COMMISSION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 4.4.2016
COM(2016) 177 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION
Programme indicatif nucléaire
présenté en application de l'article 40 du traité Euratom pour avis au Comité économique et social
{SWD(2016) 102 final}
1.Introduction
La présente communication sur un programme indicatif nucléaire (PINC), qui constitue une obligation inscrite à l'article 40 du traité Euratom, donne une vue d'ensemble des investissements réalisés dans l'UE pour toutes les étapes du cycle de vie des installations nucléaires. Il s'agit du premier rapport présenté depuis l'accident survenu à Fukushima Daiichi, en mars 2011.
L'énergie nucléaire fait partie du bouquet énergétique de la moitié des États membres de l'UE. Dans les pays qui ont choisi de l'utiliser, l'énergie nucléaire a un rôle à jouer en vue de garantir la sécurité de l'approvisionnement énergétique. À ce propos, la stratégie pour l'union de l'énergie et la stratégie européenne pour la sécurité énergétique ont souligné la nécessité, pour les États membres, d'appliquer les normes les plus élevées en matière de sûreté, de sécurité, de gestion des déchets et de non-prolifération, et de diversifier les sources d'approvisionnement en combustible nucléaire. Ces normes faciliteront la réalisation des objectifs du cadre pour le climat et l'énergie à l'horizon 2030.
Avec 27 % de son électricité produite à partir de l'énergie nucléaire et 27 % à partir de sources renouvelables
, l'UE est actuellement l'une des trois zones économiques majeures
qui produisent plus de la moitié de leur électricité sans émettre de gaz à effet de serre.
Le PINC constitue une base de discussion sur la façon dont l'énergie nucléaire peut contribuer à la réalisation des objectifs énergétiques de l'UE. La sûreté demeurant la priorité absolue de la Commission en matière nucléaire, le PINC prévoit expressément des investissements liés aux mises à niveau à la suite de l'accident de Fukushima, et à l'exploitation à long terme des centrales nucléaires existantes. En outre, l'industrie nucléaire de l'UE entrant dans une nouvelle phase caractérisée par l'accroissement des activités concernant la fin du cycle de vie, le PINC contribue à nourrir le débat sur les investissements nécessaires et la gestion des responsabilités nucléaires.
Le PINC considère également les questions liées à l'investissement dans les réacteurs de recherche et le cycle du combustible qui s'y rattache, notamment la production de radio-isotopes médicaux.
2.Énergie nucléaire
2.1.Évolution récente de la politique nucléaire
On compte actuellement 129 réacteurs nucléaires en fonctionnement dans 14 États membres, représentant une puissance totale de 120 GWe; l'âge moyen de ces réacteurs est de 30 ans. Des projets de construction sont envisagés dans 10 États membres, et quatre réacteurs sont déjà en construction en Finlande, en France et en Slovaquie. D'autres projets en Finlande, en Hongrie et au Royaume-Uni sont en cours d'autorisation tandis que dans d'autres États membres (Bulgarie, République tchèque, Lituanie, Pologne et Roumanie), ils sont encore en préparation. Le Royaume-Uni a récemment annoncé son intention de fermer toutes ses centrales à charbon d'ici à 2025 et de les remplacer principalement par des centrales au gaz et nucléaires.
De nombreux pays en Europe et dans le reste du monde s'appuieront sur l'énergie nucléaire pour produire une partie de leur électricité au cours des prochaines décennies. L'UE dispose du cadre juridique contraignant en vigueur le plus avancé de toutes les régions du monde dans le domaine nucléaire, et malgré des vues divergentes d'un État membre à l'autre sur l'électricité nucléaire, chacun reconnaît la nécessité de garantir le respect des normes les plus élevées possibles concernant l'utilisation sûre et responsable de l'énergie nucléaire et la protection des citoyens contre les rayonnements.
