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Document 52019IE1193

Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Fiscalité/investissement privé et objectifs de développement durable — Coopération avec le comité d’experts des Nations unies sur la coopération internationale en matière fiscale» (avis d’initiative)

EESC 2019/01193

JO C 97 du 24.3.2020, p. 1–8 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

24.3.2020   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 97/1


Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Fiscalité/investissement privé et objectifs de développement durable — Coopération avec le comité d’experts des Nations unies sur la coopération internationale en matière fiscale»

(avis d’initiative)

(2020/C 97/01)

Rapporteur:

Krister ANDERSSON

Base juridique

Article 32, paragraphe 2, du règlement intérieur

Décision de l’Assemblée plénière

24.1.2019

Compétence

Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»

Adoption en section

29.11.2019

Adoption en session plénière

11.12.2019

Session plénière no

548

Résultat du vote

(pour/contre/abstentions)

129/0/2

1.   Conclusions et recommandations

1.1.

Les politiques fiscales sont fondamentales pour les ODD car elles déterminent l’environnement économique des investissements, de l’emploi et de l’innovation, tout en fournissant aux pouvoirs publics les recettes nécessaires au financement des dépenses publiques. Des mesures supplémentaires d’alignement des politiques et de renforcement de la crédibilité pourraient contribuer grandement à accroître l’investissement privé et à combler les écarts d’investissement à l’échelle de la planète en stimulant les flux de capitaux des États connaissant une forte intensité de capital vers les économies en développement qui ont besoin d’investissements.

1.2.

Au sein des économies, les entreprises sont des fournisseurs de biens et de services utiles et comptent parmi des moteurs importants de l’investissement, de la productivité, de la croissance économique inclusive et de la création d’emplois. En raison de la diversité et de la variété des entreprises, allant des PME aux multinationales, elles constituent une ressource d’expertise, de créativité et d’innovation de premier plan, qui contribue à relever un grand nombre de défis en matière de développement durable.

1.3.

Un pourcentage élevé d’activité économique informelle conduit à un rétrécissement des bases d’imposition, ce qui affaiblit encore le potentiel de perception de l’impôt et accroît les distorsions. Les bases d’imposition devraient être aussi larges que possible afin de limiter au maximum les distorsions engendrées par les taux d’imposition.

1.4.

Le CESE tient à souligner que la réussite de la mobilisation des ressources nationales exige 1) que les rescrits fiscaux soient effectués de manière ouverte et transparente, 2) que des systèmes soient mis en place pour s’assurer que les organisations de la société civile (OSC) et les parlementaires soient tenus de rendre des comptes, 3) que les gouvernements soient transparents en matière fiscale et de dépenses et 4) que les impôts soient visibles.

1.5.

Le secteur privé joue un rôle essentiel dans la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Les politiques salariales, ainsi que la formation et l’éducation sur le lieu de travail, sont importantes pour promouvoir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le plan de la progression de la carrière et du développement professionnel. Les possibilités liées à la participation des femmes à l’économie mondiale sont énormes et devraient être un moteur de croissance économique inclusive, d’innovation et de productivité.

1.6.

Les politiques liées à la fiscalité dans l’économie numérisée doivent avoir pour objectif de favoriser, et non d’entraver, la croissance économique ainsi que le commerce et les investissements transfrontières. Au vu de l’importance croissante des entreprises numériques, il est nécessaire d’élaborer une nouvelle méthodologie pour déterminer le lien fiscal et la répartition des bénéfices afin d’établir les droits en matière d’imposition entre les pays constituant le marché et le pays dans lequel les entreprises multinationales numériques sont résidentes.

1.7.

Le CESE estime qu’il est important que toute nouvelle réglementation concernant la répartition des droits d’imposition entre les pays soit équitable pour les petits comme pour les grands pays consommateurs, ainsi que pour les pays développés et les pays en développement. Il convient d’accorder une rémunération à la hauteur des contributions apportées sur le plan de l’innovation, de l’esprit d’entreprise, etc. Le produit de l’impôt sur les sociétés, bien que limité comparé au montant total des recettes fiscales, est important notamment pour la mobilisation des ressources et le financement des infrastructures nécessaires, la recherche et le développement, l’éducation et les soins de santé.

1.8.

