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Document 52012AE0493

Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n ° 1639/2006/CE établissant un programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (2007-2013) et le règlement (CE) n ° 680/2007 déterminant les règles générales pour l'octroi d'un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens de transport et d'énergie» COM(2011) 659 final — 2011/0301 (COD)

JO C 143 du 22.5.2012, p. 134–138 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

22.5.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

C 143/134


Avis du Comité économique et social européen sur la «Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1639/2006/CE établissant un programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (2007-2013) et le règlement (CE) no 680/2007 déterminant les règles générales pour l'octroi d'un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens de transport et d'énergie»

COM(2011) 659 final — 2011/0301 (COD)

2012/C 143/27

Rapporteur: M. Armin DUTTINE

Le 17 novembre et le 12 décembre 2011, respectivement, le Parlement européen et le Conseil ont décidé, conformément aux articles 172, 173, paragraphe 3, et 304 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la

"Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision no 1639/2006/CE établissant un programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité (2007-2013) et le règlement (CE) no 680/2007 déterminant les règles générales pour l'octroi d'un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens de transport et d'énergie"

COM(2011) 659 final - 2011/0301 (COD).

La section spécialisée "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 3 février 2012.

Lors de sa 478e session plénière des 22 et 23 février 2012 (séance du 23 février 2012), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 161 voix pour, 2 voix contre et 10 abstentions.

Le présent avis fait partie d'un dossier groupé qui en comprend cinq, élaborés par le CESE sur le "mécanisme pour l'interconnexion en Europe" (MIE) et ses lignes directrices, dont la Commission européenne a procédé à la publication en octobre 2011. Cet ensemble se compose des avis TEN/468, sur le MIE (rapporteur: M. HENCKS), TEN/469, sur les orientations pour les réseaux de télécommunications (rapporteur: M. LONGO), TEN/470, sur les orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes (rapporteur: M. BIERMANN), TEN/471, sur orientations pour le développement du réseau transeuropéen de transport (rapporteur: M. BACK) et TEN/472, sur l'initiative des emprunts obligataires (rapporteur: M. DUTTINE).

1.   Conclusions et recommandations

1.1

Sur le principe, le CESE salue la proposition de la Commission européenne établissant un instrument de partage des risques pour le lancement d'emprunts obligataires visant à financer des projets durant la phase pilote qui est prévue pour 2012 et 2013. Il attire toutefois l'attention sur les risques qu'induit cet outil. Avant de le proroger pour la prochaine période budgétaire, de 2014 à 2020, il y aurait lieu d'en poursuivre l'évaluation préalable, ainsi que de l'intensifier, au terme d'un débat exhaustif au sein de la société, et de la mener à bien avec un soin tout particulier, en la nourrissant notamment de l'expérience acquise grâce aux projets de partenariat public-privé (PPP).

1.2

Les perspectives qu'ouvre l'instrument proposé consistent en particulier à mobiliser, au profit de projets d'infrastructures dans le domaine du transport, des télécommunications et de l'énergie, d'importantes ressources d'investissement qui sont nécessaires pour la croissance, l'innovation, la compétitivité et la création d'emplois. Grâce à la réalisation des projets visés, les citoyens pourront expérimenter de manière tangible les avantages de l'intégration de l'Europe et l'idée européenne s'en trouvera confortée.

1.3

Le Comité discerne cependant aussi certains risques. Ils résultent en particulier de l'éventualité d'avoir à éponger les pertes des projets d'investissement qui auront été consentis. Si la proposition législative de la Commission européenne plafonne clairement le risque que le budget de l'UE pourrait avoir à assumer, il est supposé, dans le cas de la Banque européenne d'investissement (BEI), qu'aucun autre ne pourra lui être transféré, grâce aux contrats qu'elle aura conclus pour chaque projet avec les investisseurs, ainsi qu'à l'initiative qu'elle aura prise de le répartir sur l'ensemble desdits projets. Pour éviter en tout état de cause que la prise de risque ne produise des répercussions négatives pour sa solvabilité et sa réputation, ou encore pour le lancement et l'exécution, par ses soins, de projets qui bénéficient du régime d'aide habituel, il apparaît nécessaire, aux yeux du Comité, qu'elle applique également aux emprunts obligataires destinés au financement de projets les critères d'évaluation prudents qu'elle utilise pour jauger les risques que comportent ceux de type classique. Il conviendrait en particulier que la reprise de risques par la BEI soit présentée en toute transparence (1) et que, le cas échéant, il soit entrepris de la limiter. Il y aurait lieu, tout particulièrement, d'envisager une telle mesure pour la prorogation de l'instrument lors de la nouvelle période budgétaire de l'UE de 2014 à 2020, après avoir exploité l'expérience acquise au cours de la phase pilote.

