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Document 52008DC0832

    Communication de la Commission - Orientations sur les priorités retenues par la Commission dans l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’exclusion abusives des entreprises dominantes

    /* COM/2008/0832 final */

    52008DC0832

    Communication de la Commission - Orientations sur les priorités retenues par la Commission dans l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’exclusion abusives des entreprises dominantes /* COM/2008/0832 final */


    [pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

    Bruxelles, le 5.12.2008

    COM(2008) 832 final

    COMMUNICATION DE LA COMMISSION

    Orientations sur les priorités retenues par la Commission dans l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’exclusion abusives des entreprises dominantes

    COMMUNICATION DE LA COMMISSION

    Orientations sur les priorités retenues par la Commission dans l’application de l’article 82 du traité CE aux pratiques d’exclusion abusives des entreprises dominantes

    (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

    TABLE DES MATIÈRES

    I. Introduction 4

    II Objet du présent document 3

    III Approche générale à l’égard des pratiques d’éviction 5

    A. Pouvoir de marché 5

    a) Position sur le marché de l’entreprise dominante et de ses concurrents 7

    b) Expansion ou entrée 7

    c) Puissance d’achat compensatrice 8

    B. Éviction préjudiciable pour les consommateurs («éviction anticoncurrentielle») 8

    C. Pratiques d’exclusion fondées sur les prix 11

    D. Nécessité objective et gains d’efficacité 12

    IV Diverses formes d’abus 14

    A. Accords exclusifs 14

    a) Achat exclusif 14

    b) Rabais conditionnels 15

    c) Gains d'efficacité 17

    B. Ventes liées et groupées 17

    a) Produits distincts 18

    b) Effets d'éviction anticoncurrentiels sur le marché lié et/ou le marché liant 18

    c) Rabais multiproduits 19

    d) Gains d'efficacité 20

    C. Prédation 20

    a) Sacrifice 20

    b) Éviction anticoncurrentielle 22

    c) Gains d'efficacité 23

    D. Refus de et compression des marges 23

    a) Nécessité objective de l'intrant 25

    b) Élimination d'une concurrence effective 26

    c) Préjudice subi par les consommateurs 26

    d) Gains d'efficacité 27

    I. Introduction

    1. L’article 82 du traité instituant la Communauté européenne («l’article 82») interdit l’exploitation abusive d’une position dominante. Conformément à la jurisprudence, il n’est pas illégal en soi pour une entreprise d'occuper une position dominante et cette entreprise dominante peut participer au jeu de la concurrence par la qualité de ses produits et services. Il lui incombe toutefois une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun. L’article 82 constitue la base juridique d’une composante cruciale de la politique de concurrence et son application effective permet un meilleur fonctionnement des marchés, au bénéfice des entreprises et des consommateurs. Il revêt une importance particulière dans le contexte de l’objectif plus vaste d’un marché intérieur intégré.

    II Objet du présent document

    2. Le présent document définit les priorités en matière d’exécution qui guideront l’action de la Commission lorsqu’elle appliquera l’article 82 aux pratiques d’exclusion auxquelles se livrent les entreprises dominantes. Parallèlement aux décisions d’application proprement dites de la Commission, celle-ci entend rendre plus clair et plus prévisible le cadre général d’analyse qu’elle utilise pour déterminer s’il y a lieu d’intervenir à l’égard de diverses pratiques d’éviction; elle souhaite aussi aider les entreprises à mieux apprécier si un comportement donné risque de donner lieu à une intervention de sa part en vertu de l’article 82.

    3. Le présent document, qui ne vise pas à établir le droit applicable, est sans préjudice de l’interprétation de l’article 82 par la Cour de justice européenne ou le Tribunal de première instance. De surcroît, le cadre général défini dans le présent document est applicable sans préjudice de la possibilité pour la Commission de rejeter une plainte lorsqu’elle considère qu’une affaire n’est pas prioritaire pour d’autres motifs, tels que l’absence d’intérêt communautaire.

    4. L’article 82 est applicable aux entreprises occupant une position dominante sur un ou plusieurs marchés. Cette position peut être détenue par une seule entreprise (position dominante individuelle) ou par deux ou plusieurs entreprises (position dominante collective). Le présent document ne vise que les abus commis par les entreprises occupant une position dominante individuelle.

    5. En appliquant l’article 82 aux pratiques d’exclusion des entreprises en position dominante, la Commission visera en particulier celles qui sont les plus préjudiciables aux consommateurs. Ces derniers tirent profit de la concurrence par des prix moins élevés, une qualité meilleure et un choix plus vaste de biens et services nouveaux ou améliorés. La Commission va donc orienter son action en veillant à ce que les marchés fonctionnent convenablement et à ce que les consommateurs profitent de l’efficacité et de la productivité résultant d’une concurrence effective entre les entreprises.

    6. En faisant respecter les règles de concurrence à l’égard des pratiques d’éviction, la Commission cherchera surtout à préserver le jeu de la concurrence dans le marché intérieur et à faire en sorte que les entreprises détenant une position dominante n’excluent pas leurs rivaux par d’autres moyens qu’une concurrence jouant sur la qualité des produits ou des services qu’elles fournissent. Ce faisant, la Commission n'ignore pas que l’important est de protéger l’exercice d’une concurrence effective et non de protéger simplement les concurrents. Or, cette politique peut avoir pour effet de faire disparaître du marché les concurrents moins intéressants pour les consommateurs du point de vue des prix, du choix, de la qualité et de l’innovation.

    7. Des pratiques consistant à exploiter directement les consommateurs, notamment en leur appliquant des prix excessifs, ou qui sont de nature à compromettre la réalisation d’un marché intérieur intégré sont, elles aussi, susceptibles d’enfreindre l’article 82. La Commission peut décider d’intervenir à l’égard de ces pratiques, plus particulièrement lorsqu’il n’est pas possible autrement de protéger convenablement les consommateurs et le bon fonctionnement du marché intérieur. En donnant des orientations sur ses priorités en matière d’application, la Commission se borne à ce stade aux pratiques d’exclusion et plus particulièrement à celles qui, selon son expérience, paraissent les plus courantes.

    8. En appliquant les principes généraux exposés dans le présent document, la Commission prendra en considération les faits et les circonstances de l’espèce. Ainsi, dans les affaires relatives à des marchés réglementés, elle tiendra compte de l’environnement réglementaire dans son appréciation.[1] Elle adaptera par conséquent dans certains cas l’approche décrite ci-après, dans la mesure où cela lui paraît raisonnable et approprié.

    III Approche générale à l’égard des pratiques d’éviction

    A. Pouvoir de marché

    9. Déterminer si une entreprise occupe une position dominante et évaluer le degré de pouvoir de marché qu'elle détient constituent la première étape de l’application de l’article 82. Conformément à la jurisprudence, détenir une position dominante confère une responsabilité particulière à l’entreprise qui en jouit, dont l’ampleur doit être vue à la lumière des circonstances particulières de l’espèce.[2]

    10. Selon la définition qu’en donne le droit communautaire, la position dominante est une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs.[3] Cette notion d’indépendance est liée au degré de pression concurrentielle exercée sur l’entreprise en question. L'existence d'une position dominante implique que ces contraintes concurrentielles ne sont pas suffisamment efficaces et, partant, que l’entreprise en cause détient un pouvoir de marché substantiel durable. Les décisions de l’entreprise sont donc très largement insensibles aux actions et réactions des concurrents, des clients et, finalement, des consommateurs. La Commission peut être amenée à considérer que les contraintes concurrentielles effectives sont absentes, même s’il subsiste un certain degré de concurrence actuelle ou potentielle.[4] En règle générale, une position dominante résulte d'une combinaison de plusieurs facteurs qui, pris séparément, ne sont pas nécessairement déterminants.[5]

    11. La Commission considère qu’une entreprise capable d’augmenter les prix rentablement au-delà du niveau concurrentiel pendant une longue période ne subit pas de pressions concurrentielles effectives suffisantes et peut donc, d’une manière générale, être considérée comme dominante.[6] Dans le présent document, l’expression «augmenter les prix» comprend le pouvoir de maintenir les prix au-dessus du niveau concurrentiel; elle décrit en abrégé les différentes manières dont les paramètres de la concurrence, tels que les prix, la production, l’innovation, la variété ou la qualité des biens ou des services, peuvent être influencés au profit de l’entreprise dominante et au détriment des consommateurs.[7]

    12. L’appréciation de la position dominante tiendra compte de la structure concurrentielle du marché, et notamment des facteurs suivants:

    13. les contraintes constituées par les fournitures existantes des concurrents actuels et la position de ces derniers sur le marché (la position sur le marché de l’entreprise dominante et de ses concurrents);

    14. les contraintes constituées par la menace crédible d’une future expansion des concurrents actuels ou d’une entrée de concurrents potentiels (expansion et entrée);

    15. les contraintes résultant de la puissance de négociation des clients de l’entreprise (puissance d’achat compensatrice).

    a) Position sur le marché de l’entreprise dominante et de ses concurrents

    16. Les parts de marché apportent à la Commission une première indication utile sur la structure du marché et l’importance relative des entreprises qui y sont actives.[8] Elle interprétera cependant les parts de marché à la lumière des conditions régnant sur le marché en cause, et notamment de la dynamique du marché et du degré de différenciation des produits. La tendance ou l’évolution des parts de marché dans le temps peuvent également être prises en considération sur les marchés volatils ou fonctionnant par appels d’offres.

    17. La Commission considère que des parts de marché modestes sont généralement un bon indicateur de l’absence d’un fort pouvoir de marché. Elle sait d’expérience que si la part de marché de l’entreprise représente moins de 40 % du marché en cause, il est peu probable qu’elle s’y trouve en position dominante. Il peut toutefois y avoir des cas au-dessous de ce seuil dans lesquels les concurrents ne sont pas en mesure de brider efficacement le comportement d’une entreprise en position dominante, notamment lorsqu’ils sont confrontés à de fortes limitations de capacité. Ces cas semblent aussi mériter de retenir l’attention de la Commission.

