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Document 52020AE4974

Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises — nouveau plan d’action [COM(2020) 590 final]

EESC 2020/04974

JO C 155 du 30.4.2021, p. 20–26 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

30.4.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 155/20


Avis du Comité économique et social européen sur la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises — nouveau plan d’action

[COM(2020) 590 final]

(2021/C 155/03)

Rapporteur:

Pierre BOLLON

Consultation

Commission européenne, 11.11.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

12.2.2021

Adoption en session plénière

24.2.2021

Session plénière no

558

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

226/1/4

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission sur «Une union des marchés des capitaux au service des personnes et des entreprises — nouveau plan d’action». Elle s’inscrit dans la nécessaire continuation des travaux réalisés dans le cadre du premier plan d’action de 2015 et de son examen à mi-parcours en 2017, que le Comité a approuvés dans ses avis intitulés «Un plan d’action pour la mise en place d’une union des marchés des capitaux» (1) et «Examen à mi-parcours du plan d’action concernant l’union des marchés des capitaux» (2). Au cours des deux dernières années, le Comité a également publié plusieurs avis sur des questions étroitement liées à l’union des marchés des capitaux, notamment les avis d’initiative suivants: «Vers une économie européenne plus résiliente et durable» (3) et «Une nouvelle vision pour achever l’Union économique et monétaire» (4).

1.2.

Les objectifs initiaux du plan d’action, qui consistent à faciliter la mobilisation des capitaux en Europe et à les canaliser vers les entreprises, les infrastructures et les projets à long terme pour entraîner des effets positifs sur l’emploi, demeurent pleinement pertinents. Ces objectifs revêtent la plus haute importance pour permettre à l’Union à 27, à ses entreprises et à ses citoyens d’accomplir des progrès décisifs vers le renforcement de la souveraineté géostratégique, sur le plan financier et économique, ainsi que vers la réalisation des indispensables transitions climatique, sociale et numérique. Le CESE souligne également que l’union des marchés des capitaux ne peut atteindre les objectifs qui lui sont assignés qu’à la condition que la stabilité financière et la protection des consommateurs restent prioritaires, pour éviter de graves répercussions négatives sur les entreprises, les travailleurs et les consommateurs, de même que sur l’économie dans son ensemble.

1.3.

La crise de la COVID-19, violente et imprévue, nécessite de renforcer le plan d’action et d’en accélérer la mise en œuvre. Les entreprises européennes, quelle que soit leur taille, ont été contraintes de creuser leur endettement et elles devront, dans les mois et les années à venir, lever des fonds ou puiser dans leurs capitaux propres pour pouvoir investir dans l’avenir et, ce faisant, créer de l’emploi.

1.4.

L’accord sur le Brexit, conclu à la fin du mois de décembre 2020, est une raison majeure supplémentaire pour imprimer un nouvel élan à l’union des marchés des capitaux. Les centres financiers de l’Union à 27 devront être en mesure de fournir des services qui ont été assurés jusqu’alors par la City de Londres. Des marchés financiers et des capitaux hautement intégrés, fonctionnels et équitables doivent être développés dans l’Union à 27, et le CESE estime qu’un corpus réglementaire davantage harmonisé sera nécessaire pour éviter aussi bien les lacunes que les contraintes donnant lieu à des déséconomies d’échelle.

1.5.

Le Comité, tout en se déclarant favorable à l’ensemble des 16 actions proposées par la Commission, insiste sur l’importance de hiérarchiser et de coordonner les initiatives (en fixant des jalons concrets pour mesurer les progrès accomplis), il met en avant celles qu’il juge les plus nécessaires et formule des propositions complémentaires ciblées.

1.6.

