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Document 52012AR1778

Avis du Comité des régions – «Accroître les synergies entre les budgets de l'UE, des États et des collectivités territoriales»

JO C 62 du 2.3.2013, p. 32–38 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

2.3.2013   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 62/32


Avis du Comité des régions – «Accroître les synergies entre les budgets de l'UE, des États et des collectivités territoriales»

2013/C 62/07

LE COMITE DES RÉGIONS

fait valoir que les collectivités territoriales sont responsables d'une part substantielle de la dépense publique en Europe, que les investissements publics de l'échelon infranational tendent à se concentrer sur un certain nombre de secteurs prioritaires essentiels, cruciaux pour réaliser avec succès la stratégie Europe 2020 et appelle en conséquence à accorder une plus grande priorité politique à l'accroissement des synergies entre les budgets de l'UE, des États membres et de l'échelon infranational, c'est-à-dire des collectivités territoriales;

relève qu'en dépit de sa taille relativement faible, le budget de l'UE, avec la Banque européenne d'investissement (BEI), doit jouer un rôle essentiel de levier pour stimuler les investissements sur l'ensemble du territoire de l'UE;

se félicite des débats en cours à l'échelon européen sur la manière de compléter l'Union économique et monétaire (UEM) existante par l'introduction d'un cadre budgétaire intégré pour l'UE et est donc d'avis que le degré élevé de dépendance et d'effet d'entraînement qui existe entre les économies de la zone euro et les politiques budgétaires rend essentiel de mettre en place une capacité budgétaire capable de faciliter les ajustements aux chocs économiques;

s'inquiète de l'existence d'une tendance à centraliser davantage les pouvoirs et la prise de décision en l'absence d'une association réelle des collectivités territoriales à ce débat et relève qu'il ne saurait être question d'une véritable union budgétaire en l'absence de définition des droits et des compétences des différents échelons de gouvernement (fédéralisme budgétaire), d'un lien plus évident entre la cohérence des politiques et le processus décisionnel budgétaire et d'une vision ambitieuse sur la manière d'accroître les synergies verticales entre les budgets de l'UE, des États et de l'échelon local ou régional grâce à des mécanismes appropriés de coordination;

se félicite que le rapport 2012 de la Commission européenne sur les finances publiques dans l'UEM comprenne pour la première fois un chapitre distinct sur la décentralisation budgétaire dans l'UE; appelle la Commission européenne à introduire un tel chapitre sur l'état des finances publiques des collectivités territoriales dans les prochaines éditions de ce rapport;

invite la Commission européenne à étudier l'intérêt et la manière concrète, ainsi que les défis et coûts administratifs éventuels, d'évoluer vers une harmonisation accrue des cycles budgétaires au sein de l'UE et de promouvoir et d'encourager l'utilisation des cadres budgétaires à moyen terme à l'échelon infranational;

invite la Commission européenne à publier au cours du premier semestre 2013 un livre vert portant sur ces questions.

Rapporteur

M. Rhodri Glyn THOMAS (UK/AE), membre de l'Assemblée du Pays de Galles

Avis du Comité des régions – Accroître les synergies entre les budgets de l'UE, des États et des collectivités territoriales

I.   RECOMMANDATIONS POLITIQUES

LE COMITÉ DES RÉGIONS

Introduction

1.

fait valoir que les collectivités territoriales sont responsables d'une part substantielle de la dépense publique en Europe: en 2011, les dépenses du secteur public infranational ont représenté 16,7 % du PIB et 34 % de l'ensemble des dépenses publiques en Europe (11,9 %, soit 272,2 milliards d'euros, et 24,3 %, respectivement, pour le seul secteur public local), et elles ont aussi représenté dans le même temps environ deux tiers des investissements directs réalisés en Europe au cours de 2011 (1);

2.

relève que les investissements publics de l'échelon infranational tendent à se concentrer sur un certain nombre de secteurs prioritaires essentiels, cruciaux pour réaliser avec succès la stratégie Europe 2020, tels que les affaires économiques, l'éducation, l'environnement, le logement et les équipements collectifs, ce qui signifie que l'incidence des mesures d'austérité (26 % au Royaume-Uni, plus de 30 % en Espagne) aura des répercussions sur la réalisation des objectifs de la stratégie Europe 2020 (ainsi par exemple, le budget d'investissement en capital du Pays de Galles a été réduit de 42 %);