Depuis la dernière mise à jour du PINC en 2008, le paysage nucléaire de l'UE a connu des changements significatifs à la suite des évaluations complètes des risques et de la sûreté (tests de résistance) auxquelles ont été soumis les réacteurs électronucléaires de l'UE après l'accident de Fukushima Daiichi, et de l'adoption d'actes législatifs phares sur la sûreté nucléaire, la gestion des déchets radioactifs et du combustible usé et la protection radiologique.
Les tests de résistance ont permis de conclure que les normes de sûreté des centrales nucléaires de l'UE, de la Suisse et de l'Ukraine étaient élevées, tout en recommandant certaines améliorations, que les exploitants nucléaires mettent en œuvre conformément à leurs plans d'actions nationaux tels qu'évalués par l'ENSREG.
La directive modifiée sur la sûreté nucléaire5 relève les normes en matière de sûreté nucléaire. Elle fixe un objectif clair à l'échelle de l'UE afin de réduire le risque d'accidents et d'éviter des rejets radioactifs importants. Elle instaure également l'obligation de mettre en place un système européen d'examen par les pairs, certaines questions de sûreté devant être examinées tous les six ans. Ces exigences doivent toujours être prises en compte lors de l'investissement dans de nouvelles installations nucléaires et toutes les fois où cela est faisable dans des conditions raisonnables lors de la mise à niveau d'installations existantes.
Début 2015, Euratom a joué un rôle essentiel dans l'adoption de la «déclaration de Vienne», par laquelle les parties à la convention sur la sûreté nucléaire de l'Agence internationale de l'énergie atomique s'engagent à atteindre des niveaux de sûreté comparables à ceux fixés dans la directive modifiée sur la sûreté nucléaire. Compte tenu de l'expansion de l'énergie nucléaire sur tous les continents et du grand nombre de fournisseurs présents, il importe de veiller à ce que des normes de sûreté élevées soient appliquées partout dans le monde et ne soient pas remises en cause par l'utilisation de technologies à bas coût ou dépassées.
Le cadre juridique de l'UE exige une transparence accrue et la participation du public sur les questions nucléaires, ainsi qu'une meilleure coopération entre toutes les parties prenantes. Les directives sur la sûreté nucléaire, les déchets radioactifs et la protection radiologique visées plus haut fixent toutes des exigences concernant la disponibilité d'informations et la participation du public. La coopération entre les autorités de sûreté nucléaire des États membres de l'UE est à présent bien établie, au sein du groupe des régulateurs européens dans le domaine de la sûreté nucléaire. En outre, la Commission continuera de promouvoir le dialogue entre les parties prenantes au sein du Forum européen de l'énergie nucléaire.
2.2.Marché de l'énergie nucléaire de l'UE et principaux développements
Le marché de l'énergie nucléaire de l'UE doit être appréhendé dans un contexte mondial, étant donné l'impact potentiel des développements dans d'autres régions sur l'industrie nucléaire, la sûreté et la sécurité globales, la santé et l'opinion publique dans l'UE. La coopération devrait être également améliorée avec les pays candidats à l'adhésion à l'UE et les pays voisins, en particulier l'Ukraine, la Biélorussie, la Turquie et l'Arménie. Des tests de résistance ont déjà été effectués en Ukraine, devraient être achevés en Arménie dans le courant de 2016 et sont prévus en Biélorussie et en Turquie.
L'industrie nucléaire de l'UE fait partie des leaders mondiaux des technologies dans tous les segments et emploie directement entre 400 000 et 500 000 personnes, auxquelles s'ajoutent environ 400 000 emplois induits. Cette position peut constituer un atout important. Les besoins en investissements liés au nucléaire sur le marché mondial sont estimés à environ 3 000 milliards d'EUR d'ici à 2050
, principalement en Asie. Le nombre de pays exploitant des réacteurs électronucléaires, et la puissance nucléaire installée au niveau planétaire, devrait augmenter d'ici à 2040. La puissance nucléaire installée de la Chine seule devrait augmenter de 125 GWe, une valeur supérieure à la puissance installée actuelle de l'UE (120 GWe), des États-Unis (104 GWe) et de la Russie (25 GWe).
