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Document 52016DC0451

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL Communication sur d'autres mesures visant à renforcer la transparence et la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales

COM/2016/0451 final

Strasbourg, le 5.7.2016

COM(2016) 451 final

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

Communication sur d'autres mesures visant à renforcer la transparence et la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales


Introduction

La Commission européenne poursuit un ambitieux programme en vue d'établir dans l'Union une fiscalité plus équitable, plus transparente et plus efficace, conformément à son objectif plus large de croissance durable et d'investissements propices à la création d'emplois au sein d'un marché unique approfondi. Il convient que les bénéfices des entreprises soient imposés dans le pays où ils sont générés. La lutte contre la fraude et l’évasion fiscales est un élément central de ce programme.

La fraude et l'évasion fiscales privent les budgets publics de milliards d'euros de recettes chaque année, faussent la concurrence entre entreprises et nuisent à l'établissement de conditions de concurrence loyales et équitables pour tous les contribuables. Elles affaiblissent la notion de systèmes fiscaux propices à la croissance et compromettent le succès de l’union des marchés des capitaux. L'innovation et la compétitivité risquent d'être étouffées car les petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent la première source d'emplois en Europe, finissent par payer proportionnellement davantage d'impôts que les grandes entreprises qui peuvent se permettre de pratiquer une planification fiscale agressive. L’évasion fiscale peut également augmenter la charge fiscale qui pèse sur le travail, puisque les gouvernements compensent la perte de recettes en augmentant les taxes par ailleurs, au détriment de l’emploi et de la santé du marché du travail. L'équité fiscale est aussi essentielle au contrat social qui lie les citoyens et leur gouvernement. L'opinion publique est très favorable à la lutte contre les pratiques fiscales agressives qui amenuisent les recettes dont les gouvernements peuvent disposer à d'autres fins.

En raison de la nature transfrontière de la fraude et de l’évasion fiscales, des mesures strictement nationales sont généralement inefficaces pour résoudre les problèmes existants. En effet, l’absence de coordination entre les mesures nationales de lutte contre les pratiques fiscales abusives peut aggraver la situation en fragmentant le marché unique, en créant de nouvelles charges pour les contribuables et en ouvrant de nouvelles failles exploitables aux fins d'une planification fiscale agressive. Une approche coordonnée de lutte contre ce type de pratiques, à la fois au niveau international et au niveau de l’Union, est essentielle.

À cette fin, la Commission a présenté un certain nombre de propositions pour renforcer et coordonner davantage la position de l’Union en matière de lutte contre les pratiques fiscales abusives, conformément aux priorités internationales et de façon plus poussée là où le marché unique l'exige. Ces initiatives ont déjà eu pour effet un certain nombre de réalisations marquantes, qui devraient améliorer fondamentalement l’environnement fiscal des citoyens et des entreprises en Europe. La Commission a également ouvert des enquêtes en matière d’aides d’État afin de déterminer si des États membres ont accordé des avantages fiscaux à certaines entreprises multinationales 1 .

Malgré ces progrès importants, des efforts doivent encore être consentis pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales et pour limiter les possibilités de dissimulation à grande échelle de capitaux, révélées par les médias dans l'affaire dite des «Panama papers».

La présente communication expose les progrès réalisés jusqu’à présent et recense, tant au niveau de l’Union qu’au niveau international, les domaines d’action prioritaires pour les mois à venir en vue de renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi que contre les activités financières illicites.

PROGRÈS ACCOMPLIS DANS LE PROGRAMME DE L’UNION AFIN DE RENFORCER LA TRANSPARENCE ET DE LUTTER CONTRE LA FRAUDE ET L’ÉVASION FISCALES

Renforcement de la transparence fiscale

Le premier pas vers une fiscalité plus équitable et plus efficace a consisté à accroître la transparence de la fiscalité dans toute l'Europe. À la suite de deux propositions ambitieuses de la Commission en la matière, les États membres ont récemment décidé de renforcer l'ouverture et la coopération entre leurs autorités fiscales et d’intensifier l'examen des pratiques fiscales transfrontières des sociétés. À partir de 2017, tous les États membres pratiqueront l’échange automatique d'informations concernant les décisions fiscales en matière transfrontière sur une base systématique. En outre, en mars 2016, les États membres ont convenu que leurs autorités fiscales partageraient automatiquement, à des fins fiscales, des déclarations pays par pays concernant les activités des entreprises multinationales. Ces nouvelles dispositions législatives contribueront à améliorer sensiblement la capacité des États membres à protéger leurs bases d'imposition et à lutter contre les mécanismes d’évasion fiscale.