3.

appelle en conséquence à accorder une plus grande priorité politique à l'accroissement des synergies entre les budgets de l'UE, des États membres et de l'échelon infranational, c'est-à-dire des collectivités territoriales, visant à réaliser les priorités convenues de l'UE, notamment la stratégie UE 2020, et rappelle dans le même temps les conclusions de l'étude menée par le Parlement européen en 2010, qui constatait que: "La synergie globale entre les objectifs stratégiques politiques de l'UE et les politiques budgétaires est faible. (…) [L]es budgets nationaux se réfèrent rarement à leur contribution à l’atteinte des objectifs de Lisbonne [de la stratégie Europe 2020] ou à d'autres stratégies de l'UE" (2);

4.

souligne que dans le contexte de la crise actuelle, l'application extensive de mesures d'austérité aux échelons national et infranational, ainsi que les fortes contraintes que celles-ci font peser sur la dépense publique, font de l'amélioration "de l'efficacité et de l'efficience" un objectif politique important;

5.

se réjouit du fait que les conclusions du Conseil européen soulignent que "les possibilités offertes par le cadre budgétaire existant de l'UE pour trouver un équilibre entre les besoins en matière d'investissements publics productifs et les objectifs de la discipline budgétaire" devraient continuer à être "exploitées" dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance. Cet objectif devient même encore plus d'actualité après les observations récentes du Fonds monétaire international selon lequel les "multiplicateurs budgétaires", qui mesurent l'incidence de l'assainissement budgétaire sur la croissance, sont "substantiellement plus élevés" que prévu par les analyses durant la crise de la dette; attend par conséquent de la Commission qu'elle approfondisse la question dans le cadre de la communication annoncée sur la qualité des dépenses publiques, qui devrait notamment aborder la question de la séparation des "dépenses courantes" et des "dépenses d'investissement" lors des calculs des déficits budgétaires afin d'éviter que des investissements publics qui produisent des bénéfices nets à long terme ne soient comptabilisés de manière négative;

6.

souligne que les discussions menées au sujet des "synergies" ne doivent en aucune manière servir de rideau de fumée ou de prétexte pour amoindrir la proposition de cadre financier pluriannuel (CFP) ni servir d'excuse pour "renationaliser" le financement de composantes du budget de l'UE (comme par exemple, les Fonds structurels dans les États membres dits "plus prospères") ou pour légitimer la conditionnalité macroéconomique;

Les synergies entre les budgets de l'UE et des collectivités territoriales

7.

rappelle que le budget de l'UE ne représente qu'une petite partie (environ 2 %) de l'ensemble des dépenses publiques au sein de l'UE et qu'en soi, il ne suffit pas à fournir les 1 800 milliards d'euros d'investissements directs pour l'avenir que requièrent les initiatives phares prévues par la stratégie Europe 2020 (comme l'a relevé le rapport du Parlement européen sur les propositions relatives au cadre financier pluriannuel); cela signifie que réaliser les objectifs globaux de la stratégie Europe 2020 exige de mobiliser efficacement les moyens financiers publics et privés à l'échelon des États membres et à l'échelons infranational, y compris au moyen du financement par l'emprunt et de la promotion des partenariats public-privé;

8.

relève qu'en dépit de sa taille relativement faible, le budget de l'UE, avec la Banque européenne d'investissement (BEI), doit jouer un rôle essentiel de levier pour stimuler les investissements sur l'ensemble du territoire de l'UE, notamment, mais pas seulement, grâce aux fonds relevant du "cadre stratégique commun" (CSC) qui sont réalisés et mis en œuvre à l'échelon des territoires (dans de nombreux cas par les collectivités territoriales) et qui suscitent un effet "multiplicateur" important sur l'économie;

9.

souligne que tout au long de la crise économique, les financements de l'UE, et notamment ceux des fonds relevant du cadre stratégique commun, ont procuré des moyens financiers stables et surs aux collectivités territoriales, et dans de nombreux cas, ils ont été "les seuls deniers en caisse" pour soutenir les investissements et les initiatives publics essentiels, là où les crédits des budgets locaux, régionaux et nationaux ont été coupés et, dans le cas des financements de la BEI, ils ont contribué à combler d'énormes lacunes concernant les financements reposant sur des prêts, dues aux effets de la crise financière; fait également valoir que les propositions de conditionnalité macroéconomique peuvent avoir une incidence négative sur la perception de ces acteurs que les financements relevant du cadre stratégique commun sont stables;