La Commission prévoit une diminution de la capacité de production nucléaire d'électricité à l'échelon de l'UE jusqu'en 2025, compte tenu des décisions de certains États membres d'abandonner l'énergie nucléaire ou d'en réduire la part dans leur bouquet énergétique. Cette tendance s'inverserait à partir de 2030 avec le raccordement prévu au réseau de nouveaux réacteurs et la prolongation de l'exploitation d'autres réacteurs. La capacité nucléaire augmenterait légèrement puis se stabiliserait en 2050 entre 95 et 105 GWe (figure 1). La demande d'électricité devant augmenter au cours de la même période, la part de l'électricité nucléaire dans l'UE diminuerait, passant de 27 % actuellement à environ 20 %.
Figure 1 - Puissance nucléaire totale installée dans l'UE (GWe)
Les investissements qui seront réalisés d'ici à 2050 afin de renouveler la puissance existante iront très probablement aux réacteurs les plus avancés, tels que l'EPR, l'AP 1000, le VVER 1200, l'ACR 1000 et l'ABWR.
3.Les investissements dans le secteur nucléaire à l'horizon 2050
Des investissements importants seront nécessaires afin d'appuyer la transformation du système énergétique conformément à la stratégie de l'union de l'énergie. Un total compris entre 3 200 et 4 200 milliards d'EUR devra être investi dans l'approvisionnement énergétique de l'UE entre 2015 et 2050.
L'article 41 du traité Euratom prévoit la notification des projets d'investissement dans le secteur nucléaire à la Commission. Depuis 2008, 48 projets au total ont été notifiés. Neuf concernaient des activités en amont du cycle, vingt des modifications ou des mises à niveau majeures de centrales nucléaires liées à une prolongation de la durée d'exploitation ou à des améliorations suite à l'accident de Fukushima, sept de nouveaux réacteurs commerciaux ou de recherche et douze des installations en aval du cycle. Tous les projets ont fait l'objet d'un avis non contraignant de la Commission qui formulait à l'intention de l'État membre concerné des remarques et/ou des suggestions d'amélioration à prendre en compte aux fins de l'autorisation des projets. Une attention particulière a été accordée aux aspects liés à la sûreté, à la gestion des déchets, aux garanties et à la sécurité des approvisionnements.
Dans le courant de l'année, la Commission proposera une mise à jour et une meilleure définition des exigences applicables à ces notifications qui, conjointement à la recommandation relative à l'application de l'article 103 du traité Euratom, renforceront la capacité de la Commission à faire en sorte que les nouveaux investissements et les accords bilatéraux avec des pays tiers dans le domaine de l'énergie nucléaire soient conformes aux dispositions du traité Euratom et reflètent les considérations les plus récentes en matière de sécurité d'approvisionnement.
3.1.Investissements dans l'amont du cycle du combustible
Le processus de fabrication du combustible (amont du cycle du combustible) comporte différentes étapes, depuis l'exploration des gisements d'uranium et l'extraction du minerai jusqu'à la fabrication des assemblages combustibles.
Si les activités d'extraction de minerai d'uranium sont limitées dans l'UE, d'abondantes ressources sont en revanche disponibles ailleurs dans le monde. Les entreprises européennes se classent parmi les premiers producteurs mondiaux de combustible nucléaire.
La demande de l'UE en uranium naturel représente environ un tiers de la demande mondiale et est satisfaite par une gamme d'approvisionnements diversifiée. Le Kazakhstan était le principal fournisseur en 2014 (27 %), suivi de la Russie (18 %) et du Niger (15 %). L'Australie et le Canada représentaient respectivement 14 % et 13 %.