Tout en reconnaissant l’importance du financement public, il conviendrait sans nul doute de mieux tirer parti du haut niveau d’épargne en Europe comparativement à d’autres régions du monde. Il y a une condition générale essentielle, préalable à la réalisation de cet objectif: c’est l’amélioration de l’éducation financière des Européens (action no 7). Le CESE recommande de recenser et de promouvoir les bonnes pratiques et expériences nationales en matière d’enseignement et d’apprentissage. Il suggère également d’associer toutes les parties prenantes, y compris les représentants des travailleurs et des consommateurs, à l’élaboration et à la mise en œuvre de mesures d’éducation financière dans toute l’Europe, de renforcer l’efficacité des règles strictes de protection et de réduire les asymétries en matière d’information entre les prestataires de services financiers et les citoyens. Le CESE recommande en particulier d’inclure la culture financière dans la future révision du cadre des compétences clés.

1.7.

Afin d’accroître l’autonomie stratégique de l’Union dans des secteurs et des capacités de première importance, le Comité souscrit aux propositions de mesures techniques avancées par la Commission: i) simplifier les règles de cotation pour les PME (action no 2); ii) permettre aux actionnaires de mieux exercer leurs droits dans un contexte transfrontière (action no 12); iii) améliorer les services de règlement transfrontière (action no 13); iv) créer un système consolidé de publication post-marché pour les fonds propres (action no 14), ainsi qu’un portail InvestEU soigneusement ciblé (action no 15). Une première mesure supplémentaire permettant d’aller de l’avant consisterait à charger la Commission d’évaluer la faisabilité d’autoriser les fonds d’investissement européens à bénéficier d’un code ISIN «.eu», améliorant ainsi leur disponibilité par-delà les frontières.

1.8.

Le CESE se range à l’avis de la Cour des comptes européenne, laquelle relève que la nouvelle législation sur la titrisation, qui représente certes une avancée positive, n’a pas, dans la pratique, permis aux banques d’accroître leur capacité de prêt, en particulier à destination des PME. Il existe donc une marge d’amélioration (action no 6), à la condition que des contrôles efficaces soient menés afin de prévenir la réapparition des risques systémiques.

1.9.

Il importe de prendre en considération le principe de subsidiarité s’agissant des investisseurs de détail, étant donné que les habitudes spécifiques en matière d’épargne sont profondément ancrées dans les schémas nationaux. Le CESE recommande par conséquent à la Commission, dans le cadre de ses très judicieux travaux visant à améliorer la qualité des conseils financiers (action no 8), de tenir compte des avantages qu’apporte chaque modèle différent, tout en gardant à l’esprit que la disponibilité de ces conseils, tout comme des informations comparables et adéquates/pertinentes, sont essentielles pour inciter les citoyens à investir.

1.10.

En ce qui concerne les retraites, au-delà du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP), qui est un outil pertinent pour les travailleurs transfrontières et sera couronné de succès en cas d’adoption d’une législation de niveau 2 facile à mettre en œuvre, des règles paneuropéennes universelles supplémentaires sur les régimes par capitalisation complétant les régimes par répartition ne seraient d’aucun bénéfice, étant donné que les dispositions en matière de retraite sont profondément enracinées dans le droit social national. Le CESE accueille donc favorablement la proposition de la Commission (action no 9) visant à recueillir, partager et promouvoir les meilleures pratiques.

1.11.

Afin de lutter contre le changement climatique, la Commission a placé à juste titre la transition énergétique parmi ses principales priorités. Le CESE recommande de tenir compte des considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), en accordant une grande attention à la dimension sociale, tout en favorisant la reprise économique ainsi que la préservation et la création d’emplois. Sur le plan de la concurrence, les programmes d’action en matière écologique et sociale devraient devenir un atout pour l’Europe. À titre de deuxième action supplémentaire, il importerait de permettre aux investisseurs d’accéder à des données fiables relatives aux critères ESG et de s’affranchir ainsi de leur actuelle dépendance à l’égard de fournisseurs, de fournisseurs d’indices et d’agences de notation concentrés dans des pays tiers.

1.12.

