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Document 52008IP0238

    Le Soudan et la Cour pénale internationale Résolution du Parlement européen du 22 mai 2008 sur le Soudan et la Cour pénale internationale

    JO C 279E du 19.11.2009, p. 109–113 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

    19.11.2009   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    CE 279/109


    Le Soudan et la Cour pénale internationale

    P6_TA(2008)0238

    Résolution du Parlement européen du 22 mai 2008 sur le Soudan et la Cour pénale internationale

    (2009/C 279 E/23)

    Le Parlement européen,

    vu ses précédentes résolutions sur le Soudan,

    vu le statut de Rome sur la Cour pénale internationale (CPI) et son entrée en vigueur le 1er juillet 2002,

    vu l'adoption de la résolution 1593(2005) par le Conseil de sécurité des Nations unies le 31 mars 2005,

    vu les conclusions du Conseil sur le Soudan/Tchad du 11 décembre 2007 et du 30 janvier 2008,

    vu la déclaration de la présidence au nom de l'Union européenne sur l'anniversaire de la saisine de la CPI à propos de la situation au Darfour/Soudan, adoptée le 31 mars 2008,

    vu l'attribution en 2007 du prix Sakharov à un juriste soudanais, défenseur des Droits de l'homme dans la région du Darfour au Soudan, M. Salih Mahmoud Osman, pour son œuvre qui s'efforce de rendre justice aux victimes de la guerre civile au Darfour,

    vu la campagne «Justice pour le Darfour» lancée par un large groupe d'organisations non-gouvernementales dans le but de faire pression sur le Soudan pour qu'il coopère avec la CPI et se conforme aux mandats d'arrêt délivrés par celle-ci,

    vu l'article 115, paragraphe 5, de son règlement,

    A.

    considérant que la situation sécuritaire au Darfour demeure extrêmement instable et que des accrochages significatifs ont lieu entre les mouvements rebelles et les forces gouvernementales, ce qui affecte les opérations humanitaires,

    B.

    profondément ému par les souffrances de centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, battus, mis à mort, violés, déplacés ou autrement victimes du conflit au Darfour et constatant que la situation n'a cessé d'empirer depuis 2003 et que les attaques aériennes contre les civils se poursuivent sans discrimination,

    C.

    considérant que la doctrine des Nations unies relative au devoir de protection prévoit que, lorsque les autorités nationales échouent manifestement à protéger leurs populations, les autres pays ont la responsabilité de fournir la protection nécessaire,

    D.

    considérant que le Conseil de sécurité des Nations unies a saisi de la situation au Darfour, en mars 2005, la CPI, à la suite de quoi des investigations ont été effectuées,

    E.

    considérant que le Soudan est signataire du statut de Rome, qui a créé la CPI en 2002, mais qu'il n'a pas ratifié ce statut,

    F.

    considérant que le gouvernement du Soudan, en tant que ce pays est membre des Nations unies, est tenu de coopérer avec la CPI, conformément à la résolution 1593(2005) que le Conseil de sécurité a adoptée sur la base du chapitre VII de la charte des Nations unies,

    G.

    profondément choqué par le fait que le gouvernement du Soudan, depuis la délivrance de mandats d'arrêt, refuse constamment de coopérer avec la CPI et multiplie plutôt les actes de défiance à l'encontre de la CPI et de la communauté internationale,

    H.

    considérant que, en avril 2007, la CPI a délivré deux mandats d'arrêt à l'encontre d'Ahmed Haroun, ancien ministre de l'Intérieur du Soudan, et d'Ali Mohammed Ali Abd-Al-Rahman, également connu sous le nom de «Ali Kosheib», ancien dirigeant des milices janjawid, pour 51 chefs d'accusation de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité,

    I.