Conformément à la stratégie européenne pour la sécurité énergétique, la Commission s'emploie à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur des combustibles nucléaires et à améliorer encore la sécurité d'approvisionnement. L'Agence d'approvisionnement d'Euratom analyse en permanence ces aspects aux fins de ses décisions concernant les contrats d'approvisionnement, avec une attention particulière pour les projets de nouvelles installations.
Certaines entreprises offrant des services intégrés qui couvrent l'ensemble du cycle du combustible nucléaire, la Commission veillera à ce que cette capacité ne fasse pas obstacle à l'activité d'autres entreprises sur un seul segment de ce cycle, ce qui limiterait la concurrence sur le marché.
Des investissements majeurs ont été réalisés par le passé dans des capacités de conversion et d'enrichissement; l'accent sera mis au cours des prochaines années sur la modernisation de ces installations afin de maintenir l'avance technologique de l'UE. En ce qui concerne la fabrication du combustible nucléaire, la capacité installée dans l'UE permettrait de répondre aux besoins de tous les réacteurs de types occidentaux en service dans l'UE; il faudrait par contre plusieurs années pour la conception et l'autorisation d'assemblages combustibles pour des réacteurs de conception russe (pour autant que le marché correspondant soit d'une taille suffisante pour susciter des investissements de la part des entreprises). La Commission continuera de surveiller l'amont du cycle du combustible et utilisera tous les instruments à sa disposition afin d'assurer la sécurité d'approvisionnement de l'UE, la diversification des sources et la concurrence mondiale.
3.2.Investissements et climat d'affaires en vue de la construction de nouvelles centrales nucléaires
Tous les États membres qui exploitent des centrales nucléaires investissent dans des améliorations de la sûreté. En raison de la moyenne d'âge du parc nucléaire de l'UE, plusieurs États membres se trouvent confrontés à la nécessité de choisir entre le remplacement ou la prolongation de la durée d'exploitation de leurs centrales nucléaires.
Comme indiqué à la figure 1, en l'absence de programme de prolongation de la durée d'exploitation, environ 90 % des réacteurs existants seraient fermés d'ici à 2030, imposant le remplacement de grandes capacités de production. Lorsque les États membres optent pour l'allongement de la durée d'exploitation de réacteurs, l'approbation de l'autorité nationale de sûreté et des mises à niveau de sûreté sont nécessaires pour garantir la conformité avec la directive sur la sûreté nucléaire. Quelle que soit l'option retenue par les États membres, 90 % de la capacité nucléaire actuelle de production d'électricité devra être remplacée d'ici à 2050.
Le maintien de la capacité de production électronucléaire entre 95 et 105 MWe dans l'UE jusqu'en 2050 et au-delà nécessiterait des investissements au cours des 35 prochaines années. Entre 350 et 450 milliards d'EUR devraient être investis dans de nouvelles centrales afin de remplacer la plus grande partie de la puissance électronucléaire actuellement installée. Les nouvelles centrales nucléaires étant conçues pour une durée d'exploitation d'au moins 60 ans, elles produiraient de l'électricité jusqu'à la fin du siècle.
Certains facteurs influencent la disponibilité de fonds à investir dans de nouvelles capacités électronucléaires. Pour les deux principales composantes de coût, coût de construction proprement dit et coût du capital, la durée de construction et le taux d'actualisation pour le projet joue un grand rôle.
Différents modèles de financement sont en cours d'examen ou utilisés dans les différents États membres, tels que le contrat d'écart compensatoire proposé pour le projet Hinkley point C au Royaume-Uni, ou le modèle Mankala proposé pour le projet Hanhikivi en Finlande.
Certains nouveaux projets inédits menés dans l'UE ont connu des retards et des dépassements de budget. Les futurs projets fondés sur la même technologie devraient bénéficier de l'expérience acquise et tirer parti des possibilités de réduction des coûts, pour autant qu'une politique appropriée soit mise en place.