1.4

Le CESE observe que la proposition de la Commission européenne n'aborde pas suffisamment certaines questions en rapport avec le remboursement de projets d'infrastructure dont le financement a été assuré par le secteur privé. C'est en particulier dans le domaine des transports qu'il conviendrait de mener un débat, à large assise sociale, concernant les conséquences possibles de l'instauration du financement par les utilisateurs. Le Comité fait également valoir que l'instrument proposé ne peut venir contrecarrer les décisions politiques et les consensus de société qui sont nécessaires pour atteindre des objectifs économiques, écologiques et sociaux durables. Il convient de ne pas créer d'incitations indues à lancer des projets de PPP. En conséquence, le Comité tient à rappeler sa position selon laquelle les critères d'endettement pour les projets de PPP doivent correspondre à ceux qui s'appliquent aux projets entrepris sous le régime habituel des marchés publics.

1.5

Le Comité juge que l'instrument de partage des risques qui est proposé pour le lancement d'emprunts obligataires visant à financer des projets n'est susceptible de mobiliser qu'une partie des ressources d'investissement exigées par les projets d'infrastructure d'une nécessité urgente. Aussi tient-il à faire valoir qu'il y a lieu de dégager au profit des budgets publics de nouvelles sources de revenus destinées aux investissements de la collectivité.

2.   Introduction

2.1

Sous la dénomination globale de "mécanisme pour l'interconnexion en Europe", la Commission européenne a présenté, le 19 octobre 2011, plusieurs propositions législatives et non législatives qui visent à développer les réseaux et infrastructures transeuropéens dans les domaines du transport, de l'énergie et des télécommunications et porteront principalement sur la prochaine période budgétaire, de 2014 à 2020. Elles traitent en particulier des orientations en matière d'aide, des projets à soutenir, du montant des ressources d'investissement nécessaires et des nouveaux instruments de financement dans les domaines évoqués. Dans le présent avis, le CESE aborde les aspects financiers de ces propositions; il en consacrera d'autres aux dimensions qui ne sont pas traitées ci-après (2).

2.2

Les éléments contenus dans la proposition législative qui fait l'objet du présent avis consistent, d'une part, à étendre aux investissements dans les infrastructures de haut débit le champ d'application du programme-cadre pour la compétitivité et l'innovation concernant la période budgétaire européenne en cours (2007-2013) et, d'autre part, à lancer un instrument de partage des risques pour les emprunts obligataires destinés au financement de projets dans les domaines des technologies de l'information et de la communication (TIC) et du haut débit, ainsi que pour les réseaux transeuropéens (RTE) du secteur du transport (RTE-T) et des infrastructures énergétiques (RTE-E).

2.3

Sur l'arrière-plan des difficultés provoquées par la crise financière et économique, l'instrument proposé est lancé dans le but de financer des investissements orientés sur le long terme avec le concours de capitaux privés. Pour les projets d'infrastructure axés sur des perspectives longues, il donnera également la possibilité supplémentaire de mobiliser des ressources sur les marchés de capitaux. Le dispositif qui fait l'objet de la proposition est constitué par un instrument de partage des risques pour les emprunts obligataires destinés au financement de projets. Grâce à une contribution financière tirée des ressources du budget de l'UE, il est censé mettre la Banque européenne d'investissement (BEI) en mesure de réduire les risques de crédit des détenteurs d'obligation en octroyant des prêts ou garanties subordonnés.

2.4

La mesure législative concerne une phase pilote, sur les années 2012 et 2013. Ce laps de temps devrait être utilisé pour éprouver les effets que l'instrument de partage des risques produit sur la mobilisation des ressources d'investissement privées.

