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Document 52013PC0404

Proposition de DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne

/* COM/2013/0404 final - 2013/0185 (COD) */

52013PC0404

Proposition de DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne /* COM/2013/0404 final - 2013/0185 (COD) */


EXPOSÉ DES MOTIFS

1.           CONTEXTE DE LA PROPOSITION

1.1.        Contexte général

Le règlement n° 1/2003[1] donne effet aux règles de l'UE interdisant les accords anticoncurrentiels (parmi lesquels les ententes) et les abus de position dominante (les «règles de concurrence de l'UE») qui sont prévues aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (le «traité») en définissant les modalités selon lesquelles la Commission, les autorités nationales de concurrence («ANC») et les juridictions nationales mettent en œuvre ces dispositions dans la pratique.

Le règlement n° 1/2003 confère à la Commission et aux ANC des compétences pour appliquer les articles 101 et 102 du traité[2]. La Commission peut infliger des amendes aux entreprises qui ont enfreint ces dispositions[3]. Les compétences dont jouissent les ANC sont définies à l'article 5 du règlement nº 1/2003. L'application des règles de concurrence de l'UE par la Commission et les ANC est communément appelée «mise en œuvre du droit de la concurrence de l'UE par la sphère publique» («public enforcement»).

En outre, du fait de leur effet direct, les articles 101 et 102 du traité créent, pour les particuliers, des droits et des obligations que les juridictions nationales des États membres peuvent faire respecter[4]. C'est ce que l'on appelle la «mise en œuvre des règles de concurrence de l'UE à l'initiative de la sphère privée» («private enforcement»).

Les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 du traité constituent un important volet de la mise en œuvre du droit de la concurrence de l'UE à l'initiative de la sphère privée. Il résulte de l'effet direct des interdictions prévues aux articles 101 et 102 du traité que toute personne est en droit de demander réparation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et une infraction aux règles de concurrence de l'UE[5]. Les parties lésées doivent pouvoir demander réparation non seulement de la perte subie (damnum emergens), mais également du gain dont elles ont été privées (manque à gagner/lucrum cessans), ainsi que le paiement d'intérêts[6]. La réparation des préjudices causés par des infractions aux règles de concurrence de l'UE ne peut être obtenue dans le cadre de la mise en œuvre des règles de concurrence par la sphère publique. L'octroi d'une indemnisation ne relève pas de la compétence de la Commission et des ANC, mais de celle des juridictions nationales, et appartient au domaine du droit et de la procédure civils.

C'est donc la mise en œuvre stricte des règles de concurrence de l'UE par la Commission et les ANC, combinée à celle qui en est faite par les juridictions nationales dans la sphère privée, qui permet de garantir le respect de ces règles.

1.2.        Motivation et objectifs de la proposition

La présente proposition a pour objet de garantir la mise en œuvre effective des règles de concurrence de l'UE

i)            en optimisant l'interaction entre la mise en œuvre du droit de la concurrence par la sphère publique et sa mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée; et

ii)            en veillant à ce que les victimes d'infractions aux règles de concurrence de l'UE puissent obtenir la réparation intégrale du préjudice qu'elles ont subi.

Optimiser l'interaction entre la mise en œuvre du droit de la concurrence par la sphère publique et sa mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée

L'action complémentaire de la sphère publique et de la sphère privée constitue le meilleur moyen de garantir, de manière générale, la mise en œuvre des règles de concurrence de l'UE. Cependant, le cadre juridique existant ne régit pas de façon adéquate l'interaction entre les deux volets de la mise en œuvre du droit de la concurrence de l'UE.

Une entreprise qui envisage de coopérer avec une autorité de concurrence dans le cadre de son programme de clémence (qui permet aux entreprises de confesser leur participation à une entente en échange d'une immunité d'amendes ou d'une réduction de leur montant) ne peut pas savoir, au moment de cette coopération, si les victimes de l'infraction au droit de la concurrence auront accès aux informations qu'elle a fournies spontanément à l'autorité de concurrence. En particulier, dans son arrêt rendu en 2011 dans l'affaire Pfleiderer, la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après la «Cour»)[7] a conclu qu'en l'absence de dispositions à cet égard dans le droit de l'UE, il appartient aux juridictions nationales de décider, sur la base du droit interne et au cas par cas, s'il convient de divulguer des documents, y compris les documents relatifs à une procédure de clémence. Lorsqu'elles prennent une telle décision, les juridictions nationales devraient trouver un juste équilibre entre la nécessité de préserver la mise en œuvre effective des règles de concurrence de l'UE par la sphère publique et celle de garantir l'exercice effectif du droit à réparation intégrale. Il peut en résulter des divergences entre les États membres, et même au sein d'un même État membre, en matière de divulgation des preuves figurant dans les dossiers des autorités de concurrence. En outre, l'incertitude qui en découle quant à la possibilité que des informations liées à une demande de clémence soient divulguées est de nature à influencer la décision d'une entreprise de coopérer ou non avec les autorités de concurrence dans le cadre de leur programme de clémence. En l'absence de toute initiative juridiquement contraignante au niveau de l'UE, l'efficacité des programmes de clémence — qui constituent un instrument très important pour la mise en œuvre des règles de concurrence de l'UE par la sphère publique — pourrait être gravement menacée par le risque que certains documents soient divulgués dans le cadre d'actions en dommages et intérêts engagées devant des juridictions nationales.

La nécessité d'encadrer par la voie réglementaire l'interaction entre la mise en œuvre du droit par la sphère publique et sa mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée a été confirmée dans les réponses des parties prenantes à la consultation publique organisée au sujet du livre blanc de 2008 sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante (le «livre blanc»)[8] et à la consultation de 2011 sur une approche européenne cohérente en matière de recours collectifs[9]. Dans leur résolution de mai 2012, les responsables des autorités européennes de concurrence ont également insisté sur l'importance de la protection des éléments relevant d'une procédure de clémence dans le contexte des actions en dommages et intérêts intentées au civil[10]. Le Parlement européen a souligné, à plusieurs reprises, le caractère essentiel de la mise en œuvre du droit par la sphère publique dans le domaine de la concurrence et invité la Commission à garantir que sa mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée ne porte pas préjudice à l'efficacité des programmes de clémence ni aux procédures de transaction[11].

Le premier objectif principal de la présente proposition est donc d'optimiser l'interaction entre la mise en œuvre des règles de concurrence de l'UE par la sphère publique et leur mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée, en donnant à la Commission et aux ANC les moyens de poursuivre une politique forte de mise en œuvre du droit de la concurrence, tout en permettant aux victimes d'infractions au droit de la concurrence d'obtenir la réparation du préjudice qu'elles ont subi.

Garantir l'exercice effectif du droit à réparation intégrale des victimes

Le second objectif principal est de permettre aux victimes d'infractions aux règles de concurrence de l'UE d'obtenir effectivement la réparation du préjudice qu'elles ont subi.

Bien que le droit à réparation intégrale soit garanti par le traité lui-même et fasse partie de l'acquis de l'Union, il est souvent difficile, sinon pratiquement impossible, de l'exercer réellement, à cause des règles et des procédures applicables. En dépit des signes d'amélioration récemment constatés dans quelques États membres, à ce jour, la plupart des victimes d'infractions aux règles de concurrence de l'UE n'obtiennent pas la réparation des préjudices subis dans la pratique.

Déjà dans son livre vert de 2005 sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante[12] (le «livre vert»), la Commission avait recensé les principaux obstacles à la mise en place d'un système plus efficace d'actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de concurrence. Les obstacles de l'époque persistent aujourd'hui dans une grande majorité d'États membres. Ils ont trait aux éléments suivants:

i)            l'accès aux preuves nécessaires pour prouver le fondement d'une action;

ii)            l'absence de véritables mécanismes de recours collectif, en particulier pour les consommateurs et les PME;

iii)           l'absence de règles claires concernant le moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût;

iv)           l'absence de valeur probante claire des décisions des ANC;

v)           la possibilité d'engager une action en dommages et intérêts après la constatation d'une infraction par une autorité de concurrence; et

vi)           la méthode de quantification du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle.

Outre ces importants obstacles spécifiques à une réparation effective, il existe une grande diversité en ce qui concerne les dispositions nationales régissant les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante, diversité qui n'a fait que s'accroître au cours des dernières années. Cette situation est de nature à causer une insécurité juridique pour toutes les parties concernées par des actions en dommages et intérêts pour infraction à ces règles et, par voie de conséquence, peut entraîner une mise en œuvre inefficace de ces règles dans la sphère privée, en particulier dans les affaires transfrontières.

Pour remédier à ce problème, le second objectif principal de la présente proposition est de faire en sorte que les victimes d'infractions aux règles de concurrence de l'UE aient accès, dans toute l'Europe, à des mécanismes efficaces leur permettant d'obtenir la réparation intégrale du préjudice qu'elles ont subi. Il en résultera des conditions de concurrence plus équitables pour les entreprises dans le marché intérieur. En outre, si la probabilité que les auteurs d'infractions à l'article 101 ou 102 du traité auront à supporter les coûts de ces infractions augmente, non seulement les victimes des comportements illicites n'auront plus à assumer ces coûts, mais les entreprises seront en outre encouragées à mieux respecter les règles de concurrence de l'UE.

Pour atteindre cet objectif, la Commission a proposé des mesures concrètes dans son livre blanc de 2008. Lors de la consultation publique qui a suivi, la société civile et des acteurs institutionnels tels que le Parlement européen[13] et le Comité économique et social européen[14] ont accueilli très favorablement les mesures proposées et ont demandé qu'une législation spécifique soit adoptée au niveau de l'UE en matière d'actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante[15].

1.3.        Dispositions en vigueur dans le domaine de la proposition

– Règlement nº 1/2003 du Conseil relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102] du traité

· Aux termes de l'article 2, la charge de la preuve d'une violation de l'article 101, paragraphe 1, ou de l'article 102 du traité incombe à la partie qui l'allègue. En revanche, il incombe à la partie défenderesse qui invoque le bénéfice des dispositions de l'article 101, paragraphe 3, du traité d'apporter la preuve que les conditions de ce paragraphe sont remplies. Ces règles s'appliquent tant à la mise en œuvre du droit par la sphère publique qu'aux actions en réparation des préjudices causés par une infraction à l'article 101 ou 102 du traité.

· L'article 15, paragraphe 1, dispose que dans les procédures d'application de l'article 101 ou 102 du traité, les juridictions des États membres peuvent demander à la Commission de leur communiquer des informations en sa possession. La communication de la Commission sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l'application des articles 81 et 82 du traité CE[16] précise l'interprétation à donner à cette disposition ainsi que ses modalités pratiques.

· L’article 16, paragraphe 1, dispose que lorsque les juridictions nationales statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant de l’article [101] ou [102] du traité qui font déjà l’objet d’une décision de la Commission, elles ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l'encontre de la décision adoptée par la Commission. Elles doivent également éviter de prendre des décisions qui iraient à l'encontre de la décision envisagée dans une procédure intentée par la Commission. À cette fin, la juridiction nationale peut évaluer s'il est nécessaire de suspendre la procédure pendante devant elle.

– Le règlement n° 44/2001 du Conseil définit des règles concernant la compétence judiciaire ainsi que la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale[17]. Aux conditions précisées dans ce règlement, les juridictions des États membres sont compétentes pour connaître des actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante et les décisions rendues dans ce cadre sont reconnues et exécutées dans d'autres États membres.

– Le règlement n° 1206/2001 du Conseil régit la coopération entre les juridictions de différents États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale[18], ce qui inclut les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante.

– L'article 6, paragraphe 3, du règlement n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil fixe des règles sur la loi applicable dans le domaine des actions en dommages et intérêts concernant des pratiques restreignant la concurrence[19].

– Le règlement nº 861/2007 du Parlement européen et du Conseil[20] institue une procédure européenne de règlement des petits litiges qui vise à simplifier et à accélérer le règlement des litiges relatifs à des demandes de faible importance dans des affaires transfrontières et à en réduire les coûts.

– La directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil exige des États membres qu'ils prévoient la possibilité de recourir à la médiation dans toutes les affaires civiles et commerciales, ce qui inclut les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante[21].

– L'article 15, paragraphe 4, du règlement nº 773/2004 de la Commission[22] dispose que les documents obtenus par le biais de l'accès au dossier de la Commission ne sont utilisés qu'aux fins de procédures judiciaires ou administratives ayant pour objet l'application des articles [101] et [102] du traité. La communication de la Commission relative aux règles d'accès au dossier[23] prévoit des règles plus détaillées en ce qui concerne l'accès au dossier de la Commission et l'utilisation de ces documents.

– La communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (la «communication sur la clémence»)[24] contient des règles relatives aux conditions auxquelles les entreprises peuvent coopérer avec la Commission dans le cadre de son programme de clémence, afin d'obtenir une immunité d'amendes ou la réduction de leur montant dans une affaire d'entente. Le point 33 de cette communication prévoit que l'accès aux déclarations des entreprises n'est accordé qu'aux destinataires d'une communication des griefs à condition qu'ils s'engagent, avec leurs conseils juridiques qui obtiennent l'accès en leur nom, à ne pas prendre copie, par des moyens mécaniques ou électroniques, des renseignements figurant dans la déclaration de l'entreprise à laquelle l'accès leur est accordé et de veiller à ce que les renseignements tirés de ces déclarations ne servent qu'aux fins mentionnées dans la communication sur la clémence. Les autres parties, telles que les plaignants, n'ont pas accès aux déclarations des entreprises. Cette protection spécifique d'une déclaration d'une entreprise n'est pas justifiée dès lors que l'entreprise qui demande la clémence communique son contenu à des tiers. En outre, la communication de la Commission relative aux procédures de transaction engagées en vue de l'adoption de décisions en vertu des articles 7 et 23 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil dans les affaires d'entente (la «communication sur les procédures de transaction»)[25] définit un cadre permettant de récompenser la coopération avec la Commission dans les procédures engagées en vue de l'application de l'article 101 du traité à des affaires d'ententes (la «procédure de transaction»). Le point 39 de cette communication contient des règles sur la transmission des propositions de transaction aux juridictions nationales.

2.           RÉSULTATS DES CONSULTATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES ET ANALYSES D'IMPACT

2.1.        Consultation des parties intéressées

Le livre vert de 2005 et le livre blanc de 2008 ont tous deux suscité un vaste débat parmi les parties prenantes et la Commission a reçu de nombreuses observations à leur sujet[26]. Lors des consultations publiques correspondantes, la politique générale de la Commission visant à rendre possibles les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante a recueilli un large soutien. C'est avec satisfaction que les parties qui se sont exprimées ont accueilli le fait que la réparation soit érigée en principe directeur et que la Commission ait, en conséquence, choisi de ne pas proposer des pratiques comparables à celles en vigueur aux États-Unis, telles que les actions de groupe («class actions») et la communication de nombreuses pièces avant la tenue du procès («pre‑trial discovery») ou encore les dommages et intérêts multiples, qui ont un objectif principalement dissuasif. La nature des obstacles entravant l'efficacité des recours introduits par les victimes d'infractions aux règles de concurrence a fait l'objet d'un large consensus. Cependant, des opinions diverses ont été exprimées sur les mesures concrètes proposées pour remédier aux problèmes recensés.

En 2011, la Commission a organisé une consultation publique sur une approche européenne cohérente en matière de recours collectifs[27]. À la suite des réponses reçues lors de cette consultation et compte tenu de la position du Parlement européen[28], la Commission a décidé de s'en tenir à une approche horizontale en la matière plutôt que d'inclure des dispositions relatives aux recours collectifs propres à la concurrence dans la présente proposition. Une approche horizontale permet de prévoir des règles communes en matière de recours collectifs applicables à tous les domaines dans lesquels les préjudices causés touchent fréquemment une multitude de parties et où les consommateurs et les PME éprouvent des difficultés à obtenir des dommages et intérêts. En guise de première étape vers une approche horizontale en matière de recours collectifs, la Commission a adopté la communication intitulée «Vers un cadre horizontal européen pour les recours collectifs»[29] et la «Recommandation de la Commission relative à des principes communs applicables aux mécanismes de recours collectif en cessation et en réparation dans les États membres en cas de violation de droits conférés par le droit de l’Union»[30].

En 2011, la Commission a aussi lancé une consultation publique sur un projet de document d'orientation concernant la quantification du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle[31]. Ce document fournit des éléments d'information sur une série de méthodes utilisées pour quantifier le préjudice dans les actions en dommages et intérêts et présente les avantages et les faiblesses de chacune de ces méthodes. Les acteurs institutionnels, parmi d'autres, ont généralement accueilli favorablement l'idée d'émettre des orientations non contraignantes en matière de quantification du préjudice causé par des infractions aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante[32].