Cette politique devrait se concentrer sur le renforcement de la coopération entre les régulateurs aux fins de l'autorisation des nouveaux réacteurs et sur l'encouragement à la normalisation des types de réacteurs nucléaires par l'industrie. En plus d'un meilleur rapport coût-efficacité, il en résulterait un renforcement de la sûreté des centrales nucléaires.
Le processus d'autorisation, s'il relève de la compétence exclusive des autorités nationales de sûreté, offre des possibilités de coopération renforcée, par exemple lors des étapes préparatoires ou de la certification de la conception.
L'objectif de la collaboration dans le domaine des exigences applicables aux fins de l'autorisation des installations devrait être qu'une conception jugée sûre dans un pays ne doive pas être modifiée sur le fond pour satisfaire aux exigences applicables dans un autre pays aux fins de l'autorisation, ce qui réduira le temps et les coûts y afférents. Dans ce domaine, la Commission prévoit de consulter le groupe des régulateurs européens dans le domaine de la sûreté nucléaire et le réseau des organismes techniques de sûreté (ETSON, European Technical Safety Organisations Network).
En ce qui concerne la normalisation, les codes de construction sont utilisés par tous les acteurs et forment une base de référence commune pour la conception et la construction de centrales et d'autres installations nucléaires. Étant donné l'apparition de nouveaux fournisseurs potentiels et la nécessité d'assurer le contrôle de tout nouveau modèle ou nouvelle technologie, il serait souhaitable d'encourager les distributeurs et les fournisseurs à prendre l'initiative d'une normalisation accrue de leurs composants et codes, afin d'assurer a) un processus d'acquisition plus rapide; b) une comparabilité accrue, davantage de transparence et des normes de sûreté plus élevées; c) une capacité accrue des exploitants à maîtriser la technologie et gérer les connaissances. Étant donné l'accent mis sur l'optimisation de l'utilisation des ressources existantes et sur la reconnaissance mutuelle afin d'ouvrir davantage de débouchés, la Commission suit de près les travaux du Comité européen de normalisation afin de déterminer quelles options de stratégie il y a lieu d'envisager à l'échelon de l'UE.
3.3.Investissements et climat d'affaires liés aux mises à niveau de sûreté et à la prolongation de la durée d'exploitation des centrales existantes
Afin d'améliorer encore la sûreté nucléaire, des efforts constants sont déployés pour accroître la robustesse des centrales nucléaires, en particulier à la suite d'examens spécifiques, d'examens périodiques de sûreté ou d'examens par les pairs tels que les tests de résistance organisés dans l'UE.
De nombreux exploitants en Europe ont fait part de leur intention d'exploiter leurs centrales plus longtemps que prévu lors de la conception initiale de celles-ci. Au point de vue de la sûreté nucléaire, la poursuite de l'exploitation d'une centrale au-delà de la durée initialement prévue passe par deux conditions: démontrer et maintenir la conformité de la centrale avec les exigences réglementaires applicables; renforcer la sûreté de la centrale.
À la lumière des informations fournies par les États membres, on estime que 45 à 50 milliards d'EUR devront être investis dans la prolongation de la durée d'exploitation des réacteurs existants d'ici à 2050. Les projets d'investissements y afférents devront être communiqués à la Commission, conformément à l'article 41 du traité Euratom, afin qu'elle communique son point de vue.
En fonction de l'âge et du modèle du réacteur, les autorités nationales estiment que les programmes à cette fin porteront sur une prolongation de 10 à 20 ans de la durée d'exploitation, en moyenne.
Les exploitants et les autorités doivent préparer, examiner et approuver les dossiers de sûreté associés à ces projets conformément à la directive modifiée sur la sûreté nucléaire. Une coopération accrue entre les autorités aux fins des processus d'autorisation, comprenant par exemple la fixation de critères communs, aidera à relever ce défi de manière appropriée et en temps utile.