10.

met en exergue les effets de levier et les effets multiplicateurs de tels investissements, s'agissant de leurs effets bénéfiques directs et indirects sur l'économie locale et plus large:

la Commission européenne estime qu'au cours de la période de programmation 2000-2006, les Fonds structurels de l'UE ont eu un effet de levier moyen de 2,1 euro pour chaque euro apporté par l'UE;

pour la période2014–2020, la Commission européenne a fixé un objectif de 4,2 euros par euro investi dans le cadre de la politique de cohésion;

la direction générale Politique régionale estime que l'effet "multiplicateur", mesuré en points supplémentaires de PIB, sera pour la période 2007–2013 de 1 % en Espagne, de 3 % en Pologne, en Slovaquie et en Roumanie, et de plus de 5 % dans les pays Baltes;

d'autres estimations chiffrent ce gain de PIB à environ 8,5 % pour l'Irlande et à 19,6 % pour l'Espagne durant la période 1999–2010, bien que l'incidence de la crise réduira ces chiffres. Il convient également de tenir compte des difficultés méthodologiques existantes pour calculer les effets multiplicateurs;

11.

rappelle que les effets de levier suscités par les fonds relevant du cadre stratégique commun ne sont pas simplement d'ordre financier, mais qu'il convient également de les considérer sous l'angle d'un levier "politique", grâce à la concentration des priorités stratégiques locales et régionales autour des priorités de l'échelon de l'UE, ainsi que d'autres effets bénéfiques tels que le renforcement du partenariat et l'engagement dans des activités de coopération transnationale, qui fournissent une pléthore d'exemples de bonnes pratiques dans toute l'Europe; et souligne la valeur du soutien apporté par la BEI au moyen de divers instruments financiers de prêt en vue du renforcement des capacités aux niveaux local et régional nécessaires pour gérer et mettre en œuvre des dispositifs nouveaux et innovants;

12.

reconnaît toutefois que la faiblesse des taux d'absorption dans certaines régions d'Europe prouve qu'il existe des "goulets d'étranglement" lors de la mise en œuvre sur le terrain des Fonds de cohésion et structurels; prend note notamment des faiblesses mises en évidence par une étude récente de l'OCDE (3) en matière de dispositifs administratifs, de cadres réglementaires et de capacité dans certains États membres et dans certaines collectivités territoriales et convient de la nécessité d'intervenir pour les résoudre;

13.

se félicite des efforts entrepris par la Commission européenne pour rationaliser et simplifier les règles de gestion, de mise en œuvre et de rapport applicables aux projets soutenus par les fonds relevant du cadre stratégique commun, qui devraient contribuer quelque peu à améliorer le taux d'absorption; est conscient de la nécessité de trouver un juste équilibre entre des contrôles efficaces et une flexibilité suffisante afin d'éliminer les charges réglementaires inutiles; approuve en conséquence l'évolution des audits vers une approche davantage fondée sur les risques;

14.

regrette que l'on continue à imposer l'effort du préfinancement des investissements aux autorités nationales ou aux collectivités régionales qui ont qualité d'autorité de gestion des programmes européens. Cela suppose un effort financier difficile à assumer dans la situation actuelle de restrictions sur les marchés financiers. Imposer le principe du préfinancement des investissements ferait perdre à l'Union européenne une occasion unique de mobiliser des ressources financières en faveur de la relance de l'économie et des changements structurels, en mettant à disposition des avances plus importantes qui permettraient de financer au rythme voulu pour commencer à obtenir des remboursements;

15.

juge inacceptable un cadre financier pluriannuel dont la dotation relative aux fonds du CSC serait inférieure à la proposition de la Commission européenne pour la période 2014-2020, dès lors que cela entraînerait un affaiblissement de l'Union à un moment où il faut au contraire la renforcer;

16.

appelle à une plus grande transparence des procédures budgétaires à l'échelon local et régional afin de mettre clairement en évidence la contribution des fonds relevant du cadre stratégique commun aux stratégies d'investissement d'une région donnée et afin de faire apparaître dans le projet de budget annuel la manière dont l'on prévoit d'intégrer le financement de l'UE au sein du cycle budgétaire; appelle les collectivités territoriales à faire connaître des exemples de bonnes pratiques pour ce type d'approche de le planification budgétaire;