2.2.        Obtention et utilisation d’expertise externe

La Commission a commandé des études externes pour préparer le livre vert de 2005[33], le livre blanc de 2008[34] et le projet de document d'orientation de 2011 concernant la quantification du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle[35].

2.3.        Analyse d'impact

L'élaboration de la directive proposée a été précédée d'une analyse d'impact qui s'est largement appuyée sur les constatations de celle réalisée pour le livre blanc. Ainsi, les mesures qui avaient été écartées dans le livre blanc en raison de leur inefficacité probable ou de leur coût excessif n'ont pas été réexaminées.

Le rapport d'analyse d'impact[36] s'est concentré sur quatre options possibles en ce qui concerne les mesures de suivi à prendre pour optimiser l'interaction entre la mise en œuvre des règles de concurrence de l'UE par la sphère publique et leur mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée, et pour améliorer, dans toute l'Europe, l'efficacité du cadre juridique applicable aux actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de concurrence de l'UE. L'éventail d'options envisageables allait de l'absence d'action au niveau de l'UE à deux options en faveur d'une action de l'UE juridiquement contraignante, en passant par l'adoption de dispositions non contraignantes.

L'option retenue — qui est à la base de la présente proposition de directive — est considérée comme le moyen le plus rationnel, du point de vue l'utilisation des ressources, d'atteindre les objectifs fixés. Elle tient dûment compte à la fois des principales observations reçues à l'occasion des consultations publiques organisées au cours des huit dernières années et de l'évolution plus récente de la législation et de la jurisprudence au niveau tant national que de l'UE.

3.           ÉLÉMENTS JURIDIQUES DE LA PROPOSITION

3.1.        Base juridique de la proposition

Le choix de la base juridique d’une mesure européenne doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent notamment le but et le contenu de la mesure. La présente proposition se fonde sur les articles 103 et 114 du traité, en ce qu'elle poursuit deux objectifs d'importance égale et indissociables, à savoir a) donner effet aux principes énoncés aux articles 101 et 102 du traité et b) veiller à ce que les entreprises exerçant leurs activités dans le marché intérieur bénéficient de conditions de concurrence plus équitables et faire en sorte que les citoyens et les entreprises puissent exercer plus facilement les droits que leur confère le marché intérieur.

En ce qui concerne le premier objectif, la Cour a clarifié que la pleine efficacité des règles de concurrence de l'UE et, en particulier, l’effet utile des interdictions qu'elles énoncent seraient mis en cause si toute personne ne pouvait demander réparation du dommage que lui aurait causé un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Elle a estimé que les actions en dommages et intérêts renforçaient le caractère opérationnel des règles de concurrence de l’UE et étaient ainsi susceptibles de contribuer substantiellement au maintien d’une concurrence effective dans l’UE[37]. En visant à améliorer les conditions dans lesquelles les parties lésées peuvent demander des dommages et intérêts ainsi qu'à optimiser l'interaction entre la mise en œuvre des articles 101 et 102 du TFUE par la sphère publique et leur mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée, la présente proposition donne, de toute évidence, effet à ces dispositions. La directive proposée se fonde donc nécessairement sur l'article 103 du traité.

Cependant, cette base juridique ne suffit pas en soi, le but et le contenu de la directive étant plus larges. De fait, la directive proposée ne se limite pas à donner effet aux articles 101 et 102 du TFUE. La diversité actuelle des règles nationales régissant les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de concurrence de l'UE, et notamment l'interaction entre ces actions et la mise en œuvre des règles par la sphère publique, a créé une situation particulièrement inégale dans le marché intérieur. Les différences sensibles constatées d'un État membre à un autre ont déjà été décrites dans une étude comparative réalisée en 2004[38] ainsi que dans le livre blanc de 2008 et l'analyse d'impact qui l'accompagnait. Depuis lors, elles se sont accrues du fait d'évolutions divergentes sur le plan législatif et judiciaire dans un nombre limité d'États membres seulement.

Les différentes règles nationales applicables en matière d'accès aux preuves constituent un exemple des divergences constatées. L'absence, excepté dans quelques États membres, de règles suffisantes en matière de divulgation des documents au cours des procédures engagées devant une juridiction nationale fait que les victimes d'une infraction au droit de la concurrence qui cherchent à obtenir réparation du préjudice subi n'ont pas véritablement accès aux preuves. Parmi d'autres exemples figurent les règles nationales relatives à la répercussion du surcoût (pour lesquelles les différences constatées ont des implications majeures en ce qui concerne la capacité des acheteurs directs/indirects à demander des dommages et intérêts dans la pratique et la possibilité pour les défendeurs d'échapper à la réparation du préjudice qu'ils ont causé), la valeur probante des décisions des ANC dans les actions en dommages et intérêts qui y font suite, ainsi que les règles nationales pertinentes pour la quantification du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle (par exemple, l'existence d'une présomption de préjudice).

Du fait de cette grande diversité des législations nationales, les plaignants jugent les règles de certains États membres beaucoup plus adaptées que d'autres pour engager une action en dommages et intérêts. Ces différences conduisent à des inégalités et à une incertitude quant aux conditions dans lesquelles les parties lésées, qu'il s'agisse de citoyens ou d'entreprises, peuvent exercer le droit à réparation que leur confère le traité, et ont une incidence sur l’effectivité de ce droit. En effet, lorsque les règles de compétence permettent à un plaignant d'engager son action dans un de ces États membres à la législation «favorable» et que ce plaignant dispose des ressources et des incitations nécessaires pour le faire, il sera vraisemblablement plus susceptible d'exercer effectivement le droit à réparation que lui confère le droit de l'UE que s'il n'est pas en mesure d'y engager une action. Comme les parties lésées dont les demandes et/ou les ressources sont moins importantes ont tendance à introduire leurs demandes de dommages et intérêts devant les juridictions de leur État membre d’établissement (notamment parce que les consommateurs et les entreprises de petite taille, en particulier, ne peuvent pas se permettre de choisir une juridiction plus favorable), les divergences entre règles nationales sont de nature à entraîner une situation d'inégalité en matière d'actions en dommages et intérêts et peuvent nuire à la concurrence sur les marchés où ces parties lésées exercent leurs activités.

De même, du fait de ces divergences sensibles, les entreprises établies et actives dans des États membres différents connaissent des risques très variables de se voir imputer la responsabilité d'une infraction au droit de la concurrence. Cette mise en œuvre inégale du droit à réparation garanti par le droit de l'Union est susceptible de conférer un avantage concurrentiel aux entreprises qui ont enfreint l'article 101 ou 102 du TFUE mais qui n'ont pas leur siège dans un de ces États membres dont la législation est «favorable» ou qui n'y exercent pas d'activités. À l'inverse, cette situation inégale a pour effet de décourager l'exercice du droit d'établissement et du droit d'effectuer des livraisons de biens ou des prestations de services dans les États membres où le droit à réparation est mis en œuvre de manière plus effective. Les différences entre les régimes de responsabilité peuvent donc nuire à la concurrence et risquent de fausser sensiblement le bon fonctionnement du marché intérieur.

Afin de permettre aux entreprises qui exercent leurs activités dans le marché intérieur de bénéficier de conditions de concurrence plus équitables et aux parties lésées d'exercer les droits que leur confère le marché intérieur dans de meilleures conditions, il convient dès lors de renforcer la sécurité juridique et de réduire les différences qui existent entre les États membres en ce qui concerne les règles nationales régissant les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante.

Le rapprochement des règles nationales que la directive proposée cherche à atteindre en matière d'actions en dommages et intérêts ne se limite pas aux infractions aux règles de concurrence de l'UE, mais concerne aussi les infractions aux règles de concurrence nationales lorsque ces dernières sont appliquées en parallèle. En particulier, quand une infraction ayant un effet sur le commerce entre États membres constitue en même temps une violation du droit national de la concurrence, les actions en dommages et intérêts fondées sur ce dernier doivent respecter les règles établies pour les infractions au droit de la concurrence de l'UE.

Le rapprochement des règles matérielles et procédurales nationales dans le but de favoriser une concurrence non faussée dans le marché intérieur ainsi que le plein exercice des droits et libertés que les citoyens et les entreprises en tirent n'est pas purement accessoire par rapport à l'objectif consistant à garantir une mise en œuvre effective des règles de concurrence de l'UE. Cette conclusion résulte non seulement des objectifs de la directive proposée, mais aussi de ses dispositions spécifiques. Le contenu de la directive proposée ne relève pas en totalité de l'article 103 du traité, étant donné qu'il modifie aussi les règles nationales applicables relatives au droit de demander des dommages et intérêts en cas d'infraction au droit national de la concurrence, même si seuls sont concernés les comportements anticoncurrentiels qui affectent le commerce entre États membres et auxquels le droit de la concurrence de l'UE s'applique donc également[39]. Compte tenu de ses objectifs et de son contenu, la directive proposée ne se limite pas à donner effet aux articles 101 et 102 du traité et trouve donc également son fondement juridique dans l'article 114 du TFUE.

Les objectifs distincts mais interdépendants de la directive proposée ne peuvent être poursuivis séparément, au moyen de deux instruments différents. À titre d'exemple, il n'est pas envisageable de scinder la directive proposée en un premier instrument, reposant sur l'article 103 du TFUE, qui viserait à rapprocher les règles nationales concernant les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 du TFUE, et en un second, reposant sur l'article 114 du TFUE, qui exigerait des États membres qu'ils appliquent les mêmes règles matérielles et procédurales aux actions en dommages et intérêts engagées à la suite d'infractions au droit national de la concurrence. Cette option ne peut pas être retenue pour des raisons de fond et de procédure.

Sur le fond, le lien indissociable entre les deux objectifs indépendants justifie les mesures concrètes proposées pour les poursuivre. À titre d'exemple, les exceptions en matière de divulgation des preuves et les limitations de la responsabilité donnent plein effet aux articles 101 et 102, même pour les demandes fondées sur des infractions au droit national de la concurrence, lorsque ce dernier a été appliqué parallèlement aux dispositions du traité. En outre, du fait de la nécessité de garantir la sécurité juridique en même temps que des conditions de concurrence équitables dans le marché intérieur, les mêmes règles doivent s'appliquer aux violations des règles de concurrence de l'UE et à celles du droit national de la concurrence (lorsque ce dernier est appliqué parallèlement aux règles de l'UE). D'un point de vue procédural, et afin d'éviter de compromettre l'équilibre institutionnel entre les organes législatifs de l'UE, la seule manière de mettre en place des règles uniformes pour les deux situations consiste à adopter un seul instrument juridique au cours d'une même procédure.

Les éléments qui précèdent motivent le choix de ne pas scinder le contenu de l'initiative en deux instruments juridiques distincts, mais de l'aborder intégralement dans la directive proposée, qui doit donc se fonder à la fois sur l'article 103 du traité et sur son article 114.

3.2.        Principe de subsidiarité (article 5, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne)

La directive proposée respecte le principe de subsidiarité, étant donné que ses objectifs ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, et qu'une action de l'UE se révèle clairement nécessaire et de nature à apporter une valeur ajoutée. Un acte juridiquement contraignant au niveau de l'UE constitue le meilleur moyen de garantir le plein effet des articles 101 et 102 du traité en prévoyant des normes communes favorisant l'exercice effectif, dans l'ensemble de l'UE, du droit de demander des dommages et intérêts, de même que l'établissement de conditions de concurrence plus équitables dans le marché intérieur.

Plus spécifiquement, la directive proposée peut être considérée comme respectant le principe de subsidiarité pour les raisons suivantes:

· Le contrôle du respect des règles exercé par la Commission et les ANC risquerait fort probablement d'être compromis en l'absence de tout encadrement réglementaire, dans l'ensemble de l'UE, de l'interaction entre la mise en œuvre des règles de concurrence par la sphère publique et leur mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée, et notamment en l'absence de règles européennes communes concernant la mise à disposition des informations figurant dans le dossier d'une autorité de concurrence pour les besoins d'une action en dommages et intérêts. Le cas des informations que les entreprises fournissent de leur plein gré aux autorités de concurrence dans le cadre de leurs programmes de clémence constitue une bonne illustration de ce problème. Des législations nationales potentiellement divergentes ne permettent pas de remédier à l'imprévisibilité découlant du fait qu'il appartient à chaque juridiction nationale de décider, au cas par cas et selon les règles nationales applicables, d'accorder ou non l'accès aux éléments communiqués dans le cadre d'une demande clémence. En effet, étant donné que la Commission et les ANC peuvent échanger des informations au sein du Réseau européen de la concurrence (REC), les entreprises qui envisagent de solliciter la clémence tiendront vraisemblablement compte de la législation nationale qui offre le niveau de protection le plus faible (pour le cas où l'ANC correspondante serait finalement saisie de l'affaire). La perception qu'ont les entreprises du niveau de protection dont bénéficient les informations fournies dans le cadre d'une demande de clémence sera donc fonction de la législation nationale qui offre le niveau de protection le plus faible, au détriment des règles applicables dans les autres États membres. Il convient dès lors d'établir une norme commune à l'ensemble des États membres pour l'interaction entre la mise en œuvre du droit de la concurrence par la sphère publique et sa mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée, ce qui ne peut se faire qu'au niveau de l'UE.

· L'expérience montre qu'en l'absence de dispositions au niveau de l'Union, la plupart des États membres ne prévoient pas, de leur propre initiative, de cadre efficace pour l'indemnisation des victimes d'infractions aux articles 101 et 102 du traité, en dépit des demandes répétées de la Cour. Depuis la publication du livre vert et du livre blanc de la Commission, seuls quelques États membres se sont dotés d'une législation permettant d'engager des actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles sur les ententes et les abus de position dominante. Par ailleurs, cette législation ne porte généralement que sur des problèmes spécifiques et n'englobe pas l'ensemble des mesures envisagées dans la présente proposition. Malgré les quelques mesures prises par certains États membres, l'indemnisation effective des victimes d'infractions aux règles de l'UE concernant les ententes et les abus de position dominante demeure insuffisante. Seules des incitations supplémentaires au niveau européen peuvent créer un cadre juridique garantissant le droit à un recours effectif et le droit à une protection juridictionnelle effective, tels qu'établis à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

· Il existe actuellement une nette inégalité entre les États membres en matière de protection juridictionnelle des droits individuels garantis par le traité, ce qui peut entraîner des distorsions de concurrence et fausser le bon fonctionnement du marché intérieur. Il en résulte même des disparités évidentes du point de vue de ce que recouvre exactement le droit à réparation garanti par le droit de l'Union. Plus précisément, il peut arriver qu'une demande régie par le droit d'un État membre aboutisse à la réparation intégrale du dommage subi par le demandeur, alors qu'une demande introduite dans un autre État membre pour une infraction identique débouche sur une indemnisation sensiblement inférieure, voire nulle. Cette inégalité s'aggrave si, comme c'est le cas actuellement, seuls quelques États membres améliorent les conditions dans lesquelles les victimes d'une infraction au droit de la concurrence peuvent demander la réparation du préjudice qu'elles ont subi. La dimension transnationale des articles 101 et 102 du traité et leur lien intrinsèque avec le fonctionnement du marché intérieur justifient l'adoption de mesures au niveau de l'UE.

3.3.        Principe de proportionnalité (article 5, paragraphe 4, du traité sur l'Union européenne)

En termes de proportionnalité, la directive proposée n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ses objectifs, à savoir garantir la protection effective de la mise en œuvre du droit de la concurrence par la sphère publique dans l'ensemble de l'UE, ainsi que l'accès des victimes d'infractions au droit de la concurrence à un mécanisme véritablement efficace leur permettant d'obtenir la réparation intégrale du préjudice qu'elles ont subi, tout en protégeant les intérêts légitimes des défendeurs et des tiers.