    18. L’expérience montre que si la part de marché est élevée et détenue longtemps, il est très probable que cet élément constituera un premier indice sérieux de l’existence d’une position dominante et, dans certaines circonstances, d’éventuels effets graves de pratiques abusives, justifiant une intervention de la Commission en vertu de l’article 82.[9] Toutefois, en règle générale, elle ne tirera pas de conclusion finale sur l'opportunité de poursuivre une affaire sans examiner tous les facteurs qui peuvent suffire à brider le comportement de l’entreprise.

    b) Expansion ou entrée

    19. La concurrence est un processus dynamique et l’appréciation des contraintes concurrentielles pesant sur une entreprise ne saurait se fonder uniquement sur la situation de marché existante. L’effet potentiel d’une expansion des concurrents réels ou de l’entrée de concurrents potentiels, de même que la menace d’une telle expansion ou d’une telle entrée, entrent également en ligne de compte. Une entreprise peut être dissuadée de relever les prix si l’expansion ou l’entrée sont probables, se produisent rapidement et sont suffisantes. Pour que la Commission considère que l’expansion ou l’entrée sont probables, il faut qu’elles soient suffisamment profitables pour le concurrent ou le nouvel arrivant, en prenant en considération des facteurs tels que les obstacles à l’expansion ou à l’entrée, les réactions probables de l’entreprise dominante présumée et des autres concurrents, ainsi que les risques et les coûts d’un échec. Pour qu’une expansion ou une entrée soient considérées comme rapides, elles doivent l’être suffisamment pour décourager ou empêcher l’exercice d’un pouvoir de marché substantiel. Pour que l’expansion ou l’entrée soient suffisantes, il ne peut s’agir simplement d’une entrée à échelle réduite, par exemple dans un créneau du marché; elles doivent être d’une ampleur permettant de déjouer toute tentative d’augmenter les prix de la part de l’entreprise présumée dominante sur le marché en cause.

    20. Les barrières à l’expansion ou à l’entrée peuvent revêtir diverses formes. Il peut s’agir de barrières juridiques, telles que les droits de douane ou les contingents, ou encore d’avantages dont jouit spécifiquement l’entreprise dominante, tels que les économies d’échelle et de gamme, un accès privilégié à des intrants essentiels ou à des ressources naturelles, à des technologies importantes[10] ou à un réseau de distribution et de vente bien établi.[11] Il peut également s’agir de coûts et d’autres entraves, résultant entre autres d’effets de réseau, auxquels sont confrontés les clients lorsqu’ils veulent changer de fournisseur. Le comportement de l’entreprise dominante peut également élever des barrières à l’entrée, notamment lorsqu’elle a réalisé des investissements importants que les nouveaux arrivants ou les concurrents devront égaler[12], ou lorsqu’elle a passé avec ses clients des contrats à long terme qui ont des effets d'éviction. Des parts de marché qui se maintiennent à un niveau élevé peuvent être indicatives de l’existence d’entraves à l’entrée et à l’expansion.

    c) Puissance d’achat compensatrice

    21. La pression concurrentielle peut être exercée non seulement par les concurrents actuels ou potentiels, mais également par les clients. Il est possible que même une entreprise détenant une part de marché élevée ne soit pas en mesure d’avoir un comportement indépendant dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses clients disposant d’un pouvoir de négociation suffisant.[13] Cette puissance d’achat compensatrice peut résulter de la taille des clients ou de leur signification commerciale pour l’entreprise dominante, ainsi que de leur capacité de changer rapidement de fournisseur, de favoriser de nouvelles entrées ou de s’intégrer verticalement, ou de représenter une menace crédible de le faire. Si la puissance compensatrice est suffisante, elle peut empêcher ou rendre vaine toute tentative de l’entreprise d’augmenter rentablement les prix. La puissance d’achat ne saurait toutefois pas constituer une pression effective suffisante si elle se limite à protéger un segment particulier ou restreint de la clientèle, du pouvoir de marché de l’entreprise dominante.

    B. Éviction préjudiciable pour les consommateurs («éviction anticoncurrentielle»)

    22. L’objectif des mesures d’application prises par la Commission à l’égard des pratiques d’exclusion est toutefois de faire en sorte que les entreprises dominantes n’entravent pas le libre jeu de la concurrence en excluant leurs rivaux par des pratiques anticoncurrentielles, en ayant de ce fait un effet défavorable sur le bien-être des consommateurs, que ce soit sous l'effet de prix plus élevés que ce n'aurait été le cas autrement ou d'une autre manière, par la limitation de la qualité ou la réduction du choix pour les consommateurs. Dans le présent document, l’expression «éviction anticoncurrentielle» décrit une situation dans laquelle un accès effectif des concurrents actuels ou potentiels aux sources d’approvisionnement ou aux marchés est entravé ou supprimé sous l’effet du comportement de l’entreprise dominante, ce qui va probablement permettre à cette dernière d'augmenter rentablement les prix[14] appliqués aux consommateurs. L’existence d’un préjudice probable pour les consommateurs peut être déterminé sur la base de preuves qualitatives et, lorsque cela est possible et approprié, de preuves quantitatives. La Commission traitera en outre de cette éviction anticoncurrentielle à la fois au niveau intermédiaire et/ou à celui du consommateur final.[15]

    23. La Commission interviendra normalement en vertu de l’article 82 lorsque, sur la base de preuves solides et convaincantes, le comportement abusif présumé risque de produire une éviction anticoncurrentielle. Les facteurs suivants seront normalement retenus aux fins de cette appréciation:

    24. la position de l’entreprise dominante . En règle générale, un comportement protégeant une position dominante risque d’autant plus d’entraîner une éviction anticoncurrentielle que cette position est forte;

    25. les conditions régnant sur le marché en cause . Il s’agit des conditions d’entrée et d’expansion, telles que l’existence d’économies d’échelle et / ou de gamme et les effets de réseau. Les économies d’échelle signifient que les concurrents ont moins de chances d’entrer ou de rester sur le marché si l’entreprise dominante ferme une part significative du marché en cause. De la même manière, par son comportement, l’entreprise dominante peut faire «basculer» un marché caractérisé par des effets de réseau en sa faveur ou consolider encore davantage sa position sur ce marché. De même, si les barrières à l’entrée sur le marché en amont et / ou en aval sont élevées, il peut être onéreux pour les rivaux de surmonter un verrouillage éventuel par une intégration verticale;

    26. la position des concurrents de l’entreprise dominante . Il s’agit d’évaluer l’importance des concurrents pour le maintien d’une concurrence effective. Un rival bien précis peut jouer un rôle concurrentiel substantiel, même s’il ne détient qu’une part de marché réduite par rapport à d’autres concurrents; ce peut être le concurrent le plus proche de l’entreprise dominante, un concurrent particulièrement innovateur ou un concurrent qui a la réputation de pratiquer systématiquement des prix plus bas. Dans son appréciation, la Commission peut également examiner le cas échéant, sur la base des informations disponibles, s'il existe des contre-stratégies réalistes, efficaces et rapides que les concurrents pourraient probablement déployer;

    27. la position des clients ou des fournisseurs d’intrants . Ce point peut comporter l’examen de la sélectivité éventuelle du comportement en cause. Il est possible que l’entreprise dominante ne l’applique qu’à certains clients ou fournisseurs d’intrants revêtant une importance particulière pour l’entrée ou l’expansion de concurrents, ce qui renforce la probabilité d’une éviction anticoncurrentielle.[16] Il peut s’agir, par exemple, de ceux qui vont probablement répondre aux offres d’autres fournisseurs, de ceux qui représentent un mode particulier de distribution du produit convenant à un nouvel arrivant, de ceux qui sont situés dans une zone géographique se prêtant bien à l’arrivée de nouveaux concurrents ou de ceux qui ont des chances d’influencer le comportement d’autres clients. Dans le cas des fournisseurs d’intrants, ce sont sans doute ceux avec qui l’entreprise dominante a conclu des accords de fourniture exclusive qui seront les plus susceptibles de répondre aux demandes de clients en concurrence avec l’entreprise dominante sur un marché en aval, ou ceux qui peuvent produire une qualité du produit – ou avoir un site de production – convenant particulièrement à un nouvel entrant. Les stratégies dont disposeraient les consommateurs ou les fournisseurs d’intrants et qui les aideraient à contrer le comportement de l’entreprise dominante seront également prises en considération;

    28. la portée du comportement abusif présumé . D’une manière générale, un effet d'éviction est d’autant plus probable que le pourcentage des ventes totales sur le marché en cause qui sont affectées par le comportement est élevé, que ce comportement est de longue durée et qu’il est appliqué avec régularité;

    29. les preuves éventuelles d'effets d'éviction effectifs . Si le comportement est suffisamment ancien, la performance sur le marché de l’entreprise dominante et de ses concurrents peut constituer une preuve directe d’une éviction anticoncurrentielle; pour des raisons qui peuvent être attribuées au comportement abusif présumé, la part de marché de l’entreprise dominante peut avoir augmenté ou sa régression peut se trouver ralentie; il est possible, pour des raisons similaires, que les concurrents actuels aient été marginalisés ou aient quitté le marché, ou que des concurrents potentiels aient cherché à pénétrer sur le marché sans y parvenir;

    30. preuves directes d’une stratégie d’exclusion . Il peut s’agir notamment de documents internes contenant des preuves directes d’une stratégie visant à exclure les concurrents, comme un plan détaillé de se livrer à certaines pratiques de manière à exclure un rival, d’empêcher l’entrée sur un marché ou de prévenir l’émergence d’un marché, ou encore de preuves de menaces concrètes de mesures d’exclusion. Ces preuves directes peuvent être utiles pour interpréter le comportement de l’entreprise dominante.

    Lorsqu’elle examinera une affaire, la Commission développera l’analyse des facteurs généraux énumérés ci-dessus, ainsi que des facteurs plus spécifiques décrits ci-après dans les sections traitant de certaines pratiques d’exclusion et de tous autres facteurs qu’elle considérera comme utiles. Cette appréciation se fera généralement en comparant la situation actuelle ou celle qui pourrait se produire sur le marché en cause (sous l’effet du comportement de l’entreprise dominante) avec une analyse contre-factuelle adéquate, comme la simple absence du comportement en question, ou avec un autre scénario réaliste eu égard aux pratiques commerciales établies.

    31. Dans certaines circonstances, la Commission peut être amenée à réaliser une appréciation détaillée avant de conclure que le comportement en question risque de porter préjudice aux consommateurs. S’il apparaît que ce comportement ne peut qu’élever des obstacles à la concurrence et qu’il ne produit pas de gains d’efficacité, son effet anticoncurrentiel peut en être induit. C’est le cas, par exemple, lorsque l’entreprise dominante empêche ses clients de tester des produits concurrents ou accorde des incitations financières à ses clients à condition qu’ils ne testent pas de tels produits, ou qu’elle paie un distributeur ou un client pour retarder l’apparition d’un produit rival sur le marché.