L’Union européenne doit également accroître la transparence vis-à-vis du public. Des exigences de stricte transparence ont été mises en place pour les banques dans le sillage de la crise financière. En vertu de la directive sur les exigences de fonds propres 2 , les établissements financiers doivent divulguer publiquement des informations essentielles sur leurs activités, leurs impôts, leurs résultats d'exploitation et les subventions publiques reçues pays par pays (de l’Union ou non). Les grandes entreprises des secteurs de l'extraction et de l'exploitation forestière sont également tenues à la publication d'informations pays par pays conformément à la directive comptable.

En avril 2016, la Commission a proposé que toute multinationale présente dans l'Union dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d'EUR publie en ligne un ensemble spécifique de données fiscales. L'information pays par pays devra être rendue publique par ces entreprises pour chaque pays de l’Union, ainsi que pour les juridictions fiscales qui ne respectent pas les normes de bonne gouvernance fiscale. Des chiffres agrégés devront également être fournis pour les opérations advenues dans le reste du monde. Ces règles renforceront la responsabilité des grandes multinationales en matière fiscale, ce qui permettra aux citoyens de suivre de près leur comportement fiscal et encouragera les entreprises à payer leurs impôts là où elles réalisent leurs bénéfices, tout en préservant la compétitivité et en évitant de faire peser les charges sur les petites entreprises. Le Parlement européen et le Conseil sont invités à examiner cette proposition rapidement.

Les mesures de l’Union exigent également la transparence des comptes des personnes physiques. Depuis janvier 2016, une nouvelle législation est en vigueur pour prévenir la dissimulation de capitaux dans des juridictions extraterritoriales. En vertu de la directive relative à la coopération administrative, les États membres sont tenus de s'échanger automatiquement un grand volume d’informations sur les revenus et le capital des personnes physiques et morales à l’étranger. En outre, de nouveaux accords en matière de transparence fiscale ont également été signés avec la Suisse, le Liechtenstein, Andorre et Saint-Marin et un accord similaire sera conclu avec Monaco dans les semaines à venir. Cette nouvelle transparence améliorera la capacité des États membres à repérer et poursuivre les fraudeurs, tout en produisant en même temps un effet dissuasif sur la dissimulation de revenus et d’actifs à l'étranger à des fins fiscales. Enfin, dans le cadre de la quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, les États membres sont tenus de créer des registres centraux contenant des informations relatives aux bénéficiaires effectifs afin d'assurer une plus grande transparence des flux de capitaux et de mieux lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La Commission a invité les États membres à mettre en œuvre ces mesures d’ici la fin de l’année.

Équité fiscale plus grande

Les travaux de la Commission pour renforcer la transparence fiscale ont été de pair avec une approche tout aussi déterminée visant à ce que les États membres disposent des outils adéquats pour protéger leurs bases d'imposition des pratiques abusives et percevoir leurs recettes légitimes.

Le plan d’action de la Commission pour une fiscalité équitable et efficace 3 de juin 2015 définit une série de mesures visant à moderniser la fiscalité des entreprises dans l’Union. Le plan d’action jette les bases d’une approche pluridimensionnelle européenne pour la lutte contre la planification fiscale agressive et les dispositifs qui la favorisent, tout en réduisant au minimum le risque d'une double imposition injustifiée. Les travaux ont déjà bien progressé concernant un grand nombre de mesures, dont notamment la préparation d’une proposition visant à relancer l’assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS), que la Commission a l'intention de présenter avant la fin de l’année en vue d’améliorer l’environnement proposé aux entreprises dans le marché unique et de supprimer les disparités entre les systèmes nationaux actuellement exploitées aux fins de la planification fiscale agressive.