La directive proposée permet en outre d'atteindre ces objectifs au moindre coût. Les coûts potentiels imposés aux citoyens et aux entreprises sont proportionnés aux objectifs déclarés. Une première mesure à cet effet a été prise dans le cadre du livre blanc, qui a exclu un certain nombre de mesures plus radicales (par exemple, les dommages et intérêts multiples, les actions de groupe assorties d'une option de non-participation explicite et les règles de vaste portée en matière de communication de pièces avant la tenue du procès). Les efforts consentis pour parvenir à cet équilibre ont été globalement bien accueillis au cours des consultations publiques. Les garde-fous prévus dans la directive proposée renforcent encore cet équilibre en réduisant les coûts potentiels (en particulier les frais de justice) sans nuire au droit à réparation. En outre, certaines mesures proposées dans le livre blanc, telles que celles concernant les recours collectifs et la nécessité de l'existence d'une faute, n'ont pas été retenues aux fins de la présente proposition. Enfin, le choix d'une directive comme instrument approprié est conforme au principe selon lequel l'intervention de l'UE devrait être aussi limitée que possible, pour autant que les objectifs soient atteints.

3.4.        Une directive constitue l'instrument juridiquement contraignant le plus approprié

Une directive est le moyen le plus efficace de réaliser les objectifs poursuivis par la présente proposition. Il s'agit de l'instrument juridique le mieux à même d'assurer l'efficacité des mesures et de faciliter leur intégration dans l'ordre juridique des États membres:

– une directive exige de ces derniers qu'ils atteignent les objectifs visés et transposent les mesures dans le droit matériel et procédural national. Cette option laisse aux États membres davantage de liberté qu'un règlement lorsqu'il s'agit de mettre en œuvre une mesure prise au niveau de l'UE, étant donné qu'ils peuvent choisir le moyen qui leur semble le plus approprié pour transposer les mesures contenues dans la directive en droit interne. Ils sont ainsi en mesure de garantir la cohérence des nouvelles règles avec leur cadre juridique matériel et procédural;

– une directive est en outre un instrument dont la souplesse permet d'introduire des règles communes dans des domaines du droit national essentiels au fonctionnement du marché intérieur et à l'efficacité des actions en dommages et intérêts, et de mettre en place des garanties suffisantes à travers l'UE, tout en laissant la possibilité aux différents États membres d'aller plus loin s'ils le souhaitent;

– enfin, une directive permet d'éviter toute intervention superflue quand les dispositions nationales des États membres sont déjà conformes aux mesures proposées.

4.           Explication détaillée de la proposition

4.1.        Champ d'application et définitions (chapitre I, articles 1er à 4)

La directive proposée vise à améliorer les conditions dans lesquelles il est possible d'obtenir la réparation du préjudice causé par a) des infractions aux règles de concurrence de l'UE et b) des infractions au droit national de la concurrence, lorsque ce dernier est appliqué par une autorité nationale de concurrence ou une juridiction nationale dans la même affaire, parallèlement aux règles de concurrence de l'UE. Cette application en parallèle du droit national et du droit de l'UE se fonde sur la façon dont le règlement nº 1/2003 régit le rapport entre les articles 101 et 102 du traité et les droits nationaux de la concurrence. Le règlement nº 1/2003 dispose que lorsque les autorités de concurrence des États membres ou les juridictions nationales appliquent le droit national de la concurrence à des accords, au sens de l'article 101 du traité, susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, elles doivent également appliquer l'article 101. De même, lorsqu'elles appliquent le droit national de la concurrence à une pratique abusive interdite par l'article 102 du traité, elles doivent également appliquer l'article 102 du traité[40]. Dans les cas où la réparation du préjudice est demandée à la suite d'une violation à la fois du droit national de la concurrence et du droit de la concurrence de l'UE, il convient que les mêmes règles matérielles et procédurales s'appliquent à l'action en dommages et intérêts en question. L'application de règles divergentes en matière de responsabilité civile pour un même cas de comportement anticoncurrentiel n'aurait pas seulement pour effet de rendre la tâche des juges impossible; elle entraînerait aussi une insécurité juridique pour toutes les parties concernées et conduirait potentiellement à des résultats contradictoires, selon que la juridiction nationale saisie considère le comportement comme une infraction au droit de la concurrence de l'UE ou comme une violation du droit national de la concurrence, avec pour conséquence une entrave à l'application effective de ces règles. La directive proposée parle dès lors d'actions en dommages et intérêts pour «infraction au droit national de la concurrence ou à celui de l'Union» qu'elle regroupe également sous la dénomination «infractions au droit de la concurrence», alors que l'expression «droit national de la concurrence» n'est utilisée que pour couvrir les cas dans lesquels le droit interne est appliqué parallèlement au droit de la concurrence de l'UE.

La directive proposée énonce des règles i) garantissant une protection équivalente dans l'ensemble de l'Union à toute personne physique ou morale ayant subi un préjudice causé par une infraction aux règles de la concurrence et permettant à cette personne d'exercer effectivement le droit à réparation intégrale que lui confère le droit de l'UE en engageant des actions en dommages et intérêts devant les juridictions nationales; et (ii) optimisant l'interaction entre ces actions en dommages et intérêts et la mise en œuvre des règles de concurrence par la sphère publique.

L'article 2 rappelle l'acquis de l'Union relatif au droit à réparation intégrale garanti par le droit de l'Union. La directive proposée se fonde donc sur une approche réparatrice: elle a pour objet de permettre aux personnes qui ont subi un préjudice causé par une infraction aux règles de concurrence d'obtenir la réparation de ce préjudice auprès de l'entreprise ou des entreprises qui ont enfreint la loi.

L'article 2 rappelle aussi l'acquis de l'Union relatif à la qualité pour agir et à la définition de la notion de dommage à indemniser. La notion de perte subie à laquelle cette disposition renvoie est empruntée à la jurisprudence de la Cour de justice et n'exclut aucun type de dommage (matériel ou immatériel) pouvant être causé par une infraction aux règles de concurrence.

L'article 3 rappelle les principes d'effectivité et d'équivalence que les règles et procédures nationales relatives aux actions en dommages et intérêts doivent respecter.

4.2.        Divulgation des éléments de preuve (chapitre II, articles 5 à 8)

La constatation d'une infraction aux règles de concurrence, la quantification des dommages et intérêts dans le cas d'une infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante et l'établissement d'un lien de causalité entre l'infraction et le préjudice subi requièrent habituellement une analyse factuelle et économique complexe. Les preuves pertinentes dont un demandeur a besoin pour démontrer le bien-fondé de sa demande sont en grande partie détenues par le défendeur ou des tiers et, la plupart du temps, elles ne sont pas suffisamment connues du demandeur, qui n'y a pas accès («asymétrie de l'information»). Il est largement admis que les difficultés qu'éprouvent les demandeurs à obtenir tous les éléments de preuve nécessaires constituent, dans de nombreux États membres, un des principaux obstacles aux actions en dommages et intérêts dans les affaires de concurrence. Dans la mesure où la charge de la preuve incombe à l'entreprise ayant commis l'infraction (ou présumée comme telle)[41], il est probable que cette dernière devra aussi avoir accès aux éléments de preuve dont disposent le demandeur et/ou des tiers. Les deux parties à la procédure ont donc la possibilité de demander au juge d'exiger la divulgation de certaines informations.

Le régime de divulgation prévu dans la directive proposée repose sur l'approche adoptée dans la directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle[42]. L'objectif est de garantir que tous les États membres accordent un accès effectif minimal aux éléments de preuve dont les demandeurs et/ou les défendeurs ont besoin pour démontrer le bien-fondé de leur demande de dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante et/ou pour étayer un moyen de défense y afférent. La directive proposée évite par ailleurs d'imposer des obligations de divulgation excessivement étendues et trop coûteuses susceptibles de représenter une charge injustifiée pour les parties en cause et d'entraîner des risques d'abus. La Commission a, en outre, tout particulièrement veillé à ce que la proposition soit compatible avec les différents ordres juridiques nationaux. Pour ce faire, respectant la tradition de la grande majorité des États membres, la proposition confère un rôle central à la juridiction saisie de l'action en dommages et intérêts: seul un juge peut ordonner la divulgation d'éléments de preuve détenus par la partie adverse ou un tiers, divulgation dont la nécessité, l'étendue et la proportionnalité sont soumises à un contrôle juridictionnel strict et actif.

Les juridictions nationales devraient avoir à leur disposition des mesures efficaces pour protéger les secrets d'affaires ou les autres informations confidentielles divulgués au cours de la procédure. En outre, la divulgation d'éléments de preuve ne devrait pas être autorisée lorsqu'elle risque de porter atteinte à certains droits et obligations tels que l'obligation de secret professionnel. Les juridictions doivent aussi pouvoir imposer des sanctions suffisamment dissuasives pour empêcher la destruction d'éléments de preuve pertinents ou le refus de se conformer à une injonction de divulgation.

Afin d'éviter que la divulgation d'éléments de preuve compromette la mise en œuvre des règles de concurrence dans la sphère publique par une autorité de concurrence, la directive proposée prévoit aussi des limites, communes à l'ensemble de l'UE, à la divulgation de preuves provenant du dossier d’une autorité de concurrence:

(a) premièrement, elle prévoit une protection absolue pour deux types de documents qui sont considérés comme indispensables à l'efficacité des instruments de mise en œuvre du droit par la sphère publique. Il s'agit des déclarations faites par les entreprises aux fins d'une demande de clémence et des propositions de transaction. La divulgation de ces documents risque en effet de porter gravement préjudice à l'efficacité des programmes de clémence et des procédures de transaction. La directive proposée prévoit qu'une juridiction nationale ne peut jamais ordonner la divulgation des documents de cette nature dans une action en dommages et intérêts;

(b) deuxièmement, elle prévoit une protection temporaire pour les documents que les parties ont établis spécifiquement pour les besoins d'une procédure relevant de la mise en œuvre du droit par la sphère publique (par exemple, les réponses d'une partie à une demande de renseignements de l'autorité de concurrence) ou que l'autorité de concurrence a établis au cours de sa procédure (une communication des griefs, par exemple). De tels documents ne peuvent être divulgués aux fins d'une action en dommages et intérêts pour infraction aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante qu'une fois que l'autorité de concurrence a clos sa procédure;

(c) en plus de limiter la capacité des juridictions nationales à ordonner la divulgation d'éléments de preuve, les mesures de protection susmentionnées devraient s'appliquer également aux cas dans lesquels les documents protégés ont été obtenus dans le contexte d'une procédure relevant de la mise en œuvre du droit par la sphère publique (par exemple, lors de l'exercice, par une partie, de son droit de la défense). En conséquence, lorsqu'une des parties à l'action en dommages et intérêts s'est procuré des documents protégés dans le dossier d'une autorité de concurrence, ces derniers ne sont pas recevables comme preuves dans une action en dommages et intérêts [dans le cas des documents de la catégorie a) ci-dessus] ou ne le sont qu'une fois que l'autorité de concurrence a clos sa procédure [dans le cas des documents de la catégorie b) ci‑dessus];

(d) les documents ne relevant pas des catégories susmentionnées peuvent être divulgués par une juridiction à n'importe quel moment. Lorsqu'elles le font, les juridictions nationales devraient toutefois s'abstenir d'ordonner la divulgation d'éléments de preuve en renvoyant à des informations fournies à une autorité de concurrence pour les besoins de sa procédure[43]. Lorsque l'enquête est en cours, une telle divulgation serait susceptible d'entraver la procédure de mise en œuvre engagée par la sphère publique, étant donné qu'elle reviendrait à révéler la nature des informations qui figurent dans le dossier de l'autorité de concurrence et risquerait donc d'être utilisée pour mettre à mal la stratégie d'enquête de cette autorité. Cependant, la sélection des documents préexistants qui sont soumis à une autorité de concurrence pour les besoins de la procédure est pertinente en soi, étant donné que les entreprises sont invitées à fournir des éléments de preuves bien précis en vue de leur coopération avec l'autorité. Les demandes de divulgation qui désignent une catégorie de documents en faisant référence à leur présence dans le dossier d'une autorité de concurrence plutôt qu'à leur type, à leur nature ou à leur objet (par exemple, les demandes de divulgation de tous les documents figurant dans le dossier de l'autorité de concurrence concernée ou de tous les documents qui lui ont été transmis par une partie bien précise) peuvent constituer un frein à la volonté des entreprises de fournir de telles preuves de façon exhaustive ou sélective lorsqu'elles coopèrent avec les autorités de concurrence. En conséquence, toute demande de divulgation globale de ce type devrait en principe être considérée par la juridiction saisie comme disproportionnée et non conforme à l'obligation de la partie qui introduit une demande de divulgation de mentionner les catégories de preuves souhaitées de manière aussi précise et restreinte que possible;

(e) enfin, pour éviter que des documents obtenus grâce à l'accès au dossier d'une autorité de concurrence ne deviennent une monnaie d'échange, seule la personne qui a obtenu l'accès au dossier (ou son successeur légal pour ce qui concerne les droits liés à la demande) devrait pouvoir utiliser ces documents comme moyens de preuve dans une action en dommages et intérêts.

Par souci de cohérence en ce qui concerne les règles concernant la divulgation et l'utilisation de certains documents figurant dans le dossier d'une autorité de concurrence, il est nécessaire de modifier les règles en vigueur relatives aux procédures mises en œuvre par la Commission définies dans le règlement (CE) nº 773/2004[44], notamment pour ce qui est de l'accès au dossier de la Commission et de l'utilisation des documents qui en sont extraits, ainsi que les communications publiées à ce sujet par la Commission[45]. La Commission a l'intention de procéder à ces modifications une fois que la présente directive sera adoptée par le Parlement européen et le Conseil.

4.3.        Effet des décisions nationales, délais de prescription et responsabilité solidaire (chapitre III, articles 9 à 11)

4.3.1.     Effet probatoire des décisions nationales

En vertu de l’article 16, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, une décision de la Commission relative à une procédure d’application de l’article 101 ou 102 du traité possède un effet probatoire dans les actions en dommages et intérêts engagées par la suite, étant donné qu'une juridiction nationale ne peut pas prendre de décision qui irait à l'encontre de la décision adoptée par la Commission[46]. Il convient de conférer un effet similaire aux décisions définitives des autorités nationales de concurrence (ou des instances de recours nationales) constatant une infraction. Si une décision constatant une infraction a déjà été rendue et est devenue définitive, la possibilité pour l'entreprise ayant commis l'infraction de remettre en cause son existence lors d'actions en dommages et intérêts ultérieures serait contre-productive, entraînerait une insécurité juridique et générerait des coûts inutiles pour toutes les parties concernées ainsi que pour le pouvoir judiciaire.

L'effet probatoire qu'il est proposé de conférer aux décisions définitives des autorités nationales de concurrence constatant une infraction n'aura pas pour effet de réduire la protection juridictionnelle des entreprises concernées, puisque les décisions par lesquelles les autorités nationales de concurrence constatent une infraction restent soumises au contrôle juridictionnel. En outre, les entreprises bénéficient, dans l'ensemble de l'UE, d'un niveau de protection comparable de leurs droits de la défense, comme le prévoit l'article 48, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Enfin, cette règle ne porte nullement préjudice aux droits et obligations des juridictions nationales découlant de l'article 267 du traité.

4.3.2.     Délais de prescription

Pour laisser aux victimes d'une infraction au droit de la concurrence une possibilité raisonnable d'engager une action en dommages et intérêts tout en garantissant un niveau de sécurité juridique approprié pour toutes les parties en cause, la Commission propose que les règles nationales concernant les délais de prescription applicables aux actions en dommages et intérêts:

– octroient aux victimes un délai suffisant (au moins cinq ans) pour engager une action après avoir pris connaissance de l'infraction et de l'identité de son auteur, ainsi que du préjudice qui en résulte;

– prévoient qu'aucun délai de prescription ne commence à courir avant la date à laquelle une infraction continue ou répétée prend fin; et

– prévoient que dans le cas où une autorité de concurrence engage une procédure concernant une infraction présumée, le délai de prescription applicable pour l'introduction d'une action en dommages et intérêts pour cette infraction est suspendu et ne recommence à courir qu'au terme d'une période minimale d'un an à compter de la décision finale de l'autorité de concurrence ou de la clôture de sa procédure selon d'autres modalités.

4.3.3.     Responsabilité solidaire

Lorsque plusieurs entreprises enfreignent conjointement les règles de concurrence (ce qui est généralement le cas dans une entente), il convient de prévoir que ces entreprises soient solidairement responsables de l’intégralité du préjudice causé par l’infraction. Bien que la directive proposée s'appuie sur cette règle générale, elle introduit toutefois certaines modifications en ce qui concerne le régime de responsabilité des bénéficiaires d'une immunité d'amendes. Ces modifications ont pour objectif de préserver l'attrait des programmes de clémence de la Commission et des ANC, qui constituent des instruments essentiels pour détecter les ententes et qui revêtent donc une importance cruciale pour la mise en œuvre effective des règles de concurrence par la sphère publique.

