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Document 52002AE0026

    Avis du Comité économique et social sur "La relance d'un plan protéines végétales au niveau communautaire"

    JO C 80 du 3.4.2002, p. 26–34 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

    52002AE0026

    Avis du Comité économique et social sur "La relance d'un plan protéines végétales au niveau communautaire"

    Journal officiel n° C 080 du 03/04/2002 p. 0026 - 0034


    Avis du Comité économique et social sur "La relance d'un plan 'protéines végétales' au niveau communautaire"

    (2002/C 80/06)

    Le 12 juillet 2001, le Comité économique et social a décidé, conformément aux dispositions de l'article 23, paragraphe 2 de son règlement intérieur, d'élaborer un avis "Cultures arables" sur le thème: "La relance d'un plan 'protéines végétales' au niveau communautaire".

    La section "Agriculture, développement rural, environnement", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 4 décembre 2001 (rapporteur: M. Sabin).

    Lors de sa 387e session plénière des 16 et 17 janvier 2002 (séance du 16 janvier 2002), le Comité économique et social a adopté le présent avis par 95 voix pour et 3 abstentions.

    Suite à l'avis concernant la culture de légumineuses sur jachère, le CES a décidé d'approfondir la réflexion sur l'approvisionnement en protéines végétales de l'Union européenne dans le secteur de l'élevage. Ce complément d'avis étudie les différentes pistes de relance d'un plan "protéines végétales" au niveau communautaire. La commission de l'Agriculture du Parlement européen se déclarant intéressée par la réflexion présentée par le CES, une coopération entre les deux rapporteurs de ces institutions a été menée. Elle a abouti à une audition publique le 4 décembre 2001 organisée par le Comité (pour plus d'information veuillez voir: www.esc.eu.int).

    1. Introduction

    1.1. L'histoire du dossier des oléo-protéagineux dans les relations internationales est riche d'enseignements pour l'avenir (annexe: point 1 - historique du dossier des oléagineux):

    - Ces productions ne furent pas considérées comme stratégiques, par les négociateurs européens, lors du "Dillon Round" en 1962. Huit années plus tard, le soja s'imposait comme la seule ressource en protéines végétales à destination de l'alimentation animale dans les échanges mondiaux.

    - Alors que le développement des échanges mondiaux devait assurer un approvisionnement à moindre coût de l'Union européenne, un décalage important s'est créé entre l'offre et la demande en 1973, créant ainsi une forte hausse des prix mondiaux. Les États-Unis décrétèrent alors l'embargo sur les ventes de soja créant un fort traumatisme en Europe.

    - Forte de cette expérience, l'Union européenne, dès après 1973, a montré qu'elle pouvait améliorer son taux d'autoapprovisionnement en consolidant l'Organisation commune de marché "oléagineux" et en créant les conditions de développement des protéagineux.

    - L'accord de "Blair House", faisant suite aux attaques des États-Unis (panels GATT) contre le règlement "oléagineux", a abouti à une limitation de la production européenne. Bien que fortement critiqué, cet accord a eu le mérite de ne pas remettre en cause le niveau européen d'emblavement existant. Pourtant huit années plus tard, la réforme de la Politique Agricole Commune provoque, à nouveau, un affaiblissement de ce secteur.

    1.2. On constate à nouveau un décalage important entre les besoins de l'Union européenne en protéines végétales et son potentiel de production. De plus, le développement du secteur des oléo-protéagineux dépasse le cadre de l'enjeu agricole. Ce secteur est impliqué dans plusieurs enjeux majeurs de société.

    1.3. La perception de la sécurité alimentaire par le consommateur est devenue prépondérante. La nouvelle politique communautaire intégrée de sécurité alimentaire impose à chaque maillon de la chaîne alimentaire un haut niveau de sécurité. La place des protéines d'origine végétale dans l'alimentation du bétail doit s'analyser au regard de ces considérations.

    1.4. Les conclusions du Sommet européen de Göteborg, 15 et 16 juin 2001, ont permis l'adoption d'une stratégie européenne en faveur du développement durable, dans laquelle il est précisé que la Politique Agricole Commune "devrait viser, entre autres, à contribuer à un développement durable en encourageant davantage ... les matières premières renouvelables ...;". Plus particulièrement, la lutte contre le changement climatique et le respect des engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto nécessitent l'encouragement à la substitution du carbone d'origine fossile par du carbone d'origine renouvelable.