2.5

C'est entre l'UE et la BEI que s'effectue le partage des risques. Dans ce dispositif, la contribution financière émanant du budget de l'UE est limitée à 230 millions d'euros, les montants mis à disposition devant être plafonnés à un maximum de 200 millions d'euros en 2012 et 2013 pour les RTE-T et de 10 millions d'euros pour les projets de RTE-E, ainsi que de 20 millions d'euros, pour l'année 2013, en ce qui concerne les investissements dans le domaine des TIC et du haut débit.

2.6

Il est supposé que grâce à la subvention provenant du budget de l'UE, la BEI sera, d'une manière générale, à même de se prémunir contre la "première perte" sur l'ensemble des projets réalisés. Pour chacun d'entre eux spécifiquement, le montant précis de la prise de risque maximale assumée par la BEI est défini par contrat. Théoriquement, le risque maximal encouru par elle équivaut à la somme des contrats conclus, moins l'apport du budget de l'Union. Dans son cas, la proposition législative de la Commission européenne ne prévoit d'ailleurs pas de plafonnement nominal pour l'ensemble des projets comme elle le fait pour le budget de l'UE, puisqu'elle dispose que "le risque résiduel inhérent à toutes les opérations est supporté par la BEI". C'est à la elle-même qu'il incombe de définir ce risque résiduel, par sa procédure d'analyse en la matière.

2.7

En proposant cet instrument, la Commission européenne ambitionne de mobiliser de nouvelles ressources d'investissement, en particulier d'origine privée, et souhaite créer ainsi un effet de levier. Les investisseurs visés sont notamment les compagnies d'assurance, les fonds de pension et les fonds souverains, en quête d'occasions de réaliser des investissements financiers garantis et de long terme.

2.8

Durant la phase pilote, l'engagement de moyens budgétaires provenant du budget de l'UE devra s'effectuer uniquement par redéploiement de crédits. Ce sont en particulier des crédits encore disponibles pour un outil existant, le GPTT ou "instrument de garantie de prêt pour les projets du réseau transeuropéen de transport", qui devraient être prélevés à cette fin.

2.9

Si en ce qui concerne le GPTT, cet instrument de partage des risques qui est déjà en vigueur, la BEI entreprend de couvrir ceux pris par les prêteurs commerciaux (banques), la proposition législative à l'examen concerne la couverture qu'elle accorde aux risques pris par les intervenants qui investissent dans des emprunts obligataires visant à la réalisation de projets. Dans l'un et l'autre cas de figure, l'enjeu est d'assurer une couverture contre les risques liés à l'endettement d'entreprises qui sont constituées expressément pour réaliser des projets d'infrastructure, auquel cas nous avons tout particulièrement à faire, concrètement parlant, à des investissements réalisés sous forme de financements de projet, dont des partenariats public-privé (PPP). Dans ce schéma, les promoteurs desdits projets, qu'il s'agisse d'entreprises du bâtiment, de fonds d'infrastructure, de sociétés d'exploitants, voire, pour une part, d'entreprises publiques, assument en règle générale non seulement la construction des infrastructures projetées mais également leur exploitation, leur planification et, en particulier, le financement de l'investissement.

2.10

La sélection des projets qui seront soutenus par le dispositif proposé lors de la phase pilote n'a pas encore été effectuée. En la matière, les projets auxquels l'aide sera octroyée devraient être entre trois et onze dans le domaine des RTE-T et au nombre d'un seul dans celui des RTE-E et de un ou deux pour ceux relatifs aux TIC ou au haut débit. Des conclusions pour la prochaine période budgétaire de l'UE (2014-2020) devraient être tirées de l'expérience engrangée lors de la phase pilote.

2.11

Dans sa proposition législative et les différents textes qui l'accompagnent, la Commission n'aborde qu'incidemment les questions de remboursement. D'un document de la BEI sur les enseignements à tirer du GPTT, il ressort toutefois clairement que cet instrument de partage des risques est jugé particulièrement approprié pour les projets qui sont financés par leurs utilisateurs (3). On peut escompter qu'il en ira de même pour les projets visés par la proposition législative qui est examinée dans le présent avis.