Le CESE recommande que l’union des marchés des capitaux tienne pleinement compte des différentes formes d’investissement à impact social, en particulier dans le domaine de l’«économie sociale», contribuant ainsi positivement à l’intérêt général et au bien commun. Les fonds d’entrepreneuriat social européens (EuSEF) devraient être fortement soutenus, éventuellement par une révision du règlement (UE) no 346/2013 du Parlement européen et du Conseil (5), qui les a initiés.

1.13.

Outre les mesures déjà mentionnées, le Comité préconise deux types de priorités qui, si elles sont adoptées au titre de ce plan d’action et mises en œuvre dans les États membres (un programme de suivi serait souhaitable), rendraient responsable sur les plans social et environnemental le système financier européen, lequel pourrait alors jouer son rôle d’intermédiaire entre l’offre et la demande de manière plus efficace, grâce à une compétitivité accrue et une plus grande résistance aux chocs.

1.14.

La première priorité consiste à améliorer l’efficacité de l’union des marchés des capitaux par trois mesures clés que sont i) la création du point d’accès unique européen, qui aidera, entre autres, les investisseurs à sélectionner les émetteurs (action no 1); ii) l’application d’un corpus réglementaire unique, sur la base d’une surveillance étroite tout en prévenant les arbitrages et les lacunes, ce qui permettrait aux acteurs du marché dans toute l’Europe (aucun centre financier ne sera dominant) de réaliser des économies d’échelle (action no 16); et iii) la simplification des procédures de dégrèvement des retenues à la source, tout en les rendant plus efficaces pour lutter contre la fraude (action no 10).

1.15.

La seconde priorité est d’encourager une réorientation de l’épargne à long terme vers des investissements à long terme. Le niveau élevé d’épargne en Europe, qui est un atout pour l’Union à 27, ne bénéficie pas assez aux entreprises ni aux citoyens. Le Comité est favorable à trois actions essentielles pour passer à la vitesse supérieure: i) le réexamen du Fonds européen d’investissement à long terme (FEILT) devrait faciliter l’investissement de l’épargne institutionnelle et de détail dans les actions cotées et non cotées des PME et des entreprises à capitalisation moyenne ainsi que dans des projets d’infrastructure (action no 3); ii) la révision prévue du cadre prudentiel relatif aux assurances sera l’occasion de renforcer le rôle des assureurs sur les marchés des capitaux en prenant mieux en compte la stabilité et la perspective à long terme de leurs investissements en fonds propres (action no 4); et iii) le développement de la participation des salariés serait un troisième élément complémentaire opportun du plan d’action, comme l’expose clairement le Parlement européen dans son rapport d’initiative d’octobre 2020, élaboré par la rapporteure Isabel Benjumea. En effet, l’actionnariat généralisé des salariés et leur participation aux bénéfices contribueraient, s’ils étaient mis en œuvre de manière équitable, à la cohésion sociale et à l’efficacité économique. Le nouveau plan d’action pour l’UMC pourrait être l’occasion d’encourager de tels systèmes, conformément au programme social.

1.16.

Pour finir, le CESE recommande qu’en matière de résultats politiques, toute nouvelle réglementation liée à la construction de l’union des marchés des capitaux soit soumise à quatre tests, en plus des questions «traditionnelles» auxquelles elle doit répondre («est-elle utile pour la construction d’un marché unique?» et «protège-t-elle les consommateurs européens?»).

A-t-elle des effets positifs sur la compétitivité des sociétés financières européennes dans le monde, renforçant ainsi l’autonomie géopolitique stratégique de l’Union?

Permet-elle de préserver la stabilité des marchés financiers?

Est-elle propice au financement à long terme des entreprises européennes, en particulier des PME et des entreprises à capitalisation moyenne, ainsi qu’à l’emploi?

Est-elle opportune pour les transitions climatique, sociale et numérique?

2.   Contexte

2.1.

L’union des marchés des capitaux (UMC) vise à créer un véritable marché unique des capitaux à l’échelle de l’Union et à faciliter la circulation des investissements et de l’épargne dans tous les États membres. Un marché européen des capitaux performant et intégré contribuerait à une croissance durable, renforcerait la compétitivité européenne et affermirait le rôle de l’Union sur la scène mondiale.