En effet, étant donné que les bénéficiaires de la clémence sont moins susceptibles d'introduire un recours contre une décision constatant une infraction, ce type de décision devient souvent définitive pour eux plus tôt que pour les autres membres de l'entente, ce qui en fait potentiellement la première cible des actions en dommages et intérêts. Afin de limiter les conséquences désavantageuses d'une telle exposition tout en évitant de restreindre indûment les possibilités pour les parties lésées d'obtenir l'indemnisation intégrale de la perte qu'elles ont subie, il est proposé de limiter la responsabilité du bénéficiaire d'une immunité d'amendes, ainsi que la contribution qu'il doit aux coauteurs de l'infraction au titre de la responsabilité solidaire, au préjudice qu'il a causé à ses propres acheteurs directs ou indirects ou, dans le cas d'une entente en matière d'achat, à ses fournisseurs directs ou indirects. Dans les cas où l'entente n'a causé un préjudice qu'à des parties autres que les clients ou les fournisseurs des entreprises contrevenantes, le bénéficiaire de l'immunité d'amendes ne serait responsable que pour sa part du préjudice causé par l'entente. Il appartient aux États membres de déterminer la façon de calculer cette part (par exemple, sur la base du chiffre d'affaires, de la part de marché, du rôle joué dans l'entente, etc.) pour autant que les principes d'effectivité et d'équivalence soient respectés.

La protection des bénéficiaires d'une immunité d'amendes ne peut toutefois pas interférer avec le droit à réparation intégrale conféré aux victimes par le droit de l'Union. La limitation proposée de la responsabilité du bénéficiaire d'une telle immunité ne saurait donc être absolue: ce dernier reste totalement responsable en tant que débiteur en dernier ressort dans le cas où les parties lésées ne peuvent pas obtenir la réparation intégrale du préjudice auprès des autres auteurs de l'infraction. Pour garantir l'effet utile de cette exception, les États membres doivent veiller à ce que les parties lésées puissent encore exiger la réparation du préjudice auprès du bénéficiaire de l'immunité d'amendes quand elles sont informées qu'elles ne pourront pas obtenir sa réparation intégrale auprès des autres membres de l'entente.

4.4.        Répercussion du surcoût (chapitre IV, articles 12 à 15)

Qu'il s'agisse d'acheteurs directs ou indirects, les personnes qui ont subi un préjudice causé par une infraction aux règles de concurrence ont le droit d'obtenir la réparation de ce préjudice. Le droit à réparation dont jouissent les parties lésées porte sur la perte subie (préjudice sous la forme d'un surcoût) et sur le manque à gagner. Lorsqu’une partie lésée réduit sa perte subie en la répercutant, entièrement ou partiellement, sur ses propres clients, la perte répercutée ne constitue plus un préjudice pour lequel ladite partie lésée doit être indemnisée. Cependant, lorsqu'une perte est répercutée, l'augmentation du prix payé par l'acheteur direct est susceptible d'entraîner une diminution du volume vendu. Ce manque à gagner, de même que la partie de la perte subie qui n'est pas répercutée (le cas échéant) restent constitutifs du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle dont la partie lésée peut demander la réparation.

Si le préjudice subi résulte d'une infraction portant sur les livraisons ou prestations de services effectuées à l'entreprise contrevenante, la répercussion peut aussi s'effectuer en amont dans la chaîne de distribution. C'est par exemple le cas si du fait d'une entente en matière d'achat, les fournisseurs des membres de l'entente sont obligés de pratiquer des prix inférieurs et demandent à leurs propres fournisseurs de baisser leurs prix également.

Afin de garantir que seuls les acheteurs directs et indirects qui ont véritablement subi un préjudice sous la forme d'un surcoût pourront effectivement demander la réparation de ce préjudice, la directive proposée reconnaît explicitement la possibilité pour l'entreprise contrevenante d'invoquer la répercussion du surcoût comme moyen de défense.

Cependant, dans les cas où le surcoût a été répercuté sur des personnes physiques ou morales situées au niveau suivant de la chaîne de distribution et qui sont dans l’impossibilité juridique de demander réparation, la répercussion du surcoût ne peut pas être invoquée comme moyen de défense. Les acheteurs indirects peuvent se trouver dans l'impossibilité juridique de demander réparation à cause des règles nationales relatives au lien de causalité (notamment les règles sur la prévisibilité et l’éloignement). Il serait injustifié d'autoriser le recours au moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût quand la partie sur laquelle le surcoût a été prétendument répercuté est dans l'impossibilité juridique de demander réparation, étant donné que cela reviendrait à décharger indûment l'entreprise contrevenante de sa responsabilité pour le préjudice qu'elle a causé. La charge de la preuve en ce qui concerne la répercussion du surcoût incombe toujours à l'entreprise contrevenante. Dans le cas d'une action en dommages et intérêts introduite par un acheteur indirect, cela suppose une présomption réfragable selon laquelle, sous réserve de certaines conditions, le surcoût a été répercuté sur cet acheteur indirect. En ce qui concerne la quantification de cette répercussion, la juridiction nationale devrait avoir la compétence nécessaire pour estimer la part du surcoût qui a été répercutée au niveau des acheteurs indirects dans le litige pendant devant elle. Lorsque, pour une même infraction au droit de la concurrence, des actions en dommages et intérêts distinctes sont engagées par des parties lésées situées à différents niveaux de la chaîne de distribution, les juridictions nationales devraient dûment tenir compte, dans la mesure où le droit national ou de l'UE applicable le permet, des actions parallèles ou antérieures (ou des décisions judiciaires résultant de ces actions), afin d'éviter toute réparation insuffisante ou excessive des préjudices causés par l'infraction en question et de favoriser la cohérence entre les décisions judiciaires résultant de ces procédures liées. Les actions pendantes devant les juridictions de différents États membres peuvent être considérées comme connexes au sens de l'article 30 du règlement (UE) nº 1215/2012[47], ce qui signifie qu'elles sont liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. En conséquence, toute juridiction autre que la première saisie peut surseoir à statuer ou se dessaisir, à condition que la juridiction première saisie soit compétente pour connaître des demandes en question et que sa loi permette leur jonction.

À l'instar du règlement nº 1215/2012, la directive proposée vise à encourager la cohérence entre les décisions de justice résultant d'actions connexes. Pour y parvenir, la présente directive a même un champ d'application plus large que celui du règlement nº 1215/2012, puisqu'elle couvre aussi les situations dans lesquelles des actions en dommages et intérêts consécutives ayant trait à la même infraction au droit de la concurrence sont engagées par des parties lésées situées à des niveaux différents de la chaîne de distribution. Ces actions peuvent être introduites devant la même juridiction, devant des juridictions différentes d'un même État membre ou devant des juridictions différentes de différents États membres. Dans tous les cas, la directive proposée encourage la cohérence entre les procédures et les décisions judiciaires liées.

4.5.        Quantification du préjudice (chapitre V, article 16)

L'établissement et la quantification du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle supposent un processus généralement coûteux nécessitant l'examen d'un nombre élevé de données factuelles, étant donné qu'ils peuvent exiger l’application de modèles économiques complexes. Afin d'aider les victimes d'une entente à quantifier le préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence, la directive proposée prévoit une présomption réfragable en ce qui concerne l'existence d'un préjudice résultant d'une entente. Compte tenu du fait que plus de neuf ententes sur dix génèrent effectivement un surcoût illégal[48], il sera ainsi moins difficile et moins coûteux pour les parties lésées de prouver que l'entente a entraîné une hausse des prix pratiqués qui ne se serait pas produite si l'infraction n'avait pas existé.

L'entreprise contrevenante pourrait renverser cette présomption et utiliser les éléments à sa disposition pour prouver que l'entente n'a causé aucun préjudice. La charge de la preuve incombe donc à la partie qui a déjà en sa possession les éléments nécessaires pour y satisfaire. Les coûts de la divulgation, qui serait très vraisemblablement nécessaire si les parties lésées devaient prouver l'existence du préjudice, sont ainsi évités.

Indépendamment de la présomption ci-dessus, le préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle est quantifié sur la base des règles et procédures nationales. Ces dernières doivent cependant être conformes aux principes d'équivalence et d'effectivité. Selon le deuxième de ces principes, en particulier, la charge et le niveau de la preuve ne peuvent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice, par la partie lésée, de son droit à des dommages et intérêts. En matière de quantification du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle, la situation réelle doit être comparée avec une situation hypothétique, ce qui signifie que les juges doivent être à même d'estimer le montant du préjudice. La probabilité que les victimes obtiendront véritablement une réparation suffisante pour le préjudice qu'elles ont subi s'en trouvera accrue.

Afin de permettre aux juridictions nationales de quantifier plus facilement le préjudice, la Commission fournit également des orientations non contraignantes en la matière dans sa communication sur la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne[49]. Cette communication est accompagnée d'un document de travail des services de la Commission prenant la forme d'un guide pratique sur la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions au droit de la concurrence de l'UE. Ce guide pratique présente les avantages et les faiblesses des diverses méthodes et techniques utilisables pour quantifier le préjudice causé par les infractions aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante. Il expose aussi et analyse une série d'exemples concrets, qui illustrent les effets caractéristiques que les infractions aux règles de concurrence de l'UE peuvent avoir et la manière dont les méthodes et techniques disponibles peuvent être mises en pratique.

4.6.        Résolution consensuelle des litiges (chapitre VI, articles 17 et 18)

Un des principaux objectifs de la directive proposée consiste à permettre aux victimes d'une infraction au droit de la concurrence d'obtenir la réparation intégrale du préjudice subi. Cet objectif peut être atteint au moyen d'une action en dommages et intérêts introduite en justice ou d'un règlement consensuel extrajudiciaire entre les parties. Afin d'inciter les parties à régler leur litige de manière consensuelle, la directive proposée cherche à optimiser l'équilibre entre les règlements extrajudiciaires et les actions en dommages et intérêts.

Pour ce faire, elle prévoit les dispositions suivantes:

i)            la suspension des délais de prescription applicables pour les actions en dommages et intérêts aussi longtemps que l'entreprise contrevenante et la partie lésée sont engagées dans une procédure de résolution consensuelle de leur litige;

ii)            la suspension de la procédure en cours pendant la durée de la procédure de résolution consensuelle du litige;

iii)           la déduction de la part du préjudice imputable à l'auteur de l'infraction participant à la procédure consensuelle du montant des dommages et intérêts demandés par la partie lésée participant à cette même procédure. Pour le reliquat de la demande, l'auteur de l'infraction participant à la procédure consensuelle ne pourrait être contraint au paiement de dommages et intérêts que si les coauteurs de l'infraction ne participant pas à la procédure consensuelle ne sont pas en mesure d'indemniser totalement la partie lésée; et

iv)           la prise en compte des dommages et intérêts versés dans le cadre d’une procédure de résolution consensuelle au moment de déterminer la contribution que devra verser l'auteur de l'infraction participant à cette procédure à la suite d'une condamnation ultérieure à des dommages et intérêts. Dans ce contexte, on entend par «contribution» le montant que l'auteur de l'infraction ayant participé à la procédure consensuelle et qui n'était pas défendeur dans l'action en dommage et intérêts est contraint de payer aux coauteurs de l'infraction condamnés à des dommages et intérêts, afin de contribuer à ces derniers selon les règles de la responsabilité solidaire.

5.           INCIDENCE BUDGÉTAIRE

La directive proposée n'a aucune incidence budgétaire.

6.           INFORMATIONS SUPPLÉMENTAIRES

6.1.        Retrait de dispositions législatives en vigueur

La présente proposition n'abroge aucun acte législatif antérieur.

6.2.        Réexamen

Aux termes de l'article 21 de la directive proposée, la Commission est tenue de faire rapport au Parlement européen et au Conseil sur ses effets au plus tard cinq ans après l'expiration du délai de transposition en droit national.

Une fois la directive proposée adoptée, la Commission continuera de suivre l'évolution du cadre juridique applicable aux actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de concurrence dans les États membres, en s'intéressant essentiellement à la réalisation des deux principaux objectifs de la directive proposée, à savoir

i)       optimiser l'interaction entre la mise en œuvre du droit de la concurrence par la sphère publique et sa mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée; et

ii)       veiller à ce que les victimes d'infractions aux règles de concurrence de l'UE puissent obtenir la réparation intégrale du préjudice qu'elles ont subi.

La Commission évaluera si la directive permet de remédier aux insuffisances et aux obstacles qui empêchent l'indemnisation intégrale des victimes d'infractions aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante et si l'interaction entre la mise en œuvre du droit de la concurrence par la sphère publique et sa mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée fonctionne harmonieusement, afin de garantir globalement une mise en œuvre optimale du droit de la concurrence de l'UE. Dans le cadre de ce processus de suivi, la Commission poursuivra son dialogue avec toutes les parties prenantes concernées.

Enfin, une évaluation a posteriori concernant la nécessité de procéder à d'autres modifications sera effectuée une fois que les mesures proposées dans la directive auront été pleinement mises en œuvre dans les États membres, c'est‑à‑dire au moins cinq ans après l'expiration du délai fixé pour sa transposition en droit national.

6.3.        Documents explicatifs

La directive proposée énonce des mesures spécifiques destinées à rapprocher les règles matérielles et procédurales nationales régissant les actions en dommages et intérêts pour infraction aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne. Plusieurs obligations légales en découlent. Par voie de conséquence, sa transposition effective en droit interne nécessitera l'introduction de modifications spécifiques et ciblées dans les règles nationales correspondantes. Pour permettre à la Commission de vérifier que la directive est mise en œuvre correctement, il ne suffira donc pas aux États membres de transmettre le texte des mesures nationales d'exécution, étant donné qu'une évaluation globale du régime qui en résulte dans le droit national peut se révéler nécessaire. Aussi les États membres devraient-ils également transmettre à la Commission des documents explicatifs précisant quelles sont les dispositions existantes et nouvelles du droit interne qui visent à mettre en œuvre les différentes mesures prévues dans la directive proposée.

6.4.        Espace économique européen

La directive proposée vise à garantir le plein effet des articles 101 et 102 du traité en optimisant l'interaction entre la mise en œuvre de ces dispositions par la sphère publique et leur mise en œuvre à l'initiative de la sphère privée, ainsi qu'en améliorant les conditions dans lesquelles les victimes d'une infraction au droit de la concurrence peuvent demander des dommages et intérêts. Elle contribue au bon fonctionnement du marché intérieur du fait qu'elle crée des conditions plus équitables à la fois pour les entreprises qui enfreignent les règles de concurrence et pour les victimes de ce type de comportement illicite. Compte tenu de ces objectifs touchant à la fois à la concurrence et au marché intérieur, que couvrent les règles juridiques de l'EEE, la proposition présente de l'intérêt pour l'EEE.

2013/0185 (COD)

Proposition de

DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment ses articles 103 et 114,

vu la proposition de la Commission européenne[50],

après transmission du projet d’acte législatif aux parlements nationaux,

vu l'avis du Comité économique et social européen[51],

statuant conformément à la procédure législative ordinaire,

considérant ce qui suit:

(1)       Les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après le «traité») relèvent de l’ordre public et il y a lieu de pourvoir à leur application effective dans l'ensemble de l’Union, afin d'éviter que la concurrence ne soit faussée dans le marché intérieur.

(2)       La mise en œuvre de ces dispositions du traité dans la sphère publique est assurée par la Commission grâce aux pouvoirs que lui confère le règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité[52] (ci-après le «règlement nº 1/2003»). Elle est également assurée par les autorités nationales de concurrence, qui peuvent adopter les décisions énumérées à l'article 5 du règlement nº 1/2003.

(3)       Les articles 101 et 102 du traité produisent des effets directs dans les relations entre les particuliers et créent, pour les personnes concernées, des droits et des obligations au respect desquels les juridictions nationales sont tenues de veiller. Celles-ci ont donc un rôle d’égale importance à jouer dans l'application des règles de concurrence (mise en œuvre du droit à l'initiative de la sphère privée). Lorsqu’elles statuent sur des litiges entre particuliers, elles préservent les droits subjectifs garantis par le droit de l’Union, notamment en accordant des dommages et intérêts aux victimes d’infractions. Afin de garantir la pleine effectivité des articles 101 et 102 du traité et, notamment, l'effet utile des interdictions qu'ils prévoient, il est indispensable que toute personne, qu'il s'agisse d'un consommateur, d'une entreprise ou d’une autorité publique, puisse demander réparation du préjudice causé par une infraction à ces dispositions devant les juridictions nationales. Ce droit à réparation garanti par le droit de l’Union s'applique de la même façon aux violations des articles 101 et 102 commises par des entreprises publiques ou des entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs au sens de l'article 106 du traité.

