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Document 52002IE0850

Avis du Comité économique et social sur "La fiscalité directe des entreprises"

JO C 241 du 7.10.2002, p. 75–80 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52002IE0850

Avis du Comité économique et social sur "La fiscalité directe des entreprises"

Journal officiel n° C 241 du 07/10/2002 p. 0075 - 0080


Avis du Comité économique et social sur "La fiscalité directe des entreprises"

(2002/C 241/14)

Le 17 janvier 2002, le Comité économique et social a décidé, conformément à l'article 23 du Règlement intérieur, d'élaborer un avis sur: "La fiscalité directe des entreprises".

La section "Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale", chargée de préparer les travaux en la matière, a émis son avis le 25 juin 2002 (rapporteur: M. Malosse - corapporteuse: Mme Sánchez Miguel).

Lors de sa 392e session plénière des 17 et 18 juillet 2002 (séance du 17 juillet), le Comité économique et social a adopté le présent avis par 127 voix pour et 1 abstention.

1. Introduction

1.1. Le 23 octobre 2001, la Commission a présenté au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen, une communication intitulée: "Vers un marché intérieur sans entraves fiscales: une stratégie pour permettre aux entreprises d'être imposées sur la base d'une assiette consolidée de l'impôt sur les sociétés couvrant l'ensemble de leurs activités dans l'Union européenne".

1.2. Cette communication a pour but d'exposer les vues de la Commission sur les actions qu'elle estime nécessaires et réalistes d'engager dans le domaine de la fiscalité des sociétés dans l'UE au cours des prochaines années, pour adapter la fiscalité des entreprises de l'UE au nouvel environnement économique et pour renforcer l'efficacité du marché intérieur grâce à la suppression des entraves fiscales internes. L'impôt sur les sociétés représente dans l'Union européenne les 3,2 % du PIB.

1.3. La Commission est convaincue que les régimes d'imposition des sociétés de l'UE n'ont pas réussi à s'adapter à des évolutions comme la mondialisation, l'intégration économique du marché intérieur et l'Union économique et monétaire. Une nouvelle approche lui apparaît donc indispensable, pour assurer ce qu'elle appelle le "bien être" fiscal des opérateurs économiques.

1.4. Pour bâtir cette nouvelle approche, la Commission s'appuie sur les résultats d'une étude approfondie, à la fois économique et juridique, qui lui a permis d'une part de mettre en évidence la réalité du poids des impositions pesant sur les entreprises dans les différents pays de l'Union et d'autre part d'identifier "les domaines dans lesquels les systèmes d'imposition des sociétés entravent l'activité économique transfrontalière dans le marché intérieur et nuisent de ce fait à la compétitivité internationale des entreprises de l'UE".

1.5. Plus généralement, et avant de porter une appréciation circonstanciée sur cette communication, il faut noter l'importance de cette initiative de la Commission, sans précédent depuis les conclusions du Comité Ruding en 1992. L'élément le plus innovant en est sans doute la proposition d'une base consolidée d'imposition des sociétés harmonisées.

1.6. L'initiative du CESE s'inscrit dans le cadre du débat lancé par la Commission européenne dans sa Communication. Mais cette initiative prend en compte également l'ensemble des facteurs qui conduisent à l'existence de fortes disparités de concurrence entre les entreprises au sein du marché unique: charges sociales, coût du capital et de la main-d'oeuvre, conditions économiques générales, niveau des infrastructures et services publiques, formation et qualification des personnels. Il faut noter dans ce contexte que le facteur fiscal peut être déterminant mais n'est pas le seul à prendre en compte en matière de choix de localisation des investissements.

2. Les constats de l'étude de la Commission européenne

Cette étude donne donc tout d'abord un grand nombre d'indications sur la réalité du poids des impositions pesant sur les entreprises dans les différents pays de l'Union:

2.1. Selon la Commission, pour pouvoir comparer, il faut étudier non pas les taux nominaux, mais les taux effectifs d'imposition, c'est à dire l'impôt réellement payé par les entreprises lors d'une opération donnée.

2.2. La Commission a constaté que même si la fiscalité n'est qu'un déterminant parmi d'autres des décisions d'investissement et de financement, l'importance des écarts dans les taux d'imposition effectifs selon les États membres réclamait une analyse approfondie. Des écarts importants - jusqu'à 30 % - existent dans les taux effectifs d'imposition des sociétés à l'échelle de l'UE, et sont principalement attribuables aux disparités dans les taux légaux nationaux d'imposition plutôt qu'aux différences dans l'assiette de l'imposition.