17.

fait valoir les inquiétudes des collectivités territoriales dans toute l'UE sur le rôle que peuvent jouer les gouvernements des États membres (et des régions) afin d'éviter de recourir pleinement aux instruments juridiques prévus par les règlements relatifs au Fonds structurels qui autorisent la délégation de certaines composantes de la réalisation et de la mise en œuvre des programmes; demande qu'il soit remédié à cette situation dans le cadre des programmes de la période 2014-2020, afin d'optimiser l'utilisation des nouveaux instruments, tels que les investissements territoriaux intégrés, les opérations intégrées, les plans communs d'action et les stratégies de développement local mené par les acteurs locaux, que prévoit la proposition de règlement portant dispositions communes pour les fonds relevant du cadre stratégique commun;

18.

se félicite à cet égard du rapport d'initiative sur les synergies au sein du budget de l'UE adopté par le Parlement européen le 15 janvier 2013, rapport qui traite tout particulièrement des fonds relevant du cadre stratégique commun; prend note avec intérêt des exemples d'initiatives de terrain qui visent à simplifier pour les bénéficiaires la mise en œuvre des programmes de financement;

19.

soutient étroitement l'appel lancé par le Parlement européen à la Commission dans sa résolution sur le "Semestre européen pour la coordination des politiques économiques: mise en œuvre des priorités 2012""d'aborder pleinement", dans son prochain examen annuel de la croissance, "le rôle du budget de l'Union dans le semestre européen, en fournissant des données factuelles concrètes sur son effet multiplicateur, catalytique, synergique et complémentaire sur les dépenses publiques globales à l'échelon local, régional et national";

20.

se félicite en outre de la poursuite du débat sur les possibilités dans le cadre législatif de l'UE de rationaliser et de simplifier la mise en œuvre des programmes sur le terrain, tout en concentrant les efforts sur le soutien aux programmes et aux initiatives qui permettent de réaliser des "changements fondamentaux". Ce débat pourrait inclure l'examen de la création d'un "fonds unique d'investissement territorial", qui regrouperait les différents fonds de l'UE, des États membres et des collectivités territoriales, ou encore de la création d'un "guichet unique" pour accéder aux financements sur la base de règles harmonisées, de lignes directrices complètes et claires et d'un accent renforcé sur la réalisation de résultats durables qui permettent aux financements de parvenir plus rapidement à leur utilisateur final et d'aboutir à davantage de réalisation stratégique sur le terrain. Une telle réalisation et programmation conjointes dans le cadre de l'ensemble des fonds permettra d'améliorer la coordination et de réduire les doubles emplois;

21.

fait valoir qu'un débat sur les synergies entre les budgets de l'UE, des États membres et des collectivités territoriales doit également porter sur les synergies au sein du budget de l'UE, notamment sur les programmes thématiques tels que Horizon 2020, Erasmus pour tous, le programme pour le changement social et l'innovation sociale (PCIS), le mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE), COSME, etc., qui concernent directement "l'échelon territorial" et ont une incidence sur celui-ci, et qui définissent clairement les priorités des fonds relevant du cadre stratégique commun, que sont la R&D et l'innovation, l'éducation et la formation et la compétitivité des PME;

22.

approuve donc les efforts entrepris pour améliorer le cadre législatif pour la période 2014-2020 en vue de favoriser des synergies, notamment l'article 55, paragraphe 8 du règlement relatif aux fonds relevant du cadre stratégique commun; plaide en faveur d'une large publicité des projets ou initiatives conçus en recourant à ces nouvelles dispositions, afin de favoriser la sensibilisation sur la manière dont de telles synergies peuvent être obtenues dans la pratique;

23.

invite la Commission à expliquer en détail comment la régulation de la politique économique de l'UE et d'autres questions de finances publiques affecteront la capacité des collectivités locales et régionales à décider du contenu de leurs budgets;

24.