    C. Pratiques d’exclusion fondées sur les prix

    32. Les considérations qui suivent s’appliquent aux pratiques d’exclusion fondées sur les prix. Une concurrence vigoureuse par les prix est généralement profitable aux consommateurs. Pour éviter les effets d'éviction anticoncurrentiels, la Commission n’interviendra normalement que lorsque les pratiques considérées ont déjà entravé ou sont de nature à entraver la concurrence d’entreprises considérées comme aussi efficaces que l’entreprise dominante.[17]

    33. La Commission reconnaît cependant que, dans certaines circonstances, un concurrent moins efficace peut également exercer une contrainte qui doit être prise en considération lorsqu’il s’agit de déterminer si un comportement déterminé en matière de prix entraîne une éviction anticoncurrentielle. Elle examinera cette contrainte d’une manière dynamique, car en l’absence d’une pratique abusive, ce concurrent peut bénéficier d’avantages liés à la demande, tels que les effets de réseau et d’apprentissage, qui tendront à renforcer son efficacité.

    34. Pour déterminer si même un concurrent hypothétique aussi efficace que l’entreprise dominante risque de se voir évincer par les pratiques en question, la Commission examinera les données économiques se rapportant aux coûts et aux prix de vente, et vérifiera notamment si l’entreprise dominante pratique des prix inférieurs aux coûts. Cette méthode suppose toutefois l’existence de données suffisamment fiables; le cas échéant, la Commission utilisera des informations sur les coûts de l’entreprise dominante elle-même. À défaut de données fiables sur ces coûts, la Commission peut décider de prendre les coûts de concurrents ou d’autres données fiables comparables.

    35. Les critères de coûts que la Commission va probablement appliquer sont le coût évitable moyen (CEM) et le coût marginal moyen à long terme (CMMLT).[18] Si le coût évitable moyen n’est pas couvert, il est probable que l’entreprise dominante sacrifie ses profits à court terme et qu’un concurrent aussi efficace ne peut satisfaire les consommateurs visés sans subir de pertes. Le CMMLT est généralement supérieur au CEM parce que, contrairement à ce dernier (qui ne comprend que les coûts fixes supportés pendant la période examinée), il inclut les coûts fixes propres au produit supportés pendant la période d’exercice des pratiques abusives présumées. Le fait que le CMMLT ne soit pas couvert indique que l’entreprise dominante ne couvre pas tous les coûts fixes (imputables) de la production du bien ou du service en cause et qu’un concurrent aussi efficace pourrait être exclu du marché.[19]

    36. Si les données font clairement ressortir qu’un concurrent aussi efficace peut parvenir à soutenir la concurrence avec les pratiques de prix de l’entreprise dominante, la Commission en déduira en principe que ces pratiques ne risquent guère d’avoir un effet préjudiciable sur le jeu de la concurrence et donc sur les consommateurs; il est alors peu probable qu’elle intervienne. Si, au contraire, il en ressort que le prix appliqué par l’entreprise dominante risque d’exclure du marché des concurrents aussi efficaces, la Commission intégrera cet élément dans l’appréciation générale de l'éviction anticoncurrentielle (voir section B), en tenant compte d’autres preuves quantitatives et qualitatives.

    D. Nécessité objective et gains d’efficacité

    37. En appliquant l’article 82, la Commission a par ailleurs l’intention d’examiner les arguments avancés par une entreprise dominante pour justifier son comportement. Cette dernière peut à cet effet démontrer soit que son comportement est objectivement nécessaire, soit qu’il produit des gains d’efficacité substantiels qui l’emportent sur les effets anticoncurrentiels produits sur les consommateurs.[20] Dans ce contexte, la Commission examinera si le comportement en cause est indispensable et proportionné à l’objectif présumé poursuivi par l’entreprise dominante.

    38. Il y a lieu de déterminer si un comportement est objectivement nécessaire et proportionné sur la base de facteurs extérieurs à l’entreprise dominante. Ainsi, un comportement d’exclusion peut être considéré comme objectivement nécessaire pour des raisons touchant à la santé ou à la sécurité liées à la nature du produit considéré. Toutefois, pour déterminer si ce type de comportement est objectivement nécessaire, il convient de considérer que c’est normalement la tâche des autorités publiques de fixer et de faire respecter les normes de santé publique et de sécurité. Il n’incombe pas à l’entreprise dominante de prendre des initiatives afin d’exclure des produits qu’elle considère, à tort ou à raison, comme dangereux ou inférieurs à son propre produit.[21]

    39. La Commission considère qu’une entreprise dominante peut aussi justifier des pratiques aboutissant à exclure les concurrents par des gains d’efficacité d’une ampleur suffisante pour rendre peu probable que les consommateurs en subissent un préjudice net. Dans ce contexte, l’entreprise dominante devra généralement démontrer, avec un degré de probabilité suffisant et sur la base de preuves vérifiables, que les conditions cumulatives suivantes sont remplies:[22]

    40. les gains d’efficacité ont été ou sont susceptibles d’être réalisés grâce au comportement considéré. Il peut s’agir notamment d’améliorations techniques de la qualité des biens ou d’une réduction du coût de production ou de distribution;

    41. le comportement est indispensable à la réalisation de ces gains d’efficacité: il ne doit pas y avoir d’autres pratiques moins anticoncurrentielles que le comportement considéré capables de produire les mêmes gains d’efficacité;

    42. les gains d’efficacité susceptibles d’être produits par le comportement considéré l’emportent sur les effets préjudiciables probables sur la concurrence et le bien-être des consommateurs sur les marchés affectés;

    43. le comportement n’élimine pas une concurrence effective en supprimant la totalité ou la plupart des sources existantes de concurrence actuelle ou potentielle. Une rivalité entre entreprises est un moteur essentiel de l’efficacité économique, comprenant notamment les gains d’efficacité dynamiques sous la forme de l’innovation. En son absence, l’entreprise dominante ne sera pas suffisamment incitée à continuer de créer et de répercuter les gains d’efficacité. Lorsqu’il n’y a pas de concurrence résiduelle et pas de menace prévisible d’entrée, la protection de la rivalité et le processus concurrentiel l’emportent sur les gains d’efficacité éventuels. De l’avis de la Commission, un comportement d’exclusion qui maintient, crée ou renforce une position sur le marché approchant celle d’un monopole ne peut normalement pas se justifier par le motif qu'elle crée également des gains d'efficacité.

    44. Il incombe à l’entreprise dominante de fournir toutes les preuves nécessaires pour démontrer que le comportement en cause est objectivement justifié. Il appartient ensuite à la Commission d’apprécier en dernière analyse si le comportement examiné n’est pas objectivement nécessaire et, sur la base d’une mise en balance des effets concurrentiels apparents et des gains d’efficacité allégués et attestés, est susceptible de porter préjudice aux consommateurs.

    IV DIVERSES FORMES D’ABUS

    A. Accords exclusifs

    45. Une entreprise dominante peut tenter d’évincer ses concurrents en les empêchant de vendre à des consommateurs par le recours à des obligations d’achat exclusif ou à des rabais, pratiques dénommées collectivement accords exclusifs.[23] La présente section expose les circonstances qui sont les plus susceptibles de déclencher une intervention de la Commission à l’égard d’accords exclusifs passés par des entreprises dominantes.

    a) Achat exclusif

    46. Le consommateur lié par une obligation d’achat exclusif sur un marché donné doit s’approvisionner exclusivement ou dans une large mesure auprès de l’entreprise dominante. Certaines autres obligations, comme les obligations de stockage, qui ne constituent pas à proprement parler une obligation d’achat exclusif, peuvent dans la pratique avoir le même effet.[24]

    47. Le régime de l’achat exclusif peut amener l’entreprise dominante à devoir indemniser les acheteurs en tout ou en partie pour la perte de concurrence résultant de l’exclusivité. Lorsque cette indemnisation est accordée, il peut être dans l’intérêt du consommateur de passer un accord d’achat exclusif avec l’entreprise dominante. Il serait toutefois erroné d’en déduire automatiquement que toutes les obligations d’exclusivité, prises collectivement, sont globalement intéressantes pour les consommateurs, notamment ceux qui ne sont pas encore clients de l’entreprise dominante, et pour les consommateurs finals. La Commission s’attachera surtout aux affaires dans lesquelles les consommateurs dans leur ensemble risquent de ne pas y trouver leur avantage, ce qui se produira notamment s’il y a plusieurs acheteurs et que les obligations d’achat exclusif de l’entreprise dominante, prises collectivement, ont pour effet d’empêcher l’entrée ou l’expansion d’entreprises rivales.

    48. Outre ceux qui sont mentionnés au point 20, les facteurs suivants revêtiront d’une manière générale une importance particulière pour déterminer si la Commission interviendra à l’égard d’accords d’achat exclusif.

    49. Les obligations d’achat exclusif risquent plus particulièrement de produire des effets d'éviction anticoncurrentiels lorsque, en leur absence, une forte pression concurrentielle est exercée par les entreprises qui, soit ne sont pas encore présentes sur le marché au moment de la conclusion de ces accords, soit ne sont pas en mesure d'entrer en compétition pour l’approvisionnement total des consommateurs. Les rivaux peuvent ne pas être à même de le faire pour la demande totale d’un client donné parce que l’entreprise dominante est un partenaire commercial inévitable au moins pour une partie de la demande sur le marché, par exemple du fait que sa marque est un «produit incontournable» préféré par un grand nombre de consommateurs finals ou que les contraintes de capacité pesant sur les autres fournisseurs sont telles qu’une partie de la demande ne peut être satisfaite que par le fournisseur dominant.[25] Si les concurrents peuvent se disputer sur un plan d’égalité la demande totale de chaque consommateur, les obligations d’achat exclusif sont normalement peu susceptibles d’entraver une concurrence effective, sauf si la durée de cette obligation rend tout changement de fournisseur difficile pour les clients. En règle générale, la probabilité d’effets d'éviction augmente avec la durée de l’obligation. Toutefois, si l’entreprise dominante est un partenaire commercial incontournable pour la plupart ou la totalité des consommateurs, même une obligation d’achat exclusif de courte durée peut entraîner une éviction anticoncurrentielle.

    b) Rabais conditionnels

    50. Les rabais conditionnels sont accordés aux consommateurs pour les récompenser d’une forme particulière de comportement d’achat. Selon l’usage pour les rabais conditionnels, le consommateur obtient un rabais si ses achats pendant une période donnée dépassent un certain seuil; le rabais est accordé soit sur la totalité des achats (rabais rétroactifs), soit uniquement sur ceux qui dépassent le volume requis pour atteindre un seuil fixé (rabais progressifs). Les rabais conditionnels ne sont pas rares. Les entreprises les offrent pour attirer la clientèle: ils peuvent stimuler la demande et être profitables pour les consommateurs. Toutefois, lorsqu’ils sont accordés par une entreprise dominante, ces rabais peuvent également avoir des effets d'éviction actuels ou potentiels, tout comme les obligations d’achat exclusif. Les rabais conditionnels peuvent produire ces effets sans entraîner nécessairement de sacrifice pour l’entreprise dominante.[26]

    51. Outre les facteurs déjà mentionnés au point 20, les éléments suivants revêtent une importance particulière pour la Commission lorsqu’elle doit déterminer si un système donné de rabais conditionnels risque d’entraîner une éviction anticoncurrentielle et, par conséquent doit s’inscrire parmi ses priorités en matière d’application des règles en vigueur.

