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Document 52020IE1950

Avis du Comité économique et social européen sur «La nécessité de garantir la réalité du droit de vote aux élections au Parlement européen pour les personnes handicapées» (supplément d’avis d’initiative)

JO C 56 du 16.2.2021, p. 36–42 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

16.2.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 56/36


Avis du Comité économique et social européen sur «La nécessité de garantir la réalité du droit de vote aux élections au Parlement européen pour les personnes handicapées»

(supplément d’avis d’initiative)

(2021/C 56/04)

Rapporteur:

Krzysztof PATER

Décision de l’assemblée plénière

20.2.2020

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

 

(supplément d’avis d’initiative)

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Adoption en section

11.11.2020

Adoption en session plénière

2.12.2020

Session plénière no

556

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

246/0/0

1.   Introduction

1.1.

Le présent avis constitue une synthèse de la deuxième phase des travaux du Comité économique et social européen (CESE) qui visent à garantir à tous les citoyens handicapés de l’Union européenne (UE) un véritable droit de vote aux élections au Parlement européen (PE).

1.2.

Lors de la première phase, close en mars 2019, le CESE a rédigé un rapport d’information intitulé La réalité du droit de vote aux élections européennes pour les personnes handicapées (1). Ce rapport décrit de manière exhaustive les obstacles juridiques et techniques qui empêchent la réalisation de ces droits dans tous les États membres de l’Union européenne. Le présent avis ne cite que quelques-unes des constatations et conclusions de ce rapport, une parfaite compréhension de la situation nécessiterait d’en lire l’intégralité.

2.   Conclusions et recommandations

2.1.

Dans chacun des 27 États membres de l’UE, il existe des règles ou des modalités d’organisation qui privent une partie des électeurs handicapés de la possibilité de participer aux élections au Parlement européen.

2.2.

L’absence de modifications législatives majeures, couplée au vieillissement de la population, engendrera une augmentation constante du nombre de personnes qui sont privées d’un véritable droit de vote en raison de leur handicap, que ces dernières vivent à domicile ou dans des établissements de soins de longue durée. Cette impossibilité de voter touche également de nombreuses autres personnes, par exemple celles qui bénéficient de soins hospitaliers de courte durée, qui sont en cours de traitement ou de rééducation à domicile, et celles placées en isolement ou en quarantaine à cause de risques épidémiologiques.

2.3.

Selon le CESE, cette situation est inacceptable et contraire aux valeurs fondamentales de l’Union européenne et aux dispositions du traité sur l’Union européenne (TUE). Elle est également contraire à de nombreux actes juridiques et politiques internationaux, notamment la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, la déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, et les recommandations du Comité des ministres du Conseil de l’Europe.

2.4.

Le CESE invite le Parlement européen, le Conseil européen et les États membres à modifier d’urgence l’acte électoral de 1976 (2) pour préciser le principe du suffrage universel direct et secret, ce qui permettrait d’appliquer dans toute l’Union des normes garantissant la réalité du droit de vote pour les personnes handicapées, conformément à l’article 29 de la convention relative aux droits des personnes handicapées. Ces normes devraient comprendre au moins les éléments suivants:

l’interdiction de priver les citoyens du droit de voter aux élections européennes en raison de leur handicap ou état de santé,

l’obligation de fournir des informations sur les règles du scrutin sous une forme adéquate en fonction des besoins résultant du type de handicap,

la possibilité de voter en toute autonomie ailleurs que dans leur bureau de vote pour les personnes qui ne sont pas en mesure d’y accéder en raison de leur handicap,

la mise en œuvre de solutions qui permettraient aux personnes handicapées qui ont besoin d’une assistance importante (comme les personnes sourdes-aveugles, aveugles, malvoyantes ou ayant une capacité manuelle réduite) de voter de manière autonome, sans devoir compter sur l’aide d’autres personnes,

la possibilité de changer le bureau de vote assigné pour un autre qui soit mieux adapté aux besoins des électeurs handicapés,

le droit d’une personne de choisir librement un assistant personnel qui l’aidera dans l’exercice de son droit de vote.

2.5.

