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Document 52011IE1009
Opinion of the European Economic and Social Committee on ‘Towards an EU-Mercosur Association Agreement: civil society’s contribution’ (own-initiative opinion)
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un accord d'association UE-Mercosur: la contribution de la société civile organisée»
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un accord d'association UE-Mercosur: la contribution de la société civile organisée»
JO C 248 du 25.8.2011, p. 55–59
(BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)
25.8.2011 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 248/55 |
Avis du Comité économique et social européen sur le thème «Vers un accord d'association UE-Mercosur: la contribution de la société civile organisée»
2011/C 248/09
Rapporteur: M. José María ZUFIAUR
Le 16 septembre 2010, le Comité économique et social européen a décidé, conformément à l'article 29, paragraphe 2, de son règlement intérieur, d'élaborer un avis d'initiative sur le thème:
«Vers un accord d'association UE-Mercosur: la contribution de la société civile organisée».
La section spécialisée «Relations extérieures», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 25 mai 2011.
Lors de sa 472e session plénière des 15 et 16 juin 2011 (séance du 15 juin 2011), le Comité économique et social européen a adopté le présent avis par 89 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions.
1. Synthèse et recommandations
1.1 Le CESE estime que parvenir un accord d'association entre le Mercosur et l'UE – ce qui suppose de dépasser les écueils existants dans des domaines comme l'agriculture, la propriété intellectuelle et le développement durable – offrirait aux deux parties d'énormes possibilités et des avantages de toutes sortes, dans un contexte mondial caractérisé par de profonds changements quant aux acteurs dominants, par des défis de type géostratégique, environnemental, social, énergétique et de gouvernance, et où il devient nécessaire d'engager d'urgence de profondes réformes de notre modèle de développement, afin de dépasser une crise systémique sans équivalent depuis celle des années 1930.
1.2 Le CESE estime qu'un tel accord ne sera possible que s'il est équilibré, et profite aux deux parties sans sacrifier aucun secteur (l'agricole ou l'industriel, par exemple), aucune région ni aucun pays. L'accord d'association ne peut en aucun cas être conclu sur une mauvaise base. Dans cette optique, il faut que les parties négociatrices aient la volonté politique nécessaire pour rendre possible un accord d'association et mettent tout en œuvre pour dépasser les différences qui touchent en particulier le principal pilier de l'accord, celui des questions commerciales. Cela exige d'avoir recours à toutes les formules et mécanismes qui peuvent être utilisés à cette fin: reconnaissance des dissymétries, mesures d'accompagnement et de compensation, établissement d'exceptions, plans de développement pour aider les secteurs les plus touchés, promotion des investissements, politiques d'innovation, clauses compensatoires, transitoires et évolutives. Il serait de plus nécessaire que toutes les politiques de l'UE soient associées aux mesures d'accompagnement.
1.3 En tout état de cause, le CESE invite les parties négociatrices, et notamment l'Union européenne, à évaluer les coûts politiques, économiques et d'opportunité considérables qui résulteraient d'une absence d'accord.
1.4 De l'avis du CESE, il est essentiel que cet accord d'association soit ambitieux et couvre tous les aspects des relations entre l'UE et le Mercosur. À cet égard, il est important de s'attaquer aux obstacles réels auxquels sont confrontées les entreprises, par une harmonisation de la réglementation et des répercussions de celle-ci sur les barrières non commerciales. De manière spécifique, l'accord d'association devrait avoir une dimension sociale, environnementale et de l'emploi, qui sous-tende l'ensemble de l'accord. Une telle dimension devrait garantir que les relations économiques soient conformes aux objectifs sociaux et environnementaux des dispositions prises, sans contravention avec les règles et les garanties qui régissent le développement durable. L'accord devra en même temps refléter l'engagement des parties envers les normes fondamentales en matière de droits sociaux et droits du travail, y compris les déclarations internationales comme celles de l'OIT, qui établissent que la violation des principes et droits du travail ne peut être utilisée comme un avantage comparatif légitime dans le cadre du commerce international.