    1.5. Enfin les conclusions des Sommets européens de Berlin, en mars 1999 et de Nice, en décembre 2000, demandent à la Commission de rester attentive à l'évolution du secteur des oléagineux en Europe et d'étudier, le cas échéant, les options possibles pour la promotion de la culture des protéines végétales. Ce qui a fait l'objet de la publication de la communication par la Commission(1).

    1.5.1. Le Comité remarque que depuis les deux dernières réformes de la PAC et les accords à l'OMC, le taux d'autoapprovisionnement en protéines végétales de l'Union européenne a, de nouveau, diminué pour atteindre moins de 25 % l'année dernière. Ce taux en dégradation constante pose la question d'une dépendance présentant des risques à l'égard de l'élevage européen pour ses besoins en protéines végétales.

    1.6. Le Comité attache une importance particulière au devenir des productions oléo-protéagineuses en Europe. Le présent avis a pour objet de proposer les voies d'un plan protéines végétales au niveau communautaire qui s'inscrit dans quatre enjeux majeurs de l'Union européenne.

    2. 1er Enjeu: les protéines végétales européennes - un atout pour la sécurité alimentaire

    2.1. La Commission a adopté un Livre blanc sur la sécurité alimentaire qui repense fondamentalement la politique existante de l'Union européenne en matière de sécurité des denrées alimentaires et d'aliments pour animaux. Ce Livre blanc a été examiné par le Comité économique et social et a donné lieu à un avis(2) adopté à une très large majorité en mai 2000.

    2.2. La récente crise sanitaire, due à l'encéphalite spongiforme bovine, a mis en exergue les règles de prudence qui s'imposent lorsque des chaînes de recyclage de matières premières sont mises en place. Ce qui a induit l'interdiction de l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation animale.

    2.3. Bien qu'en 1999, 5 % des matières riches en protéines n'étaient pas d'origine végétale, cette crise sanitaire a été suivie d'une crise de confiance du consommateur sur le marché de la viande bovine. Ce qui a eu des conséquences sur l'alimentation du bétail car il a fallu recourir plus largement aux protéines végétales.

    2.3.1. C'est pourquoi, la Commission européenne a proposé d'encourager, à partir de la campagne 2001/2002, la culture sur jachère de légumineuses fourragères selon le mode de production biologique. Toutefois ces productions entrent uniquement dans la composition de l'alimentation des ruminants.

    2.3.1.1. Le Comité a exprimé son avis(3) sur cette proposition qu'il juge aller dans le bon sens mais elle ne peut pas répondre à l'ampleur de l'attente des consommateurs sur la sécurité sanitaire de l'alimentation animale et ne résout pas le cas des filières de production de viandes blanches.

    2.4. Désormais, l'alimentation animale en protéines est assurée par des matières d'origine végétale et des farines de poisson mais en quantité non significative, pour ces dernières. Afin de mettre en avant le caractère sain des pratiques, il convient d'examiner les modalités de gestion des risques éventuelles sur le plan sanitaire de l'usage de tourteaux d'oléo-protéagineux.

    Les risques éventuels peuvent porter sur:

    - la présence éventuelle de produits contaminants,

    - les effets dus à la présence d'OGM.

    2.5. Concernant la présence de produits contaminants, il existe une législation européenne complète sur les contrôles des substances indésirables dans l'alimentation animale (Directive 2001/46/CE). Cette directive porte une attention particulière pour les défaillances des procédés de fabrication car la présence éventuelle de produits contaminants relève de l'accident de fabrication. Par ailleurs, la commercialisation des aliments composés pour animaux (79/373/CEE) est également en cours de révision(4). Il devrait permettre une meilleure lisibilité des matières premières utilisées dans les tourteaux végétaux.

    2.6. Concernant la présence d'OGM, l'Union européenne se situe actuellement dans le cadre d'un moratoire interdisant l'usage de nouveaux OGM dans l'alimentation humaine ou animale. Toutefois, une législation communautaire cohérente permettant de gérer ce risque sanitaire est entrée dans la dernière phase des travaux législatifs. Quant à la Directive 2001/18/CE, elle assure aux instances communautaires et aux États membres des modalités de suivi des effets possibles à long terme des OGM dans l'environnement.