2.3. Malgré les divergences d'assiette, les taux sont, selon la Commission, un bon indicateur de la pression fiscale globale. La Commission reste cependant convaincue que la fixation des taux de l'impôt sur les sociétés est une question qui relève et doit rester pour l'instant de la compétence des États membres.

2.4. L'étude identifie dans un deuxième temps un certain nombre d'obstacles fiscaux entravant l'activité économique transfrontalière dans le marché intérieur. La coexistence de 15 corps distincts de règles fiscales pour la détermination de la base imposable dans le marché intérieur, outre qu'elle génère des coûts de conformité, cause de nombreux problèmes pour l'imposition des transactions intra groupe ("prix de transfert") et accroît les risques de double imposition.

À cet égard, l'étude de la Commission fait ressortir une série de conséquences défavorables:

2.4.1. Les sociétés doivent affecter des bénéfices à chaque juridiction sur une base de pleine concurrence par le jeu d'une comptabilité séparée.

2.4.2. Les États membres sont réticents à admettre la déductibilité des pertes de sociétés affiliées dont ils ne peuvent imposer les bénéfices.

2.4.3. Les réorganisations transfrontalières sont susceptibles de générer une taxation (plus-values et autres).

2.4.4. Une double taxation peut apparaître par suite d'un conflit de droits en matière d'imposition.

2.5. S'ajoutent à ces difficultés les différences réglementaires, les dispositions relatives à la perception des impôts, les règles de contestation et de contrôle, en clair les pratiques fiscales, encore plus difficiles à cerner que les textes de base.

3. La stratégie proposée par la Commission européenne

La stratégie proposée par la Commission pour parvenir au "bien-être" fiscal des opérateurs économiques se décompose en deux étapes.

3.1. En premier lieu, cette stratégie prévoit un certain nombre de mesures ciblées portant sur des questions comme l'extension des directives sur les dividendes et les fusions, la compensation transfrontalière des pertes, les prix de transfert et les conventions en matière de double imposition.

3.2. Mais, en second lieu, la Commission est persuadée qu'à plus long terme, les entreprises doivent se voir offrir la possibilité d'être imposées sur la base d'une assiette consolidée de l'impôt sur les sociétés couvrant l'ensemble de leurs activités dans l'Union européenne, de façon à échapper aux inefficacités coûteuses qui résultent actuellement de la coexistence de 15 corps de règles fiscales distincts.

4. En premier lieu, une strategie de court terme prenant la forme de mesures ciblées

La Commission estime que l'adoption de certaines mesures ciblées "peuvent constituer en même temps des étapes préparatoires en vue de solutions plus ambitieuses et générales" et que dans l'immédiat la priorité doit être donnée à l'amélioration des règles en vigueur et de leur application.

4.1. Faciliter l'application de la jurisprudence de la Cour de justice

La Commission formulera des orientations sur les arrêts importants de la Cour de justice en vue de faciliter une application conforme au traité et à la législation communautaire. En 2001, la Commission a déjà entamé un programme de réunions avec les États membres sur ce thème et elle se propose de le poursuivre et de le renforcer.

4.2. Directives "mères-filiales" et "fusions"

Les flux transfrontaliers de revenus et les opérations de restructuration sont souvent frappés par une imposition supplémentaire. Les directives "mères-filiales" et "fusions" (90/435/CEE et 90/434/CEE) n'ont pas permis de résoudre tous les problèmes dans ce domaine.

4.2.1. La Commission présentera des modifications aux directives "mères-filiales" et "fusions", accompagnées d'orientations détaillées concernant leur application et leur mise en oeuvre.

4.2.2. En 1993, la Commission avait déjà présenté des propositions visant à modifier ces directives (en élargissant leur champ d'application pour couvrir toutes les formes de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés), mais elle estime aujourd'hui que ces directives doivent également être étendues et améliorées de façon à couvrir un éventail plus large d'impôts et de transactions. Leur champ d'application devra en outre couvrir les sociétés qui seront à l'avenir régies par le statut de la société européenne ("societas europeae", SE).