    observant qu'Ahmed Haroun est désormais ministre des Affaires humanitaires, responsable à ce titre du bien-être même des victimes des crimes dont il est accusé, ainsi que des relations avec la force internationale de maintien de la paix — opération hybride des Nations unies et de l'Union africaine au Darfour (MINUAD); considérant qu'il a aussi été promu au poste de président d'une commission gouvernementale chargée d'entendre les plaintes en matière des Droits de l'homme; considérant également qu'Ali Kosheib — qui, sur la base d'autres charges, était détenu au Soudan à l'époque où les mandats ont été délivrés — a été remis en liberté en octobre 2007, quoiqu'il soit poursuivi par la CPI,

    J.

    considérant que, en juin 2007 et à nouveau en décembre 2007, le bureau du procureur a fait état devant le Conseil de sécurité des Nations unies des manquements du gouvernement soudanais et de son refus de coopérer avec la CPI et qu'il a constaté qu'aucune mesure n'avait été prise pour arrêter et déférer devant la CPI Ahmed Haroun et Ali Kosheib,

    K.

    prenant acte que, le 5 juin 2008, pour la septième fois, le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, fera rapport au Conseil de sécurité des Nations unies quant au progrès de ses investigations au Darfour et de la coopération qu'il aura reçue des autorités soudanaises,

    L.

    déterminé à soutenir la CPI dans cette phase cruciale de son action et pleinement convaincu que le fait de mettre fin à l'impunité des planificateurs et des exécutants des crimes horribles commis au Darfour est un élément essentiel de la solution au conflit dans cette région,

    M.

    considérant que, les 10 et 11 mai 2008, des rebelles du Mouvement pour la justice et l'égalité ont lancé des attaques contre Omdurman, près de Khartoum, faisant au moins 200 victimes,

    N.

    considérant que, le 20 mai 2008, après une première vague d'accrochages la semaine précédente, de graves combats se sont déroulés à Abyei, une ville contrôlant des ressources pétrolières revendiquées à la fois par le Nord et par le Sud, ont opposé l'armée soudanaise et l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS) et ont causé le déplacement à l'intérieur du pays de 30 000 à 50 000 personnes, selon les Nations unies, ainsi qu'un nombre encore indéterminé de victimes,

    O.

    considérant que le 4 mai 2008, les avions de l'armée soudanaise ont bombardé des cibles civiles dans le nord du Darfour, faisant 12 morts parmi les civils,

    P.

    considérant que le conflit au Soudan a produit à ce jour environ 300 000 victimes (selon les récentes estimations des Nations unies), que 2,5 millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur du pays ou sont réfugiées en raison de ce conflit et que l'insécurité dans la région du Darfour s'accroît,

    Q.

    considérant que la MINUAD ne dispose sur le terrain, pour le moment, que de 7 500 soldats environ et de moins de 2 000 policiers, loin de l'effectif autorisé de 26 000 hommes;

    1.

    condamne fermement les manquements persistants du Soudan à coopérer avec la CPI, à arrêter Ahmed Haroun et Ali Kosheib et à les remettre à la CPI, ainsi qu'à se conformer à ses obligations en droit international humanitaire, démontrant ainsi un mépris flagrant des centaines de milliers de victimes et de leurs familles et des millions de personnes qui ont été forcés de quitter leur foyer depuis le début du conflit;

    2.

    demande instamment au gouvernement soudanais de ratifier le statut de la CPI, de se conformer à la résolution 1593(2005) du Conseil de sécurité des Nations unies, de coopérer sans condition avec la CPI et de mener une instruction et des poursuites méthodiques et efficaces en ce qui concerne les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis dans la région du Darfour;

    3.

    demande instamment aux autorités de Khartoum d'arrêter les deux suspects et de les déférer à la CPI sans plus tarder, ainsi que de rompre immédiatement le cycle de l'impunité au Darfour et de coopérer avec les futures enquêtes de la CPI dans cette région;

    4.