    2.7. La Commission a présenté le 25 juillet 2001 un projet de règlement concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés(5). Sans présager de l'avis du Comité afférent à cette proposition, ce projet s'appuie sur des principes fondamentaux du Livre blanc sur la sécurité alimentaire:

    - une évaluation unique des risques liés à l'environnement, à la santé humaine et animale,

    - une gestion des risques dans laquelle la Commission et les États membres interviennent,

    - une meilleure information du consommateur par un étiquetage adapté.

    2.8. Concernant la présence d'OGM dans les matières premières importées, l'Union européenne a approuvé le protocole de Carthagène relatif à la biosécurité. Celui-ci ne régit que les échanges d'organismes vivants modifiés entre pays. C'est pourquoi le Comité souligne que l'Union européenne ne pourra pas maintenir longtemps la contradiction qui consiste à importer des matières premières contenant une part d'OGM et d'interdire l'usage d'OGM qui seraient produits sur le territoire européen.

    2.8.1. Néanmoins, il faut relativiser le problème des OGM dans le cadre des tourteaux d'oléagineux car il faut observer que si l'ADN est présent dans le tourteau, à la sortie du procédé de fabrication, il est détruit par la cuisson qui suit immédiatement après le broyage des graines et l'extraction de l'huile. De son côté, l'huile ne contient pas d'ADN de l'OGM. Après plus de 6 ans de consommation de ces tourteaux, aucun incident de quelque nature que se soit n'a pu être détecté mais il faut demeurer vigilant sur cette question. Enfin il faut noter que des initiatives sont prises pour développer des filières tracées non OGM dont les coûts sont plus élevés. Ces productions peuvent s'accroître si le consommateur accepte d'en payer le surcoût.

    3. 2e Enjeu: la sécurité des approvisionnements en protéines pour l'alimentation animale

    A. La situation mondiale

    3.1. L'Union européenne a importé 34,3 millions de tonnes de tourteaux d'oléagineux pour la campagne 1999/2000 dont 26,3 millions de tonnes sont des tourteaux de soja. Elle représente le premier importateur sur le marché mondial avec 40 % des parts de marché.

    3.2. Les rapports de l'offre et de la demande sont périodiquement tendus et de ce fait les risques de raréfaction de l'offre subsistent.

    3.3. En 15 ans (1985-2000), la production mondiale de matières riches en protéines s'est accrue de 60 %. Dans le même temps, les échanges mondiaux se sont développés puisqu'ils représentent 53 % de la production mondiale contre 14 % pour les céréales.

    3.3.1. Désormais les échanges mondiaux des oléagineux sont quasi équivalents à ceux des céréales en valeur, avec un chiffre d'affaire voisin de 55 milliards de dollars par an(6). Cette offre s'est concentrée géographiquement autour de trois pays que sont les États-Unis, le Brésil et l'Argentine qui représentent à eux seuls 80 % de la production mondiale.

    3.4. Les effets de cette concentration géographique de l'offre se sont accompagnés d'une diminution du nombre d'acteurs présents sur le marché. Aux États-Unis, qui représentent 45 % de la production mondiale, moins de 5 groupes industriels détiennent à eux seuls 90 % de la capacité de trituration. Cette évolution est similaire à celle du secteur des semences.

    3.5. Le soja s'est rapidement imposé comme la principale ressource en matières riches en protéines. La part relative des matières riches en protéines autres que le soja est en diminution constante dans les échanges mondiaux. Elle est passée de 27 % en 1985 à 22 % en 2000.

    3.6. La demande mondiale s'est fortement diversifiée et elle est en croissance de 4 % à 5 % par an. Ce dynamisme est considérable si on le compare au marché mondial des céréales qui est en stagnation depuis les années 1980. L'Union européenne représentait jusqu'au milieu des années 80, plus de 64 % des importations. Aujourd'hui, elle représente moins de 40 % des échanges mondiaux car de nouveaux acheteurs sont apparus, notamment la Chine qui représente aujourd'hui plus de 10 % des échanges. Par ailleurs, les États-Unis et le Brésil ont développé leurs filières de viandes blanches et de ce fait utilisent une partie plus importante de leur production.

    3.7. De plus, il faut relever que la satisfaction des besoins de la consommation humaine dans les pays émergents passe d'abord par le recours à la protéine végétale absorbée directement. Dès qu'elles en ont les moyens, ces populations se mettent progressivement à consommer de la protéine sous forme de viande blanche ou rouge. Mais comme il faut deux à trois unités de protéines végétales (issue de matières riches en protéines) pour fabriquer une unité de protéines animales (sous forme de viande blanche)(7), on comprend que le développement économique entraîne une consommation accrue et rapide de protéines végétales. Donc l'émergence économique de pays, en Asie notamment, peut recréer un décalage, déjà constaté en 1973, entre l'offre et la demande sur le marché mondial. C'est le cas de la Chine qui augmente régulièrement ses importations en tourteau de soja.