Le CESE note que les États membres de l’Union européenne figurent parmi les pays qui enregistrent les meilleurs résultats en ce qui concerne la réalisation des ODD. Le Comité souligne que l’Union européenne et ses États membres doivent prendre des mesures pour garantir des systèmes budgétaires et fiscaux durables de manière à réaliser les ODD. La participation de la société civile organisée à tous les niveaux est primordiale pour réaliser les ODD, étant donné qu’elle représente des parties prenantes essentielles dans la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030 et que la plupart des investissements nécessaires proviendront du secteur privé.

1.9.

Le CESE accueille favorablement la mise en place de la plateforme de collaboration sur les questions fiscales, qui est une initiative conjointe du Fonds monétaire international (FMI), de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), des Nations unies (ONU) et du Groupe de la Banque mondiale, car elle facilite les interactions entre la normalisation, le renforcement des capacités et l’assistance technique dans le domaine de la fiscalité internationale. Le CESE est d’avis que l’Union européenne devrait également être membre de la plateforme.

1.10.

Le CESE considère que les travaux sur la fiscalité/l’investissement privé et les objectifs de développement durable réalisés par le comité d’experts des Nations unies sur la coopération internationale en matière fiscale sont de la plus haute importance pour faire progresser le dialogue mondial et contribuent grandement à l’apprentissage par les pairs et à l’échange de bonnes pratiques. Le Comité souligne que la société civile européenne doit jouer un rôle actif dans ce débat international crucial.

2.   Introduction aux investissements, à la fiscalité et aux objectifs de développement durable

2.1.

Le programme à l’horizon 2030 est centré sur 17 objectifs de développement durable (ODD) (1) et 169 cibles qui visent à relever les défis environnementaux, politiques et économiques auxquels notre monde est confronté.

2.2.

Pour réaliser les objectifs, l’investissement privé joue un rôle de premier plan et la poursuite du rapprochement des politiques fiscales et d’investissement constituerait une étape nécessaire pour promouvoir l’investissement, la création d’emplois et une croissance économique durable au niveau mondial. Des efforts importants ont déjà été réalisés en ce sens par l’OCDE, tels que le projet Érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices (BEPS) (2) et l’initiative Cohérence des politiques au service du développement durable (2018) (3).

2.3.

Les politiques fiscales sont fondamentales pour les ODD car elles déterminent l’environnement économique des investissements, de l’emploi et de l’innovation, tout en fournissant aux pouvoirs publics les recettes nécessaires au financement des dépenses publiques. Des mesures supplémentaires d’alignement des politiques et de renforcement de la crédibilité pourraient contribuer grandement à accroître l’investissement privé et à combler les écarts d’investissement à l’échelle de la planète en stimulant les flux de capitaux des États connaissant une forte intensité de capital vers les économies en développement qui ont besoin d’investissements.

2.4.

La lutte contre l’évasion fiscale et la réduction de la concurrence fiscale au niveau mondial revêt une grande importance pour la réalisation des ODD. Dans un contexte d’austérité et de contraintes budgétaires, la baisse des recettes fiscales émanant des entreprises multinationales a un impact négatif sur la viabilité des systèmes de protection sociale et peut conduire à une imposition régressive si la charge fiscale est déplacée vers les consommateurs et les travailleurs à faibles revenus.

2.5.

Les pays en développement qui ont le plus besoin de ressources rencontrent toujours des difficultés dans la perception de l’impôt. Dans les pays en développement, la contribution de l’impôt sur le revenu des personnes physiques est souvent très faible — à peine quelques points du PIB — alors que, dans les pays développés, elle constitue la majeure partie des recettes fiscales, en particulier si des cotisations de sécurité sociale sont incluses.

2.6.

La manière dont les recettes fiscales sont gérées et utilisées est également très importante. Il convient de noter que certains pays, notamment les pays africains, doivent investir 25 à 35 % de ressources en plus dans les secteurs de l’éducation et de la santé pour produire les mêmes résultats que les pays plus avancés et plus efficients (4). Il est donc important de veiller à ce que les dépenses publiques soient d’un bon rapport coût-efficacité.

3.   La fiscalité en tant qu’instrument de protection de l’environnement

3.1.