1.5 Le CESE demande que le Forum consultatif économique et social du Mercosur (FCES) et le CESE lui-même, en tant qu'organismes représentatifs de la société civile des deux régions, participent au cours des négociations, aux évaluations d'impact de l'accord d'association et aux propositions qui en découleront (pour le CESE, il est indispensable d'analyser ex ante l'impact d'un éventuel AA et d'établir les mécanismes nécessaires à la vérification ex post de la mise en œuvre des questions objet de l'accord et leur évolution), à l'introduction dans le texte de l'accord d'un chapitre spécifique consacré à la dimension sociale, environnementale et du travail, et qu'ils participent également à la mise en œuvre de l'accord une fois celui-ci conclu, par la création d'un comité consultatif mixte composé deux organismes représentatifs de la société civile organisée de chacune des parties (1).
2. Introduction
2.1 Les négociations que l'UE et le Mercosur menaient en vue de créer un accord d'association sont tombées au point mort en 2004, en raison d'importantes divergences entre les parties concernant l'accès aux marchés et de leurs attentes différentes quant aux résultats du cycle de Doha pour le développement. Des contacts informels noués en 2009 ont permis de constater que les positions avaient changé, et les parties ont conclu que de nouvelles possibilités étaient ouvertes pour un accord; en conséquence, au cours du Sommet UE-ALC de mai 2010, il a été décidé de reprendre les négociations. Était alors prévu un accord d'association ambitieux, dont le volet commercial concernerait non seulement le commerce de biens, mais aussi le commerce de services, les investissements, les marchés publics, la propriété intellectuelle (y compris les appellations géographiques), la facilitation des échanges, les mesures sanitaires et phytosanitaires, le commerce et le développement durable, la concurrence et les instruments de protection du commerce.
3. Avantages et possibilités offerts par l'accord d'association
3.1 La concrétisation d'un accord d'association entre l'UE et le Mercosur permettrait la création d'un grand espace d'intégration économique, avec une population de plus de 700 millions de personnes et des échanges commerciaux représentant plus de 84 milliards d'euros par an. Cela pourrait avoir des effets bénéfiques pour les deux parties ainsi que des retombées extérieures positives, particulièrement pour le reste de l'Amérique latine.
3.2 En tant qu'ensemble, l'UE est la première économie mondiale, et le bloc du Mercosur compte parmi les 6 plus importantes économies du monde. Il s'agit aussi d'un espace qui présente une grande vitalité et a enregistré ces dernières années des taux de croissance économique annuels élevés: jusqu'à 7 % pour le Brésil et 9 % pour l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay. Par ailleurs, le Mercosur commence à avoir un socle économique plus diversifié, avec une forte composante agroalimentaire, mais aussi une base industrielle qui se développe et qui est dotée de ressources énergétiques et technologiques considérables.
3.3 L'Union européenne est le principal partenaire commercial du Mercosur, avant les États-Unis. En 2010, les importations de l'UE à partir du Mercosur s'élevaient à 44 milliards d'euros, et ses exportations vers le Mercosur à 40 milliards d'euros. Il faut souligner que les exportations de l'UE vers le Mercosur sont déjà égales à celles vers l'Inde et dépassent celles vers le Canada ou la Corée du Sud. De plus, les investissements de l'UE dans le Mercosur dépassent ceux réalisés en Chine, en Russie et en Inde réunies.
3.4 Les économies des deux parties sont dans une large mesure complémentaires, ce qui apparaît clairement à travers le profil de leurs échanges commerciaux: l'UE exporte essentiellement des biens manufacturés, biens d'équipement, matériels de transports et produits chimiques, et importe des produits alimentaires et de l'énergie. Néanmoins, ces échanges connaissent une évolution rapide, dans un sens comme dans l'autre: par exemple, l'UE a vu ses exportations de produits agricoles transformés augmenter sensiblement; et, de leur côté, les entreprises brésiliennes ont plus investi en Europe en 2007-2008 que les entreprises européennes n'ont investi au Brésil. Ainsi, la réalisation d'un accord d'association est potentiellement très créatrice de richesse.