2.2.

L’UMC est également essentielle pour atteindre plusieurs grands objectifs de l’Union européenne, tels que la création d’une économie inclusive et résiliente, le soutien à la transition vers une économie numérique et durable ou encore une autonomie stratégique ouverte dans un contexte économique mondial de plus en plus complexe et contribuant à la reprise de l’après-COVID-19. Ces objectifs nécessitent des investissements massifs qui vont bien au-delà des capacités de financement public et du financement bancaire traditionnel.

2.3.

La Commission européenne a adopté le premier plan d’action pour l’union des marchés des capitaux en 2015. Depuis lors, l’Union a accompli quelques progrès dans la mise en place des éléments constitutifs de l’UMC. Toutefois, des obstacles considérables à la réalisation d’un marché unique subsistent. Par ailleurs, les différentes actions initialement prévues pour l’UMC doivent être complétées par de nouvelles mesures qui nous permettront de relever les nouveaux défis, tels que les transformations numérique et environnementale et les efforts de relance indispensables à la suite de la pandémie de COVID-19.

2.4.

Avec ce nouveau plan d’action (6), la Commission a dressé une liste de 16 nouvelles actions pour effectuer des progrès décisifs vers l’achèvement de l’union des marchés des capitaux et avec en ligne de mire les trois grands objectifs suivants:

soutenir une relance économique verte, numérique, inclusive et résiliente en rendant le financement plus accessible aux entreprises européennes,

faire de l’Union un lieu encore plus sûr pour l’épargne et l’investissement à long terme des particuliers,

intégrer les marchés des capitaux nationaux au sein d’un véritable marché unique.

2.5.

Le CESE participe activement à la création d’un marché européen commun des capitaux depuis l’origine de ce projet. En ce sens, le Comité a publié son premier avis à propos du livre vert sur l’union des marchés des capitaux (7), puis il s’est exprimé à la fois sur le plan d’action initial pour l’union des marchés des capitaux (8) et son examen à mi-parcours (9), ainsi que sur de nombreuses propositions législatives découlant de ces plans d’action. Dans le présent avis, le CESE présentera ses recommandations sur le nouveau plan d’action pour l’UMC, en s’appuyant sur ses travaux antérieurs et en tenant compte des nouvelles priorités et des nouveaux problèmes que connaît l’Europe.

3.   Observations générales

3.1.

Le CESE accueille favorablement le nouveau plan d’action pour l’UMC, estimant qu’il est nécessaire de donner une suite aux acquis du premier plan de 2015. Il est encore plus urgent de poursuivre le plan dans le contexte de la crise, que rien ne laissait attendre, de la COVID-19 — une crise qui, en raison de son ampleur, modifie quelque peu le diagnostic s’appuyant sur les excellents travaux menés par le groupe d’experts de haut niveau sur l’approfondissement de l’UMC, ainsi que par le forum de haut niveau sur l’UMC, justifiant certains ajustements et renforcements. Le CESE déplore la lenteur avec laquelle est mis en œuvre le plan d’action de 2015, principalement en raison d’un manque de soutien de la part de certains États membres. L’union bancaire, autre grand projet en cours, pâtit également de retards. Le CESE considère que les États membres doivent faire preuve d’une forte volonté politique pour appuyer les mesures nécessaires à la réalisation de l’UMC, qui n’est pas censée être une fin en soi — sachant que le processus de révision du Semestre européen pourrait être éventuellement utilisé comme outil de suivi des progrès. Une UMC sûre et fonctionnant correctement est essentielle pour accompagner la reprise économique et la restructuration consécutive à la pandémie de COVID-19, de même que pour soutenir les investissements pertinents en matière de capital, d’infrastructures et sur le plan social dans l’ensemble de l’Union, ainsi que le pacte vert pour l’Europe ou la transformation numérique. Dans ce contexte, le CESE reconnaît en outre l’importance du financement public, qui joue également un rôle essentiel lorsqu’il s’agit d’attirer les investissements privés et de réduire l’incertitude. Les investissements étrangers pourraient aussi jouer un rôle important, en venant compléter l’épargne européenne.