4.2.3. Les possibilités de compensation transfrontalière des pertes restent très limitées, et il est fréquent que des groupes soient imposés sur les profits réalisés dans un pays du marché intérieur sans pouvoir parallèlement prendre en compte les pertes subies dans un autre pays.

4.2.4. La Commission retirera sa proposition de directive de 1990, qui visait à permettre aux entreprises de prendre en compte les pertes subies par leurs établissements permanents et filiales situés dans d'autres États membres, et qui s'est révélée inacceptable pour les États membres.

4.2.5. Afin de surmonter les réserves des États membres à l'égard de toute initiative communautaire dans ce domaine, la Commission se propose de lancer, en 2002, une série de réunions techniques préparatoires avec les États membres en vue d'élaborer une nouvelle proposition améliorée, au champ d'application éventuellement plus large, et de présenter un rapport sur ses intentions législatives avant la fin de 2003.

4.3. Les prix de transfert

La question des prix de transfert est, en matière internationale, un des principaux points de litige entre les entreprises et les administrations fiscales, voire entre les administrations fiscales elles-mêmes.

4.3.1. La fiscalité applicable aux échanges de biens et de services à l'intérieur des entreprises multinationales revêt d'autant plus d'importance que ces échanges ont pris une ampleur inédite ces dernières années, et représentant aujourd'hui près de la moitié du commerce mondial. Les administrations fiscales ont sur les entreprises multinationales et leurs transactions commerciales internes un angle de vue nécessairement restreint par leur compétence territoriale, et la vision globale de l'opération est impossible.

4.3.2. Il est vrai également que la rémunération de ces échanges n'obéit pas toujours à la loi du marché, les entreprises sont souvent soupçonnées de diminuer leur charge fiscale globale en transférant des bénéfices vers les pays ayant la fiscalité la plus intéressante. Les administrations fiscales vont donc contester des prix qui selon elles ne correspondent pas à ceux qui auraient été constatés entre des entreprises indépendantes, et le risque de double imposition est grand car les approches différent selon les pays. Ainsi, un prix sera jugé trop élevé dans un État et trop faible dans l'autre, donnant lieu à redressement dans les deux cas, sans que les administrations puissent s'entendent sur ce qui devrait être le "juste prix".

4.3.3. Malgré les actions menées pour dégager des principes équitables, notamment sous l'impulsion de l'OCDE, le risque de contentieux avec les administrations fiscales est très important, d'autant que la préservation des recettes fiscales est leur priorité majeure en la matière. Il en résulte de fréquentes situations de doubles impositions.

4.3.4. De plus, les conventions fiscales internationales ne pouvant pas efficacement s'appliquer en l'espèce, les solutions envisagées ne règlent nullement le problème des risques d'appréciation différente selon les états, ces derniers n'ayant qu'une vision partielle de l'opération.

4.3.5. Le problème se posant, et devant se poser à l'avenir avec encore plus d'acuité dans un marché européen intégré, des solutions communes doivent donc être trouvées au niveau de l'Union européenne.

4.3.6. Pour cela, la Commission propose la création d'un "Forum conjoint de l'UE sur les prix de transfert" avec les États membres au premier semestre 2002. L'objectif serait d'améliorer la coordination entre États membres, et entre États membres et entreprises, au niveau de l'imposition des transactions transfrontalières intra-groupe. De plus, les États membres ont tendance à imposer aux entreprises des exigences de documentation de plus en plus lourdes pour les prix de transfert. Ce forum pourrait examiner un certain nombre de questions qui n'exigent pas l'adoption d'une législation, par exemple les accords préalables sur les prix, les exigences de documentation et les méthodologies d'établissement des prix de transfert, dans le cadre des orientations de l'OCDE en la matière.

4.4. La convention d'arbitrage et les conventions de double imposition

Les mécanismes visant à atténuer la double imposition résultant d'activités transfrontalières, qu'il s'agisse des conventions de double imposition bilatérales ou de la convention de 1990 visant à éliminer les divergences d'appréciation entre administrations nationales en ce qui concerne l'ajustement des transferts de bénéfices entre sociétés associées (la "convention d'arbitrage" - 90/436/CEE) ne fonctionnent pas de manière satisfaisante.

4.4.1. En 2003, la Commission présentera une proposition de directive visant à reconduire et à améliorer la convention d'arbitrage et à soumettre ses dispositions à l'interprétation de la Cour de justice.

