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Document 52020AE4256

Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Programme et plan d’action antidrogue de l’UE (2021-2025) [COM(2020) 606 final]

EESC 2020/04256

JO C 56 du 16.2.2021, p. 47–52 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

16.2.2021   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 56/47


Avis du Comité économique et social européen sur la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Programme et plan d’action antidrogue de l’UE (2021-2025)

[COM(2020) 606 final]

(2021/C 56/06)

Rapporteur général:

Ákos TOPOLÁNSZKY

Consultation

Commission européenne, 23.9.2020

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté»

Décision du bureau

15.9.2020

Adoption en session plénière

3.12.2020

Session plénière no

556

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

246/1/3

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

La stratégie antidrogue de l’UE qui arrive à échéance a souligné et démontré le rôle et l’importance d’une planification équilibrée et fondée sur des données probantes, ainsi que du suivi et de l’évaluation de la politique antidrogue.

1.2.

Le rapport d’évaluation externe de la stratégie antidrogue de l’UE a toutefois conclu que celle-ci n’avait que partiellement atteint ses objectifs en matière de réduction de l’offre et de la demande, tandis que des progrès significatifs ont été réalisés dans les domaines de la coopération internationale ainsi que du suivi, de l’évaluation et de la recherche. Le rapport a mis en évidence des déséquilibres dans l’utilisation des ressources financières, notamment au détriment des interventions visant à réduire la demande.

1.3.

L’examen réalisé par le Forum de la société civile sur la drogue créé par la Commission européenne a mis en lumière des lacunes importantes dans la mise en œuvre des interventions sanitaires et sociales au niveau des États membres et à l’échelon local. Dans la majorité des États membres, de nombreuses interventions de prévention ou de réduction des dommages fondées sur des données probantes font totalement défaut ou n’ont qu’une faible couverture.

1.4.

Le 24 juillet 2020, la Commission européenne a publié sa nouvelle stratégie 2020-2025 sur l’union de la sécurité, dont le programme antidrogue constitue l’un des éléments. Le CESE considère que ce programme, dans sa forme actuelle, marque une nette régression et un abandon de l’approche consensuelle, équilibrée et fondée sur des données probantes menée jusqu’à présent en matière de lutte antidrogue, qui lui valait d’être évaluée positivement.

1.5.

Le CESE se félicite de la décision prise par le groupe de travail horizontal «Drogue» du Conseil européen lors de sa réunion du 28 septembre, qui invite la présidence allemande du Conseil à procéder d’ici décembre à une refonte du document élaboré par la Commission européenne. Le CESE est fermement convaincu de la nécessité de poursuivre et de renforcer encore, dans le cadre de la dixième stratégie antidrogue de l’UE, l’approche technique et les politiques publiques qui constituaient le fondement consensuel de la précédente stratégie en la matière.

1.6.

L’Union européenne devrait respecter et défendre avec force les valeurs fondamentales énoncées dans sa stratégie actuelle et s’engager en ce sens dans son document de stratégie.

1.7.

Le CESE recommande que la nouvelle stratégie antidrogue et le(s) nouveau(x) plan(s) d’action de l’Union européenne dans ce domaine améliorent sensiblement l’équilibre entre les interventions de réduction de la demande et celles visant à diminuer les dommages, tant du point de vue du nombre d’interventions stratégiques que de l’affectation des ressources.

1.8.

Il importe que le programme traite les phénomènes de la drogue de manière véritablement équilibrée, selon une approche intégrée et pluridisciplinaire, dans un cadre qui s’appuie sur les droits de l’homme et la coopération internationale, prend en compte les aspects liés à la santé publique et l’évolution des connaissances scientifiques et prévoit une évaluation continue. La stratégie antidrogue de l’UE devrait reconnaître les droits fondamentaux des consommateurs de drogue en matière de traitements et de soins, comme c’est le cas pour n’importe quelle autre catégorie de maladies.

1.9.