3.2.

Par ailleurs, la Commission insiste également sur le fait que «la crise risque de creuser les disparités qui existent au sein de l’Union, menaçant de ce fait la résilience économique et sociale collective de celle-ci». Dans ce contexte, le CESE souligne l’importance de hiérarchiser et de coordonner les initiatives. Le plan d’action pour l’UMC a recensé 16 actions, soit un programme assez vaste. Au vu de la charge pesant sur les économies et de l’endettement croissant tant des États membres que des entreprises privées, mais aussi des grandes différences quant à l’impact subi d’un pays à l’autre de l’Union ou encore d’un secteur économique à l’autre, le plan d’action pour l’UMC doit faire l’objet d’une grande attention et d’un contrôle prudent, auquel le CESE entend contribuer, par le truchement de cet avis, afin de garantir qu’un système financier européen socialement responsable puisse jouer plus efficacement son rôle d’intermédiaire entre l’offre et la demande, tout en bénéficiant d’une plus grande résistance aux chocs.

3.3.

Les mesures susceptibles de contrer les risques systémiques liés au niveau très élevé de la dette publique et privée devraient être privilégiées. Parallèlement, un soutien devrait être accordé en priorité aux entreprises impactées par la crise mais viables ainsi qu’aux entreprises nouvellement créées pour développer l’emploi et la compétitivité de l’économie européenne, d’autant plus que l’effet de la COVID-19 sur les économies asiatiques semble moins important que dans les pays occidentaux. La dépendance extérieure sur le plan du financement économique peut également comporter des risques systémiques, et le plan d’action pour l’UMC devrait chercher à davantage prendre appui sur l’épargne européenne. Il conviendrait de mieux tirer parti du haut niveau d’épargne en Europe comparativement aux autres régions. Il y a une condition générale essentielle, préalable à la réalisation d’un tel objectif: c’est l’amélioration de l’éducation/la culture financière des citoyens européens (action no 7). Dans ce domaine, le CESE recommande de recenser les bonnes pratiques et expériences nationales en matière d’enseignement et d’apprentissage dans ce domaine, pour en faire la promotion dans toute l’Europe, de rendre plus efficaces les règles strictes de protection des investisseurs et de réduire les asymétries en matière d’information (il est fondamental de pouvoir disposer d’informations adéquates) entre les prestataires de services financiers et les citoyens. Le CESE recommande d’inclure la culture financière dans la future révision du cadre des compétences clés. Il préconise en outre que toutes les parties prenantes soient associées à l’élaboration et à la mise en œuvre de mesures d’éducation financière, y compris les représentants des travailleurs et des consommateurs.

3.4.

La mission essentielle d’un système financier socialement responsable consiste à remplir une fonction d’intermédiaire entre l’offre et la demande d’actifs financiers, tout en résistant aux chocs, sachant que l’influence négative d’un secteur financier fragile sur les entreprises, les travailleurs et les consommateurs est considérable, tout comme sur l’économie dans son ensemble. Le CESE souligne par conséquent que l’union des marchés des capitaux ne peut atteindre les objectifs visés qu’à la condition que la stabilité financière et la protection des consommateurs demeurent des priorités du plan d’action pour l’UMC. En particulier, la protection des investisseurs de détail ne doit pas être abaissée. Lors de l’approfondissement de l’UMC, il convient d’éviter l’arbitrage et les lacunes réglementaires.

3.5.