Plusieurs parmi les cibles des ODD qui ont trait à la protection du climat bénéficieraient de l’élaboration d’un cadre et d’un plan de mise en œuvre cohérents dans le domaine de la fiscalité relative à l’utilisation des ressources naturelles. Les politiques en matière de fiscalité environnementale pourraient servir à combattre le changement climatique (objectif 13 (5)) et à protéger les écosystèmes marins et terrestres (objectifs 14 et 15 (6)). En modifiant les structures des prix des intrants, la politique fiscale peut être utilisée pour promouvoir une énergie propre et abordable (objectif 7 (7)) et encourager une utilisation responsable des ressources naturelles communes (objectif 12 (8)).

3.2.

La finalité des taxes environnementales, du point de vue économique, est de corriger les externalités, à savoir les situations dans lesquelles les pollueurs sont en mesure de répercuter les coûts des dommages environnementaux sur la société, comme, par exemple, en cas d’émission de gaz à effet de serre. Lors de la conception de ces types de taxes, il serait très utile d’associer la société civile et les entreprises au processus afin de s’assurer que les politiques qui renforcent les cadres réglementaires rendent les mesures d’incitation du secteur privé plus conformes aux objectifs publics (9).

3.3.

Un exemple de combinaison de mesures dans le domaine de la fiscalité pourrait consister à supprimer progressivement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles (cible 12.C) (10). Cela permettrait aux gouvernements de réaliser des économies budgétaires considérables tout en rendant ces types de carburants moins attrayants pour les entreprises. Ces économies, pour peu qu’elles soient réorientées vers une augmentation de la part des énergies renouvelables dans l’approvisionnement énergétique mondial (cible 7.2) (11), pourraient favoriser l’accès universel à une énergie propre (cible 7.1) (12). Mettre en place des politiques supplémentaires visant à stimuler les investissements dans des infrastructures énergétiques propres (cible 7.B (13)) faciliterait le découplage de la croissance économique et de la dégradation de l’environnement (cible 8.4 (14)).

3.4.

Le principe de mise en concordance des incitations commerciales avec les objectifs publics s’inscrit dans l’esprit du programme d’action d’Addis-Abeba (15), qui encourage les entreprises à opter pour un modèle économique qui tienne compte des incidences environnementales, sociales et de gouvernance de leurs activités. Au sein des économies, les entreprises sont des fournisseurs de biens et de services utiles et comptent parmi les principaux moteurs de l’investissement, de la productivité, de la croissance économique inclusive et de la création d’emplois. En raison de la diversité et de la variété des entreprises, allant des PME aux multinationales, elles constituent une ressource d’expertise, de créativité et d’innovation de premier plan, qui contribue à relever un grand nombre de défis en matière de développement durable. Afin d’atteindre les ODD relatifs à la lutte contre le changement climatique, le secteur privé devrait adhérer à un code de conduite qui prévoirait d’augmenter considérablement les investissements verts, ainsi que de réduire ou de supprimer les investissements ayant des incidences négatives sur l’environnement.

3.5.

Étant donné l’interdépendance entre les différents ODD, la participation de la société civile est essentielle pour faire en sorte que les trois dimensions du développement durable (économique, sociale et environnementale) se reflètent dans la conception et la mise en œuvre des politiques. Les taxes environnementales sont traditionnellement considérées comme régressives, ce qui signifie qu’elles ont un impact plus important sur les ménages à faible revenu. Il importe par conséquent de s’assurer que les politiques demeurent durables sur le plan social.

3.6.

Le CESE ne soutient pas une fiscalité arbitraire qui aurait un effet négatif et un impact disproportionné sur les pauvres et les citoyens moins aisés de la société, et porterait en outre atteinte à plusieurs ODD. Ainsi, augmenter considérablement les taxes sur les biens et les services lorsqu’il n’existe pas d’alternatives viables ne représenterait qu’une charge sans atteindre les objectifs poursuivis.

3.7.

Le CESE tient à souligner le rôle que jouent les organisations de la société civile dans le suivi de la mise en œuvre des ODD et les efforts visant à s’assurer que les mesures adoptées sont socialement acceptables et à souligner la nécessité de revoir les indicateurs (16).

3.8.

Le CESE souhaite souligner la nécessité de créer les conditions adéquates pour faire en sorte que les fonds aussi bien publics que privés soient destinés aux investissements durables à long terme nécessaires à une économie durable (17).

4.   La fiscalité dans l’économie informelle

4.1.