    3.8. Le Comité constate que la situation, à la sortie de l'embargo de 1973, avait conduit l'Europe à engager des mesures visant à limiter sa dépendance afin de diminuer ses risques économiques et d'approvisionnement alimentaire. Cette situation, qui s'était sensiblement améliorée par la suite, grâce à la politique mise en place à l'époque, se dégrade à nouveau en raison des décisions prises dans le cadre de l'Agenda 2000. En effet la baisse sensible des aides décourage la production d'oléo-protéagineux. Ce qui entraîne une situation de plus en plus défavorable pour l'Union européenne. Pour ces raisons, le Comité reste sceptique sur l'idée que les opérateurs n'auraient que des avantages et pas de risques à s'approvisionner quasi exclusivement sur le marché international des matières riches en protéines.

    3.9. La concentration de l'offre dans quelques pays induit forcément un risque climatique qui lorsqu'il survient peut être de longue durée et peut entraîner les agriculteurs de ces pays à modifier leurs productions (baisse des surfaces). Ce risque climatique, pourtant bien réel (il fut à la base de la décision de l'embargo en 1973), n'est jamais pris en compte par la Commission, ni dans ses analyses ni dans ses choix. En outre, il convient de rappeler, qu'en valeur, l'achat à l'extérieur de protéines végétales représente un poste important du déficit commercial communautaire.

    B. Les besoins européens de protéines végétales liés à l'évolution de la consommation des viandes

    3.10. La crise de confiance du consommateur européen a également eu pour effet d'accélérer le report d'une partie de la consommation des viandes rouges sur les viandes blanches, tendance qui se confirmait à long terme.

    3.10.1. La Direction générale de l'Agriculture de la Commission européenne a publié, en juillet 2001, une étude(8) prospective sur la situation des marchés agricoles européens. On peut y relever que les productions de porcs et de volailles connaîtront les plus fortes augmentations:

    >TABLE>

    3.11. Ces filières de production animale sont fortement consommatrices de matières riches en protéines et de matières énergétiques. Toutefois la Commission européenne a basé sa réforme de la PAC sur le niveau de compétitivité des céréales vis-à-vis de produits substituables importés pour anticiper l'évolution de la demande en aliments du bétail.

    3.11.1. Le document de travail des services de la Commission(9) relatif à l'offre et à la demande de plantes riches en protéines dans l'UE précise que la demande en unité fourragère devrait augmenter de + 2,5 millions de tonnes pour la campagne 2000/2001 par l'effet cumulé de la suppression des farines carnées et du report de la consommation sur les viandes blanches. Cette augmentation devrait se traduire par une incorporation supplémentaire de céréales de 4 millions de tonnes et des besoins en tourteaux de soja de + 1 à 1,5 million de tonnes. À long terme, la demande interne(10) pour l'alimentation animale se reporterait principalement sur les céréales et de manière plus importante sur le blé (+ 17 % entre 2001 et 2008).

    3.12. Le Comité réfute l'argument selon lequel les effets de la consommation de viandes blanches et de la suppression des farines animales auraient des répercussions plus importantes sur la demande en céréales (besoins énergétiques) et de manière moindre sur les matières riches en protéines. Avec les limites zootechniques et sans évolution technologique majeure, les effets mécaniques qui jouent sur la demande en céréales auront des effets similaires sur la demande en matières riches en protéines végétales.

    C. L'évolution prévisible des superficies en oléo-protéagineux après l'Agenda 2000

    3.13. Cette augmentation prévisible de la demande en matières riches en protéines végétales contraste avec les prévisions(11) établies par la Commission qui prévoit une évolution négative de l'emblavement en oléagineux (4,8 millions d'hectares en 2002 à 4,6 millions d'hectares en 2008). De ce fait, l'augmentation du volume de production serait uniquement liée à une augmentation de la productivité des plantes.