3.5 Un accord d'association avec le Mercosur permettrait à l'UE de resserrer ses liens économiques et géopolitiques avec un partenaire stratégique. En effet, en nouant cet accord birégional, l'UE prendrait le pas sur d'autres concurrents internationaux comme les États-Unis et la Chine. De plus, cet accord renforcerait l'association stratégique - laquelle ne concerne pas les échanges commerciaux - avec le Brésil, pays qui revêt une importance particulière sur le plan du cadre géopolitique des relations internationales, puisqu'il fait partie des deux principaux mécanismes de coordination des intérêts des économies émergentes: les BRIC et les IBSA (2). Tout cela permettrait d'approfondir l'intégration sud-américaine, dans un premier temps, puis latino-américaine, dans un deuxième temps, l'Amérique latine étant un continent qui possède des réserves considérables en énergie, en nourriture et en eau, trois ressources qui seront vitales au cours du XXIe siècle. En somme, cet accord d'association pourrait contribuer à atténuer la perte de pouvoir économique et géopolitique du monde atlantique face au Pacifique.
4. Obstacles et faiblesses de l'accord d'association
4.1 Les avantages indéniables que pourrait apporter un accord d'association entre l'UE et le Mercosur ne doivent pas masquer les difficultés que peut entraîner un accord de cette nature et que l'on peut ramener aux quatre suivantes: 1) la complexité de l'ordre du jour des négociations, à savoir les contenus commerciaux de l'accord; 2) les faiblesses structurelles qui gênent l'intégration du Mercosur et conditionnent le libre-échange; 3) la dimension sociale et environnementale de l'accord d'association; 4) le degré de volonté politique des parties pour parvenir à un accord et, partant, la disposition à envisager toutes les possibilités d'utilisation de mécanismes compensatoires à l'intérieur et en dehors du cadre de l'accord pour pouvoir parvenir à un tel accord. Les deux derniers points sont développés respectivement aux paragraphes 5 et 7 du présent avis.
4.1.1 Pour ce qui est des questions commerciales, les difficultés sont assez bien cernées. Du point de vue de l'Europe, elles se concentrent surtout sur le secteur agroalimentaire des pays du Mercosur, comme il ressort de récentes analyses d'impact réalisées par la Commission (3). L'on craint en particulier un fort impact négatif sur des secteurs tels que le sucre, la viande bovine, les volailles et la viande porcine, ainsi que les fruits et légumes. Il est également estimé qu'un protectionnisme excessif existe pour les biens industriels (automobile, produits chimiques), voire pour certains produits agricoles transformés (dont le vin). D'autres préoccupations concernent: le risque de non-respect des règles de protection des appellations d'origine; le niveau relativement bas des exigences des règles en matière de sécurité alimentaire et de protection de l'environnement et l'inexistence d'une pleine transparence dans les marchés publics. Suite aux derniers cycles de négociation, la position des parties est plus favorable à l'accord sur des questions telles que le commerce, le développement durable et les règles d'origine.