Afin de financer les investissements et les dépenses publics nécessaires pour atteindre les ODD, il est important d’élargir la base d’imposition des gouvernements en taxant l’économie informelle. Selon l’Organisation internationale du travail, plus de 61 % de la main-d’œuvre mondiale (2 milliards de personnes) tirent leurs revenus du secteur informel, tandis que 93 % de l’emploi informel dans le monde se concentrent dans les pays émergents et en développement. Pour cette raison, il est essentiel de concevoir des politiques fiscales et un cadre institutionnel permettant l’intégration du secteur informel dans l’économie formelle.

4.2.

Le rôle de premier plan que joue l’économie informelle, notamment dans les pays en développement, a pour effet que les activités économiques quotidiennes des citoyens et des entreprises restent en dehors de la base imposable. Dans de nombreux cas, le choix d’opérer en dehors de l’économie formelle n’est pas délibéré, mais constitue plutôt la seule solution envisageable pour les entreprises et les travailleurs qui, soit ne peuvent pas accéder au secteur formel, soit en ont été exclus. L’intégration de l’économie informelle doit être encouragée grâce à la mise en place d’institutions efficaces (cibles 16.A et 16.6 (18)) qui permettent aux travailleurs, aux entreprises et aux consommateurs de contribuer à la base d’imposition de l’État, tout en bénéficiant de la protection sociale et des services. Il importe en particulier que l’équité, la transparence, l’efficience et l’efficacité des systèmes fiscaux soient une priorité, car elles constituent des conditions préalables au développement durable.

4.3.

De nombreuses entreprises seraient disposées à formaliser leurs activités, en raison des coûts cachés pour les PME opérant en dehors de l’économie formelle et des nombreux avantages pour celles qui rejoignent celle-ci, parmi lesquels un accès plus aisé au crédit et à d’autres instruments financiers (cible 8.10) (19), des programmes de formation et de soutien, les contrats de marchés publics, les droits de propriété et la possibilité de nouer des liens avec des grandes entreprises. Les coûts liés à la formalisation des activités sont les coûts d’enregistrement et les coûts des licences, ceux liés au respect des obligations fiscales, le coût de la mise en conformité avec les lois du travail et d’autres réglementations gouvernementales. Si les procédures d’enregistrement et d’octroi de licences, ainsi que celles liées au respect des obligations fiscales étaient simplifiées, les entreprises seraient incitées à formaliser leurs activités.

4.4.

Dans de nombreuses situations où l’économie informelle est très répandue, une contribution importante à ce processus peut venir des entreprises en général et, parfois, plus particulièrement des entreprises coopératives, qui permettent à de nombreuses personnes dénuées de ressources économiques d’entamer une activité économique ou entrepreneuriale, même avec un apport de capital minimal.

4.5.

Encourager cette démarche pour les micro-entreprises et les PME permettrait de mettre en place des politiques favorables à la création d’emplois et à la croissance des entreprises (cible 8.5 (20)). Les réglementations du marché du travail visant à instaurer des conditions de travail décentes doivent être respectées (cible 8.5). De même, une surveillance accrue et un contrôle régulier de l’activité économique permettraient aux gouvernements d’adopter des politiques, notamment sur les plans budgétaire, salarial et dans le domaine de la protection sociale, et de parvenir progressivement à une plus grande égalité (cible 10.4).

4.6.

Si les avantages d’un système efficace de perception de l’impôt sont évidents, des difficultés subsistent quant à la manière de mettre en œuvre les changements nécessaires pour accroître la capacité des États à cet égard. Les expériences passées ont montré qu’une grande partie des efforts déployés à cette fin ont souvent entraîné des distorsions, de faibles rendements, des coûts de perception élevés, des difficultés d’application et même une fuite des capitaux. Étant donné que de nombreux pays en développement disposent de moyens limités, il convient d’accorder la priorité à des mesures visant à améliorer l’efficacité et l’efficience administratives des systèmes fiscaux. Le secteur privé peut fournir une assistance en matière de renforcement des capacités, en partageant les expériences des pays et des économies les plus développés (21).

4.7.