    invite le Conseil «Affaires générales et relations extérieures» des 16 et 17 juin 2008 et le Conseil européen des 19 et 20 juin 2008 à examiner le rapport du procureur de la CPI, à passer à l'action et à adopter des mesures de rétorsion au niveau de l'Union européenne contre un groupe clairement identifié de dirigeants soudanais qui portent la responsabilité de la non-coopération du Soudan avec la CPI, notamment:

    le gel et la saisie des avoirs des personnes identifiées comme entravant la coopération avec la CPI, ainsi que l'identification et le ciblage des actifs à l'étranger des entreprises liées au Parti du Congrès national (parti de la majorité gouvernementale), qui sont la voie principale de financement des milices au Darfour,

    des mesures interdisant l'accès aux banques de l'Union européenne pour toute transaction financière ou tout paiement effectués par ces personnes, ou pour leur compte,

    des mesures faisant obstacle aux affaires et autres relations économiques ou commerciales entre ces personnes, ou toute personne morale ou société qu'elles contrôlent, et les entreprises européennes, en ciblant tout particulièrement les revenus tirés du secteur pétrolier;

    5.

    prie instamment les États membres et les pays candidats ayant un siège au Conseil de sécurité des Nations unies, à savoir la Belgique, la France, l'Italie, le Royaume-Uni et la Croatie, à prendre, au cours de la réunion avec le procureur du 5 juin 2008, une position de principe conforme à la position commune de l'Union européenne au sujet de la CPI, et de répondre adéquatement aux constatations du procureur en appelant le Soudan à se conformer immédiatement à la résolution 1593(2005) du Conseil de sécurité des Nations unies et aux injonctions de la CPI;

    6.

    demande à tous les autres pays représentés au Conseil de sécurité des Nations unies de soutenir toute demande de coopération présentée par le procureur de la CPI au nom de la celle-ci et invite, en particulier, la Chine, la Russie, l'Afrique du Sud et la Libye à donner suite à leurs propres mots repris dans la résolution 1593(2005) du Conseil de sécurité et à ne pas entraver l'action du Conseil de sécurité le 5 juin 2008;

    7.

    prie instamment les États membres et le Conseil de sécurité des Nations unies de faire pression pour que l'impunité soit spécifiquement mentionnée et les mandats d'arrêt de la CPI inclus dans l'ordre du jour officiel de la prochaine visite à Khartoum, fin mai 2008, du Conseil de sécurité des Nations unies;

    8.

    invite la Commission et les États membres à veiller à ce que leur aide substantielle au développement du Soudan ne soit pas délivrée par l'intermédiaire du ministre des Affaires humanitaires, Ahmed Haroun, et exhorte les donateurs à faire officiellement pression sur le gouvernement du Soudan pour qu'il révoque de son poste Ahmed Haroun;

    9.

    invite l'Union européenne à exercer des pressions sur la Chine pour qu'elle se joigne aux efforts internationaux pour mettre fin au conflit et qu'elle use de son influence considérable sur le gouvernement du Soudan, en raison de son rôle de principale source de revenus pour le gouvernement, grâce aux ventes de pétrole; invite instamment la Chine à cesser les livraisons d'armes au Soudan;

    10.

    invite l'Union africaine et la Ligue arabe à s'engager activement au Darfour en poussant le gouvernement soudanais à coopérer avec le bureau du procureur de la CPI, au long de ses enquêtes présentes et futures, et demande à la présidence en exercice de l'Union européenne d'inscrire la coopération du Soudan avec la CPI à l'ordre du jour des dialogues politiques et des réunions au sommet avec des partenaires essentiels, tels que la Chine, les États-Unis, l'Union africaine et la Ligue arabe;

    11.

    invite le Conseil et la Commission à le tenir régulièrement informé de leurs efforts, présents et futurs, pour forcer le gouvernement du Soudan à coopérer avec la CPI et s'engage à suivre la question et à utiliser toutes les possibilités de l'évoquer auprès des autorités soudanaises et d'autres partenaires;

    12.

    condamne les attaques des rebelles du Mouvement pour la justice et l'égalité contre Omdurman, les 10 et 11 mai 2008, ainsi que les bombardements aériens du 4 mai dans le nord du Darfour, qui ont tué 12 personnes, en ont blessé 30 autres et ont détruit une école, une installation pour la fourniture d'eau et un marché;

    13.