4.1.2 Du point de vue du Mercosur, le point essentiel est également l'agriculture. En 2004, l'offre européenne envisageait, une fois la période transitoire écoulée, la libéralisation de 86,25 % des importations totales de produits agricoles. Le seuil de négociation se situerait probablement à un niveau supérieur dans ce cas. La possibilité de fixer des quotas facilite la négociation. Les risques signalés par les secteurs de l'agriculture et de l'élevage européens pourraient quant à eux être atténués si la négociation de l'accord d'association incluait l'exigence d'une prise en considération raisonnable des mêmes normes, environnementales, de sécurité alimentaire, de bien-être animal, etc., tant pour la production européenne que pour les produits importés du Mercosur. Par ailleurs, l'AA ne devrait pas accroître la dépendance alimentaire de l'UE et il conviendrait de prévoir les instruments nécessaires pour éviter un modèle d'agriculture intensive et peu durable. En ce qui a trait aux produits industriels, secteurs dans lesquels les barrières sont moindres, une entente semble possible à l'instar de ce qui s'est produit, par exemple, dans le cadre de l'accord entre l'UE et la Corée du Sud concernant l'industrie automobile. Enfin, d'autres thèmes, tels que la propriété intellectuelle, qui sont particulièrement sensibles pour certains pays du Mercosur comme le Brésil, pourraient faire l'objet de clauses évolutives ou transitoires, en fonction de ce qui est établi dans le cadre de l'OMC. À cet égard, le CESE estime que l'on pourrait élaborer, entre autres initiatives, un programme sur la propriété industrielle qui donnerait un élan au transfert technologique et servirait à mettre en place un système de brevets valables pour l'UE et le Mercosur et susceptible d'être élargi à toute l'Amérique latine.
4.1.3 Le CESE est d'avis que malgré les difficultés, les conditions sont aujourd'hui meilleures qu'auparavant pour parvenir, globalement, à un accord équilibré, bénéfique pour les deux parties et qui ne serait pas conclu aux dépens d'un secteur, d'une région ou d'un pays (4).
4.2 Les faiblesses structurelles de Mercosur ont toujours constitué une difficulté considérable pour la conclusion de l'accord d'association. Parmi celles-ci, il y a lieu de distinguer l'insuffisance de réseaux et de structures communs sur un territoire dont la superficie est trois fois supérieure à celle de l'UE; le faible volume de commerce intrarégional (15 % au sein du Mercosur, 45 % au sein de l'ALENA, contre 66 % dans l'UE) et la prédominance du commerce extrarégional; une union douanière incomplète; une coordination insuffisante des politiques macroéconomiques et la faiblesse des institutions régionales.
4.2.1 Au cours de ces dernières années, surtout à partir de 2003, et à la faveur de l'élan donné par ce qui semblait être alors la possibilité imminente de parvenir à un accord entre l'UE et le Mercosur, le processus d'intégration régionale du Mercosur a connu un fort regain d'activité, grâce à des initiatives telles que l'inclusion de politiques communes dans des domaines comme l'énergie, l'exploitation des ressources en gaz et en pétrole ou la création d'infrastructures de communication, l'adoption d'une politique automobile commune entre l'Argentine et le Brésil ou la création du fonds pour la convergence structurelle du Mercosur (FOCEM). Ont également été approuvés un plan stratégique pour la correction des asymétries dans le marché intérieur ainsi que des mesures de traitement préférentiel et différencié en faveur du Paraguay et de l'Uruguay.
4.2.2 En 2000, les gouvernements du Mercosur ont créé le groupe de pilotage macroéconomique, chargé du suivi d'un ensemble de paramètres de convergence macroéconomique et l'élaboration de méthodologies communes pour leur utilisation.
4.2.3 Tout cela a contribué à développer le commerce intrarégional, à améliorer la qualité de la production et à capter de nouveaux flux d'investissements étrangers directs.
4.2.4 De même, ces dernières années, la dimension politique du Mercosur s'est renforcée: des tribunaux d'arbitrage et de révision ont été créés; l'on est passé d'un secrétariat administratif à un secrétariat technique; un protocole sur les droits de l'homme a été signé; un Parlement du Mercosur (PARLASUR) a été institué et le Mercosur dispose maintenant de son premier haut représentant général. Toutefois, le processus économique d'intégration manque encore de vigueur, les conflits commerciaux sont très nombreux et l'«institutionnalité» n'en est qu'à ses débuts.
