial.

2.2.9.

Dans le cadre de la coordination des étapes sur la voie d’un cadre international affiné et ciblé, la question du régime CORSIA peut et devra être abordée. En maintenant une distinction entre les jalons portant sur les mesures applicables au sein de l’EEE et ceux ayant trait au cadre international, le régime CORSIA peut être adapté de manière consensuelle à ce dernier sans générer de complexité supplémentaire pour les premières.

2.3.

Une feuille de route complète, claire et contraignante est nécessaire pour la mise en œuvre de toutes les propositions formulées et pour le suivi des différents jalons.

2.3.1.

Les objectifs climatiques qui ont fait l’objet d’un accord politique au sein de l’EEE pour l’ensemble des secteurs, et en particulier l’aviation, sont extrêmement ambitieux et, comme le confirme le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), ils auraient dû être adoptés bien plus tôt. Toutefois, les spécificités de l’aviation, telles que décrites par la Commission et brièvement résumées ci-dessus, nécessitent d’encourager l’offre et la demande pour un marché (des CDA) actuellement négligeable sans miner la compétitivité internationale du secteur européen de l’aviation ou mettre en péril la sécurité de l’emploi en Europe. Pour relever ces défis propres au secteur, il sera essentiel de déployer des mesures efficaces en franchissant une par une des étapes clairement définies auxquelles les parties prenantes pourront raisonnablement adapter leurs produits et processus internes.

2.3.2.

Le processus législatif en cours porte en lui un certain degré d’incertitude quant au résultat final des paquets législatifs. Le CESE demande instamment à toutes les institutions de l’Union de s’efforcer de maintenir, et même d’améliorer encore, l’efficacité cumulée des mesures proposées, ainsi que de parvenir à un consensus sur la feuille de route relative à leur mise en œuvre.

2.3.3.

Cette feuille de route prévoira notamment l’alignement des mesures nationales existantes. Certains États membres ont déjà élaboré de telles feuilles de route après consultation des parties prenantes (12).

3.   Observations particulières

3.1.

Pour que la proposition soit mise en œuvre avec succès, il est essentiel de veiller à exclure toute erreur critique de conception dans le contexte d’une obligation d’utiliser des CDA. La Commission a imaginé huit options stratégiques qui diffèrent en ce qui concerne la partie obligée du règlement (fournisseur et/ou compagnie aérienne), la portée géographique (territoire de l’EEE avec ou sans les pays tiers), les obligations secondaires pour les futurs produits sophistiqués en lien avec les CDA (en particulier les carburants renouvelables d’origine non biologique), l’objectif poursuivi (volume de CDA/réduction des gaz à effet de serre) et les exigences logistiques (inclusion ou non d’un système de certificats négociables rendant superflu l’approvisionnement physique de chaque aéroport, pour ne pas avoir à garantir que chaque lot de carburant dans chaque aéroport doive contenir des CDA).

3.2.

Le CESE soutient l’approche de la Commission consistant à rendre obligatoires les biocarburants avancés et le kérosène de synthèse. La proposition de l’Union remplacerait certaines obligations nationales qui reposent en partie sur les carburants produits à partir de cultures. Dès lors, puisque la production de biocarburants revêt une importance primordiale pour de nombreux secteurs, et pas seulement pour l’aviation, il est essentiel de veiller à ce qu’elle soit toujours durable.

3.3.

La proposition de la Commission prévoit un mélange composé à 5 % de CDA d’ici à 2023, 4,3 % étant attribués aux biocarburants et 0,7 % au kérosène de synthèse. La Commission devrait revoir l’équilibre entre les biocarburants avancés et le kérosène de synthèse. Étant donné que les biocarburants avancés sont produits à partir de déchets et de résidus, les ressources disponibles constituent un frein à leur exploitation ambitieuse. À l’inverse, pour peu qu’il soit produit à partir d’électricité (verte) renouvelable et de CO2 capturé dans l’atmosphère, le kérosène de synthèse assurerait un approvisionnement en carburant en ne rejetant que des quantités négligeables de CO2. Le CESE estime qu’une nouvelle législation dérivée pourrait accélérer l’introduction de procédés de production avancés et faciliter la réalisation d’objectifs plus ambitieux à moyen et à long terme pour les mélanges contenant des CDA.

3.4.