    se déclare gravement préoccupé par le renouvellement des combats entre l'armée soudanaise et l'APLS à Abyei, ce qui accroît les besoins humanitaires, entrave les opérations humanitaires et risque de compromettre l'accord de paix de 2005;

    14.

    condamne toute violation par quelque partie que ce soit des accords de paix et de cessez-le-feu ainsi que, en particulier, toute violence dirigée contre la population civile et la prise de l'aide humanitaire pour cible;

    15.

    invite les autorités soudanaises, notamment le gouvernement d'unité nationale, à apporter leur plein appui à la mise en place effective de la MINUAD et à soutenir tous les efforts en vue d'établir la stabilité et créer un environnement sûr;

    16.

    insiste une fois de plus sur le fait qu'il ne saurait y avoir de paix durable sans que justice soit faite pour les crimes graves; invite les observateurs de l'Union européenne aux pourparlers de paix à souligner l'importance de mettre fin à l'impunité afin d'établir un respect durable de l'état de droit et des Droits de l'homme au Soudan;

    17.

    demande au gouvernement du Soudan et à tous les groupes armés de respecter les Droits de l'homme et le droit international humanitaire en s'abstenant de toute attaque aveugle contre des civils, y compris des violences sexuelles contre les femmes;

    18.

    demande à toutes les parties impliquées dans le conflit de s'abstenir de recruter et d'utiliser des enfants soldats, de moins de 18 ans, et invite les autorités soudanaises à protéger les enfants déplacés, en particulier les mineurs non accompagnés, comme le prévoient les conventions applicables;

    19.

    demande également à toutes les tierces parties de cesser d'exporter des armes à destination de toutes les parties au conflit dans la région et de faire respecter les Droits de l'homme et la paix et la sécurité internationales dans leurs relations avec le Soudan;

    20.

    est préoccupé par les informations faisant état d'arrestations massives à Khartoum, à la suite de l'attaque des rebelles; rappelle au gouvernement du Soudan ses obligations au titre de la charte africaine des Droits de l'homme et des peuples, selon laquelle, notamment, nul ne peut être arbitrairement arrêté ou détenu et tout individu a droit à être défendu et à être jugé dans un délai raisonnable;

    21.

    prie instamment le représentant spécial de l'Union européenne pour le Soudan, Pekka Haavisto, conformément à son mandat et à la position commune de l'Union européenne au sujet de la CPI, de jouer un rôle actif et d'utiliser toutes les possibilités d'aborder avec ses interlocuteurs soudanais et autres partenaires la nécessité de procéder immédiatement à l'arrestation et au défèrement d'Ahmed Haroun et d'Ali Kosheib et de coopérer avec la CPI et invite le représentant spécial à faire régulièrement rapport aux autres institutions de l'Union européenne sur l'évolution de la situation à cet égard;

    22.

    se déclare profondément préoccupé par la grave insuffisance des ressources de la MINUAD et demande aux pays membres de l'Union africaine et à la communauté internationale d'accroître leurs contributions afin de permettre le déploiement urgent de nouvelles troupes et de matériel au Darfour;

    23.

    prie instamment le gouvernement soudanais de respecter son engagement en faveur d'un moratoire sur les restrictions et les obstacles à l'égard de tous les travailleurs humanitaires; souligne que l'escalade de la violence au cours du mois dernier a également influé sur les opérations humanitaires, puisque le banditisme et les détournements ont entraîné la perte de certaines aides, en obligeant récemment les organismes d'aide alimentaire à réduire de moitié les rations de plus de trois millions de personnes dans le besoin au Darfour;

    24.

    invite l'Union européenne et les autres acteurs internationaux à appliquer les mesures appropriées visant tous les auteurs de violence qui transgressent le cessez-le-feu ou attaquent des civils, des soldats de la paix ou des opérations humanitaires et à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à l'impunité;

    25.

    charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au représentant spécial de l'Union européenne pour le Soudan, aux gouvernements du Soudan, des États membres et des pays membres du Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi qu'aux institutions de l'Union africaine et de la Ligue arabe et au procureur de la Cour pénale internationale.


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