La Commission observe également «un intérêt stratégique européen pour les chaînes d’approvisionnement du marché intérieur dans le but de développer l’autonomie stratégique de l’UE dans des secteurs et des capacités de première importance». À cet égard, plusieurs propositions techniques dans le cadre du nouveau plan d’action pour l’UMC devraient être soutenues, notamment la simplification des règles de cotation pour les PME (action no 2); le recours étendu au vote électronique et l’élaboration d’une définition européenne de l’«actionnaire», qui permettra aux actionnaires de mieux exercer leurs droits dans un contexte transfrontière (action no 12); l’amélioration des services de règlement transfrontière (action no 13); et la création d’un système consolidé de publication post-marché pour les fonds propres (action no 14). Une autre mesure permettant d’aller de l’avant consisterait à charger la Commission d’évaluer l’intérêt et la faisabilité d’autoriser les fonds d’investissement européens à bénéficier d’un code ISIN «.eu», améliorant ainsi leur disponibilité par-delà les frontières. Grâce à ces mesures, l’UMC apportera également un soutien décisif aux PME et aux entreprises de toutes tailles dans leurs transitions écologique et numérique, en renforçant leurs possibilités d’accès au financement par des canaux complémentaires au secteur bancaire.

3.6.

En ce qui concerne la législation sur la titrisation, le CESE partage l’avis de la Cour des comptes européenne: cette législation, qui représente certes une avancée positive, n’a pas encore provoqué la relance attendue sur le marché européen de la titrisation après la crise financière et n’a pas permis aux banques d’accroître leur capacité de prêt, notamment au bénéfice des PME. Les opérations restent concentrées dans un petit nombre de catégories d’actifs (telles que les crédits hypothécaires et les prêts automobiles), et ce uniquement dans certains États membres. Il y a lieu, de toute évidence, d’améliorer le marché de la titrisation (action no 6), en menant des contrôles efficaces pour prévenir la réapparition des risques systémiques par l’affaiblissement de la réglementation.

3.7.

Une intégration financière plus poussée est la pierre angulaire de l’union des marchés des capitaux. Toutefois, il importe de maintenir une approche pragmatique et réaliste lors de l’examen de certains de ses aspects. Pour ce qui est de l’investissement de détail, les préférences nationales et les schémas spécifiques prévalent souvent, à cause du besoin de proximité lors de la recherche de conseils financiers. La barrière de la langue doit également être prise en considération au moment de se pencher sur les marchés de l’épargne individuelle. En outre, l’uniformité n’est pas nécessairement synonyme d’efficacité s’agissant des modèles de distribution des produits financiers de détail. Dans le cadre de ses travaux visant à améliorer la qualité des conseils financiers (action no 8), une ambition dont on ne peut que se féliciter, la Commission devrait tenir compte des apports de chaque modèle différent, tout en gardant à l’esprit que la disponibilité et la qualité de ces conseils, tout comme des informations comparables et claires, notamment celles relatives à la durabilité, ainsi que des règles solides et propres à asseoir la confiance, sont essentielles pour inciter les citoyens à investir.

3.8.

En ce qui concerne les retraites, au-delà de la solution que représente le produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP), qui s’adresse aux porteurs paneuropéens, il convient de préserver les divers modèles nationaux intégrés dans le droit social s’ils sont satisfaisants, quoique différents. Le CESE est dès lors pleinement favorable à la proposition pour l’UMC consistant à partager les bonnes pratiques, telles que l’affiliation automatique, les systèmes nationaux de suivi accessibles à tous les citoyens et les tableaux de bord nationaux assortis d’indicateurs. Il convient d’y ajouter la possibilité d’avoir accès au conseil, de même qu’une participation accrue des représentants des épargnants, des travailleurs et des retraités. Quoi qu’il en soit, l’objectif devrait être de compléter, et non d’affaiblir, les régimes par répartition (action no 9).

3.9.

Le CESE recommande que l’union des marchés des capitaux tienne pleinement compte des différentes formes d’investissement à impact social, en particulier dans le domaine de l’«économie sociale», contribuant positivement à l’intérêt général et au bien commun. Les fonds d’entrepreneuriat social européens (EuSEF) devraient être fortement soutenus, éventuellement par une révision du règlement (UE) no 346/2013, qui en est à l’origine.

3.10.