3.4.Activités renforcées en aval du cycle du combustible: défis et chances
L'aval du cycle du combustible devra retenir davantage l'attention. On estime que plus de 50 des 129 réacteurs actuellement en service dans l'UE devront être définitivement arrêtés d'ici à 2025. Une planification rigoureuse et une coopération accrue entre États membres s'imposent. Tous les États membres de l'UE qui exploitent des centrales nucléaires devront poser des choix politiques judicieux en ce qui concerne le stockage définitif en couche géologique et la gestion à long terme des déchets radioactifs. Il importe de ne pas remettre à plus tard les mesures et les décisions d'investissement dans ce domaine.
3.4.1.Gestion du combustible usé et des déchets radioactifs
La directive sur le combustible usé et les déchets radioactifs fixe des exigences juridiquement contraignantes dans le domaine de la gestion à long terme sûre et responsable des déchets radioactifs et du combustible usé, avec pour objectif d'éviter de se défausser indûment sur les générations futures.
Chaque État membre reste libre de définir sa propre politique en matière de cycle du combustible. Le combustible usé peut être considéré comme une ressource qui peut être retraitée ou comme un déchet radioactif qu'il convient d'évacuer directement. Quelle que soit l’option retenue, le stockage des déchets de haute activité issus du retraitement ou celui du combustible usé considéré comme un déchet devrait être envisagé.
La France et le Royaume-Uni disposent d'installations de retraitement en service, mais côté britannique, leur fermeture est prévue pour 2018. Plusieurs réacteurs en Allemagne, en France et aux Pays-Bas ont utilisé du combustible à oxydes mixtes (MOX) en 2014.
Des installations de stockage des déchets radioactifs de faible et moyenne activité sont déjà en place dans la plupart des États membres. Les exploitants passent du domaine de la recherche au stade industriel avec la construction des premiers centres de stockage en couche géologique dans le monde destinés aux déchets de haute activité et au combustible usé. Ces installations devraient entrer en service en Finlande, en Suède et en France entre 2020 et 2030. D'autres entreprises européennes devraient tirer parti de cette expérience afin de consolider les compétences et le savoir-faire requis et d'ouvrir des débouchés commerciaux au niveau mondial.
Une coopération est possible entre les États membres, notamment le partage des meilleures pratiques, voire la mise en place de centres de stockages communs. De tels centres sont en effet possibles aux termes de la directive, mais des difficultés demeurent, notamment en ce qui concerne la communication avec le public et l'acceptation de telles installations par celui-ci. Une étape essentielle consiste à déterminer quel est, dans une approche multinationale, l'acteur responsable en dernier ressort des déchets radioactifs à stocker.
Les États membres qui exploitent des centrales nucléaires entreposent actuellement ces déchets dans des installations prévues pour durer entre 40 et 100 ans. L'entreposage de déchets radioactifs, y compris à long terme, n'est qu'une solution provisoire qui ne saurait constituer une alternative au stockage définitif.
3.4.2.Déclassement
L'expérience mondiale en matière de déclassement de réacteurs électronucléaires est faible. 89 réacteurs étaient à l'arrêt définitif en Europe en octobre 2015, mais seulement 3 ont été complètement déclassés (en Allemagne).
Les entreprises européennes ont la possibilité d'occuper la première place mondiale dans ce secteur s'ils acquièrent sur le marché intérieur les compétences requises, ce qui passe par la mise en œuvre de mesures visant à encourager la participation des PME. L'utilisation des meilleures pratiques aux différentes étapes du processus de déclassement, notamment le recours à une approche graduelle permettant au cadre réglementaire d'évoluer de manière à tenir compte de manière appropriée, tout au long du processus, des niveaux de risque radiologique, permettrait d'améliorer l'efficacité et la sûreté. Les meilleures pratiques pourraient être diffusées dans le cadre d'un centre européen d'excellence qui serait créé pour rassembler les acteurs publics et privés, ou bien par l'intermédiaire du groupe pour le financement du déclassement.