déplore que le débat en cours sur le renforcement de l'union économique, monétaire et politique au sein de l'Union économique et monétaire (UEM) et, plus largement, de l'UE, reste cantonné aux principales institutions de l'UE et aux gouvernements des États membres, sans tenir compte, ou en ne tenant que peu compte, des collectivités territoriales, en dépit des conséquences qu'un renforcement de la centralisation du contrôle au niveau de l'UE pourrait avoir sur les droits et responsabilités budgétaires à l'échelon infranational et sur la décentralisation budgétaire;

25.

déplore également l'échec constant, qu'a mis en évidence le Comité des régions dans son troisième rapport de suivi sur la stratégie Europe 2020 publiée en octobre, à associer réellement de manière utile à l'exercice de semestre européen les collectivités territoriales dans toute l'UE; réaffirme qu'il n'est pas possible de produire des synergies entre les procédures budgétaires en l'absence de synergies dans le cadre des processus d'élaboration et de suivi des politiques;

Vers une union budgétaire: une gouvernance économique et politique en mutation

26.

se félicite des débats en cours à l'échelon européen sur la manière de compléter l'Union économique et monétaire (UEM) existante par l'introduction d'un cadre budgétaire intégré pour l'UE, visant à garantir la viabilité des politiques budgétaires dans les États membres;

27.

relève le caractère évolutif de ce débat, qui peut avoir des conséquences significatives sur la manière de traiter à l'avenir les questions liées aux synergies entre les budgets de l'UE, des États membres et des collectivités territoriales;

28.

s'inquiète de l'existence d'une tendance à centraliser davantage les pouvoirs et la prise de décision en l'absence d'une association réelle des collectivités territoriales à ce débat; relève que le rapport de 2012 de la Commission européenne sur les finances publiques dans l'UEM met en évidence le bien-fondé d'un modèle budgétaire fédéraliste qui octroie aux pouvoirs publics infranationaux des compétences en matière de collecte des recettes et de dépenses;

29.

fait observer que les modifications de la gouvernance économique de l'UE, mises en place au moyen du semestre européen, du paquet "gouvernance économique", du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance et des propositions de paquet "surveillance budgétaire", ont abouti à la conception de règles plus strictes afin de surveiller les finances publiques locales et régionales à l'échelon des États membres (du fait de la transposition de ce qu'il est convenu d'appeler la "règle d'or" de l'échelon national à l'échelon infranational dans plusieurs États membres);

30.

s'inquiète de la transposition de règles prévues par des initiatives intergouvernementales, telles que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (ou pacte budgétaire) au sein des constitutions ou des législations nationales en l'absence de toute consultation préalable en bonne et due forme du Comité des régions sur la dimension régionale et locale des questions en jeu; souligne qu'il importe de s'en tenir à la méthode communautaire au cours des prochaines étapes en direction d'une union budgétaire;

31.

appelle, et il s'agit là d'une question relativement urgente, à associer de manière plus transparente et efficace les collectivités territoriales disposant de pouvoirs budgétaires aux débats en cours sur ces questions, ainsi qu'à associer formellement le Comité des régions aux modifications du traité qui en découleront éventuellement;

32.

relève la différence complète entre l'approche adoptée au cours de l'histoire du fédéralisme budgétaire des États-Unis et celle qui prévaut lors des premiers pas vers une union budgétaire de l'UE. En effet, les États-Unis ont choisi un modèle dans lequel le gouvernement fédéral n'ordonne ni n'applique aux États fédérés (ni ces derniers aux communes) de règles d'équilibre budgétaire: les États fédérés ont adopté ces règles de manière autonome et les ont appliquées indépendamment du gouvernement fédéral, après que ce dernier ait clairement énoncé une règle de "non-renflouement". Le caractère endogène de ce processus a pour effet que le niveau de gouvernements concerné s'approprie pleinement ces règles. Tout au contraire, dans l'UE, des freins à l'endettement sont ordonnés à l'échelon centrale et appliqués par la Cour de justice, tandis que la possibilité qu'un État membre (voir même une commune au sein d'un État membre) fasse faillite semble exclue a priori;

33.

est donc d'avis que le degré élevé de dépendance et d'effet d'entraînement qui existe entre les économies de la zone euro et les politiques budgétaires rend essentiel de mettre en place une capacité budgétaire capable de faciliter les ajustements aux chocs économiques, dans le contexte d'un cadre budgétaire intégré pour l'UE;

34.