4.4.2. En 2004, la Commission entend publier une communication sur les conventions en matière de double imposition qui soulignera la nécessité d'adapter certaines dispositions des conventions bilatérales entre États membres calquées sur la convention modèle de l'OCDE afin de les rendre plus conformes aux principes du traité CE. L'objectif est de parvenir à terme à une version communautaire de la convention modèle de l'OCDE et de son commentaire qui satisferait aux exigences spécifiques de l'appartenance à la Communauté, voire même d'élaborer une convention UE multilatérale.

5. En second lieu, une strategie de long terme pour une base consolidée d'imposition des sociétés

C'est là la principale innovation de la communication.

5.1. Même si les différentes mesures ciblées citées ci-dessus permettront un certain nombre de progrès en matière de suppression des obstacles fiscaux, la Commission est consciente que le problème fondamental, à savoir la coexistence de 15 régimes fiscaux différents dans le marché intérieur, continuera à subsister. Il faut donc s'attaquer aux causes profondes du problème.

5.2. L'étude annexée à la communication pousse assez loin la réflexion en simulant les effets d'une harmonisation théorique de certaines caractéristiques des régimes fiscaux.

5.3. L'effet le plus significatif serait obtenu par l'introduction d'un taux d'imposition nominal uniforme au sein de l'UE. Aucun autre scénario étudié ne peut se comparer en terme d'impact.

5.4. Mais la Commission considère que la définition d'une base consolidée d'imposition des sociétés couvrant l'ensemble de leurs activités dans l'UE serait une solution potentiellement capable d'améliorer l'efficacité, la simplicité et la transparence des régimes d'impôt sur les sociétés, en particulier en réduisant les coûts de mise en conformité.

5.5. L'institution d'une base d'imposition consolidée permettrait aux entreprises ayant des activités transfrontalières et internationales dans l'UE:

- de calculer le revenu de l'ensemble du groupe conformément à un corps unique de règles;

- d'élaborer des comptes consolidés à des fins fiscales, ce qui éliminerait les incidences fiscales éventuelles sur les transactions purement internes au sein du groupe.

5.6. Pour ce faire, l'étude de la Commission a identifié plusieurs approches techniques envisageables. Les options étudiées ont été:

5.6.1. Imposition selon les règles de l'État de résidence de la "société-mère". La base d'imposition consolidée d'un groupe multinational serait calculée conformément au code des impôts de l'État où la "société-mère" est localisée (c'est-à-dire là où se trouve son siège social).

5.6.2. Imposition sur une base commune consolidée. La base d'imposition consolidée d'un groupe multinational serait calculée selon de toutes nouvelles règles harmonisées, applicables dans l'ensemble de l'Union européenne.

5.6.3. Impôt européen sur le revenu des sociétés: l'impôt sur le revenu des sociétés serait prélevé au niveau européen et le produit de l'impôt alimenterait (du moins en partie) le budget de l'Union européenne.

5.6.4. Harmonisation obligatoire des bases d'imposition existantes. À la différence des trois options ci-dessus, qui coexisteraient avec les systèmes fiscaux nationaux, la base d'imposition consolidée de toutes les entreprises de l'Union européenne serait calculée en vertu de règles harmonisées.

5.7. Les évolutions à venir en matière de société européenne (statut de droit européen pour les PME tel que proposé par l'avis d'initiative du CES adopté le 21 mars 2002(1) permettent également de prévoir éventuellement pour ces sociétés un régime général d'impôt sur les sociétés et une base consolidée d'imposition des sociétés couvrant l'ensemble de leurs activités au sein de l'UE.

5.8. Pour cette deuxième phase, la Commission ouvre un véritable débat sur ce que doit être, à terme, l'imposition des entreprises en Europe, avec une présentation de plusieurs options pour lesquelles des choix clairs devront être opérés.

6. Principes de base devant être retenus

6.1. Le CESE soutient l'approche ambitieuse retenue par la Commission européenne. Il estime qu'il appartient effectivement à l'Exécutif européen de faire des propositions qui correspondent aux nécessités de l'intégration européenne.

6.2. Le CESE, cependant, regrette que le champ d'application des propositions de la Commission européenne se concentre essentiellement sur la question des entraves fiscales aux activités transfrontalières des entreprises alors que les disparités fiscales touchent l'ensemble des entreprises, notamment les petites entreprises. Le CESE juge qu'il ne faut pas sous-estimer les conséquences négatives d'un manque de transparence ainsi que de disparités trop fortes que peuvent créer des graves distorsions de concurrence, avec des effets de dumping fiscal.