4.2.5 Il faut préciser enfin que, au mois d'août 2010, le Mercosur a approuvé un nouveau code douanier commun (comportant près de 200 articles), ce qui suppose la suppression du double tarif extérieur commun (TEC) auxquels sont assujettis les produits qui circulent d'un pays à l'autre. Cela impose l'adoption d'une politique commerciale commune et l'harmonisation d'autres éléments tels que les régimes spéciaux d'importations ou les instruments de défense commerciale. Cela impliquera également l'interconnexion des systèmes informatiques de gestion douanière et la création d'un mécanisme de perception et de distribution des revenus du TEC. De tels progrès en matière d'union douanière constituent un facteur très important pour faciliter les négociations entre l'UE et le Mercosur.
4.2.6 La conclusion d'un accord d'association peut accélérer tout ce processus d'intégration économique plus poussée du Mercosur, de réglementation de son marché intérieur et de renforcement de l'«institutionnalité» de ce bloc.
5. Impact de l'accord d'associations et mesures compensatoires
5.1 La Commission européenne a demandé la réalisation d'une étude sur l'impact de la libéralisation du commerce entre l'UE et le Mercosur, portant sur l'ensemble de l'accord d'association et trois secteurs spécifiques: agricole, automobile et forestier. L'étude analyse aussi bien les éventuels effets positifs que les répercussions négatives de l'accord, propose des mesures et formule des recommandations pour favoriser les premiers et prévenir ou réduire le plus possible les seconds, tant dans le cadre général de l'accord qu'en ce qui concerne plus particulièrement les secteurs analysés.
5.2 Le CESE recommande que les parties à la négociation prennent en considération de telles mesures d'accompagnement aussi bien pour les contenus commerciaux de l'accord que pour ce qui est du volet coopération et programmes communs entre l'UE et le Mercosur. De même, il estime que les mesures peuvent consister notamment en des éléments que le FCES du Mercosur et le CESE peuvent inscrire à l'ordre du jour des négociations de l'accord d'association.
5.3 Le CESE considère qu'afin de faciliter la conclusion de l'accord d'association, l'on pourrait y inclure des clauses évolutives qui rendraient possible l'approfondissement et l'élargissement de certains volets de l'accord entre les deux régions à des étapes ultérieures.
5.4 De l'avis du CESE, il conviendrait d'accorder une plus grande importance dans les études d'impact, d'une part à la participation d'experts et d'organisations du pays partie à l'accord et, d'autre part, à la détection de risques sociaux et environnementaux. Ces risques sont actuellement envisagés comme un simple critère complémentaire à l'analyse économique (5), y compris la question de la concentration de la richesse et de sa répartition inégale, qui peuvent résulter de l'accord.
6. La question du développement durable dans l'accord d'association
6.1 De l'avis du CESE, la dimension sociale, professionnelle et environnementale doit être présente d'une manière transversale et faire partie intégrante du futur accord qui vise à soutenir le développement durable des deux parties. Cette dimension viendrait compléter le volet économique et commercial de l'accord d'association.
6.1.1 Le CESE suit de la sorte la position officielle des instances dirigeantes de l'UE et du Mercosur (6) qui soutiennent le principe selon lequel la libéralisation des échanges commerciaux doit être accompagnée d'engagements et d'actions dans les domaines social et environnemental.
6.1.2 Dans ce même ordre d'idées, le CESE est d'avis qu'il conviendrait que l'accord d'association établisse les prémisses sociales et environnementales nécessaires à l'instauration d'une relation commerciale et économique susceptible de favoriser la cohésion économique et sociale et cohérente avec une stratégie de développement durable et de renforcer la compétitivité du tissu productif local (PME, économie sociale et micro-entreprises) en raison de sa capacité à créer des emplois.