Le CESE estime qu’il est nécessaire d’améliorer à plus long terme, dans ce domaine également, la cohérence des pratiques d’application du droit des États membres conformément aux exigences d’harmonisation, étant donné qu’il existe actuellement dans les pratiques des États membres des divergences telles qu’elles portent incontestablement atteinte aux droits de l’homme.

1.10.

La pandémie de COVID-19 a montré que les groupes vulnérables de consommateurs de drogues sont particulièrement exposés aux conséquences négatives de la situation épidémiologique, lesquelles peuvent entraîner une hausse remarquable des risques liés à la consommation de drogue.

1.11.

Il y a lieu d’établir dès que possible, sur la base du modèle déjà utilisé pour réduire la demande, des indicateurs permettant d’évaluer les effets des interventions visant à réduire l’offre, ainsi que des normes de qualité.

2.   Contexte

2.1.

Le premier plan d’action conjoint de l’Union européenne en matière de lutte antidrogue a été élaboré en 1990 par le Comité européen de lutte anti-drogue (CELAD), créé à l’initiative du président français François Mitterrand. Depuis 1995, la Commission européenne a repris la mission de définition des stratégies antidrogue européennes. La dernière stratégie antidrogue de l’Union, adoptée le 7 décembre 2012 par le Conseil européen pour une durée de sept ans (2013-2020), se fondait sur une approche «équilibrée et intégrée reposant sur des données factuelles». Durant cette période, les responsabilités et les objectifs à court terme ont été fixés dans deux plans d’action (2013-2016 et 2017-2020).

2.2.

Si, juridiquement, la stratégie antidrogue de l’UE n’a pas de caractère contraignant, elle exprime l’engagement et les aspirations politiques communes de l’Union et des États membres. Elle détermine les actions des institutions et agences européennes, influence les approches politiques des États membres en la matière, fixe des orientations et des priorités communes, et permet d’adopter des positions unifiées sur la scène internationale. L’Union européenne l’a démontré de manière éclatante, par exemple à l’occasion de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies (UNGASS) en 2016 ou lors de la session de la Commission des stupéfiants des Nations unies en 2019 (1).

2.3.

La stratégie antidrogue de l’UE a souligné et démontré le rôle et l’importance d’une planification équilibrée et fondée sur des données probantes, ainsi que du suivi et de l’évaluation de la politique antidrogue.

2.4.

Le rapport d’évaluation externe de la stratégie antidrogue de l’UE (2) a conclu que celle-ci n’avait que partiellement atteint ses objectifs en matière de réduction de l’offre et de la demande, tandis que des progrès significatifs ont été réalisés dans les domaines de la coopération internationale ainsi que du suivi, de l’évaluation et de la recherche. Le rapport a mis en évidence des déséquilibres dans l’utilisation des ressources financières, notamment au détriment des interventions visant à réduire la demande. Il a conclu qu’il était nécessaire, dans l’intérêt d’une utilisation plus efficace des ressources limitées, de hiérarchiser les priorités d’action, ainsi que de réduire la période d’application de la stratégie, qui est actuellement de huit ans.

2.5.

Le Forum de la société civile sur la drogue créé par la Commission européenne a enquêté, avec le concours de 169 organisations de la société civile issues de 32 pays, sur la réalisation des objectifs du plan d’action pour la période 2017-2020 au niveau des États membres et à l’échelon local (3). Son rapport a mis en lumière des lacunes importantes dans la mise en œuvre des interventions sanitaires et sociales au niveau des États membres et à l’échelon local. Dans la majorité des États membres, de nombreuses interventions de prévention ou de réduction des dommages fondées sur des données probantes font totalement défaut ou n’ont qu’une faible couverture. Cela s’explique principalement par un financement insuffisant et un manque d’adhésion politique.

2.6.

La stratégie a créé pour la première fois un cadre d’interprétation commun pour les interventions de réduction de la demande, consistant en «une série de mesures d’égale importance et qui ont des effets complémentaires, englobant la prévention (environnementale, universelle, sélective et indiquée), la détection et l’intervention précoces, la réduction des risques et des dommages, le traitement, la réhabilitation, la réinsertion sociale et la guérison».