    52. Comme pour les obligations d’achat exclusif, la probabilité d’une éviction anticoncurrentielle est plus forte lorsque les entreprises ne sont pas en mesure de se faire concurrence à armes égales pour la totalité de la demande de chaque client. Un rabais conditionnel accordé par une entreprise dominante peut lui permettre d’utiliser la part non disputable de la demande de chaque consommateur (c’est-à-dire le volume qui serait de toute façon acheté par le client auprès de l’entreprise dominante) comme levier pour baisser le prix à acquitter pour la partie disputable de la demande (c’est-à-dire le volume pour lequel le consommateur préférera et pourra peut-être trouver des remplaçants).[27]

    53. D’une manière générale, les rabais rétroactifs peuvent provoquer un verrouillage substantiel du marché, car il est moins intéressant pour les clients de changer de fournisseur pour de petits volumes s’ils perdent de ce fait les rabais rétroactifs.[28] L’effet d'éviction potentiel de ces rabais est normalement le plus marqué sur la dernière unité achetée du produit avant de franchir le seuil fixé. Toutefois, l’élément à retenir, du point de vue de la Commission, pour apprécier l’effet de fidélisation d’un rabais n’est pas simplement l’effet sur la concurrence pour fournir la dernière unité, mais l’effet d'éviction du système de rabais sur les concurrents (actuels ou potentiels) du fournisseur dominant. La probabilité d’une éviction de concurrents actuels ou potentiels est d’autant plus forte que le rabais représente un pourcentage élevé du prix total, que le seuil est élevé et que l’incitation est forte au-dessus du seuil.

    54. En appliquant la méthode exposée aux points 22 à 26, la Commission entend examiner, dans la mesure où les données sont disponibles et fiables, si le système de rabais permet d’entraver l’expansion ou l’entrée de concurrents aussi efficaces en renforçant la difficulté pour eux de couvrir une partie des besoins des différents clients. Dans ce contexte, la Commission estimera le prix qu’un rival devrait offrir pour indemniser le client pour la perte du rabais conditionnel si ce dernier retirait à l'entreprise dominante une partie de sa demande (la «fraction» à prendre en considération). Le prix effectif que le rival devra égaler n’est pas le prix moyen de l’entreprise dominante, mais le tarif normal, déduction faite du rabais perdu à cause du changement de fournisseur, calculé sur la fraction des ventes et la période à prendre en considération. La Commission tiendra compte de la marge d’erreur qui peut résulter des incertitudes inhérentes à cette forme d’analyse.

    55. La fraction sur laquelle il y a lieu de calculer le prix effectif dans un cas donné dépend des circonstances de l'espèce et du type de rabais, progressif ou rétroactif. Pour les rabais progressifs, cette fraction correspond normalement aux achats supplémentaires envisagés. Pour les rabais rétroactifs, il faudra généralement apprécier, dans le cadre du marché en cause, la part des besoins d’un client pour lequel il peut réellement changer de fournisseur (la «partie disputable» ou la «fraction disputable»). S'il est probable que les consommateurs seront désireux et capables de changer de fournisseur assez rapidement pour des volumes importants de la demande, cette fraction sera sans doute assez substantielle. Si, par contre, il est probable que les clients ne voudront ou ne pourront changer de fournisseur que progressivement pour de petits volumes, la fraction sera relativement réduite. La capacité des concurrents existants d’augmenter leurs ventes aux consommateurs et les fluctuations de ces ventes dans le temps peuvent également fournir une indication de la fraction à prendre en considération. Au sujet des concurrents potentiels, une estimation de l’ampleur réaliste de l’entrée d’un nouveau concurrent peut être effectuée dans la mesure du possible. À titre d’indication d’une part de marché réaliste d’un nouveau venu, on peut prendre des données historiques de la croissance des nouveaux venus sur les mêmes marchés ou des marchés similaires.[29]

    56. L’effet de fidélisation sera d’autant plus marqué que le prix effectif estimé pour la fraction considérée est faible par rapport au prix moyen du fournisseur dominant. Toutefois, aussi longtemps que le prix effectif reste inférieur au CMMLT de l’entreprise dominante, un concurrent aussi efficace pourra soutenir la concurrence rentablement en dépit du rabais. Dans de telles circonstances, le rabais n’est normalement pas de nature à provoquer une éviction anticoncurrentielle.

    57. Lorsque le prix effectif est inférieur au CME, le système de rabais pourra en règle générale exclure même des concurrents aussi efficaces. Lorsque le prix effectif se situe entre le CME et le CMMLT, la Commission examinera si d’autres facteurs amènent à conclure que l’entrée ou l’expansion même de concurrents aussi efficaces risque d’être affectée. Dans ce contexte, elle étudiera si les rivaux disposent de contre-stratégies réalistes et efficaces, comme leur capacité d’utiliser également une partie non disputable de la demande de leur acheteur comme levier pour faire baisser le prix pour la fraction considérée. Lorsque les concurrents ne disposent pas de ces contre-stratégies, la Commission considérera que le système de rabais est de nature à exclure des concurrents aussi efficaces.

    58. Ainsi qu’il est indiqué au point 26, cette analyse s’intégrera dans l’appréciation générale, compte tenu d’autres preuves quantitatives ou qualitatives. Il importe normalement d’examiner si le système de rabais prévoit un seuil individualisé ou normalisé. Un seuil individualisé, fondé sur un pourcentage des besoins totaux du client ou un volume cible individualisé, permet au fournisseur dominant de fixer le seuil à un niveau tel que les clients éprouveront des difficultés à changer de fournisseur, ce qui créera un effet de fidélisation maximum.[30] Par contraste, un seuil de volume normalisé, soit un même seuil pour la totalité de la clientèle ou une catégorie de clients, peut être trop élevé pour certains clients de taille plus réduite et/ou trop faible pour les gros clients pour avoir un effet de fidélisation. Si toutefois il est possible d’établir qu’un seuil de volume normalisé est proche des besoins d’une forte proportion de clients, la Commission considéra probablement que ce système normalisé de rabais peut produire des effets d'éviction anticoncurrentiels.

    c) Gains d'efficacité

    59. Pour autant que les conditions mentionnées dans la section III D soient réunies, la Commission examinera les arguments des entreprises dominantes selon lesquels les systèmes de rabais se traduisent par des avantages de coût ou d'autres avantages qui sont répercutés sur les consommateurs[31]. En règle générale, une transaction donnée sera plus susceptible de conférer des avantages de coût si des objectifs de volume standard, plutôt qu'individuels, sont fixés. De la même manière, les systèmes de rabais progressifs sont en général davantage de nature à inciter les revendeurs à produire et à revendre un volume plus élevé que les systèmes de rabais rétroactifs[32]. En appliquant ces mêmes conditions, la Commission examinera les éléments attestant que des accords d'exclusivité confèrent des avantages à certains clients si ces accords sont nécessaires pour que l'entreprise dominante puisse réaliser des investissements spécialement pour ces relations commerciales afin de pouvoir approvisionner ces clients.

    B. Ventes liées et groupées

    60. Une entreprise dominante peut chercher à évincer ses concurrents au moyen de ventes liées ou groupées. La présente section expose les cas dans lesquels la Commission interviendra plus que probablement lorsqu’elle examinera de semblables pratiques de la part d’entreprises dominantes.

    61. Il y a «vente liée» lorsque la vente d’un produit donné (produit dit «liant») est subordonnée à l’achat d’un autre produit (produit dit «lié») à l’entreprise dominante. Cette pratique peut avoir des raisons techniques ou résulter de dispositions contractuelles[33]. La notion de «vente groupée» renvoie habituellement aux modalités selon lesquelles les produits sont proposés et leurs prix fixés par l'entreprise dominante. Dans le cas de la vente groupée pure, les produits ne sont vendus qu’ensemble, dans des proportions fixes. Dans le cas de la vente groupée mixte, souvent aussi appelée «rabais multiproduits», les produits sont également disponibles séparément, mais la somme des prix de chacun des produits est supérieure au prix total résultant de la vente groupée.

    62. La vente liée et la vente groupée constituent des pratiques courantes qui visent à proposer aux clients de meilleurs produits ou offres de façon plus économique. Or, une entreprise qui occupe une position dominante sur un ou plusieurs marchés de produits liés ou groupés (marché dit «liant») peut léser les consommateurs du fait de cette vente liée ou groupée, en ce qu'elle verrouille le marché des autres produits faisant l’objet de la vente liée ou groupée (marché dit «lié») et, indirectement, le marché liant.

    63. En principe, la Commission prendra des mesures en vertu de l'article 82 lorsqu'une entreprise occupe une position dominante sur le marché liant[34] et que les conditions suivantes sont également réunies: i) les produits liants et liés sont des produits distincts et ii) la vente liée est susceptible de déboucher sur une éviction anticoncurrentielle[35].

    a) Produits distincts

    64. La question de savoir si les produits seront considérés comme distincts par la Commission sera fonction de la demande des consommateurs. Deux produits sont distincts si, en l'absence de vente liée ou groupée, de nombreux clients achèteraient ou auraient acheté le produit liant sans acquérir également le produit lié auprès du même fournisseur, permettant de la sorte une production indépendante du produit liant comme du produit lié[36]. Parmi les éléments montrant que deux produits sont distincts figurent la preuve directe de ce que les clients, s'ils ont le choix, achètent le produit liant et le produit lié séparément auprès de différentes sources d'approvisionnement, ou des preuves indirectes, telles que la présence sur le marché d'entreprises spécialisées dans la production ou la vente du produit lié sans le produit liant[37] ou de chacun des produits groupés par l'entreprise dominante, ou encore des éléments indiquant que les entreprises ne jouissant que d’un pouvoir de marché limité, en particulier sur des marchés concurrentiels, ont tendance à ne pas grouper ni lier les produits en question.

    b) Effets d'éviction anticoncurrentiels sur le marché lié et/ou le marché liant

    65. Une vente liée ou groupée peut avoir des effets anticoncurrentiels sur le marché lié, le marché liant, ou les deux marchés à la fois. Toutefois, même si la finalité de la vente liée ou groupée est de préserver la position de l'entreprise dominante sur le marché liant, ce résultat est obtenu indirectement en verrouillant le marché lié. Outre les facteurs déjà mentionnés au point 20, la Commission considère que les éléments suivants revêtent généralement une importance particulière aux fins de la détermination des cas d'éviction anticoncurrentielle potentielle ou réelle.