    3.13.1. D'un point de vue conjoncturel, la stabilisation des superficies emblavées au niveau européen en oléagineux pour la campagne 2000/2001 (5260000 ha, estimation du COPA/COGECA) ne permet pas de retrouver le niveau atteint avant la mise en oeuvre de l'Agenda 2000. Quand on analyse cette évolution, l'on s'aperçoit que la baisse des surfaces en oléo-protéagineux est générale dans l'Union européenne sauf dans les nouveaux Länder en Allemagne. En effet, lors de leur intégration au sein de l'UE, ils avaient appliqué une réduction de leur potentiel de production. Cette limite n'est plus en vigueur depuis la campagne 2000/2001. Hormis ce rattrapage localisé, la tendance générale est à la baisse des superficies emblavées: en France - 7,5 %, en Italie - 1,5 %, en Espagne 0 %.

    3.14. Le Comité souligne que les perspectives d'emblavement pour la période 2001-2008 au sein de l'UE restent inférieures de 0,4 million d'hectares par rapport au potentiel de production autorisé par les accords de "Blair House". Ce constat est contradictoire avec l'évolution prévue de la demande en matières riches en protéines végétales. Il conforte également l'idée que le développement des filières des viandes sera fragilisé par un abaissement du taux d'autoapprovisionnement de l'UE en protéines végétales dans le cadre de l'Agenda 2000. Ainsi, l'Union européenne est dans une situation unique car elle applique un système de jachère sur des productions pour lesquelles elle est fortement déficitaire. La suppression de "l'aide spécifique" aux oléagineux résultant de l'Agenda 2000 aurait du permettre à l'Union européenne de retrouver des marges de manoeuvre dans les négociations internationales et rendre caducs les accords de "Blair House".

    4. 3e Enjeu: l'intégration des PECO devrait-elle changer la "donne"?

    4.1. La prise en compte de la situation des pays candidats peut-elle infléchir cette analyse? Dans la mesure où le résultat des négociations devrait intervenir d'ici à 2003, on peut raisonnablement estimer que pour 2008 la majeure partie des pays candidats aura intégré l'Union européenne.

    4.2. Le degré d'autosuffisance des pays candidats est supérieur à celui de l'Union européenne puisqu'il avoisine le chiffre de 80 % en 2000. Cependant, ces pays restent exportateurs de graines d'oléagineux de par l'obsolescence de leurs outils de trituration. Ils importent donc également de grands volumes de tourteaux de soja pour leurs filières animales. Avec l'application de l'Agenda 2000, il est prévu que leurs exportations de graines oléagineuses resteraient stables.

    4.3. Si l'intégration des pays candidats à l'Union européenne permettrait une amélioration du taux d'autoapprovisionnement en protéines végétales en le portant à près de 28 %, la Commission(12) prévoit une baisse de leur production au profit de la production de céréales dès 2008.

    4.4. Il serait important d'offrir aux pays candidats à l'Union européenne ayant une forte vocation agricole une possibilité de développement de leur production de plantes oléagineuses et protéagineuses pour leur propre marché mais également pour le marché européen qui offre un débouché illimité. Si cette orientation n'est pas prise, le risque d'un développement supplémentaire de la production de céréales est réel. Il faudra alors soit trouver des débouchés sur le marché mondial déjà saturé soit appliquer un taux de jachère plus conséquent. C'est pourquoi, un encouragement à la production d'oléagineux pourrait être la première expression d'une politique commune dans ces pays qui ont un véritable potentiel de production (au nord colza et protéagineux, au sud tournesol et soja). On peut à la fois améliorer la position de l'Europe dans le domaine des protéines végétales et offrir aux pays candidats une opportunité réelle de développement et de marché. Là aussi l'Union devra être vigilante lors de la future négociation à l'OMC afin que les Pays candidats à l'Union bénéficient d'un large potentiel de production. Ce qui implique également une révision des références basées sur les années précédentes, qui leur sont défavorables.

    5. 4e Enjeu: s'inscrire dans une stratégie de développement durable

    A. Les effets induits par le soutien aux plantes oléagineuses et protéagineuses

    5.1. Le maintien d'un potentiel de production d'oléo-protéagineux touche également aux enjeux liés à l'environnement et à l'équilibre des activités sur le territoire. L'application de l'Agenda 2000 a entraîné une augmentation des emblavements de céréales, du fait de l'alignement de l'ensemble des aides directes aux grandes cultures. En effet, la suppression de l'aide spécifique aux oléagineux, la forte baisse des aides aux protéagineux ainsi que l'absence d'un filet de sécurité en cas de baisse des prix rendent ces cultures moins intéressantes et plus aléatoires en termes de revenu. Cette situation, si elle perdure, constitue un encouragement à la monoculture.