2.7.

Le plan d’action de la stratégie et sa dernière évaluation mettent en évidence la nécessité d’un suivi scientifiquement fondé des interventions de réduction de l’offre ainsi que d’un recours à des peines de substitution pour les consommateurs de drogue, mais aussi le rôle de la société civile dans l’élaboration, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des stratégies, à l’échelon tant européen que national.

3.   Communication de la Commission européenne

3.1.

Le 24 juillet 2020, la Commission européenne a publié sa nouvelle stratégie 2020-2025 sur l’union de la sécurité, qui se compose de trois éléments: la stratégie contre les abus sexuels envers les enfants, le programme antidrogue (ci-après le «programme») et la stratégie contre le trafic d’armes illicites. Dans son introduction, le programme insiste explicitement sur la nécessité d’un changement de paradigme dans la politique antidrogue européenne, dont il considère que les interventions de réduction de l’offre devraient se voir accorder plus de poids et être renforcées. Parmi les trois piliers du programme (sécurité renforcée/réduction de l’offre, prévention et réduction des dommages), c’est le premier qui reçoit le plus d’attention.

3.2.

L’annexe au programme contient le projet de plan d’action antidrogue. Vingt-six des actions qu’il contient relèvent du pilier «réduction de l’offre», tandis que cinq seulement relèvent du pilier «prévention» et treize du pilier «réduction des dommages». On retrouve cependant dans ce dernier pilier quatre actions dont le classement à cet endroit est contestable (actions 40 et 41: conduite sous influence, action 42: mesures de substitution aux sanctions coercitives, et action 43: partage de données en matière d’expertise sur la criminalité). Dans l’ensemble, de profonds déséquilibres apparaissent ainsi dans le découpage du plan d’action, au profit du pilier «réduction de l’offre».

3.3.

Le CESE considère que ce programme marque une nette régression et un abandon de l’approche consensuelle, équilibrée et fondée sur des données probantes menée jusqu’à présent en matière de lutte antidrogue, qui lui valait d’être évaluée positivement.

3.4.

Lors de la réunion du groupe horizontal «Drogue» du Conseil européen du 28 septembre, le programme a aussi été vivement critiqué par la plupart des États membres, qui ont dénoncé les conditions de son élaboration, son orientation et son contenu, et ont dès lors décidé que la présidence allemande du Conseil procédera d’ici décembre à une refonte du document élaboré par la Commission européenne.

3.5.

L’organe consultatif de la société civile de la Commission européenne (le Forum de la société civile sur la drogue) a critiqué de nombreux points du programme et jugé celui-ci inacceptable:

a)

Au cours du processus d’élaboration, les acteurs de la société civile et les États membres n’ont pu prendre connaissance des conclusions de l’évaluation externe qu’après la publication du programme et n’ont donc pu donner un avis préliminaire sur le projet de programme.

b)

Le programme ne reflète pas les priorités proposées par les acteurs de la société civile mais réduit encore le poids des interventions sanitaires et sociales dans le cadre d’une politique antidrogue accordant déjà une importance disproportionnée aux mesures de réduction de l’offre.

c)

Le cadre et le langage sécuritaires du programme renforcent une approche obsolète et stigmatisante.

d)

Le déséquilibre qui caractérise l’approche privilégiée dans le plan d’action et son incidence attendue sur l’allocation des ressources sont préoccupants, de même que l’absence d’indicateurs mesurables et ses conséquences du point de vue de l’obligation de rendre des comptes.

3.6.

Les organisations de la société civile formatrices d’opinion dans ce domaine ont critiqué d’une seule voix l’esprit général et les détails du projet, et appelé à ce qu’il soit révisé en profondeur.

4.   Considérations stratégiques

4.1.