    66. Le risque d'une éviction anticoncurrentielle sera vraisemblablement plus élevé si l'entreprise dominante confère un caractère durable à sa stratégie de vente liée ou groupée, par exemple en recourant à la subordination technique, qu’il est coûteux d’abandonner. La subordination technique réduit en outre les possibilités de revente de composants individuels.

    67. Dans le cas de la vente groupée, l'entreprise peut détenir une position dominante pour plusieurs des produits groupés. Plus ils sont nombreux, plus la probabilité d'une éviction anticoncurrentielle est forte. Tel est le cas, en particulier, si le groupe de produits peut difficilement être reproduit par un concurrent, soit seul, soit conjointement avec d'autres.

    68. La vente liée peut affaiblir la concurrence pour les clients souhaitant acheter le produit lié, mais pas le produit liant. Si le nombre de clients achetant uniquement le produit lié n'est pas suffisant pour soutenir les concurrents de l'entreprise dominante sur le marché lié, la vente liée peut exposer ces clients à des prix plus élevés.

    69. Si la vente liée et le produit lié peuvent être utilisés dans des proportions variables comme intrants dans un processus de production, les clients peuvent réagir à une hausse du prix du produit liant en augmentant leur demande pour le produit lié et en la réduisant pour le produit liant. En liant les deux produits, l'entreprise dominante peut chercher à éviter une telle substitution de manière à pouvoir relever ses prix.

    70. Si les prix que l'entreprise dominante peut pratiquer sur le marché liant sont réglementés, la pratique de la vente liée peut lui permettre de relever ses prix sur le marché lié afin de compenser la perte de recettes imputable à la réglementation du marché liant.

    71. Si le produit lié constitue un produit complémentaire important pour les acheteurs du produit liant, une diminution du nombre d'autres fournisseurs possibles pour le produit lié et, partant, la raréfaction de ce produit peuvent rendre l'entrée sur le seul marché liant plus difficile.

    c) Rabais multiproduits

    72. Un rabais multiproduits peut être anticoncurrentiel sur le marché lié ou le marché liant lorsqu'il est si élevé que des concurrents aussi efficaces ne proposant que quelques-uns seulement des composants ne sont pas à même de concurrencer le groupe de produits pour lesquels il est accordé.

    73. L’idéal serait, en théorie, de pouvoir apprécier l’effet du rabais en examinant si les recettes marginales couvrent les coûts marginaux de chacun des produits groupés de l'entreprise dominante. En pratique, toutefois, l'appréciation des recettes marginales s'avère complexe. Aussi la Commission se fondera-t-elle généralement sur le prix marginal, qui constitue une bonne valeur indicative. Si le prix marginal payé par les clients pour chacun des produits groupés de l'entreprise dominante demeure supérieur au CMMLT supporté par cette dernière pour inclure ce produit dans le groupe de produits, la Commission n'interviendra normalement pas, puisqu'un concurrent tout aussi efficace ne proposant qu’un seul produit serait, en principe, à même de concurrencer rentablement le groupe de produits. Elle prendra toutefois des mesures si le prix marginal est inférieur au CMMLT, car en pareil cas, même un concurrent aussi efficace peut être empêché de développer ses activités ou d'entrer sur le marché[38].

    74. S’il existe des indices donnant à penser que les concurrents de l'entreprise dominante vendent des groupes de produits identiques ou pourraient le faire rapidement sans en être dissuadés par d'éventuels coûts supplémentaires, la Commission considérera généralement qu'il s'agit d'une concurrence entre groupes de produits, auquel cas il conviendra de se demander, non pas si les recettes marginales couvrent les coûts marginaux de chaque produit groupé, mais bien si le prix du groupe de produits dans son ensemble constitue un prix prédateur.

    d) Gains d'efficacité

    75. Pour autant que les conditions mentionnées dans la section III D soient réunies, la Commission examinera les arguments des parties selon lesquels la pratique des ventes liées et groupées peut donner des économies dans la production ou la distribution, au profit des clients. Elle pourra également examiner si ces pratiques permettent de réduire les coûts de transaction pour les consommateurs, qui devraient, sinon, acheter les composants séparément, et, pour les fournisseurs, de réaliser des économies substantielles sur les coûts d'emballage et de distribution. Elle pourra aussi vérifier si le fait de combiner deux produits indépendants afin de former un nouveau produit unique rend plus probable la mise sur le marché d’un tel produit au profit des consommateurs et si les ventes liées et groupées permettent au fournisseur de répercuter les gains d'efficacité découlant de la production ou de l'achat de grandes quantités du produit lié.

    C. Prédation

    76. Conformément aux priorités qu’elle s’est fixées en matière d'application des règles, la Commission interviendra généralement lorsqu’il existe des preuves de ce qu'une entreprise dominante adopte un comportement prédateur en supportant des pertes ou en renonçant à des bénéfices à court terme, et ce délibérément (comportement dénommé ci-après «sacrifice»), de façon à évincer ou à pouvoir évincer un ou plusieurs de ses concurrents réels ou potentiels en vue de renforcer ou de maintenir son pouvoir de marché, portant de ce fait préjudice aux consommateurs[39].

    a) Sacrifice

    77. La Commission considérera qu’un comportement comporte un sacrifice si l'entreprise dominante, en fixant un prix inférieur pour l'ensemble ou pour une partie spécifique de sa production au cours de la période considérée ou en développant sa production durant cette même période, a subi ou subit des pertes qui auraient pu être évitées. La Commission se fondera sur le CEM pour déterminer si l'entreprise dominante subit ou a subi des pertes évitables. Si elle fixe un prix inférieur au CEM pour la totalité ou une partie de sa production, une entreprise dominante ne récupère pas les coûts qu'elle aurait pu éviter sans cette production: elle subit donc une perte qui aurait pu être évitée[40]. L’application de prix inférieurs au CEM sera donc généralement considérée par la Commission comme un indice clair d'un sacrifice[41].

    78. La notion de sacrifice ne couvre cependant pas uniquement la pratique de prix inférieurs au CEM[42]. Afin de démontrer l'existence d'une stratégie prédatrice, la Commission peut également examiner si les agissements prédateurs présumés ont conduit à court terme à des recettes nettes inférieures à celles auxquelles on aurait pu s'attendre si un autre comportement, raisonnable, avait été adopté, c'est-à-dire si l'entreprise dominante a subi une perte qui aurait pu être évitée[43]. La Commission ne comparera pas le comportement effectif à d’autres comportements hypothétiques ou théoriques qui auraient pu s'avérer plus rentables. Elle ne retiendra que les autres comportements économiquement rationnels et viables qui, eu égard aux conditions du marché et aux réalités commerciales auxquelles se trouve confrontée l'entreprise dominante, peuvent raisonnablement être considérés comme plus rentables.

    79. Dans certains cas, il sera possible de s’appuyer sur des preuves directes, consistant en des documents de l'entreprise dominante démontrant clairement une stratégie prédatrice[44], tels qu’un plan détaillé prévoyant un sacrifice dans le but d’évincer un concurrent, d'empêcher des concurrents d'entrer sur le marché ou de prévenir l'apparition d'un nouveau marché, ou en des éléments attestant des menaces concrètes d'agissements prédateurs[45].

    b) Éviction anticoncurrentielle

    80. S’il existe suffisamment de données fiables, la Commission procédera à l’analyse dite du concurrent aussi efficace, décrite aux points 24 à 26, afin de déterminer si le comportement en question est de nature à porter préjudice aux consommateurs. En principe, seule la fixation de prix inférieurs au CMMLT est susceptible d'évincer des concurrents aussi efficaces du marché.

    81. Outre les facteurs déjà mentionnés au point 20, la Commission examinera d’une manière générale si, et en quoi, les agissements présumés rendent moins probable que les rivaux entrent dans la concurrence. Ainsi, par exemple, si l'entreprise dominante dispose de meilleures informations sur les coûts ou d'autres conditions du marché ou est capable de fausser les signaux du marché relatifs à la rentabilité, elle pourrait adopter un comportement prédateur afin d’influencer les prévisions des nouveaux concurrents potentiels et, partant, les dissuader d’entrer sur le marché visé. Si ce comportement et ses effets probables se font sentir sur de nombreux marchés et/ou à chaque nouvelle entrée, il pourra être démontré que l'entreprise dominante cherche à acquérir une réputation d’entreprise prédatrice. Lorsque le concurrent ciblé est tributaire d'un financement externe, de fortes baisses des prix ou tout autre comportement prédateur de l'entreprise dominante pourraient influer négativement sur ses résultats, ce qui pourrait sérieusement compromettre son accès au financement à l’avenir.

    82. Selon la Commission, il n'est pas nécessaire de prouver que les concurrents ont quitté le marché pour démontrer des effets d’éviction anticoncurrentiels. Il ne peut être exclu que l'entreprise dominante ait préféré empêcher ses rivaux de lui opposer une vive concurrence et les amener à s'aligner sur ses prix, plutôt que les évincer complètement. En mettant ainsi ses concurrents au pas, elle contourne le risque inhérent à leur disparition, notamment le risque que leurs actifs soient vendus à bas prix et restent sur le marché, permettant l'arrivée d'un nouveau venu dont les coûts seraient peu élevés.

    83. D'une manière générale, il est probable que les consommateurs seront lésés si l'entreprise dominante peut raisonnablement s'attendre à ce que son pouvoir de marché soit, une fois qu'elle aura mis fin à son comportement prédateur, plus important que si elle n'avait pas adopté une telle conduite, donc si elle est susceptible de retirer un avantage de son sacrifice.

    84. Cela ne signifie pas que la Commission n'interviendra que si l'entreprise dominante est susceptible d'être à même de relever ses prix au-delà du niveau de prix qui existait sur le marché avant qu'elle adopte un tel comportement. Il suffit, par exemple, que ce comportement soit susceptible d'empêcher ou de retarder une baisse des prix qui se serait, autrement, produite. La détermination du préjudice subi par les consommateurs n’est pas un calcul mécanique des pertes et profits, et il n'est pas nécessaire d'apporter la preuve du bénéfice total réalisé. Le préjudice probable peut être démontré en appréciant les effets d'éviction susceptible de résulter du comportement, en liaison avec d'autres facteurs, tels que des barrières à l'entrée[46]. Dans ce contexte, la Commission examinera également les possibilités de retour sur le marché.

    85. Il pourrait être plus aisé pour l'entreprise dominante d'adopter un comportement prédateur en ciblant sélectivement certains clients au moyen de prix peu élevés, ce qui lui permettrait de limiter ses pertes.