Le paquet sur la lutte contre l'évasion fiscale de janvier 2016 comportait des mesures juridiquement contraignantes de lutte contre la planification fiscale agressive ainsi qu'une stratégie extérieure visant à encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal à l’échelle internationale. Des progrès considérables ont été accomplis sur tous les points de cet ensemble de mesures. Le Conseil a adopté la directive sur la lutte contre l'évasion fiscale en juin 2016. Elle permettra d'éviter certains des types les plus répandus de transfert de bénéfices, grâce à des règles coordonnées permettant, entre autres, de résoudre le problème des dispositifs hybrides, de taxer les sociétés étrangères contrôlées et de limiter la déductibilité des intérêts. La stratégie extérieure a été approuvée par le Conseil en mai 2016 et des travaux sont en cours sur chacune des mesures proposées, notamment la procédure d’établissement d’une liste commune de l’Union recensant les pays et territoires non coopératifs. Des progrès importants ont également été accomplis dans l'amélioration d’autres domaines de la fiscalité des sociétés, tels que la révision des règles relatives à l'établissement des prix de transfert et des régimes préférentiels dans les États membres, conformément aux nouvelles normes internationales. En outre, la Commission engage activement des poursuites dans les cas où les incitations proposées à certaines entreprises peuvent enfreindre les règles de l'Union relatives aux aides d’État.

La Commission plaide également en faveur d'une meilleure gouvernance fiscale au niveau international. Des progrès constants ont été accomplis pour améliorer le cadre de bonne gouvernance fiscale au niveau mondial ainsi que pour renforcer les systèmes fiscaux afin de limiter les abus. En particulier, les mesures du projet relatif à l'érosion de la base d’imposition et au transfert de bénéfices (BEPS) de l'OCDE mettront un terme à certains modes importants de planification fiscale agressive, à condition qu'elles soient mises en œuvre complètement et à grande échelle.

RELEVER LES DÉFIS RESTANTS

Malgré ces avancées importantes, la Commission est convaincue que des efforts restent à faire dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales. Les révélations récentes dans les médias ont démontré comment les participations et les structures financières secrètes continuent d’être utilisées pour dissimuler des revenus et des actifs à l'étranger, souvent avec l’aide de conseils sophistiqués. S'il se peut que certaines structures aient une finalité légitime, certaines de ces activités peuvent servir la corruption, le blanchiment de capitaux et la fraude fiscale.

Un grand nombre des nouvelles mesures mentionnées ci-dessus, y compris les dispositions anti-abus contraignantes , les nouvelles exigences de transparence et la liste commune de l’Union recensant les pays et territoires non coopératifs, devraient limiter de telles pratiques à l’avenir. Toutefois, d’importantes lacunes subsistent dans le cadre fiscal international et de l'Union et il convient de s'y attaquer afin de prévenir les abus fiscaux transfrontières et les activités financières illicites. Le Parlement européen partage ce point de vue et a nommé une commission d’enquête sur les «Panama papers», qui devrait également fournir des indications utiles concernant la réponse à apporter par l’Union à la suite de ces révélations.

1. Exploitation du lien entre les mesures anti-blanchiment et les mesures de transparence fiscale

L'affaire des «Panama papers» a confirmé qu'un manque de transparence sur les bénéficiaires effectifs peut faciliter le blanchiment d'argent, la corruption et la fraude fiscale. Les réponses à ces problèmes devraient donc être complémentaires et liées entre elles.

Aujourd’hui, la Commission a proposé des modifications à la quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux 4 , dans le but précis de renforcer les mécanismes de défense de l’Union contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.  5  

Ces modifications comprennent l’élargissement du champ des informations accessibles aux cellules de renseignement financier, introduisent des mesures de vigilance lors de l’échange de monnaies virtuelles et renforcent les vérifications et les contrôles sur des instruments prépayés.

La Commission devrait également bientôt adopter, pour la première fois, une liste de l’Union recensant les pays tiers à haut risque dont les dispositifs de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme présentent des carences stratégiques. Les modifications à apporter à la quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux incluent une liste harmonisée des mesures de vigilance que les établissements financiers doivent exécuter pour les flux financiers en provenance de ces pays.