6.1.3 Le CESE estime que la dimension sociale et environnementale a une incidence sur l'ensemble de l'accord d'association. Concernant la composante commerciale de l'accord, le Comité considère qu'il serait opportun d'inclure des aspects liés à la défense des droits de l'homme, des droits des travailleurs, des droits sociaux et environnementaux et de consacrer un chapitre spécifique aux aspects liés au «commerce et développement durable», qui aborde notamment les questions suivantes:
— |
exclure des flux commerciaux tous les produits obtenus illégalement (poisson, bois); |
— |
prévoir des initiatives de commerce équitable ou de responsabilité sociale des entreprises dans les programmes de commerce et d'investissement; |
— |
s'engager à superviser périodiquement l'impact des relations commerciales sur les aspects sociaux et environnementaux; |
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ne pas permettre l'exemption des lois de protection sociale ou environnementale dans le but d'éviter des avantages comparatifs injustifiés dans le commerce international; |
— |
prévenir la déforestation. |
7. Les composantes stratégiques de l'accord d'association UE-Mercosur
7.1 Une volonté politique résolue est indispensable, tout d'abord pour concevoir et encourager l'établissement d'un accord d'association stratégique plus global, ne se limitant pas au libre-échange et offrant aux deux parties des avantages à long terme en matière de développement, de sécurité, de processus migratoires et de défis environnementaux. Cette volonté politique est également nécessaire pour garantir l'utilisation de tous les mécanismes permettant de tenir compte des asymétries entre les deux régions, réduire l'impact négatif de la libéralisation sur certains secteurs, combler le décalage qui existe encore dans le processus d'intégration au Mercosur et instaurer la participation sociale et la transparence en tant qu'éléments clés de la négociation birégionale.
7.2 L'accord d'association offre une formidable opportunité de progrès vers la réalisation d'objectifs stratégiques globaux intéressants pour les deux régions.
7.3 En premier lieu, ce serait un moyen d'avoir une présence politique et économique internationale dans un contexte où le centre de gravité du pouvoir économique et politique se déplace de l'Atlantique vers le Pacifique. Le Mercosur n'a d'accords ni avec les États-Unis ni avec les grandes puissances asiatiques, bien qu'il ait signé des accords de libre-échange avec le Chili et avec des membres de la Communauté andine. Par ailleurs, l'adhésion du Venezuela au bloc est en cours. En dehors de la région sud-américaine, le Mercosur a aussi signé des accords, dont certains accords de libre-échange, avec l'Afrique du Sud, l'Inde, le Pakistan, la Turquie, l'Égypte, le Maroc et Israël. Pour sa part, l'UE a signé des accords bilatéraux avec le Mexique, le Chili, l'Amérique centrale, le Pérou, la Colombie, l'Afrique du Sud, les Caraïbes et la Corée du Sud. En somme, l'accord d'association entre l'UE et le Mercosur ferait émerger sur la scène internationale un bloc birégional doté d'un important poids spécifique.
7.3.1 L'accord d'association serait également très utile pour renforcer l'intégration dans toute la région latino-américaine. Il aurait une capacité d'attraction considérable pour d'autres groupes sous-régionaux d'Amérique latine et des Caraïbes, ainsi que pour des pays tels que le Mexique ou le Chili. Une «alliance stratégique» entre les deux régions – entre les 27 États membres de l'UE et les 33 pays d'Amérique latine et des Caraïbes – aurait un poids important dans les organismes multilatéraux. Par ailleurs, cela renforcerait la capacité d'influence au sein du G-20 dont sont membres trois pays latino-américains (le Brésil, le Mexique et l'Argentine) et cinq pays européens (l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne) en plus de l'UE.
7.3.2 Enfin, l'accord d'association avec le Mercosur pourrait également être un allié stratégique pour réaliser l'objectif européen de promotion d'un environnement protégé à l'échelle mondiale. L'environnement est aujourd'hui l'un des domaines qui préoccupe le plus les États, les citoyens et le système multilatéral et, à cet égard, l'UE se situe à l'avant-garde des politiques et des technologies vertes. Les ressources naturelles sont l'un des principaux atouts de l'Amérique latine en général et du Mercosur en particulier. Or cette région est précisément l'une des plus exposées aux effets du changement climatique, entre autres, en raison de certaines pratiques d'agriculture intensive.