La mise en œuvre de ces règles conférera toujours de larges pouvoirs discrétionnaires aux États membres, mais garantira néanmoins à chaque citoyen de l’Union, dès 2024, le véritable droit d’élire son représentant au Parlement européen, indépendamment de sa nationalité ou de son État de résidence.

3.   État des lieux

3.1.   Obstacles rencontrés par les personnes handicapées dans l’exercice de leurs droits de vote

3.1.1.

Les responsables politiques de toute l’Europe sont parfaitement conscients de l’impossibilité pour de nombreuses personnes handicapées d’exercer leur droit de vote, puisque des représentants d’organisations qui s’occupent des droits des personnes handicapées et des droits de l’homme, ainsi que des personnes handicapées et leurs familles réclament depuis des années un véritable droit de vote, sans aucune restriction. Antonio Tajani, président du Parlement européen, a également signalé ce problème dans une lettre envoyée en 2017 à tous les Premiers ministres des États membres, dans laquelle il leur demande de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les personnes handicapées puissent exercer leur droit de vote lors des élections de 2019. Le résultat escompté n’a toutefois pas été atteint.

3.1.2.

Le 20 mars 2019, le CESE a envoyé son rapport d’information sur La réalité du droit de vote aux élections européennes pour les personnes handicapées aux institutions européennes et aux États membres.

3.1.2.1.

Le rapport décrit de manière exhaustive les obstacles juridiques et techniques rencontrés par les personnes handicapées dans l’exercice de leur droit de vote dans tous les États membres de l’Union. Il présente également plus de 200 exemples de bonnes pratiques, c’est-à-dire des solutions qui facilitent leur participation aux élections.

3.1.2.2.

Le rapport fournit une analyse des droits des personnes handicapées à participer pleinement à la vie politique, notamment du droit de vote, qui découlent des principaux actes juridiques et politiques internationaux.

3.1.2.3.

Il contient également une description détaillée des règles en vigueur dans l’Union qui régissent le déroulement des élections au Parlement européen et des modifications dont elles pourraient faire l’objet.

3.1.3.

Les restrictions mentionnées dans le rapport ont été confirmées par des rapports émanant de médias et d’organisations de la société civile en Europe au sujet des dernières élections au Parlement européen, qui ont eu lieu du 23 au 26 mai 2019.

3.1.4.

Au cours des deux mois qui se sont écoulés entre la publication du rapport en mars et les élections européennes de mai, des modifications législatives sont intervenues en Allemagne (3) et en France (4), permettant de voter à des personnes qui en avaient précédemment été privées. Cependant, les législations nationales de quatorze États membres excluent toujours au total quelque 400 000 citoyens de l’Union du droit de voter aux élections européennes en raison de déficiences intellectuelles ou de problèmes de santé mentale, généralement à la suite de la décision de les placer sous tutelle ou sous curatelle.

3.1.5.

Les modalités d’organisation (obstacles techniques) découlant des règles ou des pratiques en vigueur dans les États membres empêchent des millions de citoyens de l’Union de voter aux élections européennes. À titre d’exemple:

dans huit États membres, les personnes qui ne sont pas en mesure de se rendre dans un bureau de vote en raison d’un handicap ou d’une maladie, y compris celles placées dans des établissements de soins de longue durée, ne disposent pas de la possibilité de recourir à une autre forme de vote,

dans 18 États, les personnes aveugles n’ont pas la possibilité de voter de manière autonome,

dans douze États, les électeurs handicapés ne peuvent pas opter pour le bureau de vote de leur choix,

dans neuf États, les électeurs doivent indiquer le numéro d’identification du candidat, son nom ou la dénomination du parti qu’ils soutiennent sur le bulletin de vote, ce qui constitue un obstacle important, et pas uniquement pour les aveugles,

un seul État de l’Union européenne prévoit des règles qui déterminent l’équipement et le fonctionnement des bureaux de vote de manière à ce qu’ils soient adaptés aux besoins des personnes handicapées (elles s’appliquent à la moitié des bureaux de l’État).

3.1.6.