Un certain nombre des modifications proposées visent à remédier directement aux lacunes que les récentes fuites dans les médias ont révélées et qui ont permis que des capitaux soient dissimulés dans des juridictions extraterritoriales pour échapper à l'impôt.

En premier lieu, dans la version modifiée de la directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, le seuil pour la déclaration des bénéficiaires effectifs des sociétés passives a été abaissé, ce qui garantira davantage de transparence et un examen accru pour ces structures. Ensuite, dans le cadre plus large de leurs obligations de déclarations financières à des fins fiscales, les établissements financiers seront tenus d’appliquer systématiquement les règles de vigilance actuelles à l'égard de la clientèle existante, en plus de les appliquer à tout nouveau client. Les comptes qui n'ont pas été réexaminés par les établissements financiers depuis plus de dix ans, et qui ont pu être utilisés à des fins illicites, pourront ainsi faire l'objet d'un suivi. Troisièmement, les exigences relatives à l’enregistrement des bénéficiaires effectifs des fiducies (trusts) ont été clarifiées afin de remédier aux lacunes dans la législation et aux incompatibilités nationales. Quatrièmement, l’accès aux informations relatives aux bénéficiaires effectifs sera amélioré: les États membres seront tenus, par des modifications apportées à la directive sur le droit des sociétés, de permettre au public d'accéder à un ensemble de données relatives aux fiducies à caractère commercial 6 ; pour les autres types de fiducie, l'accès à ces informations sera possible pour ceux qui y ont un intérêt légitime. Cette mesure permettra de lutter contre le recours abusif à des entités et constructions juridiques.

Outre ces modifications apportées à la quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et à la directive sur le droit des sociétés, la Commission a également proposé une révision complémentaire de la directive relative à la coopération administrative dans le domaine de la fiscalité 7 . Elle garantira que les autorités fiscales aient accès aux données fournies dans le cadre des dispositions anti-blanchiment de l’Union, notamment aux informations de vigilance à l'égard de la clientèle et aux informations contenues dans les registres nationaux de bénéficiaires effectifs, afin que ces autorités puissent s’acquitter de leurs tâches, et ceci pas uniquement dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En effet, les États membres pouvant actuellement décider s'ils donnent ou non accès à ces informations aux autorités fiscales, l'efficacité des contrôles fiscaux s'en trouve limitée. Avec l’accès à ces informations, les autorités fiscales pourront repérer les personnes qui se cachent derrière une structure de société ou une entité opaques et réagir rapidement en cas de fraude et d'évasion fiscales.

Une surveillance et une mise en œuvre efficaces constituent un élément essentiel dans la lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et la criminalité en général. Il est de la première importance que les États membres transposent et mettent en application leur cadre juridique renforcé.

La Commission invite le Parlement européen et le Conseil à s'accorder sans retard sur les modifications à apporter à la quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux afin d’améliorer la lutte contre le financement du terrorisme et à combler les lacunes importantes qui ont permis aux fraudeurs de dissimuler des capitaux à l'étranger sans être repérés.

Le Parlement européen et le Conseil devraient également s'entendre rapidement sur la proposition de révision de la directive relative à la coopération administrative, qui renforce les synergies entre la réglementation de l'Union sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et celle en matière de transparence fiscale. Les autorités fiscales auront ainsi une garantie d'accès, au niveau national, à des informations cruciales leur permettant de contrer la fraude et l'évasion fiscales pratiquées au moyen de capitaux dissimulés à l'étranger.

2. Amélioration de l'échange d'informations sur les bénéficiaires effectifs

Les propositions susmentionnées visant à donner aux autorités fiscales un accès plus large aux informations nationales relatives aux bénéficiaires effectifs amélioreront considérablement la capacité de celles-ci à cibler la fraude et l’évasion fiscales. Toutefois, pour lutter efficacement contre la fraude et l'évasion fiscales, il y a lieu d’aller plus loin, notamment par une application immédiate transfrontière de la transparence sur les bénéficiaires effectifs.

L’Union a depuis longtemps conscience de l’importance pour les autorités fiscales de coopérer sur le plan administratif en matière de lutte contre les pratiques fiscales abusives. L’échange automatique d’informations entre les autorités fiscales est l’un des instruments les plus puissants dont l’Union dispose à cet effet. Cet échange d’informations transfrontière a récemment été étendu à tous les comptes financiers, à toutes les décisions fiscales ainsi qu'à toutes les informations relatives aux activités des multinationales à des fins fiscales.