Le CESE est fermement convaincu de la nécessité de poursuivre et de renforcer encore, dans le cadre de la dixième stratégie antidrogue de l’UE, l’approche technique et les politiques publiques qui constituaient le fondement consensuel de la précédente stratégie antidrogue. Le Comité se félicite dès lors de l’engagement du Conseil européen en faveur de l’élaboration d’une stratégie européenne de lutte contre la drogue qui soit équilibrée, intégrée et fondée sur des données probantes. Il invite le gouvernement allemand, qui exerce la présidence du Conseil de l’Union européenne, à tenir compte des aspects ci-après dans l’élaboration de la nouvelle stratégie antidrogue.

4.2.

Le CESE recommande de conserver le langage utilisé dans le programme, ainsi que la terminologie professionnelle et scientifique, et de développer davantage dans son contenu l’approche stratégique privilégiée à ce jour, tout en l’adaptant à un usage administratif et en veillant à ce qu’un suivi continu et une évaluation critique de sa mise en œuvre soient possibles.

4.3.

L’Union européenne devrait respecter et défendre avec force les valeurs fondamentales (4) énoncées dans sa stratégie (5) actuelle et s’engager en ce sens dans son document de stratégie.

4.4.

Le Comité propose que le document à adopter fasse explicitement référence aux conventions internationales et aux recommandations politiques qui sous-tendent sa validité matérielle et juridique (6), et s’appuie sur ces textes. Le CESE encourage les organes décisionnels de l’Union européenne à maintenir la position de chef de file de l’Union ainsi que ses engagements exemplaires dans les enceintes internationales chargées de la politique antidrogue.

4.5.

De l’avis du CESE, le nouveau programme devrait également reprendre les éléments phares de la stratégie précédente et développer davantage, en tenant compte de l’évolution des connaissances scientifiques, le cadre pour la prévention, le traitement, la réduction des dommages, les modalités thérapeutiques et les processus de rétablissement.

4.6.

L’évaluation de la stratégie et du plan d’action précédents en matière de lutte contre la drogue a fait apparaître d’importants déséquilibres en faveur des interventions de justice pénale en ce qui concerne la définition des priorités et la répartition des ressources des politiques antidrogue. Les interventions sanitaires et sociales ne représentent qu’une fraction de ce que les États membres consacrent à la réduction de l’offre. Cela a conduit, dans un certain nombre de pays, à l’interruption ou à une couverture extrêmement faible des services concernés, avec des conséquences parfois graves sur le plan de l’augmentation de la mortalité et de la morbidité. Le CESE recommande que la nouvelle stratégie antidrogue et le(s) nouveau(x) plan(s) d’action dans ce domaine améliorent sensiblement la proportion des interventions de réduction de la demande dans le cadre de la politique antidrogue, tant du point de vue du nombre d’interventions stratégiques que de l’affectation des ressources. Le Comité espère également que la Commission mettra tout en œuvre pour que les États membres développent significativement leur couverture et leur qualité.

4.7.

Le mandat et les outils de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA) devraient également être renforcés et les conclusions scientifiques doivent être directement intégrées dans le processus décisionnel.

4.8.

Il importe que le programme traite les phénomènes de la drogue de manière véritablement équilibrée, selon une approche intégrée et pluridisciplinaire, dans un cadre qui s’appuie sur les droits de l’homme et la coopération internationale, prend en compte les aspects liés à la santé publique et l’évolution des connaissances scientifiques et prévoit une évaluation continue.

4.9.

Le CESE souligne que, la consommation de drogue étant un phénomène biopsychosocial complexe, les éventuelles mesures inadaptées de lutte contre la drogue, comme la criminalisation unilatérale des consommateurs de drogue, entraînent un grave préjudice sanitaire et social et, partant, exacerbent les problèmes de sécurité sociétale plutôt que d’y apporter une solution. C’est la raison pour laquelle le CESE recommande:

a)

que le Conseil européen maintienne son approche antérieure et retire le programme antidrogue du train de mesures relatif à l’union de la sécurité,

b)

qu’il veille à un traitement différencié des phénomènes liés aux diverses facettes du problème,

c)

qu’il adopte une approche pluridisciplinaire dans la réponse donnée à ces phénomènes,

d)

et qu’il ne prévoie de recours à la sanction et à la répression qu’en dernier ressort, s’il peut être démontré que d’autres instruments d’intervention ne peuvent être utilisés efficacement.