3.4.3.Exigences concernant le financement de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs et du déclassement
En application de la directive sur le combustible usé et les déchets radioactifs, la gestion des déchets radioactifs incombe entièrement aux exploitants, depuis leur production jusqu'à leur stockage définitif. Les fonds nécessaires doivent être accumulés par les exploitants à partir des premières années d'exploitation et être cantonnés afin de limiter autant que possible le risque de charges financières pour les pouvoirs publics. Les États membres garantissent ce principe en mettant en place et en maintenant des programmes nationaux qui prévoient notamment une évaluation des coûts et définissent le régime financier applicable.
Sur la base des informations les plus récentes communiquées par les États membres, les exploitants nucléaires européens estimaient en décembre 2014 à 253 milliards d'EUR la somme nécessaire au déclassement et à la gestion des déchets radioactifs jusqu'en 2050, dont 123 milliards d'EUR pour le déclassement et 130 milliards d'EUR pour la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, y compris le stockage en couche géologique.
Les États membres ont également communiqué, lorsqu'ils en disposaient, des données sur les actifs à l'appui de ces investissements, qui représentaient environ 133 milliards d'EUR. Ces actifs sont habituellement placés sur des fonds qui sont souvent réservés à la fois pour le déclassement et la gestion des déchets radioactifs. La méthode la plus fréquemment utilisée pour recueillir les fonds est une contribution fixe fondée sur l'électricité produite par les centrales nucléaires concernées.
Les États membres utilisent différentes méthodes pour estimer les coûts de l'accomplissement des activités en aval du cycle du combustible nucléaire. La Commission continuera à recueillir des données complémentaires avec l'aide du groupe pour le financement du déclassement, et prévoit d'établir dans le courant de l'année un rapport sur la mise en œuvre de la directive sur les déchets radioactifs et le combustible usé.
4.Applications autres que la production d'électricité
Les technologies nucléaires et radiologiques font l'objet de nombreuses applications dans le secteur médical, l'industrie, l'agriculture et la recherche, et leurs avantages pour la société sont importants dans tous les États membres.
Plus de 500 millions de procédures diagnostiques faisant appel aux rayons X ou aux radio-isotopes sont réalisées en Europe chaque année, et plus de 700 000 travailleurs européens du secteur de la santé utilisent quotidiennement les technologies nucléaires et radiologiques. Le marché européen des appareils d'imagerie médicale est important, avec des taux de croissance annuelle d'environ 5 % et une valeur supérieure à 20 milliards d'EUR.
Différents types de réacteurs de recherche sont en service dans l'UE. Ils servent aux essais de matériaux et de combustible nucléaire, ainsi qu'aux fins de la recherche fondamentale et du développement. Certains produisent des radio-isotopes médicaux destinés au diagnostic et au traitement de diverses affections, notamment les cancers, les maladies cardiovasculaires et les troubles cérébraux. Plus de 10 000 hôpitaux dans le monde utilisent les radio-isotopes pour le diagnostic et le traitement in vivo d'environ 35 millions de patients chaque année, dont neuf millions en Europe.
L'Europe est le deuxième consommateur mondial de technétium-99m (Tc-99m), le radio-isotope de diagnostic le plus largement utilisé. Plusieurs réacteurs de recherche européens servant à la production de radio-isotopes médicaux sont proches de leur fin de vie utile, ce qui fragilise l'approvisionnement en radio-isotopes de ce type et entraînent dans certains cas de graves pénuries.
Des actions ont été récemment menées afin de coordonner l'exploitation des réacteurs de recherche dans l'Union européenne et ailleurs afin de réduire au minimum les interruptions de la production de radio-isotopes, par exemple la création en 2012 de l'Observatoire européen de l'approvisionnement en radio-isotopes à usage médical. Malgré ces efforts, la question de la capacité de production de ces éléments, en particulier en Europe, doit encore faire l'objet d'un examen approfondi par toutes les parties prenantes, car il est essentiel de garantir la disponibilité des moyens nécessaires à des diagnostics et des traitements cruciaux dans l'Union européenne.