Les coûts administratifs et de mise en conformité doivent être pris en compte lorsque les gouvernements tentent de combler d’éventuelles baisses de recettes, qu’il s’agisse d’impôts directs ou indirects. Il convient d’accorder une attention particulière à la situation des bas revenus et à la répartition de la charge fiscale entre les différents niveaux de revenu. L’accroissement des inégalités peut compromettre le caractère moral de la fiscalité. Le Comité estime qu’un système fiscal progressif correctement conçu pourrait garantir une répartition équitable de la charge de l’impôt et contribuer de manière significative à la réduction des inégalités et de la pauvreté.

4.8.

Un pourcentage élevé d’activité économique informelle se traduit par des bases d’imposition réduites, ce qui affaiblit encore le potentiel de perception de l’impôt et accroît les distorsions. Il importe de souligner la nécessité de mobiliser des ressources afin d’améliorer la collecte des recettes à l’échelon national (cible 17.1 (22)) et de lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment d’argent. Il importe que les différents pays améliorent leur coopération contre les flux financiers illicites et que l’Union européenne envisage de se doter d’une liste coordonnée de contremesures possibles.

4.9.

Le CESE tient à souligner que la réussite de la mobilisation des ressources nationales exige 1) que les transactions fiscales soient effectuées de manière ouverte et transparente, 2) que des systèmes soient mis en place pour s’assurer que les organisations de la société civile (OSC) et les parlementaires soient tenus de rendre des comptes, 3) que les gouvernements prélèvent des taxes transparentes et 4) que les impôts indirects soient visibles (23).

5.   La fiscalité et l’égalité entre les femmes et les hommes

5.1.

L’objectif de développement durable no 5 vise à mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir des politiques en faveur de l’égalité entre les sexes et de l’autonomisation des femmes et des filles. Une condition préalable à l’émancipation des femmes est de garantir l’égalité des droits aux ressources économiques, ainsi qu’à l’accès à la propriété et au contrôle des terres et d’autres formes de propriété, aux services financiers, à l’héritage et aux ressources naturelles (cible 5.A (24)). Promouvoir l’émancipation économique des femmes revient à encourager la participation entière et effective de celles-ci et permettra d’améliorer l’égalité des chances dans l’exercice de responsabilités à tous les niveaux de décision dans la vie politique, économique et publique cible 5.5 (25)). Avec la réalisation de ces objectifs, la garantie de droits économiques aux femmes renforcera également d’autres ODD, tels que l’objectif 8 (travail décent et croissance économique) et l’objectif 16 (paix, justice et institutions efficaces).

5.2.

Le secteur privé joue un rôle essentiel dans la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Les politiques salariales, ainsi que la formation et l’éducation sur le lieu de travail, sont importantes pour promouvoir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le plan de la progression de la carrière et du développement professionnel. Les possibilités liées à la participation des femmes à l’économie mondiale sont énormes et devraient être un moteur de croissance économique inclusive, d’innovation et de productivité.

5.3.

Il existe une corrélation importante entre la réduction du secteur informel et l’égalité entre les femmes et les hommes. Des entreprises qui ne paient pas d’impôts, cela signifie une baisse des recettes pour l’administration publique (l’État, les régions et les collectivités locales), qui disposera de moins de fonds pour les services publics, les infrastructures durables et la protection sociale, qui sont autant d’éléments importants pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Le manque de dépenses sociales et d’infrastructures adéquates affecte directement les pauvres et, souvent, les femmes en particulier.

6.   La fiscalité dans l’économie numérisée

6.1.

La numérisation rapide de l’économie est un moteur important de la croissance économique mondiale. Elle permet également une collecte d’informations plus efficace par les autorités fiscales et l’offre de services améliorés aux contribuables. Toutefois, la numérisation des économies a engendré un questionnement quant au lieu où sont perçus les revenus et générés les bénéfices et à la manière dont ils sont répartis entre les pays. Les services numériques peuvent être fournis à distance, sans aucune présence physique sur le territoire du marché où la consommation a lieu.

6.2.

Les politiques liées à la fiscalité dans l’économie numérisée doivent avoir pour objectif de favoriser, et non d’entraver, la croissance économique ainsi que le commerce et les investissements transfrontières. Au vu de l’importance croissante des entreprises numériques, il est nécessaire d’élaborer une nouvelle méthodologie pour déterminer le lien fiscal et la répartition des bénéfices afin d’établir les droits en matière d’imposition entre les pays constituant le marché et le pays dans lequel les entreprises multinationales numériques sont résidentes (26).

6.3.