Dans chacun des 27 États membres de l’UE, il existe des règles ou des modalités d’organisation qui privent une partie des électeurs handicapés de la possibilité de participer aux élections au Parlement européen. Cependant, si l’on appliquait les bonnes pratiques existant dans tous les États, l’on obtiendrait un système idéal dans lequel chaque citoyen de l’UE en situation de handicap aurait non seulement la pleine possibilité de voter, mais également celle de choisir parmi plusieurs options la forme de vote qui lui conviendrait le mieux.

3.1.7.

La pandémie de COVID-19 a incité les États qui organisent des élections en 2020 à mettre en œuvre de nouvelles solutions, souvent innovantes, en créant la possibilité de voter sans devoir se rendre au bureau de vote, élargissant ainsi l’éventail des solutions positives appliquées dans les États membres, qui ne sont pas uniquement utiles aux personnes handicapées.

3.1.8.

Le 26 novembre 2020, le Parlement européen a adopté une résolution sur le bilan des élections européennes (5), où il signale, en se référant au rapport du CESE susmentionné, que des restrictions graves empêchent les personnes handicapées d’exercer leur droit de vote.

3.2.   Facteurs déterminants relatifs à la démographie et à la santé

3.2.1.

Selon les prévisions d’Eurostat (6), la part des personnes âgées de 65 ans ou plus dans la population totale de l’UE passera de 19,8 % en 2018 à 31,3 % en 2100.

3.2.2.

Eurostat indique qu’une fille née en 2015 peut s’attendre à vivre en moyenne 63,3 ans en bonne santé, sans aucune forme de handicap, tandis qu’un garçon nouveau-né peut s’attendre à vivre 62,6 ans sans handicap (7). Étant donné que l’espérance de vie moyenne de cette fille était de 83,3 ans et celle d’un garçon de 77,9 ans, la moyenne des femmes nées en 2015 vivront pendant 20 années avec un handicap tandis que cette durée est de 15 ans pour les hommes nés la même année.

3.2.3.

Eurostat estime (8) que le taux de personnes handicapées dans la tranche d’âge de 15 à 64 ans s’étend de 11 à 14 %, en fonction de la définition adoptée. Si l’on utilise comme définition de référence celle visée à l’article 1er de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par l’Union européenne et tous les États membres, ce taux dépasse les 15 %.

3.2.4.

L’on peut donc estimer que près de 20 % des citoyens adultes de l’UE, soit environ 80 millions de personnes, présentent actuellement une forme de handicap qui complique leur vie quotidienne, et ce taux augmentera de 1 % en moyenne tous les six ans.

3.2.5.

La convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées s’applique aux «personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables». Le CESE souligne toutefois que d’autres personnes qui ne sont pas formellement reconnues comme présentant un handicap au motif que leur incapacité est temporaire subissent les mêmes limitations à l’égard de la possibilité de voter.

3.2.5.1.

Il s’agit, par exemple, des patients hospitalisés pour une courte durée et des personnes bénéficiant d’un traitement ou d’une rééducation à domicile qui, en raison des contraintes temporaires liées à leur état de santé à un moment donné, ne sont pas en mesure d’aller voter dans un bureau de vote. Cette situation pourrait concerner plusieurs centaines de milliers de patients dans l’Union.

3.2.5.2.

Il peut également s’agir de personnes qui, en raison d’un risque épidémiologique, sont soumises à des restrictions de mouvement, y compris l’isolement dans un établissement fermé, ou qui ne sont pas en mesure de quitter leur domicile. L’expérience tirée de la pandémie de COVID-19 montre que plusieurs millions de citoyens de l’UE pourraient être touchés en même temps.

4.   Principaux éléments du cadre juridique et politique international régissant le droit de vote des personnes handicapées

4.1.

L’article 21 de la déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies, adoptée le 10 décembre 1948, dispose que «Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis.»

4.2.

Le pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966, dispose, en son article 25, que «Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables […] de voter […].»

4.3.

La convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, entrée en vigueur le 3 mai 2008:

prévoit que les États parties s’engagent «à faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique sur la base de l’égalité avec les autres, […] notamment qu’elles aient le droit et la possibilité de voter […]»; elle établit un certain nombre de mesures à cette fin et demande que «les procédures, équipements et matériels électoraux soient appropriés, accessibles et faciles à comprendre et à utiliser» (article 29),

souligne que «les personnes handicapées ont droit à la reconnaissance en tous lieux de leur personnalité juridique» et qu’elles «jouissent de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres» (article 12),

préconise que les personnes handicapées aient accès «[a]ux bâtiments, à la voirie, aux transports et autres équipements intérieurs ou extérieurs» ouverts ou fournis au public (article 9).

4.4.

Le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies a constaté en 2015 «que, dans l’ensemble de l’UE, les personnes handicapées, notamment celles qui sont privées de leur capacité juridique ou qui vivent en institution, ne sont pas en mesure d’exercer leur droit de vote, ni de participer pleinement aux élections» et a recommandé «de prendre les mesures nécessaires […] pour permettre à toutes les personnes handicapées, quel que soit leur handicap […] d’exercer leur droit de voter» (9).

4.5.

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit, à l’article 20, paragraphe 2, point b), que «les citoyens de l’Union […] ont, entre autres: […] le droit de vote […] aux élections au Parlement européen […] dans l’État membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État».

4.6.

La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne confirme, en son article 39, que tout citoyen de l’Union a le droit de vote aux élections au Parlement européen. L’article 21, paragraphe 1, de la charte souligne également qu’«est interdite toute discrimination fondée notamment sur […] un handicap […]». Et en vertu de l’article 26, «L’Union reconnaît et respecte le droit des personnes handicapées à bénéficier de mesures visant à assurer […] leur participation à la vie de la communauté.»

4.7.

La recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, adoptée le 16 novembre 2011 (10), réaffirme que toutes les personnes handicapées ont le droit de participer à la vie politique et publique en tant que citoyens, sur un pied d’égalité avec les autres et que «des bulletins et des équipements de vote accessibles devraient être disponibles au moment du vote».

5.   Actions à entreprendre

5.1.

Le CESE souligne que, conformément à l’article 10, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne (version consolidée), «Les citoyens sont directement représentés, au niveau de l’Union, au Parlement européen.» L’article 14, paragraphe 3, du TUE dispose que «Les membres du Parlement européen sont élus au suffrage universel direct, libre et secret, pour un mandat de cinq ans.» Ces dispositions ne permettent pas d’établir de distinctions dans l’exercice du droit de vote aux élections européennes en fonction de la citoyenneté ou de l’État de résidence des personnes handicapées.

5.2.

Les exemples de distinctions injustifiées quant aux droits des personnes handicapées et, partant, de discriminations à leur encontre ne manquent pas actuellement a sein de l’Union européenne. À titre d’exemple:

une personne ayant la nationalité de deux États membres de l’UE pourrait, selon le document d’identité choisi, soit voter en toute autonomie, soit être privée du droit de son vote en raison d’une incapacité intellectuelle,

une personne alitée nécessitant des soins permanents ne peut pas voter parce qu’elle n’est pas en mesure de se rendre au bureau de vote et qu’il n’y a pas d’autre possibilité de voter dans son État de résidence. Mais si la même personne vivait dans un autre État de l’UE, elle pourrait voter librement par voie postale, au moyen d’une urne mobile ou par internet,

une personne aveugle peut voter en toute autonomie et sans aucune assistance dans un État membre, ce qui serait impossible dans un autre État où elle pourrait uniquement voter dans un bureau de vote avec l’aide d’une autre personne,

une personne atteinte de la maladie de Parkinson pourrait voter de manière autonome dans un État où l’électeur s’exprime en apposant un simple signe graphique (par exemple «X») ou en choisissant un bulletin parmi une série de bulletins qu’il a reçus, mais elle serait confrontée à un obstacle infranchissable dans un État où il faut inscrire un chiffre, un prénom ou un nom de manière lisible sur le bulletin de vote,

une personne présentant de graves problèmes de mobilité (nécessitant, par exemple, l’usage de béquilles ou d’un fauteuil roulant) pourrait choisir un bureau de vote adapté dans certains États, tandis que d’autres États n’autorisent pas le libre choix du bureau de vote, ce qui empêche souvent ces personnes de participer aux élections.