    5.2. D'un point de vue agronomique, les cultures des plantes oléagineuses et protéagineuses ont un grand intérêt pour le maintien de la structure des sols. Elles limitent ainsi les phénomènes de sensibilité à la battance (facteur accélérant l'érosion des sols). Ce qui explique que ces cultures soient généralement placées en "tête de rotation".

    5.3. Ces cultures nécessitent globalement moins d'intrants. Sur le plan des fumures, les besoins en azote minéral sont quasi inexistants. Donc, l'incorporation de ces plantes dans les cycles de rotation des cultures diminue globalement la dose d'apport en azote. Concernant l'utilisation de produits phytosanitaires, leur utilisation est moindre que dans d'autres cultures.

    5.4. Certaines plantes protéagineuses (pois protéagineux de printemps) occupent le sol moins longtemps. On pourrait craindre, de ce fait, une plus grande sensibilité au lessivage après récolte. Dans la pratique, cette question ne se pose pas car dans la plupart des cas une culture des céréales semée en début d'automne succède au pois. Donc, dans les cas, forts rares, où la culture suivante est implantée au printemps, il est nécessaire de pratiquer une culture d'intersaison assurant la couverture du sol et enrichissante en matière organique.

    5.5. Le Comité constate que d'un point de vue environnemental, la réforme de la PAC en 1999 a favorisé un développement de pratiques de monocultures qui va à l'inverse du développement durable. Il faut encourager de manière incitative un meilleur équilibre entre plantes oléo-protéagineuses et céréales ou maïs, assurant ainsi le maintien de rotations équilibrées qui sont des pratiques culturales respectueuses de l'environnement.

    B. La filière non alimentaire: un plus pour l'environnement et un marché en expansion

    5.6. La production de plantes oléagineuses procure deux coproduits que sont l'huile végétale et les tourteaux (utilisés en alimentation animale). Toutefois, le marché de l'huile végétale alimentaire n'est pas en expansion économique comme celui des protéines. C'est pourquoi le développement du secteur non alimentaire dans le cadre des cultures sur jachère représente un intérêt économique non négligeable. En 2000, 836000 ha étaient consacrés à des débouchés non alimentaires en Europe.

    5.7. Le développement de la lipochimie a permis la création de nombreux produits biodégradables (tensioactif, lubrifiants, solvants et intermédiaires chimiques). La demande industrielle dans le domaine des détergents est actuellement très forte. Le marché des biolubrifiants est encore émergent. Ce produit paraît être un débouché prometteur pour les moteurs 4 temps. Le Comité souligne que l'ensemble de ces produits s'intègre dans le cadre de la stratégie européenne pour le développement durable. La promotion des débouchés et des actions démonstratives devraient faciliter l'essor de cette filière.

    5.8. Le second débouché des huiles végétales dans le secteur non alimentaire est la production d' Ester Méthylique ou Bio-Diesel ou Diester. Ce produit peut répondre à deux enjeux majeurs au niveau européen. Tout d'abord, il s'agit de la dépendance énergétique de l'Union européenne aux produits pétroliers. L'évolution récente des cours du baril de pétrole a montré la sensibilité de l'économie européenne au coût d'approvisionnement de cette énergie. Ainsi le développement de l'ensemble des biocarburants peut présenter une des solutions visant à limiter cette sensibilité.

    5.9. Ce produit entre également dans le cadre de la lutte contre l'effet de serre. En effet l'écobilan du diester montre qu'un hectare d'oléagineux destiné à cette fin permet d'économiser 2,71 tonnes d'équivalent CO2 (ce calcul ne prend pas en compte l'utilisation des coproduits). Par ailleurs, l'énergie totale produite par l'Ester Méthylique et ses coproduits est 2,65 fois supérieure à l'énergie utilisée pour sa production.

    5.10. Jusqu'ici le développement de la filière non alimentaire des oléagineux s'est réalisé dans le cadre d'une "exception" de cultures autorisées sur jachères. Le Comité déplore que le cadre réglementaire européen qui régit cette production soit inadapté. En effet, le système de contrôle administratif est dissuasif pour les producteurs souhaitant la mise en production de jachère pour des fins non alimentaires. Dès lors que ces débouchés (lipochimie et biocarburants) représentent un intérêt majeur au niveau communautaire, la Commission doit changer d'attitude et proposer résolument un cadre réglementaire et fiscal adapté, qui malgré les handicaps réglementaires ont fait leurs preuves.