7.3.3 Afin que l'objectif précité puisse recevoir un soutien suffisant, il serait nécessaire de renforcer le contenu du volet énergie, environnement, sciences et technologie de l'innovation. Ces questions devraient être prioritaires dans la composante relative à la coopération au développement. De nombreux projets ont à ce jour été menés avec les membres du Mercosur au titre du sixième programme cadre de recherche et développement technologique de l'UE. Il conviendrait, en l'occurrence, que cette collaboration fasse partie intégrante de l'accord d'association. La forte dotation du 7e programme cadre, de 50 milliards d'euros, pourrait largement y contribuer.
8. La société civile et l'accord d'association
8.1 Le CESE considère que le caractère interrégional de la négociation et du contenu de l'accord d'association constitue un élément fondamental et distinctif de ces négociations, ainsi qu'une référence pour les relations économiques dans un monde de plus en plus ouvert aux échanges commerciaux.
8.2 Le CESE réaffirme les principes de transparence et de participation, aussi bien dans le processus de négociation que dans le développement de l'accord d'association. Dans ce sens, le CESE demande de pouvoir disposer d'informations suffisantes durant le processus de négociation et d'accéder aux négociateurs en temps réel pour leur transmettre les propositions du FCES et du CESE.
8.3 Par ailleurs, le CESE demande à être associé à l'élaboration d'études d'impact, de telle sorte qu'il puisse émettre des recommandations sur les mesures destinées à éliminer ou à réduire les incidences négatives du processus de libéralisation commerciale, et demande la création, une fois l'accord signé, d'un observatoire technique chargé de l'analyse permanente des impacts économiques, sociaux et environnementaux de l'accord d'association et de la proposition de mesures concrètes.
8.4 Dans le droit fil des positions conjointes du CESE et du FCES, ainsi que des accords préalables conclus durant les négociations antérieures à 2004, nous appelons à la constitution d'un comité consultatif mixte de la société civile dans le cadre de l'accord d'association. Composé, à titre paritaire, de membres du CESE et du FCES, ce comité aurait des fonctions consultatives obligatoires sur toutes les matières de l'accord d'association, y compris le chapitre commercial et le suivi des questions liées au développement durable.
8.5 Le CESE considère essentiel d'inclure une dimension sociale dans un accord d'association qui vise à aller au-delà des aspects commerciaux et poursuit l'objectif global de renforcer la cohésion sociale. Ceci concerne, en particulier, l'impact de l'accord sur l'emploi, la protection des intérêts des populations locales et des plus défavorisés, la promotion et le respect des droits de l'homme, la protection de l'environnement, les droits des immigrés et des travailleurs en général. Il y aurait lieu d'inclure, à cet égard, les déclarations internationales telles que celles de l'OIT qui précisent que la violation des principes et des droits fondamentaux au travail ne saurait être invoquée ni utilisée comme avantage comparatif légitime dans le commerce international, de manière à ce que le futur accord génère un emploi de qualité, améliore les conditions sociales et contribue de manière significative à une répartition plus équitable des richesses.
Bruxelles, le 15 juin 2011.
Le président du Comité économique et social européen
Staffan NILSSON
(1) Voir sur ce point la déclaration d'Asunción sur les négociations en vue d'un accord d'association UE-Mercosur, signée par le FCES et le CESE le 22 mars 2011, http://www.eesc.europa.eu/resources/docs/2011_decl_en.pdf (en anglais ou en espagnol).
(2) BRIC: Brésil, Russie, Inde et Chine. IBSA: Inde, Brésil, Afrique du Sud.
(3) Direction générale de l'agriculture et centre commun de recherche de la Commission européenne, avril 2011.
(4) Comme l'ont estimé les chefs d'État et de gouvernement réunis au sommet UE-Mercosur en mai 2010.
(5) «Évaluation de l'impact sur la durabilité (EID) et politique commerciale de l'UE». E. Pichenot (JO C 218 du 23.07.2011, p.14).
(6) Déclaration de Buenos Aires des ministres et autorités du développement social du Mercosur, juillet 2006. Conseils européens de février 2005 et 2006.