Selon le CESE, ces situations sont inacceptables et contraires aux valeurs fondamentales de l’Union européenne et aux dispositions du TUE.

5.3.

Les États membres sont responsables de l’organisation des élections au Parlement européen et de l’établissement de leurs règles. Leur pouvoir d’appréciation est toutefois restreint par le droit de l’Union. L’acte électoral de 1976, qui constitue la base juridique des élections au Parlement européen, fixe des conditions qui sont quelquefois différentes des règles établies par les États membres pour les élections locales ou nationales (11). Selon le CESE, la modification de cet acte en vue d’exiger que les États membres mettent en œuvre des normes garantissant aux personnes handicapées un véritable droit de vote constitue un moyen approprié et rapide de supprimer les pratiques discriminatoires à l’égard de ces citoyens de l’UE.

5.3.1.

Le CESE estime que le principe du suffrage universel énoncé à l’article 1er, paragraphe 3, de l’acte électoral requiert davantage de clarté: il convient d’indiquer qu’aucun citoyen de l’Union ne peut être privé du droit de vote aux élections européennes en raison de son handicap ou de son état de santé sur la base des réglementations nationales.

5.3.2.

Il est également essentiel d’expliciter les principes du suffrage universel direct et secret, visés à l’article 1er, paragraphe 3, de cet acte, en précisant que, dans le cadre de l’établissement de principes de vote détaillés, les États membres sont tenus de:

permettre aux personnes qui, en raison d’un handicap, ne sont pas en mesure de voter dans un bureau de vote d’exprimer leur suffrage de manière directe et autonome,

fournir des informations sur les règles du scrutin sous une forme adaptée aux besoins résultant de tous les types de handicap,

décider d’une forme de vote particulière et de mettre en œuvre les dispositions techniques nécessaires pour permettre aux personnes handicapées qui ont besoin d’une assistance importante (comme les personnes sourdes-aveugles, aveugles, malvoyantes ou ayant une capacité manuelle réduite) de voter de manière autonome, sans l’aide d’autres personnes,

garantir à toutes les personnes handicapées la possibilité de changer le bureau de vote assigné si elles considèrent qu’un autre bureau serait mieux adapté à leur handicap,

garantir à tous les électeurs handicapés le droit de choisir librement la personne qui les aidera à voter (assistant personnel).

5.4.

Le CESE considère que l’on pourrait tirer parti de la richesse des expériences positives de nombreux États pour mettre rapidement en œuvre les solutions proposées, en tenant compte des spécificités et des traditions électorales de chaque État membre.

5.4.1.

17 États de l’UE ont déjà mis en place des dispositions pour permettre à certains groupes d’électeurs de voter à l’aide d’urnes mobiles. Dans huit États, les citoyens peuvent voter par voie postale. Dans un État, il est possible de voter en ligne. Certains États de l’UE mettent en place des bureaux de vote clos dans les établissements de soins de longue durée. Ces solutions permettent aux personnes qui ne sont pas en mesure de se rendre dans leur bureau de vote assigné d’exercer leur droit de vote.

5.4.2.

Neuf États membres ont mis en œuvre des solutions permettant aux aveugles de voter de manière autonome. Elles se présentent sous la forme de plaques spéciales pour les bulletins de vote sur lesquels un symbole graphique simple est apposé lors du vote, ou d’enveloppes imprimées en braille dans lesquelles sont remis les bulletins de vote afin que l’électeur puisse facilement trouver le bon bulletin à placer dans l’urne. Les plaques spéciales sont également très utiles aux personnes malvoyantes ainsi qu’aux personnes présentant une capacité manuelle réduite. Les États qui exigent actuellement que les électeurs inscrivent le numéro ou le nom de famille d’un candidat sur le bulletin de vote peuvent bénéficier de cette expérience s’ils décident de remplacer le système par un autre plus pratique.

5.4.3.