4.10.

Au cours des dernières décennies, la culture du suivi et de l’évaluation des interventions en matière de réduction de la demande et des risques s’est considérablement améliorée. En vue de promouvoir une politique antidrogue fondée sur des données probantes, le CESE recommande:

a)

de veiller à ce que la nouvelle stratégie et le nouveau plan d’action antidrogue mettent résolument l’accent sur l’amélioration significative de la couverture et de la qualité des services sociaux et de santé destinés aux consommateurs de drogue, en réexaminant les indicateurs déjà utilisés dans le plan d’action précédent;

b)

d’élaborer, avec la participation de l’EMCDDA et du Forum de la société civile sur la drogue, un système unique qui permettra un suivi et une évaluation continus, dans les différents États membres, de l’évolution de la couverture et de la qualité des interventions prévues dans le plan d’action de la politique antidrogue de l’UE;

c)

d’établir dès que possible, sur la base du modèle déjà utilisé pour réduire la demande, des indicateurs permettant d’évaluer les effets des interventions visant à réduire l’offre, ainsi que des normes de qualité, en reconnaissant que ces interventions, tout en ayant potentiellement une incidence directe et grave sur les conditions de vie et les libertés individuelles des personnes concernées, ne font que rarement l’objet d’une évaluation fondée sur des éléments factuels;

d)

d’élargir le mandat de l’EMCDDA de manière à inclure une évaluation de l’impact de la politique antidrogue sur les droits de l’homme, laquelle permettra par exemple de mesurer les effets négatifs de la criminalisation et de la discrimination institutionnelle sur les populations consommatrices de drogue appartenant à des groupes vulnérables.

4.11.

Le CESE estime qu’il est nécessaire d’améliorer à plus long terme, dans ce domaine également, la cohérence des pratiques d’application du droit des États membres, conformément aux exigences d’harmonisation, étant donné qu’il existe actuellement dans les pratiques des États membres des divergences telles qu’elles portent incontestablement atteinte aux droits de l’homme (7).

4.12.

Le CESE est par conséquent convaincu que l’Union européenne doit trouver et développer des moyens d’amener à l’avenir les États membres à faire converger sensiblement leurs approches en matière de politique antidrogue, et pas seulement au moyen de recommandations politiques.

4.13.

Le CESE estime également important que les interventions innovantes fondées sur des données scientifiques soient reconnues, garanties et soutenues dans les programmes stratégiques de l’Union européenne et de ses États membres.

4.14.

Étant donné qu’au niveau de la réalité sociale, les dépendances légales (l’alcool, le tabagisme, la plupart des dépendances comportementales, etc.) et illégales constituent un système interpersonnel au sein des familles et des communautés, le CESE recommande que l’Union européenne et ses États membres n’évaluent et ne gèrent dorénavant plus ces risques séparément mais plutôt comme des éléments interconnectés constitutifs d’un seul et même système, et que, de plus en plus, ils proposent des politiques d’intervention communes.

4.15.

Sur la base du principe «primul nil nocere» («en premier, ne pas nuire»), une évaluation et un débat contradictoire francs et résolus sont nécessaires pour pouvoir s’attaquer aux conséquences négatives des politiques et de l’environnement réglementaire, aux effets de la stigmatisation sociale et de la criminalisation injustifiée, à l’exclusion sociale et aux obstacles à l’accès aux traitements. Le CESE recommande de prendre également en compte l’évaluation de fond de la position commune adoptée en 2019 par 32 agences des Nations unies (8).

4.16.

La stratégie antidrogue de l’UE devrait reconnaître les droits fondamentaux des consommateurs de drogue en matière de traitements et de soins, comme c’est le cas pour n’importe quelle autre catégorie de maladies.

4.17.

Il y a lieu d’évaluer l’allocation des ressources budgétaires des États membres en fonction de la disponibilité et de la capacité des services reconnus et recommandés dans ce domaine.