Il s’agira à cette fin de trouver une solution acceptée à l’échelle internationale pour taxer ces nouveaux modèles d’entreprise, tout en tenant compte des besoins des pays développés et des pays en développement (27). Pour mettre en œuvre tout modèle d’imposition dans l’économie numérique, il convient de mettre en place un cadre de coopération renforcée entre les administrations fiscales nationales, ainsi qu’un mécanisme de résolution des litiges multipartites.

6.4.

Le rapport intérimaire de l’OCDE, Les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie — rapport intérimaire 2018 (mars 2018) (28), présente les orientations des travaux relatifs à la numérisation et aux règles fiscales internationales jusqu’en 2020, qui ont été arrêtées par le Cadre inclusif (29). Il décrit les conséquences de la numérisation sur d’autres domaines du système fiscal et fournit ainsi aux autorités fiscales de nouveaux outils permettant une amélioration des services des contributions, par le biais d’une perception plus efficace des impôts et d’une meilleure détection des fraudes fiscales. Le Cadre inclusif de l’OCDE devrait publier un rapport final en 2020.

6.5.

Le CESE estime qu’il est important que toute nouvelle réglementation concernant la répartition des droits d’imposition entre les pays soit équitable pour les petits comme pour les grands pays consommateurs, ainsi que pour les pays développés et les pays en développement. Il convient d’accorder une rémunération à la hauteur des contributions apportées sur le plan de l’innovation, de l’esprit d’entreprise, etc. Le produit de l’impôt sur les sociétés, bien que limité comparé au montant total des recettes fiscales, est important notamment pour la mobilisation des ressources et le financement, entre autres, des infrastructures nécessaires, la recherche et le développement, l’éducation et les soins de santé.

7.   Le rôle des investissements privés dans la réalisation des ODD

7.1.

Le CESE note que les États membres de l’Union européenne figurent parmi les pays qui enregistrent les meilleurs résultats en ce qui concerne la réalisation de nombreux ODD. Le Comité souligne que l’Union européenne et ses États membres doivent prendre des mesures pour garantir des systèmes budgétaires et fiscaux à l’épreuve du temps de manière à réaliser les ODD.

7.2.

Pour atteindre ces objectifs, la participation de la société civile organisée à tous les niveaux est primordiale, étant donné qu’elle représente des parties prenantes essentielles dans la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030 et que la plupart des investissements nécessaires proviendront du secteur privé.

7.3.

À l’échelle de la planète, les entreprises sont des moteurs de productivité, de croissance économique inclusive, de création d’emplois, d’investissement et d’innovation. L’expertise du secteur privé est la clé qui permettra de relever un grand nombre de défis liés au développement durable.

7.4.

Les investissements, y compris les investissements directs étrangers (IDE), jouent un rôle de premier plan dans l’éradication de la pauvreté, la lutte contre le changement climatique et la garantie d’une croissance durable et inclusive (30). Par exemple, la réalisation de l’objectif 8 (31) exigera davantage d’investissements provenant du secteur privé. Le programme d’action d’Addis-Abeba (2015) le reconnaît en affirmant que «l’entreprise privée, l’investissement, l’innovation sont d’importants moteurs de la productivité et donc de la croissance économique et de la création d’emplois».

7.5.

Le CESE attire l’attention sur le fait que des règles fiscales prévisibles sont essentielles pour le commerce transfrontalier, l’investissement des entreprises, l’emploi et la croissance. Les conventions fiscales sur les revenus pourraient contribuer à la croissance des échanges en offrant une plus grande sécurité aux entreprises, en réduisant la double imposition et en prévoyant un mécanisme de lutte contre la planification fiscale agressive et l’évasion fiscale. Les gouvernements doivent convenir de formes acceptables de concurrence fiscale et les entreprises doivent respecter les règles et principes convenus par les pays et entre eux.

7.6.

Récemment, l’OCDE et le FMI ont publié un rapport conjoint sur la sécurité fiscale en réponse aux préoccupations croissantes exprimées par les dirigeants du G20 quant à l’incertitude fiscale et son incidence sur les échanges et les investissements transfrontières, en particulier eu égard à la fiscalité internationale.

7.7.