6.3. L'établissement d'une concurrence loyale entre entreprises, comme le soulignait le rapport Ruding, doit être une priorité de toute initiative européenne en matière fiscale.

6.4. L'égalité de traitement entre toutes catégories d'entreprises, notamment les plus petites d'entre-elles, doit être plus qu'un objectif, elle doit être un impératif qui doit sous-tendre ce projet à tout les stades de sa mise en oeuvre.

6.5. Ces propositions fiscales doivent être en cohérence avec les grands objectifs politiques de l'Union européenne. Il importe par exemple, selon les stratégies décidées à Cardiff et à Luxembourg, que ces propositions créent un climat favorable à l'emploi et donc viser à la neutralité de la fiscalité par rapport aux deux facteurs de production que sont l'emploi et le capital. Il importe aussi de restituer ces propositions par rapport aux objectifs de compétitivité du Sommet européen de Lisbonne et donc de favoriser une fiscalité qui encourage la création et le développement des entreprises et de l'emploi.

6.6. Le CESE soutient une approche qui permettra de simplifier les régimes fiscaux, aussi bien pour les activités transfrontalières que pour les activités sur le marché national. Pour atteindre cet objectif, il est essentiel de viser à une transparence des régimes de fiscalité des entreprises dans l'Union européenne.

6.7. Le CESE estime que l'Union doit s'inspirer des solutions déjà dégagées en matière de fiscalité dans des pays où, tout en respectant la diversité et la souveraineté des territoires, des régimes différents ne portent pas atteinte au principe d'une concurrence loyale et sont appliqués dans des conditions de transparence. L'exemple de la Confédération helvétique mériterait, à cet égard, d'être davantage étudié car il semblerait qu'elle réussisse à concilier subsidiarité et harmonie d'ensemble.

6.8. Le CESE souligne que la réglementation fiscale doit être étroitement liée au processus d'harmonisation des normes comptables.

6.8.1. L'Union européenne n'est pas parvenue à une véritable harmonisation des obligations comptables des entreprises européennes. S'il est vrai que l'adoption de la 4e et de la 7e directives sur les sociétés a rapproché les comptabilités nationales des entreprises, les modifications et les particularités selon le type d'entreprise ont donné lieu à un ensemble de règles qui ne permettent pas l'harmonisation.

6.8.2. L'application des normes comptables internationales (IAS) pourrait être une solution; elles ont déjà été incorporées à la législation communautaire(2) pour les sociétés cotées en bourse, pour les sociétés financières et pour les compagnies d'assurance. Toutefois, la finalité de ces normes internationales est de donner une information comptable aux investisseurs, alors que l'impôt sur les sociétés nécessite une comptabilité qui reflète l'état du patrimoine de l'entreprise afin de déterminer le résultat obtenu pour chaque exercice fiscal.

6.9. Le CESE soutient l'approche consistant à lier les propositions fiscales de l'UE aux statuts européens de sociétés. Ceux-ci doivent pouvoir, conformément à l'avis d'initiative du CES sur un statut européen de société pour les PME(3) être accessible à toute catégorie d'entreprises.

6.10. Le CESE estime que l'élargissement prochain de l'UE à des pays disposant généralement d'un revenu très nettement inférieur à la moyenne, est un facteur d'accélération pour toute initiative européenne en matière de fiscalité des entreprises. En effet, d'une part cet élargissement ne peut qu'accentuer les disparités fiscales existantes au sein du marché unique et d'autre part, il est utile d'établir un certain nombre de principes communs pour des pays qui sont en train d'établir leur régime de fiscalité sur des bases entièrement nouvelles.

7. Les positions du CESE

7.1. En ce qui concerne la première étape, le CESE soutient tout d'abord les propositions de la Commission européenne visant à accélérer les dispositions évitant les doubles impositions, et soutient en particulier la proposition d'un "Forum conjoint de l'UE sur les prix de transfert".

7.1.1. Le CESE estime qu'il s'agit, avec ces propositions, d'un pas important pour éliminer les entraves fiscales au sein du marché unique. Cela étant, ces initiatives n'auront pas d'effet sur les distorsions fiscales exagérées qui perdurent au sein du Marché unique et risquent de s'accentuer avec l'élargissement.