Quinze États offrent aux électeurs la possibilité de changer de bureau de vote, du moins lorsqu’un handicap le justifie. Dans dix États, il est possible, au moins pour certains groupes de personnes, de voter à l’avance, le plus souvent dans des infrastructures bien adaptées aux besoins des personnes présentant différents types de handicap. Dans la mesure où aucun État de l’UE ne dispose de bureaux de vote qui soient tous adaptés aux personnes présentant tout type de handicap, la seule solution appropriée consiste à donner aux électeurs le droit de choisir librement le bureau adéquat.

5.4.4.

Dans de nombreux États, toute personne choisie par des électeurs handicapés peut exercer la fonction d’assistant pendant le scrutin. Cependant, beaucoup d’États limitent le droit de choisir librement un assistant. Cette restriction n’est justifiable que lorsqu’il s’agit d’une personne qui exerce en même temps d’autres fonctions (par exemple, un membre de la commission électorale ou un observateur). Dans d’autres cas, les restrictions ne sont pas justifiées et la procédure de sélection d’un assistant en vigueur dans certains États porte atteinte à la dignité des électeurs handicapés.

5.5.

La mise en œuvre de ces principes ne limitera en aucun cas le pouvoir discrétionnaire des États membres et garantirait que tout citoyen handicapé de l’Union dispose réellement du droit d’élire son représentant au Parlement européen, indépendamment de sa nationalité ou de son État de résidence. Le CESE estime qu’il est essentiel d’adopter ces principes pour que les prochaines élections européennes puissent être considérées comme véritablement universelles.

5.5.1.

L’article 223, paragraphe 1, du TFUE dispose que «Le Parlement européen élabore un projet en vue d’établir les dispositions nécessaires pour permettre l’élection de ses membres au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les États membres ou conformément à des principes communs à tous les États membres. Le Conseil, statuant à l’unanimité conformément à une procédure législative spéciale et après approbation du Parlement européen, qui se prononce à la majorité des membres qui le composent, établit les dispositions nécessaires. Ces dispositions entrent en vigueur après leur approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.»

5.5.2.

Compte tenu de ce qui précède et afin de garantir à tous les citoyens handicapés de l’Union le droit de voter aux élections européennes de 2024, le CESE invite:

le Parlement européen à élaborer d’urgence un projet de modification de l’acte électoral de 1976,

le Conseil européen à établir des règles révisées conformément aux objectifs énoncés dans le présent avis,

les États membres à approuver les règles établies par le Conseil sans délai injustifié.

5.5.2.1.

Le CESE est bien conscient que de nombreuses propositions, souvent controversées, visant à modifier les règles régissant les élections au Parlement européen ont été débattues ces dernières années. Il considère néanmoins que les propositions relatives au droit de vote des personnes handicapées devraient sortir de ce débat général et être présentées comme un projet distinct, car seule cette approche offre la perspective d’aboutir à un large consensus et de mettre rapidement en œuvre les modifications proposées. La mise en œuvre de normes régissant l’exercice du droit de vote des personnes handicapées pourrait également offrir une bonne base pour des initiatives similaires ultérieures relatives à d’autres questions, telles que celles que mentionne le Parlement européen dans sa résolution du 26 novembre 2020 (12).

Bruxelles, le 2 décembre 2020.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  http://www.eesc.europa.eu/fr/node/68473

(2)  JO L 278 du 8.10.1976, JO C 340 du 10.11.1997, JO L 283 du 21.10.2002.

(3)  https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Entscheidungen/EN/2019/04/qs20190415_2bvq002219en.html

(4)  https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038261631&categorieLien=id

(5)  P9_TA(2020)0327.

(6)  https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Population_structure_and_ageing/fr#La_part_des_personnes_.C3.A2 g.C3.A9es_continue_d.E2.80.99augmenter.

(7)  https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=People_in_the_EU_-_statistics_on_an_ageing_society&oldid=458862

(8)  https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/pdfscache/34409.pdf

(9)  Observations finales concernant le rapport initial de l’Union européenne.

(10)  Recommandation CM/Rec(2011)14.

(11)  http://www.eesc.europa.eu/fr/node/68473, titre 4.

(12)  Résolution du Parlement européen du 26 novembre 2020 sur le bilan des élections européennes (2020/2088(INI)], paragraphe 23; P9_TA(2020)0327.


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