    86. Il est moins probable qu'elle adopte un tel comportement en pratiquant un prix peu élevé de façon générale sur une longue période.

    c) Gains d'efficacité

    87. En général, il est peu probable qu'un comportement prédateur engendre des gains d'efficacité. Toutefois, pour autant que les conditions mentionnées dans la section III D soient réunies, la Commission examinera les arguments des entreprises dominantes selon lesquels des prix peu élevés permettent de réaliser des économies d'échelle ou des gains d'efficacité liés au développement du marché.

    D. Refus de fourniture et compression des marges

    88. Pour fixer ses priorités en matière d'application des règles, la Commission part du principe que, d'une manière générale, une entreprise, qu'elle soit ou non dominante, devrait avoir le droit de choisir ses partenaires commerciaux et de disposer librement de ses biens. La Commission considère par conséquent qu'une intervention fondée sur le droit de la concurrence doit être soigneusement pesée lorsque l'application de l'article 82 risque de déboucher sur l'imposition d'une obligation de fourniture à l'entreprise dominante[47]. L’existence d'une telle obligation – même contre une rémunération équitable – peut dissuader les entreprises d’investir et d’innover et, partant, léser les consommateurs. Le fait de savoir qu'une obligation de fourniture peut leur être imposée contre leur gré pourrait conduire des entreprises dominantes – ou des entreprises escomptant le devenir – à ne pas investir ou à moins investir dans l'activité en question. De même, des concurrents pourraient être tentés de profiter gratuitement des investissements réalisés par l'entreprise dominante au lieu d'investir eux-mêmes. Aucune de ces conséquences ne serait, à long terme, dans l'intérêt des consommateurs.

    89. Généralement, des problèmes de concurrence se posent lorsque l'entreprise dominante concurrence sur le marché «en aval» l'acheteur qu'elle refuse d'approvisionner. Par «marché en aval», on entend le marché pour lequel l'intrant refusé est nécessaire à la fabrication d'un produit ou à la fourniture d'un service. La présente section traite uniquement de ce type de refus.

    90. Les autres types de refus de fourniture potentiellement illicites, consistant à subordonner la fourniture à l'acceptation, par l'acquéreur, de limites à son propre comportement, ne seront pas traités dans la présente section. Ainsi, l'interruption d'un approvisionnement pratiquée dans le but de punir les clients pour avoir traité avec des concurrents, ou le refus d'approvisionner des clients qui n’acceptent pas les ventes liées, par exemple, seront examinés par la Commission à la lumière des principes exposés dans les sections relatives aux accords d'exclusivité et aux ventes liées et groupées. De même, des refus de fourniture visant à empêcher l'acheteur de pratiquer un commerce parallèle[48] ou d'abaisser son prix de revente ne seront pas abordés.

    91. La notion de refus de fourniture couvre un large éventail de pratiques, telles que le refus de fournir des produits à des clients existants ou nouveaux[49], de céder des droits de propriété intellectuelle[50], notamment lorsque cela est nécessaire aux fins de la communication d’informations d'interface[51], ou de donner accès à des installations ou à un réseau cruciaux[52].

    92. Pour la Commission, il n'est pas nécessaire que le produit refusé ait déjà été échangé: il suffit qu'il existe une demande de la part d'acheteurs potentiels et qu'un marché potentiel puisse être défini pour l'intrant en question[53]. De même, l'entreprise dominante ne doit pas nécessairement opposer un refus effectif; un «refus implicite» suffit. Un tel refus implicite pourrait par exemple consister à retarder indûment ou à perturber la fourniture d'un produit par d'autres moyens, ou aller de pair avec l'imposition de conditions déraisonnables en contrepartie de la fourniture.

    93. Enfin, au lieu d'opposer un refus de fourniture, une entreprise dominante peut fixer, pour le produit vendu en amont, un prix qui, comparé à celui qu'elle pratique en aval[54], ne permet pas, même à un concurrent aussi efficace, d'exercer rentablement et durablement des activités sur le marché en aval («compression des marges»). Dans les cas de compression des marges, le critère de référence sur lequel se fondera généralement la Commission pour déterminer les coûts supportés par un concurrent aussi efficace sera le CMMLT de la division en aval de l'entreprise dominante intégrée[55].

    94. La Commission considérera qu’il y a lieu de traiter ces pratiques en priorité si les conditions cumulatives suivantes sont réunies:

    95. le refus porte sur un produit ou un service qui est objectivement nécessaire pour pouvoir exercer une concurrence efficace sur un marché en aval;

    96. le refus est susceptible de conduire à l’élimination d’une concurrence effective sur le marché en aval; et

    97. le refus est susceptible de léser le consommateur.

    98. Dans certains cas, il peut apparaître que l’imposition d’une obligation de fourniture n'aura manifestement aucun effet négatif sur la propension du propriétaire des intrants et/ou d’autres opérateurs à investir et à innover en amont, que ce soit ex ante ou ex post . Selon la Commission, tel pourrait être le cas, notamment, lorsqu'une réglementation compatible avec le droit communautaire impose déjà une obligation de fourniture à l’entreprise dominante et qu’il est évident, à la lumière des considérations sous-tendant cette réglementation, que le nécessaire équilibre entre les incitations a déjà été opéré par l'autorité publique lorsqu'elle a fixé cette obligation de fourniture. Tel pourrait être le cas également lorsque l'entreprise dominante a acquis sa position sur le marché en amont grâce à des droits spéciaux ou exclusifs ou à un financement au moyen de ressources d'État. Dans de telles circonstances, la Commission n'a aucune raison de s'écarter de sa norme d'application générale et elle pourrait démontrer une éviction anticoncurrentielle potentielle sans devoir examiner si les trois circonstances cumulatives ci-dessus sont réunies.

    a) Nécessité objective de l'intrant

    99. Pour déterminer si un refus de fourniture doit être traité en priorité, la Commission examinera si la fourniture de l'intrant refusé est objectivement nécessaire pour permettre aux opérateurs d'exercer une concurrence efficace sur le marché. Cela ne signifie pas qu'en l'absence de l'intrant refusé, aucun concurrent ne puisse jamais entrer ou survivre sur le marché en aval[56]. En fait, un intrant est indispensable s'il n'existe aucun produit de substitution réel ou potentiel auquel les concurrents du marché en aval pourraient recourir afin de contrer – à tout le moins à long terme - les conséquences négatives du refus[57]. À cet égard, la Commission examinera en principe si des concurrents pourraient reproduire efficacement l'intrant fabriqué par l'entreprise dominante dans un avenir prévisible[58]. Par «reproduction», on entend la création d'une autre source d'approvisionnement efficace capable de permettre aux concurrents d'exercer une pression concurrentielle sur l'entreprise dominante sur le marché en aval[59].

    100. Les critères exposés au point 80 s'appliquent à la fois à l’interruption des fournitures dans le cadre d’une relation commerciale existante et au refus de fournir un bien ou un service qui n'était pas vendu précédemment par l'entreprise dominante (refus de fourniture de novo ). Toutefois, le fait de mettre fin à un accord de fourniture existant sera plus souvent jugé abusif qu'un refus de fourniture de novo . Ainsi, par exemple, si l'entreprise dominante fournissait précédemment l'entreprise demandeuse et que cette dernière avait réalisé des investissements spécialement pour cette relation commerciale afin de pouvoir utiliser l'intrant refusé par la suite, cet intrant serait davantage susceptible d'être considéré comme indispensable par la Commission. De même, le fait que le propriétaire de l'intrant indispensable ait jugé par le passé qu'il était dans son intérêt de fournir cet intrant indique que cette fourniture ne risque pas de déboucher sur une rémunération insuffisante de l'investissement initial pour le propriétaire. Il incomberait par conséquent à l'entreprise dominante de démontrer en quoi les circonstances ont réellement changé au point que la poursuite de la relation de fourniture existante compromettrait une rémunération adéquate en ce qui la concerne.

    b) Élimination d'une concurrence effective

    101. Si les conditions exposées aux points 82 et 83 sont réunies, la Commission considère que le refus d'une entreprise dominante de fournir un intrant indispensable est, en règle générale, susceptible d'éliminer, immédiatement ou à terme, toute concurrence effective sur le marché en aval. Cette probabilité est souvent d'autant plus grande que la part de marché que détient l'entreprise dominante sur le marché en aval est élevée, que les contraintes de capacité auxquelles elle est soumise par rapport à ses concurrents sur le marché en aval sont faibles, que la substituabilité entre ses produits et ceux de ses concurrents sur le marché en aval est étroite, que la proportion de concurrents affectés en aval est importante et que la probabilité que la demande qui pourrait être satisfaite par les concurrents évincés soit détournée au profit de l'entreprise dominante est élevée.

    c) Préjudice subi par les consommateurs

    102. Pour déterminer l'incidence probable d'un refus de fourniture sur le bien-être des consommateurs, la Commission examinera si, de leur point de vue, les conséquences vraisemblablement négatives de ce refus sur le marché en cause l'emportent à terme sur les conséquences négatives de l'imposition d'une obligation de fourniture. Si tel est le cas, elle poursuivra en principe la procédure.

    103. La Commission considère que les consommateurs peuvent être lésés par exemple lorsque les concurrents évincés par l'entreprise dominante sont, du fait de ce refus, dans l'impossibilité de mettre sur le marché des produits ou des services innovants et/ou lorsque la poursuite de l'innovation est susceptible d'être freinée[60]. Tel pourra être le cas, notamment, si l'entreprise demandant la fourniture n'entend pas se limiter, en substance, à reproduire les produits ou les services déjà proposés par l'entreprise dominante sur le marché en aval, mais a l’intention d’offrir des produits ou des services nouveaux ou plus performants pour lesquels il existe une demande potentielle de la part des consommateurs ou qui sont susceptibles de contribuer au développement technique[61].

    104. La Commission considère également qu'un refus de fourniture peut léser les consommateurs lorsque le prix pratiqué sur le marché des intrants en amont est réglementé, contrairement au prix fixé sur le marché en aval, et que l'entreprise dominante, en évinçant ses concurrents sur le marché en aval par son refus de fourniture, est à même d'engranger sur ce marché non réglementé des bénéfices plus importants que si elle n'agissait pas de la sorte.

    d) Gains d'efficacité

    105. La Commission examinera les arguments de l'entreprise dominante selon lesquels le refus de fourniture est nécessaire pour obtenir un rendement adéquat des capitaux investis afin de développer l'activité de fourniture des intrants et, partant, pour produire des incitations en faveur de la poursuite des investissements, en tenant compte du risque d’échec des projets. La Commission prendra également en considération les arguments de l'entreprise dominante selon lesquels sa propre activité d’innovation sera compromise par l'obligation de fourniture ou par les changements structurels des conditions du marché qu'une telle obligation entraînera, comme le développement de la poursuite de l'innovation chez ses concurrents.