Avant la crise de la COVID-19, les considérations environnementales et la transition énergétique avaient été, plutôt à juste titre, placées aux premiers rangs des priorités de l’Union et de la Commission. Dans le nouveau contexte de la pandémie, le CESE recommande de maintenir le programme relatif aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) parmi les plus hautes priorités, en accordant une attention accrue à la dimension sociale, et d’examiner ledit programme en lien avec la reprise économique, le rétablissement et la préservation de l’emploi, ou encore la stabilité financière. Dans le cadre de cet exercice, l’Union devra également garder à l’esprit le volet concurrence pour que le programme d’action en matière écologique et sociale demeure un atout pour l’Europe. Il importera, entre autres choses, de s’appuyer sur les fournisseurs européens d’informations et de notations fondées sur des normes convergentes et fiables, tout en défendant sur la scène internationale une cohérence à l’échelle mondiale. En outre, une réglementation spécifique relative aux données et aux agences de notation ESG pourrait être souhaitable, que ce soit sous la forme d’une modification du règlement (UE) no 462/2013 du Parlement européen et du Conseil (10) («règlement sur les agences de notation de crédit») ou sous celle d’un règlement distinct, conformément à la législation sur les marchés numériques.

3.11.

La pandémie de COVID-19 a également aggravé les disparités entre les États membres, en raison notamment de son incidence grave sur de nombreux secteurs, tels que le tourisme ou les transports. Tout ce qui peut atténuer ces disparités économiques doit également être considéré comme une priorité, par exemple favoriser le financement transfrontière des pays européens les moins développés. La création du portail InvestEU pourrait faciliter un tel financement, à condition qu’il soit soigneusement ciblé (action no 15). La compétitivité européenne et la convergence sont également essentielles, et l’Europe a besoin d’acteurs forts, de toutes tailles, capables d’affronter la concurrence au niveau mondial, entraînant d’autres acteurs dans leur sillage. Pour y parvenir, les responsables politiques européens doivent garantir des conditions de concurrence équitables avec les autres marchés du monde.

3.12.

Le CESE reconnaît que le plan d’action pour l’UMC n’a pas permis d’avancée quant à la suppression des principaux obstacles aux flux transfrontières de capitaux, et que certains États membres continuent d’appliquer des politiques de cantonnement des capitaux et des liquidités, ce qui entrave l’affectation adéquate des ressources, conduit à la fragmentation du marché et ralentit la reprise économique.

3.13.

Le Brexit est un facteur perturbateur supplémentaire qu’il convient de prendre en considération. Les marchés financiers continentaux apparaissent assez fragmentés, avec des niveaux de liquidité inégaux. De ce fait, l’UE à 27 pourrait se trouver exposée à un risque réel de dépendance accrue vis-à-vis des marchés financiers extérieurs plus intégrés, un certain nombre d’entreprises européennes ayant choisi par le passé d’être cotées au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Le CESE souscrit à la déclaration de la Cour des comptes européenne selon laquelle la Commission (et même, à son avis, le Parlement européen et le Conseil) devrait recommander à tous les États membres dont les marchés de capitaux sont moins développés de mettre en œuvre des réformes pertinentes. Il convient également de souligner que la mise en place d’une infrastructure de marché développée dans l’Union est cruciale pour son autonomie financière et économique, et qu’elle pourrait permettre de renforcer le rôle de l’euro au niveau international.

3.14.

Pour résumer le point de vue du CESE, au-delà des mesures techniques déjà évoquées, nous sommes enclins à préconiser deux types de priorités parmi les 16 propositions d’action figurant dans le plan:

Renforcer les marchés financiers de l’Union pour en améliorer l’efficacité. Cette ambition devrait être facilitée par trois mesures clés que sont i) la création du point d’accès unique européen, qui aidera, entre autres, les investisseurs à sélectionner les émetteurs (action no 1); ii) l’application du corpus réglementaire unique, notamment en ce qui concerne les plateformes de marché, les contreparties centrales et les fournisseurs de données — d’une manière générale, une convergence en matière de surveillance et le renforcement de la coopération seraient essentiels pour prévenir les arbitrages et lacunes réglementaires (action no 16); et iii) la simplification des investissements transfrontières et l’introduction d’un système commun et normalisé à l’échelle de l’UE pour le dégrèvement des retenues à la source, afin d’éviter la fraude fiscale et l’arbitrage fiscal (action no 10).