(4)       Le droit à réparation garanti par le droit de l’Union pour les préjudices causés par des pratiques anticoncurrentielles exige de chaque État membre qu'il dispose de règles procédurales garantissant l'exercice effectif de ce droit. La nécessité de moyens de recours procéduraux effectifs découle également du droit à une protection juridictionnelle effective prévu à l'article 47, premier alinéa, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne[53] et à l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, du traité sur l’Union européenne.

(5)       Pour garantir la mise en œuvre effective des règles de concurrence par la sphère publique et à l'initiative de la sphère privée, il est nécessaire de régir la manière dont les deux formes de mise en œuvre sont coordonnées, notamment en ce qui concerne les modalités d’accès aux documents en possession des autorités de concurrence. Cette coordination au niveau de l’Union permettra également d’éviter toute divergence entre les diverses règles applicables, laquelle pourrait compromettre le bon fonctionnement du marché intérieur.

(6)       L’article 26, paragraphe 2, du traité dispose que le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée. Il existe des différences marquées entre les États membres en ce qui concerne les règles régissant les actions en dommages et intérêts pour infraction au droit national de la concurrence ou à celui de l'Union. Ces différences génèrent une incertitude quant aux conditions dans lesquelles les parties lésées peuvent exercer le droit à réparation que leur confère le traité, et portent atteinte à l’effectivité substantielle de ce droit. Étant donné que les parties lésées se tournent souvent vers les juridictions de leur État membre d’établissement quand elles introduisent une demande de dommages et intérêts, les divergences entre règles nationales entraînent une situation d'inégalité en matière d'actions en dommages et intérêts et peuvent nuire à la concurrence sur les marchés où ces parties lésées, ainsi que les entreprises contrevenantes, exercent leurs activités.

(7)       Les entreprises établies et actives dans des États membres différents sont soumises à des règles procédurales qui ont une grande influence sur la mesure dans laquelle la responsabilité d'une infraction au droit de la concurrence peut leur être imputée. Cette mise en œuvre inégale du droit à réparation garanti par le droit de l’Union est de nature à conférer un avantage concurrentiel à certaines entreprises qui ont enfreint l'article 101 ou 102 du traité et à décourager, dans les États membres où le droit à réparation est mis en œuvre de manière plus effective, l’exercice du droit d’établissement et du droit d'effectuer des livraisons de biens ou des prestations de services. À ce titre, les différences entre régimes de responsabilité applicables dans les États membres sont de nature à nuire à la fois à la concurrence et au bon fonctionnement du marché intérieur.

(8)       Il est par conséquent nécessaire de veiller à ce que les entreprises exerçant leurs activités dans le marché intérieur bénéficient de conditions plus équitables et à ce que les consommateurs puissent exercer les droits que leur confère le marché intérieur dans de meilleures conditions. Il convient aussi d’accroître la sécurité juridique et de réduire les différences entre les États membres en ce qui concerne les règles nationales régissant les actions en dommages et intérêts pour infraction au droit européen de la concurrence et, lorsqu'il s'applique en parallèle, au droit national de la concurrence. Un rapprochement de ces règles contribuera également à empêcher l'émergence de disparités plus importantes entre les règles des États membres régissant les actions en dommages et intérêts dans les affaires de concurrence.

(9)       L’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1/2003 dispose que «[l]orsque les autorités de concurrence des États membres ou les juridictions nationales appliquent le droit national de la concurrence à des accords, des décisions d’associations d’entreprises ou des pratiques concertées au sens de l’article [101], paragraphe 1, du traité susceptibles d'affecter le commerce entre États membres au sens de cette disposition, elles appliquent également l’article [101] du traité à ces accords, décisions ou pratiques concertées. Lorsque les autorités de concurrence des États membres ou les juridictions nationales appliquent le droit national de la concurrence à une pratique abusive interdite par l'article [102] du traité, elles appliquent également l'article [102] du traité». Pour garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et, en particulier, une plus grande sécurité juridique et des conditions plus équitables pour les entreprises et les consommateurs, il convient d’étendre le champ d’application de la présente directive aux actions en dommages et intérêts pour infraction au droit national de la concurrence lorsque celui-ci s’applique en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1/2003. L’application de règles divergentes en matière de responsabilité civile pour les infractions aux articles 101 et 102 du traité et pour les infractions aux règles du droit national de la concurrence qui s'appliquent, dans une même affaire, parallèlement au droit de la concurrence de l'Union, nuirait à la position des demandeurs dans ladite affaire, aurait une incidence négative sur le montant des dommages et intérêts demandés et constituerait un obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur.

(10)     En l'absence de dispositions au niveau de l’Union, les actions en dommages et intérêts sont régies par les règles et procédures nationales des États membres. Toutes les règles nationales régissant l'exercice du droit à réparation du préjudice causé par une infraction à l'article 101 ou 102 du traité, y compris celles concernant des aspects non traités dans la présente directive, tels que la notion de lien de causalité entre l'infraction et le préjudice, doivent respecter les principes d'effectivité et d'équivalence. Cela signifie qu'elles ne peuvent pas être formulées ni appliquées de façon telle que l'exercice du droit à réparation garanti par le traité en deviendrait excessivement difficile ou pratiquement impossible, et qu'elles ne peuvent pas être formulées ni appliquées de manière moins favorable que celles applicables à des actions nationales analogues.

(11)     La directive réaffirme l’acquis de l'Union relatif au droit à réparation du préjudice causé par les infractions au droit de la concurrence de l’Union, en particulier en ce qui concerne la qualité pour agir et la définition du dommage, tel qu'il a été énoncé dans la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, sans préjuger de son évolution future. Toute personne ayant subi un préjudice causé par une infraction peut demander réparation pour la perte subie (damnum emergens) et le gain dont il a été privé ou «manque à gagner» (lucrum cessans), ainsi que le paiement des intérêts courus entre le moment où le préjudice est survenu et celui où les dommages et intérêts sont versés. Ce droit est reconnu à toute personne physique ou morale (consommateurs, entreprises et autorités publiques, sans distinction), indépendamment de l'existence d'une relation contractuelle directe avec l'entreprise qui a commis l'infraction, et qu'il y ait eu ou non constatation préalable d'une infraction par une autorité de concurrence. La présente directive ne devrait pas exiger des États membres qu’ils mettent en place des mécanismes de recours collectif aux fins de la mise en œuvre des articles 101 et 102 du traité.

(12)     Les actions en dommages et intérêts pour infraction au droit national de la concurrence ou à celui de l'Union requièrent habituellement une analyse factuelle et économique complexe. Dans bien des cas, les preuves nécessaires pour démontrer le bien-fondé d'une demande de dommages et intérêts sont détenues exclusivement par la partie adverse ou des tiers et ne sont pas suffisamment connues du demandeur, qui n'y a pas accès. Dans de tels cas, les exigences légales strictes obligeant les demandeurs à exposer précisément tous les faits de la cause au début de l'instance et à produire des éléments de preuve bien précis à l'appui de leur demande peuvent indûment empêcher l'exercice effectif du droit à réparation garanti par le traité.

(13)     Les preuves constituent un élément important lorsqu'il s'agit d'engager une action en dommages et intérêts pour infraction au droit national de la concurrence ou à celui de l'Union. Cependant, les litiges ayant trait à des infractions aux règles concernant les ententes et les abus de position dominante se caractérisant par une asymétrie de l'information, il y a lieu de veiller à ce que les parties lésées disposent du droit d'obtenir la divulgation des preuves qui se rapportent à leur demande, sans avoir à désigner des éléments de preuve précis. Afin de garantir l'égalité des armes entre les parties à une action en dommages et intérêts, ces moyens doivent aussi être accessibles aux défendeurs, de sorte qu’ils puissent demander aux parties lésées de leur communiquer leurs preuves. Les juridictions nationales peuvent également exiger la divulgation de preuves par des tiers. Lorsqu’elles souhaitent enjoindre à la Commission de divulguer des preuves, le principe de coopération loyale entre l’Union européenne et les États membres (article 4, paragraphe 3, du TUE), et l’article 15, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003 en ce qui concerne les demandes d’information s’appliquent.

(14)     Les preuves pertinentes devraient être divulguées sur décision de la juridiction saisie et sous son contrôle strict, surtout en ce qui concerne la nécessité et la proportionnalité de la mesure de divulgation. Il découle de l'exigence de proportionnalité que les demandes de divulgation ne peuvent être déclenchées qu'une fois que la partie lésée a, sur la base de données factuelles qu’il lui est raisonnablement possible d’obtenir, présenté des éléments plausibles démontrant qu’elle a subi un préjudice causé par le défendeur. Il convient que la demande de divulgation mentionne des catégories de preuves aussi précises et restreintes que possible, sur la base des données factuelles qu’il est raisonnablement possible d’obtenir.

(15)     L’exigence de proportionnalité devrait également faire l'objet d'une évaluation attentive lorsque la divulgation des preuves risque de mettre à mal la stratégie d’enquête d’une autorité de concurrence en révélant les documents qui font partie de son dossier, ou de nuire à la manière dont les entreprises coopèrent avec l’autorité de concurrence. La demande de divulgation ne devrait dès lors pas être considérée comme proportionnée lorsqu’elle fait référence à une divulgation générale des documents figurant dans le dossier d’une autorité de concurrence concernant une affaire donnée ou des documents soumis par une partie dans le cadre d'une affaire donnée. Des demandes visant à obtenir une divulgation aussi large ne seraient, en outre, pas compatibles avec l'obligation faite à la partie demanderesse de mentionner les catégories de preuves de manière aussi précise et restreinte que possible.

(16)     Lorsque la juridiction saisie demande à la juridiction compétente d’un autre État membre de procéder à un acte d’instruction ou demande à ce qu’il soit procédé directement à un acte d’instruction dans un autre État membre, les dispositions du règlement (CE) nº 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale[54] s'appliquent.

(17)     Si les preuves pertinentes contenant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles devraient, en principe, pouvoir être utilisées dans les actions en dommages et intérêts, il convient toutefois de protéger ces informations confidentielles de manière appropriée. Les juridictions nationales devraient dès lors disposer d'une série de moyens pour protéger ces informations confidentielles contre toute divulgation au cours de la procédure. Il peut s'agir, par exemple, de la possibilité d'effectuer des audiences à huis clos, de la limitation du cercle des personnes autorisées à prendre connaissance des preuves et de l'injonction faite à des experts de résumer les informations sous une forme globale ou sous une autre forme non confidentielle. Les mesures prises pour protéger les secrets d'affaires et les autres informations confidentielles ne devraient pas, dans la pratique, entraver l'exercice du droit à réparation.

(18)     L'application effective et cohérente des articles 101 et 102 du traité par la Commission et les autorités nationales de concurrence nécessite une approche commune au sein de l’Union en ce qui concerne l'interaction entre les règles de divulgation des preuves et la manière dont ces articles sont mis en œuvre par une autorité de concurrence. La divulgation des preuves ne devrait pas porter indûment atteinte à la mise en œuvre effective du droit de la concurrence par une autorité de concurrence. Les limites applicables à la divulgation des preuves ne devraient pas empêcher les autorités de concurrence de publier leurs décisions conformément aux règles nationales ou de l’Union applicables.

(19)     Les programmes de clémence et les procédures de transaction sont des outils essentiels pour la mise en œuvre du droit de la concurrence de l’Union par la sphère publique, étant donné qu’ils permettent de détecter les infractions les plus graves au droit de la concurrence, de les poursuivre en faisant une bonne utilisation des ressources et de les sanctionner. Les entreprises peuvent être dissuadées de coopérer dans ce contexte si la divulgation des documents qu’elles produisent exclusivement à cette fin devait avoir pour effet d'engager leur responsabilité civile dans des conditions plus désavantageuses que celles que connaissent les coauteurs de l’infraction qui ne coopèrent pas avec les autorités de concurrence. Pour faire en sorte que les entreprises soient disposées, dans le cadre d’un programme de clémence ou d’une procédure de transaction, à produire spontanément des déclarations dans lesquelles elles reconnaissent leur participation à une infraction au droit national de la concurrence ou à celui de l'Union, il y a lieu de prévoir que la divulgation des preuves ne s'applique pas à ces déclarations.

(20)     Il convient, en outre, de prévoir une exception à la divulgation lorsque celle-ci aurait pour effet d'interférer indûment avec une enquête en cours effectuée par une autorité de concurrence au sujet d'une infraction au droit national de la concurrence ou à celui de l'Union. En conséquence, les informations établies par une autorité de concurrence au cours d'une procédure d'application du droit national de la concurrence ou de celui de l'Union (par exemple, une communication des griefs) ou par une partie à cette procédure (une réponse à une demande de renseignements de l'autorité de concurrence) ne devraient pouvoir être divulguées dans le cadre d'une action en dommages et intérêts qu’une fois que l'autorité de concurrence a constaté une infraction aux règles de concurrence nationales ou de l'Union ou qu'elle a clos sa procédure.

(21)     Outre les preuves mentionnées aux considérants (19) et (20), les juridictions nationales devraient pouvoir demander, dans le cadre d’une action en dommages et intérêts, la divulgation des preuves existant indépendamment de la procédure ouverte par une autorité de concurrence («informations préexistantes»).

(22)     Toute personne physique ou morale qui obtient des preuves en accédant au dossier d’une autorité de concurrence dans l’exercice de ses droits de la défense au cours de l’enquête de ladite autorité peut utiliser ces preuves aux fins d'une action en dommages et intérêts à laquelle elle est partie. Une telle utilisation devrait également être autorisée pour la personne physique ou morale qui lui a succédé dans ses droits et obligations, notamment par le rachat de sa demande. Si les preuves ont été obtenues par une personne morale faisant partie d'un groupe d'entreprises constituant une seule entreprise aux fins de l’application des articles 101 et 102 du traité, elles peuvent également être utilisées par les autres entités juridiques appartenant à la même entreprise.

(23)     L'utilisation mentionnée au considérant précédent ne peut toutefois pas entraver indûment la mise en œuvre effective du droit de la concurrence par une autorité de concurrence. Les restrictions en matière de divulgation mentionnées aux considérants (19) et (20) devraient donc s’appliquer également à l’utilisation des preuves obtenues uniquement grâce à l’accès au dossier d’une autorité de concurrence. Il convient en outre de prévoir que les preuves obtenues auprès d’une autorité de concurrence dans le cadre de l’exercice des droits de la défense ne puissent pas servir de monnaie d'échange. En conséquence, la possibilité d'utiliser des preuves obtenues uniquement grâce à l'accès au dossier d'une autorité de concurrence devrait être limitée à la personne physique ou morale qui a exercé ses droits de la défense et à ses successeurs légaux, comme précisé au considérant précédent. Cette limite n’empêche toutefois pas la juridiction nationale de demander la divulgation de ces preuves dans les conditions prévues par la présente directive.

(24)     La présentation d’une demande de dommages et intérêts ou l'ouverture d'une enquête par une autorité de concurrence comportent un risque que les entreprises concernées puissent détruire ou dissimuler les éléments de preuve qui seraient utiles aux parties lésées pour étayer leur demande de dommages et intérêts. Afin d'éviter toute destruction d'éléments de preuve pertinents et de faire en sorte que les intéressés se conforment aux injonctions de divulgation des juridictions, ces dernières devraient pouvoir infliger des sanctions suffisamment dissuasives. Dans la mesure où les parties à la procédure sont concernées, les conclusions défavorables qu'il est possible de tirer dans le cadre d'une action civile en dommages et intérêts peuvent se révéler une sanction particulièrement efficace et permettre d'éviter les pertes de temps. Il convient aussi de prévoir des sanctions en cas de non-respect de l'obligation de protéger les informations confidentielles et d'utilisation abusive des informations obtenues à la faveur d'une mesure de divulgation. De la même manière, il y a lieu de prévoir des sanctions en cas d’utilisation abusive, dans une action en dommages et intérêts, des informations obtenues grâce à l'accès au dossier d'une autorité de concurrence dans le cadre de l'exercice des droits de la défense au cours d’une enquête de ladite autorité.