estime qu'il convient d'approfondir l'idée d'une "réserve de flexibilité" au sein du budget de l'UE, qui constitue une approche possible pour mettre en place une capacité budgétaire dans le contexte d'un cadre budgétaire intégré pour l'UE. Un tel mécanisme, tout en respectant les principes budgétaires d'annualité et de transparence, permettrait d'affecter les "crédits non dépensés" dans les rubriques du budget au soutien d'autres actions, plutôt que de les retourner automatiquement aux États membres; cette idée est conforme aux résolutions que le Parlement européen a adoptées sur le cadre financier pluriannuel le 13 juin et le 23 octobre 2012;

35.

relève toutefois qu'il ne saurait être question d'une véritable union budgétaire en l'absence de définition des droits et des compétences des différents échelons de gouvernement (fédéralisme budgétaire), d'un lien plus évident entre la cohérence des politiques et le processus décisionnel budgétaire et d'une vision ambitieuse sur la manière d'accroître les synergies verticales entre les budgets de l'UE, des États et de l'échelon local ou régional grâce à des mécanismes appropriés de coordination;

36.

invite la Commission européenne à publier au cours du premier semestre 2013 un livre vert portant sur ces questions et sur les autres thèmes évoqués ci-après;

Définir quelques principes essentiels qu'il convient de respecter en vue d'obtenir des synergies accrues

37.

demande d'établir et de respecter une série de principes fondamentaux en vue d'obtenir des synergies accrues entre budgets, à savoir notamment:

l'autonomie budgétaire. Il s'agit d'établir clairement les rôles et les compétences des différentes autorités budgétaires aux échelons de l'UE, des États membres et des collectivités territoriales, et notamment d'établir clairement le rôle et les motifs de l'action politique de l'UE et de ses interventions de financement dans le respect du principe de subsidiarité et des droits budgétaires des collectivités territoriales (leur rôle dans le processus de décision et de contrôle), c'est-à-dire de leur responsabilité démocratique vis-à-vis de leurs électeurs, et de garantir l'autonomie de chaque niveau de gouvernement lorsque celui-ci détermine ses priorités et ses dépenses;

la transparence. Il s'agit d'assurer la transparence des procédures budgétaires à tous les niveaux de gouvernement, et notamment de mettre explicitement en évidence les sources de financement par l'UE au sein des budgets nationaux et infra nationaux, ainsi que d'assurer la disponibilité de données à l'échelon européen sur les comportements en matière de dépense des programmes de financement de l'UE à l'échelon régional, là où c'est possible;

rationaliser les procédures. Il s'agit d'exposer clairement le degré de cohérence entre les priorités et les financements à l'échelon de l'UE, des États membres et des collectivités et les priorités convenues à l'échelon de l'UE, de s'engager à s'efforcer de résorber les "goulets d'étranglement" (rationalisation administrative, réglementaire et politique) en vue d'accroître les synergies des budgets ou des politiques et d'éviter de créer des charges administratives supplémentaires;

le partenariat. Il s'agit de marquer un engagement à une approche "fondée sur le partenariat", qui repose sur la prémisse d'un partenariat sur un pied d'égalité entre les différents niveaux de gouvernement (l'UE, l'État membre, l'échelon infranational) et que sous-tendent des mécanismes formels et informels qui favorisent la coopération, parmi lesquels l'on peut citer par exemple l'élargissement du dialogue actuel entre le Parlement européen et les parlements des États membres pour y inclure les représentants politiques des collectivités territoriales;

38.

entend que le rôle du budget de l'UE est (actuellement) avant tout: (1) de financer les politiques communes fondamentales de l'UE, telles que l'agriculture et la pêche, (2) de contribuer à soutenir les autres buts et objectifs politiques qui relèvent de sa compétence partagée avec les États membres, notamment la politique de cohésion, grâce à des investissements concentrés sur le moyen terme. En outre, de telles interventions de l'UE se fondent sur certains principes établis, à savoir ceux de: a) leur valeur ajoutée, b) leur complémentarité avec les actions soutenues et c) leurs effets de levier et multiplicateurs;

39.

se félicite de la poursuite des discussions et d'une clarification accrue, dans le cadre de l'évolution des débats sur le renforcement de l'union économique, monétaire et budgétaire, des conséquences possibles que de telles évolutions peuvent avoir sur le rôle et la motivation des interventions de l'UE et sur leurs liens avec les procédures budgétaires des États membres et des collectivités territoriales;