7.1.2. Le CESE insiste pour que cette première phase porteuse de solutions pratiques soit appliquée sans tarder.

7.2. En ce qui concerne l'étape suivante, le CESE(4) approuve l'ambition d'un Marché intérieur sans entraves fiscales. Il estime que ce ne peut être qu'un moyen de parvenir à établir des principes communs favorisant un Marché intérieur dans lequel prévaudrait une concurrence loyale. Ces principes communs devraient également favoriser les objectifs de simplification, de compétitivité et de création d'emplois.

7.2.1. Le CESE estime qu'il est indispensable de créer les conditions d'une transparence des régimes fiscaux dans l'Union européenne, préalable à l'établissement de conditions de concurrence loyale. Dans cette optique, la quatrième option proposée par la Commission d'une base d'imposition harmonisée est la seule à répondre à cet objectif. En effet, les trois autres options (sauf le cas d'un impôt européen non optionnel) proposées par la Commission européenne visent à créer deux régimes différents pour les entreprises, selon qu'elles développent ou pas des activités au-delà de leurs frontières nationales. Ces solutions créeraient une sorte de privilège fiscal, une fiscalité à deux vitesses. Elles ne peuvent donc être recevables.

7.2.2. L'objectif d'une base d'imposition harmonisée pour toutes les entreprises dans l'UE est compatible avec la souveraineté fiscale des États membres et des régions de l'UE car elle préserve leur capacité d'en fixer le niveau. On doit souligner ici que la base d'imposition harmonisée, par son effet de transparence, permettrait aux acteurs économiques d'assurer une pression forte sur les autorités nationales, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui en raison de l'opacité des régimes fiscaux. À terme, en effet, il serait souhaitable qu'il y ait une véritable convergence des niveaux de la fiscalité directe des entreprises. Une étape intermédiaire pourrait consister en la fixation de fourchettes de taux ou taux de référence, qui répondent notamment aux objectifs du Sommet de Lisbonne visant à dynamiser la compétitivité de l'UE.

7.2.3. Dans l'étude d'une base d'imposition harmonisée, la Commission européenne devrait aussi prendre en compte la nécessité d'une imposition qui soit neutre par rapport aux facteurs de production, avec le souci, notamment, de ne pas défavoriser l'emploi.

7.2.4. Le CESE est favorable à ce que le processus en faveur d'une base d'imposition harmonisée soit expérimentée pour les sociétés ayant opté pour un statut européen, étant entendu qu'il ne s'agirait pas de leur accorder un privilège en matière de pression fiscale par rapport aux autres entreprises. En leur faveur cependant et afin de rendre attractifs les statuts européens, on pourrait leur proposer une base d'imposition consolidée, selon la deuxième option de la Commission européenne, ce qui serait un avantage en matière de simplification pour les entreprises ayant des activités transnationales. Le CESE est favorable à ce que toutes les entreprises, quelle que soit leur organisation et leur taille puissent bénéficier d'un statut européen. Le CESE demande à cet égard à la Commission européenne d'examiner sans délais l'initiative qu'il a prise visant à doter les PME d'un statut européen.

7.2.5. Le CESE soutient aussi les avancées institutionnelles qui permettraient d'atteindre l'objectif d'un Marché intérieur avec une transparence fiscale et notamment la modification de l'unanimité dans le chapitre de la fiscalité des entreprises. Il appuie aussi l'idée de faire appel à la procédure des coopérations renforcées telle que définie dans le traité de Nice qui permettrait à un groupe d'États membres d'avancer en précurseurs selon les règles communautaires.

Bruxelles, le 17 juillet 2002.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) JO C 125 du 27.5.2002, p. 100, "L'accès des PME à un statut de droit européen" (INT/109).

(2) JO C 260 du 17.9.2001, p. 86, "Application des normes comptables internationales" (INT/101).

(3) JO C 125 du 27.5.2002, p. 100, "L'accès des PME à un statut de droit européen" (INT/109).

(4) JO C 48 du 21.2.2002, p. 73, "Politique fiscale de l'Union européenne - Priorités pour les prochaines années" (ECO/072) et JO C 149 du 21.6.2002, p. 73, "Concurrence fiscale et compétitivité des entreprises" (ECO/067).

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