Réorienter l’épargne à long terme vers des investissements à long terme. Le niveau élevé d’épargne en Europe, qui est le point fort de l’Union à 27, ne bénéficie pas assez à l’économie réelle. Le réexamen du Fonds européen d’investissement à long terme (FEILT) doit permettre le renouvellement du cadre de ce type de fonds à long terme, qui facilitera en particulier l’investissement de l’épargne institutionnelle et de détail à long terme dans les actions cotées et non cotées des PME et des entreprises à capitalisation moyenne ainsi que dans des projets d’infrastructure (action no 3). Un traitement prudentiel plus approprié pour les investissements en fonds propres des assureurs et des banques devra servir à renforcer, et non affaiblir, l’efficacité des règles prudentielles (action no 4). En outre, comme le souligne le Parlement européen dans son rapport d’initiative sur la poursuite de la mise en place de l’union des marchés des capitaux (11), les États membres devraient s’efforcer de rééquilibrer les distorsions fiscales en faveur de l’endettement. Toutefois, ce faisant, l’objectif ne devrait pas être de compromettre le montant des recettes fiscales dans leur ensemble. La promotion de la participation des salariés, qui fait défaut dans le plan d’action, s’impose comme un autre sujet important sur lequel la Commission pourrait une nouvelle fois insister, comme elle a su le faire dans le passé. En effet, l’actionnariat des salariés et leur participation aux bénéfices contribueraient, s’ils étaient mis en œuvre de manière équitable, à la cohésion sociale et à l’efficacité économique. Pour ne pas imposer de risques indus aux travailleurs, la participation de leurs représentants et une protection solide des investisseurs sont essentielles. L’UMC devrait représenter une nouvelle occasion de favoriser ces régimes, conformément à l’agenda social et à l’appel que le Parlement européen a lancé dans son rapport d’initiative.

3.15.

Ces dernières mesures donneraient, à très bon escient, une vive et décisive impulsion initiale en faveur de l’UMC et elles permettraient des avancées vers des objectifs essentiels, bien que plus complexes, tels qu’une convergence renforcée dans des domaines ciblés du droit de l’insolvabilité (action no 11) ou la mise sur pied d’un arsenal plus intégré de systèmes européens de négociation et d’échange.

3.16.

Au-delà des considérations exprimées dans le présent avis, le CESE recommande qu’en matière de résultats politiques, toute réglementation nouvelle évalue les éventuels effets positifs ou négatifs sur la concurrence pour les entités européennes, afin de renforcer les entreprises financières de l’UE sur la scène internationale et, partant, d’accroître l’autonomie géopolitique stratégique de l’Union en vue de la réalisation des indispensables transitions climatique, sociale et numérique.

Bruxelles, le 24 février 2021.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  JO C 133 du 14.4.2016, p. 17.

(2)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 117.

(3)  JO C 353 du 18.10.2019, p. 23.

(4)  JO C 353 du 18.10.2019, p. 32.

(5)  Règlement (UE) no 346/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2013 relatif aux fonds d’entrepreneuriat social européens (JO L 115 du 25.4.2013, p. 18).

(6)  COM(2020) 590 final.

(7)  JO C 383 du 17.11.2015, p. 64.

(8)  JO C 133 du 14.4.2016, p. 17.

(9)  JO C 81 du 2.3.2018, p. 117.

(10)  Règlement (UE) no 462/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 modifiant le règlement (CE) no 1060/2009 sur les agences de notation de crédit (JO L 146 du 31.5.2013, p. 1).

(11)  RAPPORT sur la poursuite de la mise en place de l’union des marchés des capitaux: améliorer l’accès au financement sur le marché des capitaux, en particulier pour les PME, et accroître la participation des investisseurs de détail.


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