4.18.

Une implication professionnelle accrue de la société civile est indispensable à la mise en œuvre des principes fondamentaux. Il convient dès lors de renforcer le mandat européen du Forum de la société civile sur la drogue, de même que la participation des professionnels issus de la société civile dans les États membres. À cette fin, il est nécessaire d’évaluer régulièrement l’ouverture des États membres et leur disposition à coopérer, ainsi que leur pratique d’association des organisations professionnelles au processus décisionnel.

4.19.

Le Comité considère que les interventions de réduction de l’offre sont importantes, mais insiste sur la nécessité de toujours les coordonner avec les interventions de réduction de la demande. Si des outils répressifs et judiciaires efficaces sont essentiels pour lutter contre le commerce des drogues illicites, il est apparu clairement au cours des dernières décennies que les politiques de criminalisation unilatérale ont une incidence négative sur la santé des personnes et des communautés, ainsi que sur l’intégration sociale des consommateurs de drogue.

4.20.

La pandémie de COVID-19 a montré que les groupes vulnérables de consommateurs de drogues sont particulièrement exposés aux conséquences négatives de la situation épidémiologique, lesquelles peuvent entraîner une hausse remarquable des risques liés à la consommation de drogue (accès réduit aux traitements, acquisition de drogue plus risquée, dangerosité accrue des drogues achetées, effets de criminalisation et de stigmatisation accentués, conséquences négatives pour la santé publique, aggravation de la réduction des moyens de subsistance de base, etc.). En raison de la pandémie, ce sont précisément, dans de nombreux pays, les services qui constituent la seule interface entre ces groupes et la chaîne de traitement qui sont susceptibles de pâtir le plus de la situation et d’être contraints de revoir à la baisse leurs capacités.

Bruxelles, le 3 décembre 2020.

La présidente du Comité économique et social européen

Christa SCHWENG


(1)  Déclaration de l’Union européenne à l’occasion de la 62e session de la Commission des stupéfiants, Vienne, 14-22 mars 2019. «L’Union européenne et ses États membres soutiennent fermement la mise en œuvre concrète du document final de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’une véritable politique équilibrée en matière de drogue au niveau international, qui accorde davantage d’importance à la prévention, à la santé publique et aux droits de l’homme afin d’accélérer notre engagement commun à améliorer efficacement la situation mondiale en matière de drogue. […] aborder la réduction de la demande de drogue dans tous ses aspects: prévention, réduction des risques et des dommages, traitement, ainsi qu’intégration et réhabilitation sociales.» (traduction française non officielle).

(2)  SWD(2020) 150.

(3)  https://drogriporter.hu/wp-content/uploads/2018/12/2018_CSF-report_final.pdf

(4)  «[…] repose en tout premier lieu sur les principes fondamentaux du droit en vigueur dans l’Union européenne et confirme à tous égards les valeurs fondatrices de l’Union: respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, solidarité, primauté du droit et droits de l’homme. Elle vise à protéger et à améliorer le bien-être de la société et des personnes, à protéger la santé publique, à offrir un niveau élevé de sécurité à la population et à aborder le phénomène de la drogue selon une approche équilibrée et intégrée reposant sur des données factuelles.»

(5)  https://www.consilium.europa.eu/media/30727/drugs-strategy-2013_content.pdf

(6)  https://www.unodc.org/documents/postungass2016/outcome/V1603302-F.pdf

https://www.unodc.org/documents/ungass2016/Contributions/IO/EU_COMMON_POSITION_ON_UNGASS.pdf

(7)  Un même comportement entraînera dans certains pays des poursuites pénales et l’application rigoureuse de la loi et, dans d’autres, la fourniture de services de soins de santé et d’aide sociale, une différence de traitement reposant donc uniquement sur la nationalité ou le lieu de résidence du consommateur de drogue. De même, la fourniture de certains services est considérée dans certains États membres comme relevant des droits fondamentaux alors que d’autres rejettent cette idée.

(8)  CEB/2018/2, pp 12-14.


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