Le rapport Paying Taxes 2018 (32) de la Banque mondiale indique que, pour de nombreuses entreprises des pays en développement, la charge fiscale est déjà très élevée. Par exemple, en Afrique subsaharienne, les taux d’imposition effectifs auxquels sont soumises les entreprises de taille moyenne sont supérieurs de sept points de pourcentage à la moyenne mondiale. Des politiques fiscales qui encouragent l’investissement et l’innovation, en particulier dans les économies en développement, contribueraient grandement à attirer les investissements directs étrangers (IDE), offrant ainsi des possibilités de travail décent, d’innovation et d’augmentation de la productivité qui permettront d’accroître efficacement le produit intérieur brut des pays.

7.8.

Les entreprises doivent faire preuve de transparence à l’égard des autorités fiscales. L’objectif principal de la publication d’informations pays par pays est, selon l’OCDE, de mettre au point un outil d’évaluation des risques à haut niveau afin de fournir aux autorités fiscales un meilleur aperçu des activités des multinationales au niveau mondial et des impôts qu’elles paient, tout en n’étant pas expressément le fondement de la fiscalité elle-même. En outre, les gouvernements doivent aussi faire preuve d’une plus grande transparence concernant le montant des impôts perçus et leur utilisation.

7.9.

Il existe parfois une idée reçue selon laquelle le développement pourrait être financé entièrement ou principalement en réprimant sévèrement les pratiques fiscales discutables des entreprises multinationales. Selon des estimations impartiales de l’OCDE, l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) par les multinationales s’élevaient à entre 100 et 240 milliards de USD avant l’adoption de mesures de rétorsion (33). Dans l’Union européenne, on estime que ces mêmes pratiques BEPS équivalaient à 0,3 % du PIB (34). Bien qu’important, ce montant n’est pas suffisant pour financer la mise en œuvre des ODD. En outre, ces revenus ne reviendraient probablement pas aux pays qui ont le plus besoin de fonds de développement. La principale source de revenus pour financer les ODD est la croissance économique durable. Il est donc nécessaire de privilégier des politiques fiscales qui encouragent la croissance économique, sociale et environnementale durable pour atteindre ces objectifs.

7.10.

Le CESE accueille favorablement la mise en place de la plateforme de collaboration sur les questions fiscales, qui est une initiative conjointe du Fonds monétaire international (FMI), de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), des Nations unies (ONU) et du Groupe de la Banque mondiale, car elle facilite les interactions entre la normalisation, le renforcement des capacités et l’assistance technique dans le domaine de la fiscalité internationale. Le CESE est d’avis que l’Union européenne devrait également être membre de la plateforme.

7.11.

Le CESE considère que les travaux sur la fiscalité/l’investissement privé et les objectifs de développement durable réalisés par le comité d’experts des Nations unies sur la coopération internationale en matière fiscale sont de la plus haute importance pour faire progresser le dialogue mondial et contribuent grandement à l’apprentissage par les pairs et à l’échange de bonnes pratiques. Le Comité souligne que la société civile européenne doit jouer un rôle actif dans ce débat international crucial.

Bruxelles, le 11 décembre 2019.

Le président du Comité économique et social européen

Luca JAHIER


(1)  https://sustainabledevelopment.un.org/topics/sustainabledevelopmentgoals

(2)  http://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/

(3)  http://www.oecd.org/fr/publications/policy-coherence-for-sustainable-development-2018-9789264301061-en.htm

(4)  https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/8325/wps3645.pdf?sequence=1&isAllowed=y

(5)  Objectif 13 — Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions.

(6)  Objectif 14 — Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable; Objectif 15 — Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des sols et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité.

(7)  Objectif 7 — Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable.

(8)  Objectif 12 — Établir des modes de consommation et de production durables.

(9)  Pour de plus amples informations, voir la «Charte des entreprises pour le développement durable — Contribution des entreprises aux objectifs de développement durable» de la CCI, https://iccwbo.org/content/uploads/sites/3/2015/09/ICC-Business-Charter-for-Sustainable-Development-Business-contributions-to-the-UN-Sustainable-Development-Goals.pdf

(10)  12 c — Rationaliser les subventions aux combustibles fossiles qui sont source de gaspillage, en éliminant les distorsions du marché, selon le contexte national, y compris par la restructuration de la fiscalité et l’élimination progressive des subventions nuisibles, afin de mettre en évidence leur impact sur l’environnement, en tenant pleinement compte des besoins et de la situation propres aux pays en développement et en réduisant au minimum les éventuels effets pernicieux sur le développement de ces pays tout en protégeant les pauvres et les collectivités concernées.