40.

considère qu'une coordination verticale renforcée des politiques budgétaires mènerait à une plus grande synergie, tout en respectant et renforçant la subsidiarité, la complémentarité, la valeur ajoutée européenne et les avantages liés aux économies d'échelle (4). En soi, elle est donc parfaitement compatible avec le principe de subsidiarité ancré dans le traité de l'UE;

Goulets d'étranglement qui font obstacle au renforcement des synergies verticales

41.

souligne qu'il importe de disposer de données et d'analyses précises et fiables à l'échelon de l'UE sur l'ensemble des finances publiques et des procédures budgétaires jusqu'à l'échelon infranational;

42.

relève l'âpreté de la tâche de susciter des synergies du fait de "l'hétérogénéité" des structures infranationales dans l'UE;

43.

se félicite que le rapport 2012 de la Commission européenne sur les finances publiques dans l'UEM comprenne pour la première fois un chapitre distinct sur la décentralisation budgétaire dans l'UE; appelle la Commission européenne à introduire un tel chapitre sur l'état des finances publiques des collectivités territoriales dans les prochaines éditions de ce rapport;

44.

se félicite des autres études de recherche qui examinent les finances publiques et la capacité publique d'investissement, ainsi que l'impact de la crise sociale, économique et budgétaire à l'échelon infranational, et notamment du rapport établi par DEXIA Crédit local et le CCRE et des études de l'OCDE;

45.

relève toutefois la relative pauvreté des informations disponibles sur les finances publiques locales et régionales dans l'UE, et plus généralement la pauvreté des informations sur les synergies entre les moyens financiers de l'UE, des États membres et des collectivités territoriales;

46.

invite la Commission européenne à entreprendre et à poursuivre ses travaux pour remédier à cette lacune et propose de créer un réseau européen d'universités pour la recherche, afin de constituer une expertise spécialisée dans ce domaine de travail important; demande en outre que la Commission européenne soutienne les échanges, entre les différentes collectivités territoriales, d'expériences fondées sur des projets qui encouragent la promotion des meilleures pratiques relatives aux synergies mises en place entre les niveaux national et infranational dans les États membres;

47.

est conscient qu'il existe un certain nombre d'autres goulets d'étranglement concernant les procédures et cycles budgétaires au sein de l'UE, qui sont encore rétrécis par "l'hétérogénéité" des processus budgétaires à l'échelon infranational. Les cycles budgétaires au sein des États membres et à l'échelon infranational ne sont pas harmonisés avec le cycle budgétaire de l'UE (qui travaille avec des exercices annuels) et, de surcroît, la préparation des budgets locaux et régionaux repose pour l'essentiel sur des cycles annuels plutôt que sur une planification pluriannuelle (caractéristique du cadre budgétaire de l'UE);

48.

invite la Commission européenne a étudier l'intérêt et la manière concrète, ainsi que les défis et coûts administratifs éventuels, d'évoluer vers une harmonisation accrue des cycles budgétaires au sein de l'UE et de promouvoir et d'encourager l'utilisation des cadres budgétaires à moyen terme à l'échelon infranational, conformément aux mesures prévues par le paquet "gouvernance économique", et notamment de clarifier la manière dont ce système pourrait fonctionner dans le cadre du cycle d'exercices annuels de semestre européen;

49.

prend acte des négociations en cours sur les propositions relatives au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l'UE (COM(2010) 774 final) et déplore l'absence de compatibilité (qu'il s'agisse de leur structure, de leur lisibilité et de leur teneur) des budgets locaux et régionaux dans l'UE, ainsi que l'absence d'harmonisation à l'échelon de l'UE qui ne permet pas aisément de les comparer et de les analyser de manière utile;

50.

relève que l'article 3 de la directive 2011/85/UE, l'une des composantes du paquet "gouvernance économique", impose aux États membres d'appliquer les normes du SEC 95 à leurs systèmes nationaux de comptabilité publique et d'assurer "la publication régulière, et en temps utile, de données budgétaires afférentes à tous les sous- secteurs des administrations publiques"; regrette qu'une grande majorité des États membres soit opposée à la proposition d'Eurostat d'ajouter plusieurs nouveaux indicateurs relatifs aux investissements publics au niveau régional NUTS 2;