(25)     L’article 16, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1/2003 dispose que lorsque les juridictions nationales statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant de l’article [101] ou [102] du traité qui font déjà l’objet d’une décision de la Commission, elles ne peuvent prendre de décisions qui iraient à l'encontre de la décision adoptée par la Commission. Afin d'accroître la sécurité juridique, d'éviter toute incohérence dans l'application de ces dispositions du traité, de renforcer l'efficacité des actions en dommages et intérêts et les économies de procédure dans ce domaine, et de stimuler le fonctionnement du marché intérieur pour les entreprises et les consommateurs, il ne devrait pas davantage être possible de remettre en cause une décision définitive d'une autorité nationale de concurrence ou d'une instance de recours constatant une infraction à l’article 101 ou 102 du traité dans les actions en dommages et intérêts concernant la même infraction, que ces actions soient ou non intentées dans l'État membre de l'autorité ou de l'instance de recours en question. Il devrait en être de même pour les décisions concluant à une infraction aux dispositions du droit national de la concurrence dans les cas où le droit national de la concurrence et celui de l’Union s’appliquent en parallèle à la même affaire. Il y a lieu que cet effet des décisions des autorités de concurrence et instances de recours nationales constatant une infraction aux règles de concurrence s'applique aussi bien au dispositif de la décision qu'aux considérants qui supportent ce dernier, sans que cela ne porte préjudice aux droits et obligations des juridictions nationales découlant de l'article 267 du traité.

(26)     Les règles nationales concernant le début, la durée, la suspension ou l'interruption des délais de prescription ne devraient pas entraver indûment l'introduction des actions en dommages et intérêts. Cette exigence est particulièrement importante pour les actions qui se fondent sur la constatation d'une infraction par une autorité de concurrence ou une instance de recours. À cette fin, les parties lésées devraient conserver la possibilité d'intenter une action en dommages et intérêts après l'ouverture, par une autorité de concurrence, d'une procédure d'application du droit national de la concurrence et de celui de l'Union.

(27)     Lorsque plusieurs entreprises enfreignent conjointement les règles de concurrence (par exemple, dans le cas d’une entente), il convient de prévoir que ces entreprises soient considérées comme solidairement responsables de l’intégralité du préjudice causé par l’infraction. Lorsqu’une de ces entreprises a payé plus que la part qui lui incombe, elle devrait être en droit d'exiger une contribution des autres entreprises contrevenantes. La détermination de cette part correspondant à la responsabilité relative d'une entreprise contrevenante donnée dans l'infraction, de même que la définition des critères pertinents tels que le chiffre d’affaires, la part de marché ou le rôle joué dans l’entente relèvent du droit national applicable, sous réserve du respect des principes d’effectivité et d’équivalence.

(28)     Les entreprises qui coopèrent avec les autorités de concurrence dans le cadre d’un programme de clémence jouent un rôle essentiel dans la détection des infractions commises sous la forme d’ententes secrètes et dans la cessation de ces infractions, et permettent ainsi souvent d'atténuer le préjudice qui aurait pu être causé si l'infraction s'était poursuivie. Il convient dès lors de prévoir que les entreprises qui ont obtenu une immunité d’amendes d’une autorité de concurrence dans le cadre d’un programme de clémence soient protégées contre une exposition injustifiée aux demandes de dommages et intérêts, en gardant à l'esprit que la décision de l'autorité de concurrence qui constate l'infraction peut devenir définitive pour le bénéficiaire de l'immunité avant que ce ne soit le cas pour les autres entreprises qui n’ont pas obtenu l’immunité. Il convient donc que le bénéficiaire d'une immunité d'amendes soit, en principe, déchargé de sa responsabilité solidaire en ce qui concerne l'intégralité du préjudice et que sa contribution n'excède pas le montant du préjudice causé à ses propres acheteurs directs ou indirects ou, dans le cas d'une entente en matière d'achat, à ses fournisseurs directs ou indirects. Dans la mesure où une entente a causé un préjudice à des parties autres que les clients ou les fournisseurs des entreprises contrevenantes, la contribution du bénéficiaire d'une immunité d'amendes ne devrait pas excéder le montant correspondant à sa responsabilité relative dans le préjudice causé par l'entente. Cette contribution devrait être déterminée selon les mêmes règles que celles utilisées pour déterminer celle de chaque entreprise contrevenante [voir le considérant (27) ci‑dessus]. Le bénéficiaire d'une immunité d'amendes ne devrait rester pleinement responsable à l'égard des parties lésées autres que ses acheteurs ou fournisseurs directs ou indirects que dans le cas où ces derniers ne peuvent pas obtenir la réparation intégrale de leur préjudice auprès des autres entreprises contrevenantes.

(29)     Les consommateurs et les entreprises qui ont subi un préjudice du fait d'une infraction au droit national de la concurrence ou à celui de l'Union ont le droit d'obtenir réparation de la perte subie et du manque à gagner. La perte subie peut résulter de la différence entre le prix effectivement payé et celui qui l'aurait été en l'absence d'infraction. Lorsqu’une partie lésée a réduit sa perte subie en la répercutant, pour tout ou partie, sur ses propres acheteurs, la perte répercutée ne constitue plus un préjudice à indemniser pour la partie qui l'a répercutée. En conséquence, il convient, en principe, de permettre à une entreprise ayant commis une infraction d'invoquer la répercussion de la perte subie comme moyen de défense contre une demande de dommages et intérêts. Il y a lieu de prévoir que l'entreprise contrevenante, dans la mesure où elle invoque la répercussion de la perte comme moyen de défense, doive démontrer l'existence et l’ampleur de la répercussion du surcoût.

(30)     Toutefois, lorsque le surcoût a été répercuté sur des personnes qui ne sont pas juridiquement en mesure de demander réparation, il convient de ne pas permettre à l'entreprise contrevenante d'invoquer la répercussion du surcoût comme moyen de défense, étant donné que cela reviendrait à la décharger de sa responsabilité pour le préjudice qu'elle a causé. Dans les cas où la répercussion du surcoût est invoquée comme moyen de défense dans une affaire donnée, la juridiction saisie devrait dès lors examiner si les personnes sur lesquelles le surcoût a prétendument été répercuté sont juridiquement en mesure de demander réparation. Si les acheteurs indirects sont en droit de demander réparation, les règles nationales en matière de lien de causalité (notamment les règles concernant la prévisibilité et l’éloignement de la cause), appliquées conformément aux principes du droit de l’Union, peuvent entraîner, pour certaines personnes (par exemple à un niveau de la chaîne de distribution éloigné de l’infraction), une impossibilité juridique de demander réparation dans une affaire donnée. La juridiction n'évalue le bien-fondé du moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût qu'après avoir constaté que la personne sur laquelle le surcoût a prétendument été répercuté a la possibilité juridique de demander réparation.

(31)     Les consommateurs ou les entreprises sur lesquels la perte subie a été répercutée sont victimes d'un préjudice causé par une infraction au droit national de la concurrence ou à celui de l'Union. Alors que ce préjudice devrait être indemnisé par l'entreprise contrevenante, il peut se révéler particulièrement difficile pour les consommateurs ou les entreprises qui n'ont pas effectué d'achats directement auprès de cette dernière de prouver l'ampleur du préjudice subi. Lorsque l’existence d’une demande de dommages et intérêts ou le montant à octroyer dépendent de la réalité de la répercussion ou, le cas échéant, de l'ampleur de cette répercussion, sur l'acheteur indirect, d’un surcoût payé par l'acheteur direct de l’entreprise contrevenante, il convient, par conséquent, de prévoir que l'acheteur indirect soit considéré comme ayant apporté la preuve qu'un surcoût payé par l'acheteur direct a été répercuté à son niveau dès lors qu'il est en mesure de démontrer, prima facie, que cette répercussion a eu lieu. Il convient, en outre, de définir les conditions dans lesquelles l'acheteur indirect doit être considéré comme ayant établi une telle preuve prima facie. En ce qui concerne la quantification de cette répercussion, la juridiction nationale devrait avoir la compétence nécessaire pour estimer la part du surcoût qui a été répercutée au niveau des acheteurs indirects dans le litige pendant devant elle. L’entreprise contrevenante devrait être autorisée à produire des preuves démontrant que la perte subie n’a pas été répercutée ou qu'elle ne l'a pas été entièrement.

(32)     Les infractions au droit de la concurrence portent souvent sur les conditions et le prix auxquels les biens et les services sont vendus et causent un surcoût, parmi d'autres préjudices, pour les clients des entreprises contrevenantes. L’infraction peut également concerner les livraisons ou prestations de services effectuées à l’entreprise contrevenante (par exemple dans le cas d’une entente entre acheteurs). Les dispositions de la présente directive, et notamment les règles en matière de répercussion du surcoût, devraient s’appliquer en conséquence.

(33)     Les actions en dommages et intérêts peuvent être intentées tant par les parties lésées qui ont acheté des biens ou des services à l'entreprise contrevenante que par les acheteurs plus éloignés dans la chaîne de distribution. Par souci de cohérence entre les décisions de justice résultant de procédures connexes de ce type et pour éviter ainsi qu'un préjudice causé par une infraction au droit national de la concurrence ou à celui de l'Union ne soit pas totalement indemnisé ou que l'entreprise contrevenante soit tenue de payer des dommages et intérêts pour indemniser un préjudice qui n'a pas été subi, les juridictions nationales devraient tenir dûment compte, dans la mesure où le droit national ou de l’Union le permet, de toute action connexe et de la décision qui en résulte, en particulier lorsque cette dernière conclut que la répercussion est établie. Cela ne devrait nuire en rien aux droits fondamentaux de la défense, à une réparation effective ni à un procès équitable pour ceux qui n'étaient pas parties à cette procédure judiciaire. Les actions de ce type pendantes devant les juridictions de différents États membres peuvent être considérées comme des demandes connexes au sens de l'article 30 du règlement (CE) nº 1215/2012. Aux termes de cet article, toute juridiction autre que la première saisie peut surseoir à statuer ou, dans certaines circonstances, se dessaisir.

(34)     Une partie lésée qui a prouvé qu’elle a subi un préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence doit encore démontrer l’ampleur de ce préjudice pour pouvoir obtenir des dommages et intérêts. La quantification du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle est un processus qui repose sur un grand nombre de données factuelles et qui peut nécessiter l’application de modèles économiques complexes. Ce processus est souvent très coûteux et il est souvent difficile pour les parties lésées d’obtenir les données nécessaires pour étayer leurs demandes. La quantification du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle peut donc constituer un obstacle majeur empêchant les parties lésées d’obtenir des dommages et intérêts compensatoires pour le préjudice subi.

(35)     Pour remédier à l’asymétrie de l’information et à certaines difficultés liées à la quantification du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle et pour garantir l’efficacité des demandes de dommages et intérêts, il convient de présumer que dans le cas d’une infraction sous forme d'entente, l'infraction a causé un préjudice, en particulier en générant un effet sur les prix. En fonction des éléments factuels de l’espèce, cela signifie que l’entente a entraîné une hausse des prix ou empêché une baisse des prix qui se serait produite si l'infraction n'avait pas été commise. L'entreprise contrevenante devrait avoir le droit de renverser cette présomption. Il convient de limiter cette présomption réfragable aux ententes, compte tenu de leur nature secrète, qui accroît l'asymétrie de l'information et rend plus difficile pour la partie lésée d'obtenir les preuves nécessaires pour démontrer l'existence d'un préjudice.

(36)     À défaut de règles de l’Union relatives à la quantification du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre et aux juridictions nationales de déterminer les obligations auxquelles la partie lésée doit satisfaire lorsqu'elle apporte la preuve du montant du préjudice subi, ainsi que la précision requise en la matière, les méthodes autorisées pour quantifier le montant et les conséquences de l'incapacité de respecter pleinement les obligations fixées. Ces exigences nationales ne devraient cependant pas être moins favorables que celles qui régissent les actions nationales similaires (principe de l’équivalence) ni rendre pratiquement impossible, ou excessivement difficile, l’exercice du droit aux dommages et intérêts garanti par le droit de l'Union (principe d’effectivité). Il convient à cet égard de tenir compte de toute asymétrie de l'information entre les parties et du fait que la quantification du préjudice nécessite d'évaluer la manière dont aurait évolué le marché concerné en l'absence d'infraction. Cette évaluation suppose une comparaison avec une situation qui est hypothétique par définition et ne peut donc jamais être absolument exacte. Il convient donc de conférer aux juridictions nationales le pouvoir d’estimer le montant du préjudice causé par l’infraction au droit de la concurrence.

(37)     Il y a lieu d’encourager les parties lésées et les entreprises contrevenantes à se mettre d'accord sur la réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence au moyen de mécanismes consensuels de résolution des litiges, tels que le règlement amiable, l’arbitrage ou la médiation. Autant que faire se peut, ce mécanisme doit concerner le plus grand nombre possible de parties lésées et d'entreprises contrevenantes. Les dispositions de la présente directive ayant trait à la résolution consensuelle des litiges visent dès lors à faciliter le recours à de tels mécanismes et à accroître leur efficacité.

(38)     Les délais de prescription applicables à l’introduction d’une action en dommages et intérêts pourraient être tels qu’ils empêchent les parties lésées et les entreprises contrevenantes de disposer de suffisamment de temps pour arriver à un accord sur l’indemnisation à verser. Pour permettre véritablement à toutes les parties d’engager une procédure de résolution consensuelle du litige avant d'intenter une action devant une juridiction nationale, le délai de prescription doit donc être suspendu pendant la durée de la procédure de résolution consensuelle du litige.

(39)     En outre, lorsque les parties décident d’engager une procédure de résolution consensuelle de leur litige après qu’une action en dommages et intérêts a été intentée devant une juridiction nationale pour la même demande, cette juridiction peut suspendre la procédure pendante devant elle pour la durée du processus de résolution consensuelle du litige. Lorsqu’elle envisage de suspendre une procédure, la juridiction nationale devrait tenir compte de l’intérêt que présente une procédure rapide.

(40)     Afin d'encourager les règlements consensuels, il y a lieu d'éviter qu'une entreprise contrevenante qui paie des dommages et intérêts dans le cadre d’une procédure de résolution consensuelle d’un litige puisse se retrouver, par rapport aux coauteurs de l'infraction, dans une situation plus désavantageuse qu'elle ne l'aurait été en l'absence de cette procédure. Une telle situation pourrait se produire si l’auteur d’une infraction partie à une procédure consensuelle devait rester, même après son règlement, solidairement responsable de l'intégralité du préjudice causé par l'infraction. En conséquence, l’auteur d’une infraction partie à une procédure consensuelle ne devrait, en principe, pas être tenu au paiement d'une contribution aux coauteurs de l'infraction lorsque ces derniers sont contraints de verser des dommages et intérêts à la partie lésée avec laquelle il a déjà trouvé un accord au moyen d’une procédure consensuelle. Cette règle a pour corollaire que la part du préjudice causée par l'auteur de l'infraction partie à la procédure consensuelle doit être déduite du montant des dommages et intérêts auquel la partie lésée a droit. Cette contribution devrait être déterminée selon les mêmes règles que celles utilisées pour déterminer celle de chaque entreprise contrevenante [voir le considérant (27) ci‑dessus]. Sans une telle déduction, les auteurs de l'infraction ne participant pas à la procédure consensuelle seraient indûment pénalisés par un règlement consensuel auquel ils ne sont pas parties. Le coauteur d'une infraction optant pour une procédure consensuelle devra toutefois verser des dommages et intérêts lorsque c'est le seul moyen pour la partie lésée d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice.

(41)     Lorsqu’il est demandé aux coauteurs d'une infraction parties à une procédure consensuelle de contribuer aux dommages et intérêts versés ultérieurement par les coauteurs de l'infraction qui n'y ont pas participé, la juridiction nationale devrait tenir compte des dommages et intérêts déjà versés dans le cadre du règlement consensuel, en gardant à l’esprit que tous les coauteurs n’ont pas nécessairement joué un rôle égal dans l’ensemble de l'infraction, du point de vue matériel, temporel ou géographique.

(42)     La présente directive respecte les droits fondamentaux et les principes reconnus dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

(43)     Étant donné que l'existence de choix de politique générale et de règles de droit disparates au niveau national en ce qui concerne l'exercice du droit à réparation garanti par le droit de l’Union dans les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles de concurrence de l’Union ne permettrait pas de donner plein effet aux articles 101 et 102 du traité ni de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur pour les entreprises et les consommateurs, ces objectifs ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres, et peuvent donc, en raison de la nécessité de pourvoir à l'application effective et cohérente des articles 101 et 102 du traité, être mieux réalisés au niveau de l’Union. En conséquence, le Parlement européen et le Conseil adoptent la présente directive conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité sur l’Union européenne. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, la présente directive n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.