3.   Observations générales

3.1

Sur le principe, le CESE salue la proposition de la Commission établissant un instrument de partage des risques pour le lancement d'emprunts obligataires destinés à financer des projets durant la phase pilote qui est prévue pour 2012 et 2013. Dans les considérations développées dans la suite du présent document, il attire l'attention sur les perspectives qu'il ouvre mais aussi sur les risques qu'il induit, ainsi que sur les propositions et conditions, également présentées ci-après, concernant en particulier sa prorogation au-delà de la phase pilote.

3.2

Les perspectives ouvertes se situent en particulier dans le champ des possibilités qu'offre la proposition pour mobiliser des ressources supplémentaires à investir et augmenter ainsi l'effet des engagements budgétaires de l'UE. Cette action peut contribuer dans une importante mesure à produire croissance et innovation, à améliorer la compétitivité de l'économie européenne, à faire atteindre les objectifs de la stratégie UE 2020 et à préserver et créer des emplois. Grâce à la réalisation des projets visés, les citoyens pourront expérimenter de manière tangible les avantages de l'intégration de l'Europe et l'idée européenne s'en trouvera confortée.

3.3

Le Comité discerne toutefois aussi des risques dans la proposition à l'examen. Il fait remarquer à cet égard que par définition, le montant de l'effet de levier et la reprise du risque par la puissance publique sont corrélés. Si la proposition législative de la Commission européenne plafonne clairement le risque que le budget de l'UE pourrait avoir à assumer, il est supposé, dans le cas de la BEI, qu'aucun autre ne pourra lui être transféré, grâce aux contrats qu'elle aura conclus pour chaque projet avec les investisseurs, ainsi qu'à l'initiative qu'elle aura prise de le répartir sur l'ensemble desdits projets. Pour éviter en tout état de cause que la prise de risque ne produise des répercussions négatives pour sa solvabilité et sa réputation, ou encore pour le lancement et l'exécution, par ses soins, de projets qui bénéficient du régime d'aide habituel, il apparaît recommandable de fixer des limites à l'utilisation de l'instrument de partage des risques par la BEI, au niveau de la reprise du risque concerné, grâce à une présentation transparente de cette dernière effectuée par ses soins. Il conviendrait en particulier que la reprise de risques par la BEI soit présentée en toute transparence (4) et que, le cas échéant, il soit entrepris de la limiter. Il conviendrait tout particulièrement d'envisager une telle mesure lors de la nouvelle période budgétaire de l'UE de 2014 à 2020, pour la prorogation de l'instrument, après avoir exploité l'expérience acquise au cours de la phase pilote.

3.4

Le jugement porté sur la proposition de la Commission européenne sera fonction des différents objectifs politiques que poursuit la puissance publique dans la représentation des intérêts des citoyens et citoyennes, ainsi que des intérêts financiers des acquéreurs des emprunts obligataires pour la réalisation de projets. Ils peuvent très bien aller dans le même sens mais il est également possible qu'ils soient opposés. Le Comité recommande qu'avant de lancer le nouvel instrument, en particulier pour la période budgétaire 2014-2020, l'on poursuive et approfondisse le débat au sein de la société, qu'il conviendra tout particulièrement de nourrir à l'aide des expériences tirées des financements de projets par le secteur privé et des initiatives de partenariat public-privé (PPP).

3.5

Le CESE fait observer qu'en cas de mise en œuvre de dispositifs où des projets sont financés par le secteur privé, il devient nécessaire que la dette ainsi créée soit remboursée par des rentrées liées auxdits projets. Dans ce contexte, la problématique du financement par les utilisateurs acquiert une pertinence particulière. Alors que cette manière de financer est désormais un trait caractéristique du secteur de l'énergie et des télécommunications, du fait de la libéralisation et des privatisations qui y ont été réalisées, seuls quelques États membres l'ont pratiquée jusqu'à présent dans celui du transport individuel motorisé, notamment pour les autoroutes. Avant d'exécuter les projets envisagés en matière de transport, il conviendrait de discuter de leurs effets éventuels, dans le cadre d'un vaste débat de société.