Au vu de la situation qu'ont mise à jour les révélations dans les médias, il existe de bonnes raisons d’élargir encore la coopération administrative entre autorités fiscales afin qu'elle porte également sur les informations relatives aux bénéficiaires effectifs, tant à l’échelle de l'Union qu'à l'échelle internationale. L'octroi aux autorités fiscales d'un accès direct aux informations détaillées relatives aux bénéficiaires effectifs des autres États membres améliorerait considérablement leur capacité à cibler les risques de fraude et d'évasion fiscales.

Au niveau de l’Union, tous les États membres ont convenu de participer à un projet pilote, lancé par le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et la France, en vue d'échanger des informations sur les bénéficiaires effectifs finaux d'entreprises et de fiducies 8 . Il s'agirait là du prolongement naturel des dispositions en matière de transparence déjà existantes dans la législation de l’Union et des propositions présentées aujourd’hui qui donnent aux autorités fiscales un accès complet aux informations relatives aux bénéficiaires effectifs. L’échange automatique d’informations sur les bénéficiaires effectifs pourrait éventuellement être intégré au cadre de transparence fiscale contraignant déjà en place dans l’Union.

Au niveau international, le G20 a réaffirmé la haute priorité qu’il accorde à la transparence financière internationale: en avril 2016, il a invité l’OCDE et le GAFI 9 à proposer une nouvelle norme mondiale de transparence concernant les bénéficiaires effectifs d’ici au mois d’octobre. La Commission se félicite vivement de cette initiative, qui accorderait aux autorités fiscales l’accès à des informations cruciales permettant de mettre au jour, dans le monde entier, des régimes extraterritoriaux complexes et secrets. La Commission apportera tout son soutien à l’élaboration de la nouvelle norme mondiale de transparence. Dès que des détails supplémentaires seront connus sur les modalités de mise en œuvre de la nouvelle initiative mondiale, la Commission les analysera dans le cadre de l’interconnexion possible des registres de bénéficiaires effectifs des États membres.

La Commission a commencé à réfléchir au cadre le plus approprié permettant de mettre en œuvre au niveau de l’Union l’échange automatique d’informations sur les bénéficiaires effectifs afin de garantir que les autorités fiscales disposent d’informations actualisées et fiables sur les entreprises et les fiducies à l’étranger qui peuvent présenter un intérêt pour elles sur le plan fiscal.

La Commission présentera à l'automne une première analyse à ce sujet aux États membres et déterminera ensuite, sur la base des commentaires reçus, les étapes appropriées ultérieures.

3. Renforcement de la supervision exercée sur les facilitateurs et les promoteurs de planification fiscale agressive

Le rôle de certains intermédiaires et conseillers financiers qui aident leurs clients à dissimuler de l’argent à l'étranger a été mis sous les feux de l’actualité par les récentes révélations dans les médias. Même si certaines transactions et structures de sociétés complexes peuvent avoir des finalités parfaitement légitimes, d'autres activités extraterritoriales peuvent être moins justifiées, voire illégales. Un certain nombre d'importantes mesures ont déjà été prises au niveau de l’Union pour empêcher les personnes physiques et morales de recourir à des structures extraterritoriales artificielles ou secrètes pour échapper à l’impôt. Il s’agit notamment des nouvelles règles en matière de transparence pour les comptes financiers 10 , des dispositions anti-abus de la directive sur la lutte contre l'évasion fiscale 11 , d'un cadre réglementaire solide pour le secteur financier au niveau de l'Union et des modifications proposées pour la quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux. Il semble toutefois tout à fait opportun d'introduire des mesures supplémentaires (horizontales ou sectorielles) mettant l’accent sur les personnes qui promeuvent ou rendent possibles les mécanismes de fraude et d'évasion fiscales. Les autorités compétentes pourraient ainsi déterminer les activités de ce type et y mettre un terme le plus tôt possible ainsi que combler les lacunes de la législation qui les favorisent. Ces mesures auraient également un effet dissuasif sur ceux qui encouragent et utilisent activement la planification fiscale agressive.