    106. Toutefois, lorsqu'elle étudiera ces arguments, la Commission s'assurera que les conditions exposées dans la section III D sont réunies. Il incombe notamment à l'entreprise dominante de démontrer l'incidence négative qu'une obligation de fourniture pourrait avoir sur son propre niveau d'innovation[62]; de même, le fait qu'une entreprise dominante ait fourni l'intrant précédemment peut être pertinent aux fins de l'appréciation d'un argument tendant à justifier le refus de fourniture par des raisons d'efficacité.

    [1] Voir notamment le point 79.

    [2] Affaire 322/81, Nederlandsche Banden Industrie Michelin (Michelin I)/Commission [1983] ECR 3461, point 57; affaire T-83/91, Tetra Pak/Commission (Tetra Pak II) [1993] ECR II-755, point 114; affaire T-111/96, ITT Promedia/Commission [1998] ECR II-2937, point 139; affaire T-228/97, Irish Sugar/Commission [1999] ECR II-2969, point 112; et affaire T-203/01, Michelin/Commission (Michelin II) [2003] ECR II-4071, point 97.

    [3] Affaire 27/76, United Brands Company et United Brands Continentaal/Commission, point 65, Recueil 1978, p. 207; affaire, 85/76 Hoffmann-La Roche & Co./Commission, point 38, Recueil 1979, p. 461.

    [4] Affaire 27/76, United Brands Company et United Brands Continentaal/Commission, points 113-121, Recueil 1978, p. 207; affaire, T-395/94 Atlantic Container Line et autres/Commission, point 330, Recueil 2002, p. II-875.

    [5] Affaire 27/76 , United Brands et United Brands Continentaal/Commission [1978] ECR 207, points 65 et 66; affaire C-250/92, Gøttrup-Klim e.a. Grovvareforeninger/Dansk Landbrugs Grovvareselskab [1994] ECR I-5641, point 47; affaire T-30/89, Hilti/Commission [1991] ECR II-1439, point 90.

    [6] La position dominante peut résulter de pratiques d’éviction. La durée de la période considérée comme longue dépendra du produit et des circonstances régnant sur le marché en cause, mais une période de deux ans sera normalement considérée comme suffisante pour constituer une longue période.

    [7] La rentabilité comptable n'est souvent qu'un indicateur médiocre de l'exercice d'un pouvoir de marché. Voir à ce propos l'affaire 27/76, United Brands Company et United Brands Continentaal/Commission, point 126, Recueil 1978, p. 207.

    [8] Affaire 85/76, Hoffmann-La Roche & Co./Commission, points 39-41, Recueil 1979, p. 461; affaire C-62/86, AKZO/Commission, point 60, Recueil 1991, p. I-3359; affaire T-30/ 89 Hilti/Commission, points 90-92, Recueil 1991, p. II-1439; affaire T-340/03, France Télécom/Commission, point 100, Recueil 2007, p. II-107.

    [9] Au sujet du lien entre le degré de position dominante et la constatation d’un abus, voir les affaires jointes C-395/96 P et C-396/96 P, Compagnie Maritime Belge Transports, Compagnie Maritime Belge et Dafra-Lines/Commission, point 119, Recueil 2000, p. I-1365; l'affaire T-228/97, Irish Sugar/Commission, point 186, Recueil 1999, p. II-2969.

    [10] Voir l'affaire T-30/89, Hilti/Commission, point 19, Recueil 1991, p. II-1439 .

    [11] Voir l'affaire 85/76, Hoffmann-La Roche/Commission, point 48, Recueil 1979, p. 461.

    [12] Voir l'affaire 27/76 United Brands/Commission, point 91, Recueil 1978, p. 207.

    [13] Voir l'affaire T-228/97, Irish Sugar/Commission, points 97-104, Recueil 1999, p. II-2969, dans laquelle le TPI a examiné si le manque d’indépendance présumé de l’entreprise par rapport à ses clients devait être considéré comme une circonstance exceptionnelle empêchant de constater l’existence d’une position dominante en dépit du fait que l’entreprise représentait plus de 90 % des ventes enregistrées sur le marché du sucre industriel en Irlande.

    [14] Pour le sens de l’expression «augmenter les prix», voir le point 11.

    [15] La notion de «consommateurs» englobe tous les utilisateurs directs ou indirects des produits affectés par le comportement considéré, dont les producteurs intermédiaires qui utilisent les produits comme intrants, ainsi que les distributeurs et consommateurs finals à la fois du produit immédiat et des produits fournis par les producteurs intermédiaires. Lorsque les utilisateurs intermédiaires sont concurrents actuels ou potentiels de l’entreprise dominante, l’appréciation porte essentiellement sur les effets de ce comportement sur les clients en aval.

    [16] Voir l'affaire T-228/97, Irish Sugar/Commission, point 188, Recueil 1999, p. II-2969.

    [17] Voir l'affaire 62/86, AKZO Chemie/Commission, point 72, Recueil 1991, p.I-3359: en ce qui concerne les prix inférieurs au coût total moyen, la Cour s’est prononcée comme suit : «Ces prix peuvent écarter du marché des entreprises, qui sont peut-être aussi efficaces que l’entreprise dominante mais qui, en raison de leurs capacités financières moindres, sont incapables de résister à la concurrence qui leur est faite» . Voir aussi l’arrêt du 10 avril 2008 dans l’affaire T-271/03 Deutsche Telekom/Commission, non encore publié, point 194.

    [18] Le coût évitable moyen est la moyenne des coûts qui auraient pu être évités si l’entreprise n’avait pas produit une unité (supplémentaire), en l’occurrence celle qui aurait fait l’objet d’un comportement abusif. Dans la plupart des cas, le coût évitable moyen et le coût variable moyen (CVM) seront identiques, car ce ne sont souvent que les coûts variables qui peuvent être évités. Le coût marginal moyen à long terme (CMMLT) est la moyenne de tous les coûts (variables et fixes) qu’une entreprise supporte pour fabriquer un produit déterminé. Le CMMLT et le coût total moyen (CTM) sont de bons indicateurs l’un de l’autre; ils sont identiques dans le cas des entreprises qui ne fabriquent qu’un seul produit. Si des entreprises fabriquant plusieurs produits ont des économies de gamme, le CMMLT serait inférieur au CTM pour chaque produit, car les véritables coûts communs ne sont pas pris en compte dans le CMMLT. Dans le cas des produits multiples, tous les coûts qui auraient pu être évités en ne produisant pas un produit ou une fraction de produits bien précis ne sont pas considérés comme des coûts communs. Lorsque ces derniers sont élevés, il peut être nécessaire de les prendre en considération afin d’apprécier la capacité d’exclure les concurrents aussi efficaces.

    [19] Afin d’appliquer ces critères de coûts, il peut également être nécessaire d’étudier les recettes et les coûts de la société dominante et de ses concurrents dans un contexte plus large. Il ne suffit peut-être pas de vérifier si le prix ou les recettes couvrent les coûts du produit en cause; il peut être nécessaire d’examiner les recettes marginales lorsque le comportement de l’entreprise dominante considérée porte atteinte à ses recettes sur d’autres marchés ou d’autres produits. De la même façon, dans le cas des marchés bilatéraux, il peut être nécessaire d’examiner les recettes et les coûts des deux côtés simultanément.

    [20] Affaire 27/76, United Brands/Commission, point 184, Recueil 1978, p. 207; affaire 311/84, Centre Belge d'études de marché - Télémarketing (CBEM)/Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion (CLT) et Information publicité Benelux (IPB), point 27, Recueil 1985, p. 3261; affaire T-30/89, Hilti/Commission, points 102-119, Recueil 1991, p. II-1439; affaire T-83/91, Tetra Pak International/Commission (Tetra Pak II), points 136 et 207, Recueil 1994, p. II-755; affaire C-95/04 P, British Airways/Commission, points 69 et 86, Recueil 2007, p. I-2331.

    [21] Voir notamment l’affaire T-30/89, Hilti/Commission, points 118 et 119, Recueil 1991, p. II-1439; l’affaire T-83/91, Tetra Pak International/Commission (Tetra Pak II), points 83-84 et 138, points 83-84 et 138, Recueil 1994, p. II-755.

    [22] Voir dans le contexte différent de l'article 81, la communication de la Commission –– Lignes directrices concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité, JO 101 du 27.04.2004, p. 97-118.

    [23] La notion d’accords exclusifs comprend également les obligations de fourniture exclusive ou les incitations ayant le même effet, par lesquelles l’entreprise dominante cherche à évincer ses concurrents en les empêchant d’acheter à des fournisseurs. La Commission considère que ce verrouillage des intrants est en principe susceptible d’entraîner une éviction anticoncurrentielle si l’obligation de fourniture exclusive ou l’incitation lient la plupart des fournisseurs d’intrants efficaces et si les entreprises en concurrence avec l’entreprise dominante sont incapables de trouver d’autres sources efficaces de fourniture des intrants.

    [24] Voir l'affaire T-65/98, Van den Bergh Foods/Commission, Recueil 2003, p. II-4653. En l’espèce, l’obligation d’utiliser les congélateurs exclusivement pour les produits de l’entreprise dominante a été considérée comme aboutissant à une exclusivité du point de vente.

    [25] Voir l'affaire T-65/98, Van den Bergh Foods/Commission, points 104 et 156, Recueil 2003, p. II-4653.

    [26] À cet égard, l’appréciation des rabais conditionnels s’écarte de celle de la prédation, qui suppose toujours un sacrifice.

    [27] Voir l'affaire T-203/01, Michelin/Commission (Michelin II), points 162-163, Recueil 2003, p. II-4071 . Voir également l'affaire T-219/99, British Airways/Commission, points 277 et 278, Recueil 2003, p. II-5917 .

    [28] Voir l'affaire 322/81, Nederlandsche Banden Industrie Michelin/Commission (Michelin I), points 70-73, Recueil 1983, p. 3461.

    [29] La fraction à prendre en considération sera estimée sur la base de données présentant des degrés de précision variables. La Commission en tiendra compte lorsqu’elle tirera des conclusions au sujet de la capacité de l’entreprise dominante d’exclure des concurrents aussi efficaces. Il peut être utile de calculer quelle est la part moyenne des besoins des clients que le nouveau venu devrait capter au minimum, afin que le prix effectif soit au moins aussi élevé que le CMMLT de la société dominante. Dans certains cas, la taille de cette part par rapport aux parts de marché réelles des concurrents et à leur part des besoins de la clientèle peut indiquer si le système de rabais peut avoir un effet d'éviction anticoncurrentiel.