3.6

Le CESE exhorte à mener la réflexion requise pour que les montants des prêts consentis à des projets soient agencés de telle manière que les épargnants et épargnantes modestes puissent y souscrire eux aussi et que le recours à cet instrument ne reste pas l'apanage des seuls investisseurs professionnels.

3.7

La mise en œuvre de l'instrument de partage des risques ne peut avoir pour but exclusif de produire un effet de levier maximal afin de mobiliser des ressources d'investissement supplémentaires auprès de filières privées: encore faut-il garantir que l'outil ainsi proposé ne vienne pas contrecarrer les décisions politiques et les consensus de société qui sont nécessaires pour atteindre des objectifs économiques, écologiques et sociaux durables (5). Il serait inacceptable, par exemple, que les projets d'investissement lancés grâce à des emprunts obligataires axés sur des projets se réalisent au prix d'une violation des normes en matière sociale ou environnementale ou concernant la qualité. La réalisation de ces chantiers doit faire droit aux normes qualitatives de construction et d'entretien des équipements concernés, à leur compatibilité avec l'environnement et au respect des conventions collectives et du principe de l'application de la législation du lieu de travail, ainsi qu'à la nécessité d'encourager les petites et moyennes entreprises, à la stimulation de l'innovation, à un calcul des coûts qui soit réalisé sur la base de l'intégralité du cycle de vie et à la prise en considération des impératifs écologiques du processus d'élaboration ou encore à la garantie de l'accessibilité pour les personnes handicapées (6), pour autant que tous ces éléments puissent être vérifiés de manière objective et reposent sur des critères non discriminatoires. Il s'impose d'éviter que des redevances excessives ne pèsent sur les utilisateurs et utilisatrices. Cette observation s'applique en particulier aux personnes qui sont contraintes d'utiliser fréquemment, voire quotidiennement, des équipements de transport, en particulier lorsqu'elles ne peuvent emprunter des infrastructures de substitution.

3.8

Dans la logique de ces impératifs, le Comité réclame que l'évaluation de la phase-pilote de l'initiative sur les emprunts obligataires destinés au financement de projets soit obligatoirement poursuivie et intensifiée sur une large base au sein de la société, dans des délais qui se placent suffisamment avant la prise de la décision politique d'instaurer l'instrument de partage des risques pour les obligations de financement durant la période de programmation budgétaire européenne 2014-2020. L'expérience acquise avec le GPTT devra également être versée au débat. Si l'on veut pouvoir tirer des conclusions en temps utile, il importe en particulier que la transparence règne pour ce qui est des projets soutenus, de l'allocation des ressources et des flux d'investissements qu'elle a engendrés et cet impératif suppose d'exercer un contrôle permanent sur les résultats obtenus et un suivi à délais rapprochés. À cette évaluation, il y aura lieu d'associer les décideurs politiques de l'échelon européen, national, régional et local, les partenaires sociaux et organisations tant de la société civile que du domaine de la science, de la protection de l'environnement et de la défense du consommateur ou encore les associations sociales, ainsi que d'assurer que le CESE et le Comité des régions y prennent part. Le législateur européen devrait prendre une décision en amont de la nouvelle période budgétaire. Le Comité juge trop tardive une évaluation qui ne s'effectuerait que dans les années 2016/2017, telle qu'elle peut être inférée implicitement des documents de la Commission européenne.

3.9

Dans le cas de financements de projets par le secteur privé et d'initiatives de PPP dont le remboursement des dettes est garanti par des versements publics, la puissance publique doit, pour leur refinancement, supporter des obligations financières qui sont équivalentes à celles qu'elle assume pour les projets de marchés publics à financement classique. Pour assurer suffisamment de transparence dans les budgets, leur épargner des prises de risque supplémentaires, tout comme pour éviter d'inciter indûment à lancer des initiatives de PPP et garantir que les autorités compétentes puissent choisir librement entre les projets de partenariat public-privé et ceux à financement classique, le CESE réclame à nouveau que les critères d'endettement pour les projets de PPP correspondent à ceux qui s'appliquent aux projets entrepris sous le régime courant des marchés publics (7).