Le projet BEPS de l'OCDE (action 12) recommande aux pays qu'ils exigent des contribuables et des promoteurs de mécanismes de planification fiscale (conseillers fiscaux, conseillers juridiques, les établissements financiers, etc.) la communication de tous les mécanismes de planification fiscale agressive qu’ils utilisent ou promeuvent. Certains États membres 12 ont déjà mis en place de tels dispositifs de communication obligatoire au niveau national, tandis que d’autres examinent la question. Cependant, étant donné la nature transfrontière de la planification fiscale agressive, des dispositifs strictement nationaux ne peuvent avoir qu’un effet limité. En mai 2016, le Conseil a invité la Commission «à envisager des initiatives législatives concernant des règles de communication obligatoire d'informations inspirées de l'action 12 du projet BEPS de l'OCDE en vue d'introduire des mesures dissuasives plus effectives destinées aux intermédiaires qui interviennent dans des montages ayant pour objet la fraude ou l'évasion fiscale.» Cette démarche fait écho aux appels répétés du Parlement européen en faveur de mesures plus sévères contre les facilitateurs et les promoteurs de mécanismes d'évasion fiscale.

La Commission étudiera le meilleur moyen de renforcer la supervision et de s’assurer que des mesures dissuasives efficaces s'appliquent aux promoteurs et aux facilitateurs de mécanismes de planification fiscale agressive 13 . Il pourrait s’agir, par exemple, d’accroître la transparence de ces mécanismes vis-à-vis des autorités fiscales.

Dans ce but, à l’automne 2016, la Commission va lancer une consultation publique afin de recueillir des avis sur l’approche la plus adéquate.

En parallèle, la Commission collaborera étroitement avec l’OCDE et d’autres partenaires internationaux sur une éventuelle approche mondiale pour une transparence accrue des activités de conseillers, allant au-delà de la recommandation du projet BEPS (action 12).

4. Promotion de normes de bonne gouvernance fiscale plus strictes au niveau mondial

Les mesures de l’Union contre la fraude et l'évasion fiscales sont indispensables afin de protéger les bases d'imposition des États membres, d'assurer des conditions de concurrence équitables aux entreprises et de promouvoir un environnement plus équitable et plus compétitif au sein du marché unique. Toutefois, étant donné la nature mondiale des pratiques fiscales abusives, une action internationale de lutte contre les systèmes opaques et la planification fiscale agressive s'impose.

À cet égard, l’Union soutient fermement les efforts de l’OCDE visant à garantir l’application à l’échelle mondiale des normes de bonne gouvernance fiscale plus strictes, tant par l'intermédiaire du cadre inclusif de mise en œuvre du projet BEPS que par les travaux de suivi du Forum mondial en matière de transparence fiscale. L’Union a rapidement mis en œuvre la nouvelle norme mondiale d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (norme commune de déclaration), ainsi que les principales mesures du projet BEPS par l'intermédiaire d’une législation contraignante. Elle montre ainsi l’exemple en matière de bonne gouvernance fiscale internationale. Il est maintenant hautement prioritaire de garantir que les partenaires internationaux de l'Union mettent également en œuvre ces normes de bonne gouvernance fiscale plus strictes, ce qui nécessite que l'Union intensifie ses pressions dans les enceintes internationales, notamment le G20.

En janvier 2016, la Commission a présenté une stratégie extérieure pour une imposition effective 14 afin de garantir une approche cohérente de l’Union en vue de promouvoir une bonne gouvernance fiscale au niveau mondial. Dans le cadre de cette stratégie, la Commission a défini un certain nombre d’instruments en vue de promouvoir la bonne gouvernance au niveau mondial, notamment en concluant des accords avec des pays tiers et en aidant les pays en développement à respecter les normes de bonne gouvernance fiscale. La Commission a proposé un nouveau processus de recensement dans l'Union afin de traiter la question des pays qui refusent de respecter les normes de bonne gouvernance fiscale. Cette approche fait écho à la demande du Parlement européen 15 en faveur d’une liste de l’Union recensant les pays et territoires non coopératifs. La liste commune de l’Union se fondera sur des critères clairs, objectifs et justifiables sur le plan international, sur un solide processus d'examen et sur un dialogue ouvert avec les pays tiers en question. Les ministres des finances de l’Union ont approuvé ce processus de recensement lors du Conseil ECOFIN en mai 2016 et ont demandé qu'une première liste de l'Union soit prête en 2017. Ils ont également invité le groupe «Code de conduite (fiscalité des entreprises)» à envisager des contre-mesures appropriées pour accompagner la liste.