51.

se félicite qu'Eurostat évalue actuellement l'opportunité d'utiliser des normes de comptabilité publique harmonisées à l'échelon de l'UE pour les différents niveaux de gouvernance afin d'améliorer les synergies entre les budgets infranationaux, nationaux et de l'UE;

52.

fait valoir la nécessité d'améliorer éventuellement les normes du SEC 95 à l'intention des collectivités territoriales en ce qui concerne les coûts d'emprunt. En effet, la méthode comptable du SEC 95 traite différemment les opérations financières, et donc les emprunts, et pénalise ainsi les pouvoirs publics locaux et régionaux qui souhaitent procéder à des investissements dans le cadre de leurs efforts pour équilibrer leur budget. Dans le cadre conceptuel du SEC95, on raisonne exclusivement sur les opérations de l'exercice considéré, ce qui ne permet pas aux collectivités territoriales de compenser un déficit temporaire lié à l'investissement, en faisant appel aux réserves ou au résultat reporté. Pour aboutir à des résultats équivalents dans leur cadre comptable, il conviendrait qu'elles financent la totalité de leurs investissements sur fonds propres.

53.

relève que les États membres qui ont associé formellement les collectivités territoriales à la procédure budgétaire (dans le cadre d'un pacte de stabilité interne, comme par exemple en Belgique, en Espagne ou en Autriche), ont en général mis en place des mécanismes qui permettent d'assouplir les normes du SEC 95 de manière à ce qu'elles continuent à disposer de possibilités pour investir. Ceux-ci peuvent prendre la forme par exemple d’un lissage pluriannuel des objectifs budgétaires, ou de systèmes de dérogations partielles à l'objectif fixé en matière de dépenses d'investissement, afin de prendre en compte le cycle d'investissement.

54.

demande donc que cette question soit résolue à l'échelon de l'UE grâce à une harmonisation des règles visant à accroître la flexibilité des normes du SEC 95, afin de permettre aux collectivités territoriales de procéder à des investissements de cette manière, tout en respectant les exigences du pacte de stabilité et de croissance en matière de bonne gestion des finances publiques;

55.

appelle à recourir davantage aux nouveaux mécanismes novateurs de financement, tels que les emprunts et autres "fonds renouvelables"; relève également les possibilités qu'offrent les partenariats public-privé, ainsi que la Banque européenne d'investissement, pour stimuler des investissements créatifs et innovateurs à l'échelon territorial, et se félicite des mesures prévues dans le cadre de la période de programmation 2014-2020, notamment au niveau des fonds relevant du cadre stratégique commun, qui favorisent plus avant ses activités;

56.

relève que les possibilités pour les collectivités territoriales d'accéder aux marchés financiers varient très fortement dans l'UE et qu'elles ne sont pas très bien développées dans certaines régions d'Europe; en conséquence, ce problème doit être résolu à l'échelon européen;

57.

attend avec intérêt les prochaines discussions sur les possibilités qui se présentent pour d'autres instruments novateurs à l'échelon de l'UE en vue de stimuler l'investissement et de soutenir la solidarité afin d'aider l'Europe à sortir de la crise, parmi lesquelles notamment les emprunts obligataires de l'UE pour le financement de projets et les obligations de stabilité.

Bruxelles, le 31 janvier 2013.

Le président du Comité des régions

Ramón Luis VALCÁRCEL SISO


(1)  Voir: Dexia Crédit local et CCRE (2012): Finances publiques territoriales dans l'Union européenne, juillet 2012.

(2)  Voir: Parlement européen (2010): Vers une plus grande synergie entre budgets européen et nationaux (élaborée par Deloitte Consulting à la demande de la commission des budgets). La citation se trouve en page 4 de la note de synthèse afférente.

(3)  Voir: Regulatory Capacities at Sub-National Level for the Implementation of Public Investment Strategies related to the Absorption of EU Structural Funds ("Capacités de règlementation à l'échelon infranational pour la mise en œuvre des stratégies d'investissement public en lien avec l'absorption des Fonds structurels de l'UE"), par Allio-Rodrigo Consulting, pour l'OCDE, juin 2012.

(4)  Voir: Étude du Parlement européen (2010): Vers une plus grande synergie entre budgets européen et nationaux.


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