(44)     Conformément à la déclaration politique commune du 28 septembre 2011 des États membres et de la Commission sur les documents explicatifs[55], les États membres se sont engagés, dans les cas où cela se justifie, à accompagner la notification des mesures de transposition d’un ou plusieurs documents expliquant le lien entre les éléments d'une directive et les parties correspondantes des instruments nationaux de transposition. En ce qui concerne la présente directive, le législateur estime que la transmission de ces documents est justifiée,

ONT ADOPTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:

CHAPITRE I

CHAMP D'APPLICATION ET DÉFINITIONS

Article premier

Champ d’application de la directive

1.           La présente directive énonce certaines règles nécessaires pour faire en sorte que toute personne ayant subi un préjudice causé par une infraction à l'article 101 ou 102 du traité ou au droit national de la concurrence puisse exercer effectivement son droit à la réparation intégrale de ce préjudice. Elle établit également des règles qui favorisent une concurrence non faussée dans le marché intérieur et qui suppriment les obstacles au bon fonctionnement de ce dernier en garantissant une protection équivalente, dans toute l’Union, à toute personne ayant subi un tel préjudice.

2.           La présente directive fixe également les règles régissant la coordination entre la mise en œuvre des règles de concurrence par les autorités de concurrence et la mise en œuvre de ces règles dans le cadre d’actions en dommages et intérêts intentées devant les juridictions nationales.

Article 2

Droit à réparation intégrale

1.           Toute personne ayant subi un préjudice causé par une infraction au droit national de la concurrence ou à celui de l'Union doit être en mesure de demander réparation intégrale de ce préjudice.

2.           La réparation intégrale du préjudice consiste à replacer toute personne ayant subi un tel préjudice dans la situation où elle aurait été si l'infraction n'avait pas été commise. Elle suppose dès lors l'indemnisation de la perte subie et du manque à gagner, ainsi que le paiement des intérêts courus entre le moment où le préjudice est survenu et celui où l'indemnisation relative à ce préjudice a été effectivement versée.

3.           Les États membres veillent à ce que les parties lésées puissent effectivement exercer leur droit à demander des dommages et intérêts.

Article 3

Principes d'effectivité et d'équivalence

Les États membres veillent à ce que toutes les règles et procédures nationales ayant trait aux actions en dommages et intérêts soient conçues et appliquées de manière à garantir que toute partie lésée puisse effectivement exercer le droit à réparation intégrale du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence que lui confère le droit de l’Union. Les règles et procédures nationales relatives aux actions en dommages et intérêts découlant d'infractions à l'article 101 ou 102 du traité ne sont pas moins favorables aux parties lésées que celles régissant les actions nationales similaires.

Article 4

Définitions

Aux fins de la présente directive, on entend par:

1.           «infraction au droit de la concurrence»: une infraction à l’article 101 ou 102 du traité ou au droit national de la concurrence au sens du paragraphe 2;

2.           «droit national de la concurrence»: les dispositions du droit national qui poursuivent principalement les mêmes objectifs que les articles 101 et 102 du traité et qui sont appliquées dans la même affaire et parallèlement au droit de la concurrence de l'Union en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1/2003;

3.           «action en dommages et intérêts»: une action intentée en vertu du droit national par laquelle une partie lésée saisit une juridiction nationale d’une demande de dommages et intérêts; lorsque cette possibilité est prévue par le droit national, ce terme peut également désigner toute action par laquelle une personne, agissant au nom d'une ou de plusieurs parties lésées, introduit une demande de dommages et intérêts devant une juridiction nationale;

4.           «demande de dommages et intérêts»: une demande de réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence;

5.           «partie lésée»: toute personne en droit d’introduire une demande de dommages et intérêts;

6.           «autorité nationale de concurrence»: une autorité compétente pour appliquer les articles 101 et 102 du traité, désignée par un État membre conformément à l'article 35 du règlement (CE) nº 1/2003;

7.           «autorité de concurrence»: la Commission ou une autorité nationale de concurrence;

8.           «juridiction nationale» ou «juridiction»: toute juridiction d’un État membre au sens de l’article 267 du traité;

9.           «instance de recours»: une juridiction nationale habilitée à réexaminer les décisions d'une autorité nationale de concurrence; ce qui peut inclure, dans ce contexte, le pouvoir de constater une infraction à l'article 101 ou 102 du traité;

10.         «décision constatant une infraction»: une décision d'une autorité de concurrence ou d'une instance de recours concluant à l'existence d'une infraction au droit de la concurrence;

11.         «décision définitive constatant une infraction»: une décision d'une autorité de concurrence ou d'une instance de recours constatant une infraction et ne pouvant plus faire l'objet d'un contrôle juridictionnel;

12.         «entente»: tout accord et/ou toute pratique concertée entre deux ou plusieurs concurrents visant à coordonner leur comportement concurrentiel sur le marché et/ou à influencer les paramètres de la concurrence par des pratiques consistant notamment à fixer ou à coordonner des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction, à attribuer des quotas de production ou de vente, à répartir des marchés et des clients, notamment en présentant des soumissions concertées lors de marchés publics, à restreindre l’importation ou l’exportation et/ou en des mesures anticoncurrentielles dirigées contre d’autres concurrents;

13.         «programme de clémence»: un programme sur la base duquel un participant à une entente secrète, indépendamment des autres entreprises participant à l’entente, coopère avec l’autorité de concurrence dans le cadre de son enquête en présentant spontanément des éléments attestant sa connaissance de l'entente et le rôle qu'il y joue, en échange d'une immunité d’amendes ou de la réduction de leur montant;

14.         «déclaration d’entreprise effectuée en vue d’obtenir la clémence»: tout exposé oral ou écrit présenté spontanément par une entreprise ou en son nom, à une autorité de concurrence, décrivant ce qu'elle sait d'une entente secrète ainsi que son rôle dans cette entente et spécifiquement établi à l'intention de l'autorité en question, en vue d'obtenir une immunité d’amendes ou la réduction de leur montant dans le cadre d'un programme de clémence concernant l'application de l'article 101 du traité ou des dispositions correspondantes du droit national; elle ne comprend pas les documents ou les informations qui existent indépendamment de la procédure ouverte par une autorité de concurrence («informations préexistantes»);

15.         «proposition de transaction»: la présentation spontanée par une entreprise ou en son nom, à une autorité de concurrence, d'une déclaration reconnaissant sa participation à une infraction à l'article 101 du traité ou à une disposition correspondante du droit national et sa responsabilité dans cette infraction, établie spécifiquement en vue de demander officiellement l'application par l'autorité d'une procédure accélérée;

16.         «surcoût»: toute différence positive entre le prix effectivement payé et celui qui aurait prévalu en l'absence d'infraction au droit de la concurrence;

17.         «règlement consensuel»: un accord par lequel des dommages et intérêts sont versés à la suite d’une procédure de résolution consensuelle du litige.

CHAPITRE II

DIVULGATION DES PREUVES

Article 5

Divulgation des preuves

1.           Lorsqu'un demandeur a présenté des données factuelles et des preuves raisonnablement accessibles faisant apparaître des raisons plausibles de présumer que lui-même ou ceux qu'il représente ont subi un préjudice du fait d’une infraction au droit de la concurrence commise par le défendeur, les États membres veillent à ce que les juridictions nationales puissent enjoindre au défendeur ou à un tiers de divulguer des preuves, que celles-ci figurent également ou non dans le dossier d'une autorité de concurrence, sous réserve des conditions énoncées au présent chapitre. Les États membres veillent à ce que les juridictions puissent également enjoindre au demandeur ou à un tiers de divulguer des preuves à la demande du défendeur.

Cette disposition ne porte nullement atteinte aux droits et obligations des juridictions nationales découlant du règlement (CE) nº 1206/2001 du Conseil.

2.           Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales enjoignent de divulguer les preuves visées au paragraphe 1 lorsque la partie demandant la divulgation:

(a) a indiqué que les preuves détenues par l'autre partie ou par un tiers étaient pertinentes pour étayer sa demande ou sa défense; et

(b) a identifié soit des éléments de ces preuves, soit des catégories aussi précises et restreintes que possible de ces preuves sur la base de données factuelles qu'il est raisonnablement possible d'obtenir.

3.           Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales limitent la divulgation des preuves à ce qui est proportionné. Lorsqu’elles déterminent si une demande de divulgation soumise par une partie est proportionnée, les juridictions nationales tiennent compte des intérêts légitimes de l'ensemble des parties et tiers concernés. En particulier, elles prennent en considération:

(a) la probabilité que l’infraction présumée au droit de la concurrence ait bien été commise;

(b) l'ampleur et le coût de la divulgation, en particulier pour les éventuels tiers concernés;

(c) la possibilité que les preuves à divulguer contiennent des informations confidentielles, en particulier concernant d'éventuels tiers, et les modalités de protection de ces informations confidentielles; et

(d) lorsque l’infraction fait ou a fait l’objet d’une enquête d’une autorité de concurrence, le fait qu’il s’agisse ou non d’une demande formulée de façon spécifique quant à la nature, à l'objet ou au contenu de ces documents plutôt que d’une demande non spécifique renvoyant à des documents soumis à une autorité de concurrence ou figurant dans son dossier.

4.           Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales disposent de moyens efficaces permettant de protéger, autant que possible, les informations confidentielles contre toute utilisation inappropriée tout en veillant également à ce que les preuves pertinentes contenant ces informations soient disponibles pour les besoins de l'action en dommages et intérêts.

5.           Les États membres prennent les mesures nécessaires pour donner plein effet au secret professionnel et aux autres droits de ne pas être contraint de divulguer des preuves.

6.           Dans la mesure où leurs juridictions ont le pouvoir de prononcer des injonctions de divulgation sans avoir à entendre leurs destinataires, les États membres veillent à ce qu'aucune sanction pour refus de se conformer à une injonction de divulgation ne puisse être infligée tant que le destinataire de cette injonction n’a pas été entendu par la juridiction.

7.           Sont considérés comme preuves tous les types de preuve admissibles devant la juridiction nationale saisie, en particulier les documents et tous les autres éléments contenant des informations quel qu'en soit le support.

8.           Sans préjudice de l’obligation prévue au paragraphe 4 et des limites énoncées à l'article 6, le présent article ne fait pas obstacle au maintien ni à l'introduction, par les États membres, de règles qui conduiraient à une divulgation plus large des preuves.

Article 6

Limites à la divulgation de preuves provenant du dossier d’une autorité de concurrence

1.           Les États membres veillent à ce que, pour les besoins d’une action en dommages et intérêts, les juridictions ne puissent à aucun moment enjoindre à une partie ou à un tiers de divulguer les preuves relevant des catégories suivantes:

(a) les déclarations d’entreprise effectuées en vue d’obtenir la clémence; et

(b) les propositions de transaction.

2.           Les États membres veillent à ce que, pour les besoins d'une action en dommages et intérêts, les juridictions nationales ne puissent ordonner la divulgation des preuves relevant des catégories suivantes qu'une fois qu'une autorité de concurrence a clos sa procédure ou adopté une des décisions énumérées à l'article 5 du règlement nº 1/2003 ou à son chapitre III:

(a) les informations établies par une personne physique ou morale expressément aux fins d'une procédure engagée par une autorité de concurrence;

(b) les informations établies par une autorité de concurrence au cours de sa procédure.

3.           La divulgation de preuves provenant du dossier d’une autorité de concurrence et qui ne relèvent d’aucune des catégories énumérées au paragraphe 1 ou 2 du présent article peut être ordonnée à tout moment dans le cadre d’une action en dommages et intérêts.

Article 7

Limites à l’utilisation des preuves obtenues uniquement grâce à l’accès au dossier d’une autorité de concurrence

1.           Les États membres veillent à ce que les preuves relevant d'une des catégories énumérées à l'article 6, paragraphe 1, obtenues par une personne physique ou morale uniquement grâce à l'accès au dossier d’une autorité de concurrence dans l'exercice de ses droits de la défense en vertu de l'article 27 du règlement nº 1/2003 ou des dispositions correspondantes du droit national, ne soient pas recevables dans le cadre d’une action en dommages et intérêts.

2.           Les États membres veillent à ce que les preuves relevant d'une des catégories énumérées à l'article 6, paragraphe 2, obtenues par une personne physique ou morale uniquement grâce à l'accès au dossier d’une autorité de concurrence dans l'exercice de ses droits de la défense en vertu de l'article 27 du règlement nº 1/2003 ou des dispositions correspondantes du droit national, ne soient pas recevables dans le cadre d’une action en dommages et intérêts aussi longtemps que l’autorité de concurrence n'a pas clos sa procédure ou adopté une des décisions énumérées à l'article 5 du règlement nº 1/2003 ou à son chapitre III.

3.           Les États membres veillent à ce que les preuves obtenues par une personne physique ou morale uniquement grâce à l’accès au dossier d’une autorité de concurrence dans l’exercice de ses droits de la défense en vertu de l’article 27 du règlement nº 1/2003 ou des dispositions correspondantes du droit national, et qui ne sont pas irrecevables en vertu du paragraphe 1 ou 2 du présent article ne puissent être utilisées dans une action en dommages et intérêts que par cette personne ou par la personne physique ou morale qui est son successeur légal, ce qui inclut la personne qui a racheté sa demande.

Article 8

Sanctions

1.           Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales puissent infliger des sanctions aux parties, à des tiers et à leurs représentants légaux en cas:

(a) d'omission ou de refus de se conformer à une injonction de divulgation d'une juridiction;

(b) de destruction de preuves pertinentes, dès lors qu’au moment de la destruction:

i)        la partie qui a détruit les preuves était ou avait été partie à la procédure engagée par une autorité de concurrence portant sur le comportement à l’origine de l’action en dommages et intérêts; ou

ii)       la partie qui a détruit les preuves savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’une action en dommages et intérêts avait été intentée devant la juridiction nationale et que les preuves étaient pertinentes pour étayer soit la demande de dommages et intérêts, soit les moyens de défense; ou

iii)      la partie qui a détruit les preuves savait que ces dernières étaient pertinentes pour des actions en dommages et intérêts en cours ou à venir qu’elle aurait intentées ou qui auraient été intentées contre elle;

(c) d'omission ou de refus de se conformer aux obligations imposées par une injonction d'une juridiction protégeant des informations confidentielles; ou

(d) d'utilisation abusive des droits liés à la divulgation des preuves prévus au présent chapitre et des preuves et informations obtenues en vertu de ces droits.

2.           Les États membres veillent à ce que les sanctions qui peuvent être infligées par les juridictions nationales soient effectives, proportionnées et dissuasives. Ces sanctions comprennent, dès lors qu'elles concernent le comportement d'une partie à l'action en dommages et intérêts, la faculté de tirer des conclusions défavorables en présumant, par exemple, que le fait litigieux en question est avéré ou en rejetant, en tout ou en partie, les demandes et moyens de défense, ainsi que la faculté de prononcer une condamnation aux dépens.

CHAPITRE III

EFFET DES DÉCISIONS NATIONALES, DÉLAIS DE PRESCRIPTION ET RESPONSABILITÉ SOLIDAIRE

Article 9

Effet des décisions nationales

Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales qui, dans le cadre d'actions en dommages et intérêts concernant des infractions à l'article 101 ou 102 du traité ou au droit national de la concurrence, statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques qui font déjà l'objet d'une décision définitive constatant une infraction, adoptée par une autorité nationale de concurrence ou une instance de recours, ne puissent pas rendre de décision allant à l'encontre de cette constatation d'une infraction. Cette obligation ne porte nullement atteinte aux droits et obligations découlant de l'article 267 du traité.

Article 10

Délais de prescription

1.           Les États membres arrêtent les règles relatives aux délais de prescription applicables aux actions en dommages et intérêts conformément au présent article. Ces règles déterminent le moment à partir duquel le délai de prescription commence à courir, la durée de ce délai et les circonstances dans lesquelles il peut être interrompu ou suspendu.

2.           Les États membres veillent à ce que le délai de prescription ne commence pas à courir avant la date à laquelle une partie lésée prend connaissance, ou peut raisonnablement être considérée comme ayant pris connaissance:

i)       du comportement constituant l’infraction;

ii)       de la qualification de ce comportement comme infraction au droit national de la concurrence ou à celui de l'Union;

iii)      du fait que l’infraction lui a causé un préjudice; et

iv)      de l’identité de l'auteur de l'infraction qui a causé ce préjudice.

3.           Les États membres veillent à ce que le délai de prescription ne commence pas à courir avant la date à laquelle une infraction continue ou répétée prend fin.