La liste commune de l’Union devrait constituer un outil de dissuasion important et ciblera les pays refusant de rejoindre l'initiative mondiale en faveur d'une imposition plus équitable et plus transparente. En outre, le récent appel du G20 en faveur d'une liste internationale des pays et territoires non coopératifs confère une valeur supplémentaire au processus de recensement de l’Union. La liste commune de l'Union peut servir de base à la future liste internationale, puisqu'elle se fonde sur les normes convenues à ce niveau.

Pour faciliter l'élaboration rapide de la liste de l'Union, la Commission est en train de finaliser une évaluation préalable de tous les pays tiers afin de déterminer le risque potentiel que ces derniers représentent pour ce qui est de l'érosion de la base d'imposition des États membres. Elle présentera le résultat de cette analyse au groupe «Code de conduite (fiscalité des entreprises)» avant l’été. Les États membres pourront, sur cette base, repérer rapidement les pays tiers qu’ils souhaitent soumettre à un examen approfondi du point de vue de la bonne gouvernance fiscale et ouvrir un dialogue avec les pays et les territoires retenus avant la fin de l’année 2016.

En outre, la Commission collaborera étroitement avec l’OCDE en vue de l’établissement d’une liste internationale ambitieuse et efficace des pays et territoires non coopératifs.

5. Amélioration de la protection des lanceurs d’alerte

Il existe ces dernières années un consensus politique pour contrer la fraude et l’évasion fiscales en Europe, ce qui a permis de définir des mesures importantes, à mettre en œuvre tant au niveau national qu'au niveau de l’Union. Les derniers cas retentissants d’évasion fiscale des sociétés et de fraude fiscale individuelle, révélées par des lanceurs d’alerte, ont accru la nécessité de mesures efficaces de protection pour ces derniers. Protéger les personnes qui signalent ou divulguent des informations concernant des actes et des omissions qui constituent une menace grave ou une atteinte à l’intérêt public permet non seulement de renforcer la capacité des salariés à partager ce type d'informations, mais également de contribuer de manière décisive à améliorer la détection de la fraude fiscale, qui prive les autorités fiscales européennes de recettes fiscales légitimes. Le Parlement européen et nombre de parties prenantes ont donc appelé à une amélioration de la protection des lanceurs d’alerte.

Il est essentiel de protéger les lanceurs d’alerte étant donné que les processus institutionnels en matière de responsabilité se fondent sur la divulgation d'informations pour identifier d’éventuels actes répréhensibles. La protection des lanceurs d’alerte dans le secteur public et dans le secteur privé contribue à lutter contre la mauvaise gestion et les irrégularités, notamment la corruption transfrontière liée aux intérêts financiers nationaux ou de l’Union. En outre, dans l’optique du fonctionnement du marché unique et de la responsabilité sociale des sociétés, elle peut permettre de discipliner les entreprises et de protéger leurs intérêts, qui peuvent contribuer à renforcer la confiance dans le marché et donc à attirer des investisseurs et des partenaires commerciaux potentiels.

La Commission soutient pleinement l’objectif visant à protéger les lanceurs d’alerte des représailles. La Commission a pris des mesures pour protéger les lanceurs d’alerte dans la législation sectorielle de l’Union, ainsi qu'au sein des institutions de l’Union. Ainsi, les États membres sont tenus de mettre en place des mécanismes efficaces et fiables encourageant le signalement aux autorités compétentes des infractions effectives ou supposées aux réglementations anti-blanchiment. Les établissements financiers et les autres entités assujetties doivent mettre en place des procédures destinées aux salariés ou aux personnes se trouvant dans une situation comparable qui signalent des infractions à ces règles. Des exigences similaires sont en place pour les cabinets d’avocats et les cabinets d’audit ainsi que dans d’autres domaines de la législation européenne tels que les abus de marché et le placement collectif en valeurs mobilières. La législation de l’Union sur les secrets d'affaires fixe un cadre dans lequel une protection efficace des lanceurs d’alerte contrebalance l’importance de l’éthique professionnelle et la confidentialité des informations commerciales.