3.10

D'une manière générale dans l'UE, bon nombre de projets d'infrastructures ressortissant aux domaines de l'énergie et des télécommunications sont, à la différence de certains concernant le transport, financés par le secteur privé et refinancés par des redevances d'utilisation, soumises à réglementation. Il en va ainsi pour l'ensemble des infrastructures de réseau. Sur ce chapitre, le Comité se demande quels sont ces projets supplémentaires que le législateur européen entend lancer dans le cadre de l'instrument de financement qui est proposé alors même que leur refinancement ne pourra manifestement pas s'effectuer totalement par le truchement des redevances d'utilisation telles que réglementées. Il estime que pour chacun des projets ainsi envisagés dans le secteur énergétique et celui des télécommunications, il y a lieu d'exposer de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles l'UE juge que dans la perspective de son développement, ils méritent d'être soutenus, même si leurs possibilités de refinancement sont déficientes. Il est indispensable que le législateur européen exerce un contrôle sur les initiatives de ce type.

4.   Observations spécifiques

4.1

L'instrument de partage des risques apparaît à première vue comme une voie possible pour résoudre les problèmes exposés par la Commission européenne, concernant l'insuffisance des ressources publiques consacrées à l'investissement et les capitaux d'investisseurs institutionnels qui cherchent à se placer. Il n'en soulève pas moins de nombreuses questions techniques qu'il convient de poser en complément aux impératifs politiques mentionnés au chapitre 3. Le Comité invite à éclaircir ces points avant la mise en œuvre de l'instrument de partage des risques qui est envisagé ou, en tout cas, au plus tard, pour son instauration, projetée lors de la nouvelle période budgétaire 2014-2020.

4.2

D'une manière générale, la position du Comité est que la BEI et le budget de l'UE ne doivent pas servir qu'à apporter une garantie contre les risques mais qu'il convient de les associer également de manière proportionnée aux bénéfices dégagés: c'est là le "partage équitable des risques". Pour y parvenir, il y a lieu d'appliquer systématiquement la politique de la BEI en matière de risques et de prix, ainsi que les autres mesures ici proposées pour limiter les risques qu'elle encourt.

4.3

Le rôle des intervenants n'apparaît pas tout à fait clairement. En particulier, on ne discerne pas bien qui va, et de quelle manière, se substituer aux assureurs obligataires (rehausseurs de crédit) dans leur fonction d'instance de contrôle des crédits. Il est en particulier difficile de discerner quel rôle la BEI devrait jouer à cet égard. La décision en la matière devrait être réservée à des accords ultérieurs avec les investisseurs et à une convention à passer entre la Commission européenne et la BEI. Le CESE invite le législateur européen à procéder, au plus tard avant la possible prorogation de l'instrument de partage des risques pour la nouvelle période budgétaire européenne 2014-2020, à une clarification concernant les modalités techniques du dispositif destiné à les gérer et l'ampleur de la fonction que la BEI doit assumer en tant qu'instance de contrôle des crédits dans le cadre de la procédure législative envisagée, de manière à offrir un cadre sûr aux investisseurs comme à l'action publique. Ledit instrument ne peut en aucun cas aboutir à mettre en péril la solvabilité et le crédit de la BEI.

4.4

Il y aurait lieu d'exploiter systématiquement les expériences tirées de projets réalisés dans le cadre du GPTT, suivant les critères mentionnés au chapitre 3, afin d'en tirer des conclusions qui permettent de configurer de manière adéquate l'instrument de partage des risques pour les emprunts obligataires et contribuer à écarter les effets indésirables (8). Dans le même ordre d'idées, il conviendrait toutefois aussi de faire toute lumière sur les divergences entre les évaluations des projets de PPP effectuées par les différents intervenants.

4.5

Si l'on considère les expériences, positives mais aussi négatives dans bien des cas, et les risques qui ont résulté des projets de PPP et financements de projets par le secteur privé, s'agissant de la durée de négociation des contrats, de la complexité des stipulations contractuelles et des relations entre les intervenants ou de l'incertitude quant aux effets sur la demande, le CESE se demande si la meilleure solution ne consisterait pas à doter les budgets publics des ressources nécessaires pour lancer les chantiers d'investissement dans le cadre des marchés publics classiques (9). À cet égard, le Comité salue les propositions de la Commission européenne visant à établir une taxe sur les transactions financières et il rappelle, sur ce point, qu'il est favorable à ce qu'une telle source de rentrées soit instaurée au bénéfice des budgets nationaux (10).