(11)  7.2 — D’ici à 2030, accroître nettement la part de l’énergie renouvelable dans le bouquet énergétique mondial.

(12)  7.1 — D’ici à 2030, garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables et modernes, à un coût abordable.

(13)  8.4 — Améliorer progressivement, jusqu’en 2030, l’efficience de l’utilisation des ressources mondiales du point de vue de la consommation comme de la production et s’attacher à ce que la croissance économique n’entraîne plus la dégradation de l’environnement, comme prévu dans le cadre décennal de programmation relatif à la consommation et à la production durables, les pays développés montrant l’exemple en la matière.

(14)  7.B — D’ici à 2030, développer les infrastructure et améliorer les technologies afin d’approvisionner en services énergétiques modernes et durables tous les habitants des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés, des petits États insulaires en développement et des pays en développement sans littoral, dans le respect des programmes d’aide qui les concernent.

(15)  https://sustainabledevelopment.un.org/index.php?page=view&type=400&nr=2051&menu=35

(16)  Avis du CESE en cours d’élaboration sur L’économie durable dont nous avons besoin (non encore publié), paragraphe 1.10 — Le CESE demande à la Commission de mettre en place un projet de «réforme fiscale verte» dans les États membres de l’Union afin de contribuer à aligner les politiques en matière de fiscalité, de subventions et de prédistribution sur l’objectif d’assurer une transition juste vers une économie du bien-être.

(17)  Avis du CESE sur les «Prochaines étapes pour un avenir européen durable» (JO C 345 du 13.10.2017, p. 91).

(18)  16 a — Appuyer, notamment dans le cadre de la coopération internationale, les institutions nationales chargées de renforcer, à tous les niveaux, les moyens de prévenir la violence et de lutter contre le terrorisme et la criminalité, en particulier dans les pays en développement.

16.6 — Mettre en place des institutions efficaces, responsables et transparentes à tous les niveaux.

(19)  8.10 — Renforcer la capacité des institutions financières nationales de favoriser et généraliser l’accès de tous aux services bancaires et financiers et aux services d’assurance.

(20)  8.5 — D’ici à 2030, parvenir au plein emploi productif et garantir à toutes les femmes et à tous les hommes, y compris les jeunes et les personnes handicapées, un travail décent et un salaire égal pour un travail de valeur égale.

(21)  Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a lancé un programme de ce type.

(22)  17.1 — Améliorer, notamment grâce à l’aide internationale aux pays en développement, la mobilisation de ressources nationales en vue de renforcer les capacités nationales de collecte de l’impôt et d’autres recettes.

(23)  Une discussion sur certaines de ces questions est disponible dans l’article suivant: Promoting Tax Bargains in Uganda and Beyond: The Importance of Civil Society and Parliamentarians.

(24)  5.A — Entreprendre des réformes visant à donner aux femmes les mêmes droits aux ressources économiques, ainsi qu’à l’accès à la propriété et au contrôle des terres et d’autres formes de propriété, aux services financiers, à l’héritage et aux ressources naturelles, dans le respect du droit interne.

(25)  5.5 — Garantir la participation entière et effective des femmes et leur accès en toute égalité aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique.

(26)  Voir l’avis du CESE «La fiscalité dans l’économie numérique» (JO C 353 du 18.10.2019, p 17).

(27)  Voir les avis du CESE «L’imposition des bénéfices des multinationales dans l’économie numérique» (JO C 367 du 10.10.2018, p. 73) et «La fiscalité dans l’économie numérique» (JO C 353 du 18.10.2019, p 17).

(28)  http://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/les-defis-fiscaux-souleves-par-la-numerisation-de-l-economie-rapport-interimaire-2018-9789264301627-fr.htm

(29)  Le Cadre inclusif de l’OCDE.

(30)  Voir la Charte des entreprises pour le développement durable (CCI, 2015).

(31)  Objectif 8 — Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous.

(32)  https://www.doingbusiness.org/en/reports/thematic-reports/paying-taxes

(33)  Rapport 2015 de l’OCDE sur le projet BEPS.

(34)  Voir l’avis du CESE sur le thème «Fiscalité — Le vote à la majorité qualifiée» (JO C 353 du 18.10.2019, p. 90).


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