Tant qu'il n'existera pas de disposition spécifique pour la protection des lanceurs d'alerte dans la législation européenne, les législations nationales resteront d'application, y compris dans des domaines tels que le respect de la législation fiscale, qui ne font pas l'objet des dispositions de l’Union visant à protéger les lanceurs d’alerte.

La Commission continuera à suivre les dispositions des États membres concernant les lanceurs d'alerte et à faciliter la recherche et l'échange de meilleures pratiques en vue de favoriser une protection renforcée au niveau national. En parallèle, elle évaluera la possibilité d'une action supplémentaire de l'Union.

En vue de renforcer la protection des lanceurs d'alerte, la Commission envisage actuellement d’évaluer les possibilités d’action horizontales ou sectorielles au niveau de l’Union, dans le respect du principe de subsidiarité.

Conclusion

Ces dernières années, des progrès significatifs ont été accomplis dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et la corruption au niveau de l’Union. La Commission a présenté des propositions visant à renforcer la transparence fiscale, à réduire sensiblement les possibilités de planification fiscale agressive et à promouvoir la bonne gouvernance fiscale au niveau mondial. Une fois que celles-ci auront été pleinement mises en œuvre, elles modifieront définitivement le paysage fiscal en Europe et le rendront plus équitable, plus ouvert et plus efficace pour les citoyens, les entreprises et les États membres au sein du marché unique.

Cependant, la lutte en faveur d'un système fiscal plus équitable et plus transparent doit continuer à faire l'objet d'un effort constant, associé à une capacité de réaction rapide en fonction des circonstances et des événements nouveaux. Les pratiques dévoilées par les récentes révélations dans les médias ont poussé l’Union à aller plus loin dans l’amélioration de sa coordination interne contre les pratiques fiscales abusives et à travailler main dans la main avec ses partenaires internationaux (en particulier le G20 et l’OCDE) aux fins d'un ambitieux programme mondial de lutte contre les délits financiers.

Les mesures décrites dans la présente communication peuvent contribuer de façon substantielle à lutter contre les mécanismes illicites et parfois opaques que les médias ont récemment rendus publics. Une action ferme et efficace dans ces domaines permettrait à l'Union de conserver sa position au premier plan mondial de la bonne gouvernance fiscale et inciterait ses partenaires internationaux à suivre son exemple. Elle augmentera en outre l'équité et contribuera à promouvoir l'emploi, la croissance et l'investissement en Europe.

(1) Voir la communication de la Commission sur la notion d’aide d'État, points 169 à 174: http://ec.europa.eu/competition/state_aid/modernisation/notice_of_aid_fr.pdf
(2) Directive 2013/36/UE
(3) COM(2015) 302
(4) COM(2016) 450
(5) Voir aussi le plan d'action destiné à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme [COM(2016) 50]
(6) Fiducies qui comprennent tout bien détenu par ou au nom d’une personne exerçant une activité qui consiste en ou inclut la gestion de fiducies, et agissant en tant que fiduciaire (trustee) d'une fiducie dans le cadre de cette activité en vue de réaliser des bénéfices, et d’autres types de constructions juridiques dont la structure ou les fonctions sont similaires à celle de ces fiducies.
(7) COM(2016) 452
(8) http://www.bundesfinanzministerium.de/Content/EN/Standardartikel/Topics/Taxation/Articles/G5-letter-to-G20-counterparts-regarding-action-on-beneficial-ownership.html
(9) Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux
(10) COM(2013) 348.
(11) COM(2016) 26.
(12) Le Royaume-Uni, l'Irlande et le Portugal.
(13) http://ec.europa.eu/smart-regulation/roadmaps/index_fr.htm  
(14) COM(2016) 024.
(15) Rapports TAXE 1 et 2: http://www.europarl.europa.eu/committees/en/taxe/work-in-progress.html
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