4.6

À ce propos, le Comité fait également observer que l'émission d'emprunts obligataires pour la réalisation de projets n'est pas à même de combler à elle seule les besoins d'investissements recensés par la Commission concernant le mécanisme pour l'interconnexion en Europe et il invite dès lors à mobiliser de nouvelles sources de revenus pour ces investissements publics.

Bruxelles, le 23 février 2012.

Le président du Comité économique et social européen

Staffan NILSSON


(1)  Voir également Commission européenne, Comité d'évaluation des impacts, direction générale Affaires économiques et financières – Évaluation d'impact concernant une proposition de règlement sur le projet des emprunts obligataires Europe 2020, paragraphe C 2 (version provisoire du 15 septembre 2011, référence Ares(2011)1012531 – 23 septembre 2011), qui appelle à une présentation plus transparente des risques pour la BEI.

(2)  Avis du CESE consacrés au "mécanisme pour l'interconnexion en Europe" (MIE), aux "orientations pour les réseaux transeuropéens de télécommunications" et aux "orientations de l'Union pour le développement du réseau transeuropéen de transport", Voir page 130 du présent Journal officiel.

(3)  Voir Banque européenne d'investissement, Loan Guarantee Instrument for TEN-T Projects – Mid-term Review (L'instrument de garantie de prêt pour les projets du RTE-T, examen à mi-parcours), 2011, Luxembourg, 14 juillet 2011, p. 4.

(4)  Voir également Commission européenne, Comité d'évaluation des impacts, direction générale Affaires économiques et financières – paragraphe C 2, loc. cit. (pour les références, voir la note infrapaginale 1).

(5)  C'est ainsi que dans le cadre de la consultation, la Communauté européenne du rail (CER) a exprimé son scepticisme quant à l'utilisation de l'instrument de partage des risques dans le domaine du transport ferroviaire (voir la réponse de la Communauté européenne du rail (CER) lors de la consultation des parties prenantes sur l'initiative des emprunts obligataires Europe 2020 pour les projets d'infrastructures, en date du 6 mai 2011 et consultable à l'adresse http://ec.europa.eu/economy_finance/consultation/written_responses_en.htm).

(6)  Avis du CESE sur le "Marché européen des contrats publics", JO C 318 du 29 octobre 2011, p. 113.

(7)  Avis du CESE sur les "Investissements privés et publics", JO C 51 du 17 février 2011, p. 59. Voir le rapport de la Chambre des communes, commission du trésor, initiatives à financement privé, dix-septième rapport de la session 2010-2012, Londres, 18 juillet 2011, qui relève qu'en n'imputant pas à la dette publique les projets reposant sur des initiatives de financement privé et de partenariats public-privé, on aboutit à donner des incitations erronées, qui vont à l'encontre de l'objectif du meilleur rapport qualité-prix. Le président de la commission du budget de la Chambre basse britannique, le conservateur Andrew Tyrie se prononce clairement pour qu'ils soient repris dans les règles sur l'endettement (voir http://www.parliament.uk/business/committees/committees-a-z/commons-select/treasury-committee/news/pfi-report/).

(8)  Sur ce point, voir également Banque européenne d'investissement, op. cit. (les références sont indiquées dans la note infrapaginale 3). Ce document n'examine toutefois pas bon nombre des critères mentionnés dans le chapitre 3.

(9)  Cette thèse concernant la voie à privilégier et celle qui ne doit constituer qu'un second choix ressort également de l'avis que la Communauté européenne du rail (CER) a émis dans le cadre de la consultation entreprise sur la proposition législative qui fait l'objet du présent avis (voir la réponse de la CER évoquée ci-dessus, dont les références sont mentionnées dans la notre infrapaginale 5).

(10)  Avis du CESE sur la "Taxe sur les transactions financières", JO C 44 du 11 février 2011, p. 81 et sur le "Rapport de Larosière", JO C 318 du 23 décembre 2009, p. 57.


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