    [30] Affaire 85/76, Hoffmann-La Roche & Co./Commission, points 89-90, Recueil 1979, p. 461; affaire T-288/97, Irish Sugar/Commission, point 213, Recueil 1999, p. II-2969; affaire T-219/99, British Airways/Commission, points 7-11 et 270-273, Recueil 2003, p. II-5917 .

    [31] Voir par exemple, en ce qui concerne les rabais, l'affaire C-95/04 P, British Airways/Commission, point 86, Recueil 2007, p. I-2331.

    [32] Voir, à cet égard, l'affaire T-203/01, Michelin/Commission (Michelin II), points 56 à 60 et 74 à 75, Recueil 2003, p. II - 4071.

    [33] Il y a vente liée pour des raisons techniques lorsque le produit liant est conçu de telle manière qu'il ne fonctionne correctement qu'avec le produit lié (et non avec d'autres produits proposés par les concurrents). Il y a vente liée contractuelle lorsque l’acheteur du produit liant s'engage à acheter également le produit lié (et pas les autres produits offerts par les concurrents).

    [34] L'entreprise doit occuper une position dominante sur le marché liant, mais pas nécessairement sur le marché lié. Dans le cas de la vente groupée, elle doit occuper une position dominante sur l'un des marchés groupés. Dans le cas particulier des ventes groupées sur les marchés de l'après-vente, l'entreprise doit occuper une position dominante sur le marché liant et/ou sur le marché lié de l'après-vente.

    [35] Arrêt du 17 septembre 2007 dans l'affaire T-201/04, Microsoft/Commission, notamment les points 842, 859 à 862, 867 et 869, Recueil 2007, p. II-3601.

    [36] Arrêt du 17 septembre 2007 dans l'affaire T-201/04, Microsoft/Commission, notamment les points 917, 921 et 922, Recueil 2007, p. II-3601.

    [37] Affaire T-30/89, Hilti/Commission, point 67, Recueil 1991, p. II-1439.

    [38] En principe, le CMMLT constitue un critère de coût pertinent dans ce cas, aussi longtemps que les concurrents ne sont pas à même de vendre, eux aussi, des produits groupés (voir les points 22 à 26 et 60).

    [39] La Commission peut également poursuivre les pratiques prédatrices d’entreprises dominantes sur des marchés secondaires où elles n'occupent pas encore de position dominante. De tels abus seront plus probables, en particulier, dans les secteurs où les activités sont protégées par un monopole légal. S’il n’est pas nécessaire que l'entreprise dominante adopte un comportement prédateur afin de préserver sa position dominante sur le marché protégé par ce monopole légal, elle peut utiliser les bénéfices réalisés sur le marché monopolistique en vue d’un subventionnement croisé des activités qu’elle mène sur un autre marché et, partant, menacer d’éliminer toute concurrence effective sur cet autre marché.

    [40] Dans la plupart des cas, le coût variable moyen (CVM) et le CEM seront identiques, étant donné que seuls les coûts variables peuvent généralement être évités. Toutefois, lorsque le CVM et le CEM diffèrent, ce dernier reflète mieux un éventuel sacrifice: par exemple, si l’entreprise dominante devait développer ses capacités afin de pouvoir adopter un comportement prédateur, les coûts irrécupérables liés à cette capacité supplémentaire devraient être pris en considération aux fins de l'examen des pertes supportées par cette entreprise. Ces coûts seraient reflétés par le CEM, non par le CVM.

    [41] Dans l'affaire AKZO, la CJCE a considéré, au sujet de la fixation d’un prix inférieur au CVM, que: « Une entreprise dominante n'a, en effet, aucun intérêt à pratiquer de tels prix, si ce n'est celui d'éliminer ses concurrents pour pouvoir, ensuite, relever ses prix en tirant profit de sa situation monopolistique, puisque chaque vente entraîne pour elle une perte … » (affaire 62/86, AKZO Chemie/Commission, point 71, Recueil 1991, p. I-3359).

    [42] Une estimation de coût basée sur le coût direct de production (tel qu'il apparaît dans les comptes de l'entreprise) peut ne pas refléter adéquatement l'existence ou l'absence de sacrifice.

    [43] Toutefois, les entreprises ne devraient pas être pénalisées pour avoir subi ex post des pertes lorsque la décision ex ante d'adopter un tel comportement a été prise de bonne foi, c'est-à-dire si elles peuvent produire des preuves déterminantes de ce qu'elles pouvaient raisonnablement escompter une activité rentable.

    [44] Voir l'affaire T-83/91, Tetra Pak International/Commission (Tetra Pak II), points 151 et 171, Recueil 1994, p. II - 755 , ainsi que l'affaire T-340/03, France Télécom/Commission, points 198 à 215, Recueil 2007, p. II-107.

    [45] Dans l'affaire AKZO (affaire 62/86, AKZO Chemie/Commission, Recueil 1991, p. I-3359), la Cour a reconnu qu'il existait des preuves manifestes qu'AKZO avait, à l'occasion de deux réunions, menacé ECS de vendre au-dessous de ses prix de revient si elle ne se retirait pas du marché des peroxydes organiques. Il existait en outre un plan détaillé et chiffré décrivant les mesures qu'AKZO mettrait en œuvre si ECS ne se retirait pas de ce marché (voir les points 76 à 82, 115 et 131 à 140).

    [46] Cela a été confirmé par l'arrêt rendu dans l'affaire T-83/91, Tetra Pak International/Commission (Tetra Pak II), Recueil 1994, p. II - 755 , confirmé sur pourvoi par l'arrêt de la CJCE dans l'affaire C-333/94 P, Tetra Pak International/Commission, Recueil 1996, p. I-5951. Dans le cadre de la première affaire, le Tribunal de première instance a établi qu'il n'était pas nécessaire d'apporter la preuve d'une récupération effective (point 150 in fine ). Plus généralement, la prédation pouvant s'avérer plus complexe que prévu initialement, les coûts totaux résultant pour l'entreprise dominante d'un tel comportement pourraient dépasser ses bénéfices ultérieurs et, partant, rendre impossible toute récupération, même s'il peut toujours être rationnel de décider de poursuivre la stratégie prédatrice entamée plus tôt. Voir également l'affaire COMP/38.233, Wanadoo Interactive, décision de la Commission du 16 juillet 2003, points 332 à 367.

    [47] Affaires jointes C-241/91 P et C-242/91 P, Radio Telefis Eireann (RTE) et Independent Television Publications Ltd (ITP)/Commission (Magill), point 50, Recueil 1995, p. I-743; affaire C-418/01, IMS Health/NDC Health, point 35, Recueil 2004, p. I-5039; affaire T-201/04, Microsoft/Commission, points 319, 330 à 332 et 336, Recueil 2007, p. II-3601.

    [48] Voir l'arrêt du 16 septembre 2008 dans les affaires jointes C-468/06 à C-478/06, Sot. Lélos kai Sia et autres/GlaxoSmithKline, non encore publié.

    [49] Affaires jointes 6/73 et 7/73, Istituto Chemioterapico Italiano S.p.A. et Commercial Solvents Corporation/Commission, Recueil 1974, p. 223.

    [50] Affaires jointes C-241/91 P et C-242/91 P, Radio Telefis Eireann (RTE) et Independent Television Publications Ltd (ITP)/Commission (Magill), Recueil 1995, p. 743; affaire C-418/01, IMS Health/NDC Health, Recueil 2004, p. I-5039. Ces arrêts démontrent que, dans des circonstances exceptionnelles, un refus d'accorder des licences portant sur des DPI constitue un abus.

    [51] Arrêt du 17 septembre 2007 dans l’affaire T-201/04, Microsoft/Commission, Recueil 2007, p. II-3601.

    [52] Voir l'article intitulé «Commission Decisions B&I Line v Sealink Harbours and Stena Sealink», [1992] 5 CMLR 255. Voir également l’affaire IV/34.689, Sea Containers/Stena Sealink – Mesures provisoires (décision de la Commission 94/19/CE du 21 décembre 1993, JO L 15 du 18.1.1994, p. 8) et l'affaire IV/33.544, British Midland/Aer Lingus (décision de la Commission 92/213/CEE du 26 février 1992, JO L 96 du 10.4.1992, p. 34).

    [53] Affaire C-418/01, IMS Health/NDC Health, point 44, Recueil 2004, p. I-5039.

    [54] Tel est le cas, notamment, lorsqu’une entreprise intégrée proposant un «système» de produits complémentaires refuse de vendre l'un de ces produits séparément à un concurrent produisant l’autre produit complémentaire.

    [55] Dans certains cas, toutefois, le CMMLT d'un concurrent non intégré en aval pourra être utilisé comme critère de référence, par exemple lorsqu'il n'est pas possible de ventiler clairement les coûts de l'entreprise dominante entre ses activités en aval et ses activités en amont.

    [56] Arrêt du 17 septembre 2007 dans l'affaire T-201/04, Microsoft/Commission, notamment les points 428 et 560-563, Recueil 2007, p. II-3601.

    [57] Affaires jointes C-241/91 P et C-242/91 P, Radio Telefis Eireann (RTE) et Independent Television Publications Ltd (ITP)/Commission (Magill), points 52 et 53, Recueil 1995, p. 743; affaire 7/97, Oscar Bronner/Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag, Mediaprint Zeitungsvertriebsgesellschaft et Mediaprint Anzeigengesellschaft, points 44 et 45, Recueil 1998, p. I-7791; arrêt du 17 septembre 2007 dans l'affaire T-201/04, Microsoft/Commission, point 421, Recueil 2007, p. II-3601.

    [58] En général, il est probable qu'un intrant ne peut pas être reproduit s'il implique un monopole naturel imputable à des économies d'échelle ou de gamme, s'il existe des effets de réseau importants ou s'il s'agit d'une information dite de «source unique». Il convient toutefois, dans tous les cas, de tenir compte du caractère dynamique du secteur et, notamment, de vérifier si le pouvoir de marché peut rapidement s’effriter.

    [59] Affaire 7/97, Oscar Bronner/Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag, Mediaprint Zeitungsvertriebsgesellschaft et Mediaprint Anzeigengesellschaft, point 46, Recueil 1998, p. I-7791; affaire C-418/01, IMS Health/NDC Health, point 29, Recueil 2004, p. I-5039.

    [60] Arrêt du 17 septembre 2007 dans l'affaire T-201/04, Microsoft/Commission, notamment les points 643, 647-649, 652-653 et 656, Recueil 2007, p. II-3601.

    [61] Affaire C-418/01, IMS Health/NDC Health, point 49, Recueil 2004, p. I-5039; arrêt du 17 septembre 2007 dans l'affaire T-201/04, ARD/Commission, point 658, Recueil 2007, p. II-3601.

    [62] Arrêt du 17 septembre 2007 dans l'affaire T-201/04, ARD/Commission, point 659, Recueil 2007, p. II-3601.

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