La Commission considère qu'il faut adopter une approche européenne davantage coordonnée en ce qui concerne les utilisations des technologies nucléaires et radiologiques autres que la production d'électricité.
5.Maintenir l'avance technologique de l'UE dans le domaine nucléaire par des activités de recherche et de développement
L'UE doit maintenir son avance technologique dans le domaine nucléaire, notamment dans le cadre du réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER), afin de ne pas accroître sa dépendance énergétique et technologique et d'assurer des débouchés aux entreprises européennes, ce qui favorisera la croissance, les emplois et la compétitivité dans l'UE.
La récente communication sur un nouveau plan stratégique européen pour les technologies énergétiques (Plan SET) indique plus précisément que la priorité pour l'énergie nucléaire est de soutenir le développement des technologies les plus avancées afin de maintenir un niveau maximal de sûreté dans les réacteurs nucléaires et d'améliorer le rendement d'exploitation, l'aval du cycle du combustible et le déclassement.
Les initiatives de recherche Euratom en cours sont notamment les suivantes:
La mise en œuvre de l’initiative européenne pour une industrie nucléaire durable, qui vise à préparer le déploiement futur des réacteurs de la quatrième génération, à neutrons rapides avec un cycle du combustible fermé. Plusieurs réacteurs se trouvent au stade de la recherche (par exemple ALLEGRO, ALFRED, MYRRHA et ASTRID), et pourraient avoir bien avancé d'ici à 2050.
La recherche sur la sûreté de petits réacteurs modulaires, qui ont notamment pour avantage un délai de construction réduit lié à leur forte modularité et leur conception intégrée. Le Royaume-Uni a récemment fait part de projets d'investissement dans le développement de petits réacteurs modulaires.
Le soutien en faveur des carrières dans le domaine nucléaire. Il est crucial de développer et maintenir les connaissances et l'expertise dans l'énergie nucléaire par un effort constant de formation et d'éducation.
6.Conclusion
Technologie à faibles émissions de carbone et facteur important de sécurité d'approvisionnement et de diversification des ressources, l'énergie nucléaire devrait rester une composante importante du bouquet énergétique de l'UE à l'horizon 2050.
Pour les États membres qui font le choix du nucléaire, les normes les plus élevées doivent être assurées en matière de sûreté, de sécurité, de gestion des déchets et de non-prolifération, sur l'ensemble du cycle du combustible. Il est crucial de veiller à la mise en œuvre rapide et complète de la législation adoptée à la suite de l'accident de Fukushima. La coopération entre les autorités nationales de sûreté aux fins de l'octroi des autorisations et du suivi général est jugée souhaitable.
Le parc nucléaire européen vieillit et des investissements importants s'imposent lorsque les États membres optent pour une prolongation de la durée d'exploitation de certains réacteurs (y compris des investissements destinés à améliorer la sûreté), pour mener les activités de déclassement prévues et en ce qui concerne le stockage à long terme des déchets nucléaires. Des investissements sont également nécessaires en vue de remplacer les centrales nucléaires existantes, ce qui pourrait en partie consister à construire de nouvelles centrales nucléaires. Le total des investissements dans le cycle du combustible nucléaire à prévoir entre 2015 et 2050 est estimé entre 650 et 760 milliards d'EUR.
Enfin, le développement rapide de l'utilisation de l'énergie nucléaire en dehors de l'UE (Chine, Inde, etc.) est une raison supplémentaire de tenir notre premier rang mondial et de conserver notre excellence dans les domaines de la technologie et de la sûreté, ce qui passera par le maintien d'investissements dans les activités de recherche et de développement.