Compte tenu de son potentiel, le CESE recommande de s’orienter vers un recours plus ambitieux au kérosène de synthèse. Il ne semble pas irréaliste de porter l’objectif minimal à 0,7 % en 2027 et à 5 % en 2030. Le Comité est d’avis que la Commission sous-estime la dynamique du marché du kérosène de synthèse. Les pays en développement d’Amérique du Sud et d’Afrique peuvent construire des centrales électriques, ainsi que stocker et transporter des carburants de synthèse vers les pays ayant besoin de tels carburants et de CDA. À mesure que les centrales se développeront, la production de carburants de synthèse deviendra de plus en plus abordable pour ces pays. Or, la formulation actuelle de la directive sur les énergies renouvelables (RED III) n’assure pas une stabilité de planification suffisante pour permettre aux investisseurs d’investir dans de nouvelles technologies. Cette source d’énergie est toutefois si importante qu’il s’impose d’élaborer une feuille de route politique claire, telle qu’esquissée ci-dessus.

Bruxelles, le 20 octobre 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 429 du 11.12.2020, p. 99, et JO C 389 du 21.10.2016, p. 86.

(2)  Communication sur le pacte vert pour l’Europe [COM(2019) 640 final].

Stratégie de mobilité durable et intelligente, https://ec.europa.eu/transport/themes/mobilitystrategy_fr

Proposition de directive de l’UE en ce qui concerne la contribution de l’aviation à l’objectif de réduction des émissions à l’échelle de l’ensemble de l’économie de l’Union [COM(2021) 552 final].

Proposition de directive en ce qui concerne la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables [COM(2021) 557 final].

Proposition de directive sur une infrastructure pour carburants alternatifs [COM(2021) 560 final].

(3)  La moitié des émissions de CO2 proviennent d’à peine 6 % des vols, à savoir les liaisons long-courriers, Data Snapshot on CO2 emissions and flight distance | EUROCONTROL (en anglais).

(4)  Le régime de compensation et de réduction du carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) est un régime mondial de mesures fondées sur le marché visant à compenser la part des émissions de CO2 provenant des vols internationaux dépassant leur niveau de 2020. Il est appliqué sur une base volontaire depuis le 1er janvier 2021 et jusqu’en 2026; 81 États (dont l’ensemble des États membres de l’Union), représentant 77 % de l’aviation internationale, y ont souscrit.

(5)  Plusieurs pays, tels que le Royaume-Uni et les États-Unis, prévoient également des mesures visant à promouvoir les CDA et à réduire les émissions de CO2, voir SWD(2021) 633 final (en anglais uniquement).

(6)  SWD(2021) 633 final, section 7.2.

(7)  Toute intervention réglementaire dans les mécanismes du marché va à l’encontre des objectifs de libéralisation du marché de l’aviation. La libéralisation n’est cependant pas un dogme, et elle montre ses limites lorsqu’elle empêche la réalisation des objectifs climatiques énoncés dans le pacte vert. Il s’impose donc de procéder à une analyse détaillée et différenciée des implications de telles interventions sur le marché dans un cadre réglementaire libéralisé. Cela est d’autant plus vrai si plusieurs initiatives réglementaires complémentaires sont interdépendantes et peuvent avoir des effets financiers cumulatifs sur les parties prenantes.

(8)  Avis du CESE sur le thème «Taxinomie de la finance durable — changement climatique», adopté le 22 septembre 2021, ECO/549 (JO C 517 du 22.12.2021, p. 72).

(9)  L’intention initiale d’étendre l’applicabilité du SEQE de l’Union aux vols au départ et à destination d’aéroports de l’Union a été abandonnée à la suite de l’opposition d’États non membres de l’Union, qui ont insisté sur le fait que leurs compagnies aériennes ne pouvaient pas être légalement incluses dans un régime réglementaire de l’Union s’apparentant à une taxe.

(10)  Exposé des motifs (1. Justification et objectifs de la proposition), p. 1.

(11)  Exemple: le prix du billet Stuttgart-Vienne-Kuala Lumpur serait influencé par le prix plus élevé qu’impliquent l’utilisation de carburant mélangé à des CDA pour la partie court-courrier Stuttgart-Vienne et l’utilisation obligatoire de CDA pour la liaison long-courrier Vienne-Kuala Lumpur. En revanche, un vol Stuttgart-Istanbul-Kuala Lumpur ne nécessiterait l’utilisation de carburant d’aviation mélangé à des CDA que pour la partie court-courrier Stuttgart-Istanbul.

Dans l’exemple ci-dessus, il pourrait être financièrement avantageux pour la compagnie aérienne exploitant la liaison Istanbul-Stuttgart d’embarquer suffisamment de carburant depuis Istanbul pour réduire la nécessité d’un nouvel embarquement de carburant pour le vol de retour Stuttgart-Istanbul, évitant ainsi complètement l’utilisation de carburant mélangé à des CDA. L’article 5 prévient l’apparition de tels cas de figure.

(12)  Par exemple, la feuille de route de l’Allemagne concernant la production de carburant de synthèse liquide à partir d’électricité (2021), https://www.bmvi.de/SharedDocs/DE/Anlage/LF/ptl-roadmap.pdf?__blob=publicationFile


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