4.           Les États membres veillent à ce que le délai de prescription applicable aux actions en dommages et intérêts soit de cinq ans au minimum.

5.           Les États membres veillent à ce que le délai de prescription soit suspendu par tout acte d'une autorité de concurrence visant à l'instruction ou à la poursuite de l'instruction d'une infraction à laquelle l'action en dommages et intérêts se rapporte. Cette suspension prend fin au plus tôt un an après la date à laquelle la décision constatant une infraction est devenue définitive ou à laquelle il a été mis un terme à la procédure d'une autre manière.

Article 11

Responsabilité solidaire

1.           Les États membres veillent à ce que les entreprises qui ont enfreint le droit de la concurrence par un comportement conjoint soient solidairement responsables du préjudice causé par l’infraction. Chacune des entreprises contrevenantes est tenue d’indemniser le préjudice dans son intégralité et la partie lésée peut exiger la réparation intégrale de ce préjudice de chacune d’elles, jusqu’à ce qu'elle ait été totalement indemnisée.

2.           Les États membres veillent à ce qu’une entreprise qui a obtenu l’immunité d’amendes auprès d’une autorité de concurrence au titre d’un programme de clémence ne soit tenue responsable à l'égard des parties lésées autres que ses acheteurs ou fournisseurs directs ou indirects que lorsque ces autres parties lésées prouvent qu'elles ne sont pas en mesure d'obtenir une réparation intégrale auprès des autres entreprises impliquées dans la même infraction au droit de la concurrence.

3.           Les États membres veillent à ce qu'une entreprise contrevenante puisse récupérer, auprès de toute autre entreprise contrevenante, une contribution dont le montant est déterminé à la lumière de sa responsabilité relative dans le préjudice causé par l'infraction. Le montant de la contribution d'une entreprise à laquelle une autorité de concurrence a accordé une immunité d'amendes au titre d'un programme de clémence n'excède pas le montant du préjudice qu'elle a causé à ses propres acheteurs ou fournisseurs directs ou indirects.

4.           Les États membres veillent à ce que, dans la mesure où l'infraction a causé un préjudice à des parties lésées autres que les acheteurs ou fournisseurs directs ou indirects des entreprises contrevenantes, le montant de la contribution du bénéficiaire d'une immunité d'amendes soit déterminée à la lumière de sa responsabilité relative dans ce préjudice.

CHAPITRE IV

RÉPERCUSSION DU SURCOÛT

Article 12

Le moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût

1.           Les États membres veillent à ce que le défendeur dans une action en dommages et intérêts puisse invoquer, comme moyen de défense contre une demande de dommages et intérêts, le fait que le demandeur a répercuté, en tout ou en partie, le surcoût résultant de l’infraction. La charge de la preuve de la répercussion du surcoût incombe au défendeur.

2.           Dès lors que le surcoût a été répercuté sur des personnes situées au niveau suivant de la chaîne de distribution qui sont dans l’impossibilité juridique de demander réparation de leur préjudice, le défendeur ne peut pas invoquer le moyen de défense visé au paragraphe précédent.

Article 13

Acheteurs indirects

1.           Les États membres veillent à ce que lorsque dans le cadre d’une action en dommages et intérêts, l’existence d’une demande de dommages et intérêts ou le montant de l'indemnisation à accorder sont fonction de la répercussion du surcoût sur le demandeur, ou de l'ampleur de cette répercussion, la charge de la preuve concernant l'existence et l'ampleur de cette répercussion incombe au demandeur.

2.           Dans la situation visée au paragraphe 1 du présent article, l'acheteur indirect est réputé avoir apporté la preuve d'une répercussion lorsqu’il a démontré:

(a) que le défendeur a enfreint le droit de la concurrence;

(b) que l'infraction a entraîné un surcoût pour l'acheteur direct du défendeur; et

(c) qu'il a acheté les biens ou services concernés par l'infraction, ou acheté des biens ou services dérivés de ces derniers ou les contenant.

Les États membres veillent à ce que la juridiction saisie ait la compétence nécessaire pour estimer la part du surcoût qui a été répercutée.

Le présent paragraphe ne porte nullement atteinte au droit de l'auteur de l'infraction de démontrer que le surcoût n'a pas été répercuté sur l'acheteur indirect, ou qu'il ne l’a pas été entièrement.

Article 14

Manque à gagner et infraction au niveau des livraisons ou des prestations de services effectuées en amont

1.           Les règles établies au présent chapitre ne portent nullement atteinte au droit, pour une partie lésée, de demander réparation pour le manque à gagner.

2.           Les États membres veillent à ce que les règles établies au présent chapitre s'appliquent mutatis mutandis lorsque l'infraction au droit de la concurrence porte sur les livraisons ou prestations de services effectuées à l'entreprise contrevenante.

Article 15

Actions en dommages et intérêts engagées par des demandeurs situés à différents niveaux de la chaîne de distribution

1.           Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales saisies d’une action en dommages et intérêts, lorsqu’elles évaluent s'il a été satisfait à la charge de la preuve résultant de l’application de l’article 13, tiennent dûment compte des éléments suivants:

(a) des actions en dommages et intérêts portant sur la même infraction au droit de la concurrence mais engagées par des demandeurs situés à un autre niveau de la chaîne de distribution; ou

(b) des décisions de justice prises à la suite de telles actions.

2.           Le présent article ne porte nullement atteinte aux droits et obligations des juridictions nationales découlant de l'article 30 du règlement (UE) nº 1215/2012 du Conseil.

CHAPITRE V

QUANTIFICATION DU PRÉJUDICE

Article 16

Quantification du préjudice

1.           Les États membres veillent à ce qu’en cas d’infraction prenant la forme d’une entente, il soit présumé que ladite infraction a causé un préjudice. L'entreprise contrevenante a le droit de renverser cette présomption.

2.           Les États membres veillent à ce que la charge et le niveau de la preuve et de l’établissement des faits requis pour la quantification du préjudice ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile pour la partie lésée d’exercer son droit à des dommages et intérêts. Les États membres veillent à ce que la juridiction dispose du pouvoir d'estimer le montant du préjudice.

CHAPITRE VI

RÉSOLUTION CONSENSUELLE DES LITIGES

Article 17

Effet suspensif de la résolution consensuelle des litiges

1.           Les États membres veillent à ce que le délai de prescription pour intenter une action en dommages et intérêts soit suspendu pendant la durée de la procédure de résolution consensuelle du litige. Cette suspension ne s’applique qu’à l’égard des parties qui participent ou ont participé à ladite procédure.

2.           Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales saisies d’une action en dommages et intérêts puissent suspendre la procédure lorsque les parties à celle-ci participent à une procédure de résolution consensuelle portant sur le litige concerné par l'action en dommages et intérêts.

Article 18

Effet des règlements consensuels sur les actions en dommages et intérêts ultérieures

1.           Les États membres veillent à ce qu’à la suite d’une procédure de règlement consensuel, le montant des dommages et intérêts auquel a droit la partie lésée qui a participé à une telle procédure soit diminué de la part du préjudice causé par l'infraction qui est imputable au coauteur de l'infraction participant à cette même procédure. Les coauteurs de l'infraction ne participant pas à la procédure de règlement consensuel ne peuvent pas exiger de contribution à celui qui y a participé pour le reliquat de la demande de dommages et intérêts. Ce n’est que lorsque les coauteurs de l’infraction ne participant pas à la procédure de règlement consensuel ne sont pas en mesure de payer les dommages et intérêts correspondant au reliquat de la demande que le coauteur partie à ladite procédure peut être tenu de verser des dommages et intérêts à la partie lésée participant à la procédure consensuelle.

2.           Lorsqu’elles déterminent la contribution de chaque coauteur de l'infraction, les juridictions nationales prennent dûment en compte tout règlement consensuel antérieur auquel a participé le coauteur de l’infraction concerné.

CHAPITRE VII

DISPOSITIONS FINALES

Article 19

Réexamen

La Commission procède au réexamen de la présente directive et fait rapport à ce sujet au Parlement européen et au Conseil pour le […] au plus tard [soit cinq ans après l'expiration du délai de transposition en droit national de la présente directive].

Article 20

Transposition

1.           Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le [soit deux ans à compter de la date d'adoption de la présente directive]. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

2.           Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine couvert par la présente directive.

Article 21

Entrée en vigueur

La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.

Article 22

Destinataires

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à Strasbourg, le

Par le Parlement européen                            Par le Conseil

FICHE FINANCIÈRE LÉGISLATIVE

La présente proposition n’a pas d’incidence sur le budget de l’Union.

[1]               Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO L 1 du 4.1.2003, p. 1). Le 1er décembre 2009, les articles 81 et 82 du traité CE sont devenus respectivement les articles 101 et 102 du traité. Ces dispositions sont, en substance, identiques.

[2]               Respectivement les articles 4 et 5 du règlement nº 1/2003.

[3]               Article 23 du règlement nº 1/2003.

[4]               Article 6 du règlement nº 1/2003. Voir aussi l'arrêt du 30 janvier 1974 dans l'affaire 127/73, BRT/SABAM (Recueil 1974, p. 51, point 16) et l'arrêt du 18 mars 1997 dans l'affaire C-282/95 P, Guérin Automobiles/Commission (Recueil 1997, p. I-1503, point 39).

[5]               Arrêt du 20 septembre 2001 dans l'affaire C-453/99, Courage et Crehan (Recueil 2001, page I-6297); arrêt du 13 juillet 2006 dans les affaires jointes C-295 à 298/04, Manfredi (Recueil 2006, page I-6619); arrêt du 14 juin 2011 dans l'affaire C-360/09, Pfleiderer AG/Bundeskartellamt (Recueil 2011, p. I-5161); et arrêt du 6 novembre 2012 dans l'affaire C-199/11, Europese Gemeenschap/Otis NV et autres (Recueil 2012, p. I‑0000).

[6]               Arrêt Manfredi (voir la note 5), point 95.

[7]               Arrêt du 14 juin 2011 dans l'affaire C-360/09, Pfleiderer AG/Bundeskartellamt (Recueil 2011, p. I‑5161).

[8]               COM(2008) 165 final. Voir aussi le document de travail des services de la Commission annexé au livre blanc, SEC(2008) 404.

[9]               Consultation publique: «Renforcer la cohérence de l'approche européenne en matière de recours collectifs», voir http://ec.europa.eu/competition/consultations/2011_collective_redress/index_en.html.

[10]             Resolution of the Meeting of the Heads of the European Competition Authorities of 23 May 2012, Protection of leniency material in the context of civil damages actions, consultable à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/competition/ecn/leniency_material_protection_en.pdf.

[11]             Voir les résolutions du Parlement européen du 2 février 2012 sur le document «Vers une approche européenne cohérente en matière de recours collectif» (2011/2089(INI)): http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&language=FR&reference=P7-TA-2012-21 et sur le rapport annuel sur la politique de concurrence de l'Union européenne (2011/2094(INI)) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&language=FR&reference=P7-TA-2012-31.

[12]             COM(2005) 672 final. Voir aussi le document de travail des services de la Commission annexé au livre vert, SEC(2005) 1732.

[13]             Résolution du Parlement européen du 26 mars 2009 sur le livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante (2008/2154(INI)).

[14]             Avis du Comité économique et social européen du 25 mars 2009 sur le «Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et abus de position dominante» (JO C 228 du 22.9.2009, p. 40).

[15]             Voir la résolution du Parlement européen du 2 février 2012 sur le rapport annuel sur la politique de concurrence de l'Union européenne (2011/2094(INI)).

[16]             JO C 101 du 27.4.2004, p. 54.

[17]             Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 12 du 16.1.2001, p. 1). Ce règlement a été récemment remplacé par le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 351 du 20.12.2012, p. 1), dont la majeure partie des dispositions entrera en vigueur le 10 janvier 2015.

[18]             Règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale (JO L 174 du 27.6.2001, p. 1).

[19]             Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) (JO L 199 du 31.7.2007, p. 40).

[20]             Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges (JO L 199 du 31.7.2007, p. 1).

[21]             Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (JO L 136 du 24.5.2008, p. 3).

[22]             Règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission du 7 avril 2004 relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 et 82 du traité CE (JO L 123 du 27.4.2004, p. 18)

[23]             Communication de la Commission relative aux règles d'accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles 81 et 82 du traité CE, des articles 53, 54 et 57 de l'Accord EEE et du règlement (CE) nº 139/2004 du Conseil (JO C 325 du 22.12.2005, p. 7)

[24]             Communication de la Commission sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 298 du 8.12.2006, p. 17).

[25]             JO C 167 du 2.7.2008, p. 1.

[26]             Les observations écrites reçues par la Commission lors de la consultation publique peuvent être consultées aux adresses suivantes: http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages/green_paper_comments.html (consultation sur le livre vert) et: http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages/white_paper_comments.html (consultation sur le livre blanc).

[27]             Voir la note de bas de page 8 ci‑dessus.

[28]             Voir la résolution du Parlement européen du 2 février 2012 sur le document «Vers une approche européenne cohérente en matière de recours collectif» (2011/2089(INI)): http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&language=FR&reference=P7-TA-2012-21.

[29]             Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, «Vers un cadre horizontal européen pour les recours collectifs», COM(2013) 401 final.

[30]             Recommandation de la Commission relative à des principes communs applicables aux mécanismes de recours collectif en cessation et en réparation dans les États membres en cas de violation de droits conférés par le droit de l’Union, C(2013) 3539 final.

[31]             Consultation publique sur un document d'orientation intitulé «La quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 du TFUE», disponible à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/competition/consultations/2011_actions_damages/index_en.html.

[32]             Les observations reçues en réponse à la consultation publique peuvent être consultées à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/competition/consultations/2011_actions_damages/index_en.html#contributions.

[33]             «Study on the conditions of claims for damages in case of infringement of EC competition rules», consultable à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages/study.html.

[34]             «Making antitrust damages actions more effective in the EU: welfare impact and potential scenarios», consultable à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages/files_white_paper/impact_study.pdf.

[35]             «Quantifying antitrust damages - Towards non-binding guidance for courts», consultable à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages/quantification_study.pdf.

[36]             Commission Staff Working Document, Impact Assessment Report, Damages actions for breach of the EU antitrust rules, Strasbourg, 11 juin 2013, SWD(2013) 203 final.

[37]             Voir la note de bas de page 5 ci‑dessus.

[38]             Voir la note de bas de page 33 ci‑dessus.

[39]             Voir aussi la section 4.1 ci‑après.

[40]             Article 3, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003.

[41]             Par exemple, pour ce qui est du moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût. Voir la section 4.4 ci‑dessous.

[42]             Directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO L 157 du 30.4.2004, p. 45).

[43]             La même limitation s'applique évidemment lorsqu'une juridiction nationale ordonne la divulgation de documents relevant de la catégorie b) ci-dessus une fois que l'autorité de concurrence a clos sa procédure.

[44]             Règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission du 7 avril 2004 relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 et 82 du traité CE (JO L 123 du 27.4.2004, p. 18).

[45]             Communication de la Commission sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l'application des articles 81 et 82 du traité CE (JO C 101 du 27.4.2004, p. 54); Communication de la Commission relative aux règles d'accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles 81 et 82 du traité CE, des articles 53, 54 et 57 de l'Accord EEE et du règlement (CE) nº 139/2004 du Conseil (JO C 325 du 22.12.2005, p. 7); et Communication de la Commission relative aux procédures de transaction engagées en vue de l'adoption de décisions en vertu des articles 7 et 23 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil dans les affaires d'entente (JO C 167 du 2.7.2008, p. 1).

[46]             Arrêt du 6 novembre 2012 dans l'affaire C-199/11, Europese Gemeenschap/Otis et autres (Recueil 2012, p. I‑0000).

[47]             Règlement (UE) nº 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 351 du 20.12.2012, p. 1).

[48]             «Quantifying antitrust damages - Towards non-binding guidance for courts», consultable à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/competition/antitrust/actionsdamages/quantification_study.pdf, p. 91.

[49]             Communication de la Commission relative à la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, C(2013) 3440.

[50]             JO C […] du […], p. […]

[51]             JO C […] du […], p. […]

[52]             JO L 1 du 4.1.2003, p. 1. Le 1er décembre 2009, les articles 81 et 82 du traité CE sont devenus respectivement les articles 101 et 102 du TFUE. Dans les deux cas, les dispositions sont identiques en substance.

[53]             JO C 326 du 26.10.2012, p. 391.

[54]             JO L 174 du 27.6.2001, p. 1.

[55]             JO C 369 du 17.12.2011, p. 14.

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