    6. Les voies d'un plan protéines au niveau communautaire

    A. Rappel du contexte général

    6.1. Suite aux conclusions du Sommet européen de Nice demandant à la Commission européenne d'étudier la relance possible de la culture des oléagineux et des protéagineux, la Commission a publié en mars 2001, une communication présentant les options possibles pour la promotion de la culture des plantes riches en protéines végétales. Les différentes opportunités présentées sont les suivantes:

    - une aide spécifique de 12 EUR/tonne pour la production d'oléagineux engendrerait un coût budgétaire de 474 millions d'EUR,

    - l'accroissement de l'aide spécifique de 6 EUR/tonne pour la production des protéagineux engendrerait un coût budgétaire supplémentaire de 47 millions d'EUR,

    - la majoration de 10 % de la quantité maximale garantie pour les fourrages séchés représente un coût budgétaire de 13,7 millions d'EUR.

    6.1.1. Dans ses conclusions, la Commission souligne que les efforts budgétaires, qui pourraient être consentis, n'assureraient pas pour autant un débouché aux productions de par leur coût d'opportunité inférieur à celui des tourteaux de soja sur le marché mondial.

    6.2. Tout d'abord, le Comité tient à préciser les limites de l'analyse de la Commission. Les coûts d'opportunité pour les productions ayant une forte valeur économique en dehors de leur valeur protéique sont surestimés. En effet, les oléagineux produisent également de l'huile (40 % pour le colza et le tournesol). Cette valeur doit être prise en compte dans le calcul des coûts d'opportunité. Ce qui reviendrait à réduire au moins par deux les coûts présentés dans le document de la Commission.

    6.2.1. Les études prospectives basées sur le prix mondial sont toujours discutables. Ce marché est très variable et par exemple au cours de cet été, selon la période, on aurait pu arriver à des conclusions sensiblement différentes.

    6.2.2. La Commission n'a pas analysé la voie possible de production de tourteaux riches en protéines grâce au développement des biocarburants. Les coproduits liés à cette filière sont utilisés dans l'alimentation animale. En favorisant cette filière, la production de tourteaux est à analyser différemment car elle est intégrée dans un calcul global prenant en compte de nombreuses données.

    6.2.3. Enfin la Commission n'a pas évalué ni pris en compte le risque qu'elle fait encourir au secteur de l'élevage européen en augmentant sa dépendance vis-à-vis des protéines végétales importées et à la volatilité des prix du marché mondial. L'examen de l'historique de ce marché montre qu'en plus de l'accident majeur de 1973, le coût des protéines est resté très élevé sur plusieurs périodes.

    6.3. Il apparaît donc que l'analyse budgétaire de la Commission est à relativiser au regard des critiques formulées ci-dessus. De plus, le Comité ne peut pas approuver les conclusions de la Commission lorsque celle-ci base ses orientations sur le seul critère du coût d'opportunité. Cette présentation est en contradiction avec les principes fondamentaux de la Politique Agricole Commune et ne correspond pas également aux principes défendus dans le cadre des futures négociations à l'OMC (prise en compte des coûts sociaux et environnementaux).

    6.4. C'est pourquoi, le Comité propose que le plan communautaire de relance des cultures riches en protéines répond aux faiblesses induites par l'application de l'Agenda 2000 au regard de trois aspects principaux que sont l'encouragement aux bonnes pratiques agronomiques, un coût budgétaire raisonnable et enfin le respect des accords internationaux. Ce plan a pour objet de maintenir et développer une diversité de cultures de plantes riches en protéines. Cette diversité correspond aux possibilités de l'agriculture européenne riche de ses différences de situations agroclimatiques. Elle correspond également aux besoins de l'élevage européen et permet un développement de filières courtes et de la traçabilité complète des denrées alimentaires.

    6.4.1. Ce plan de relance des protéines végétales au niveau communautaire mobilisera nécessairement des ressources budgétaires supplémentaires. Toutefois, le Comité apporte de préférence un soutien au développement de productions qui présentent des débouchés potentiels sur le marché européen et donc une valorisation économique plus importante que le développement de productions dont la seule destination possible est le marché mondial, avec tous les inconvénients que cette solution présente.

    B. Le développement des protéagineux

    6.5. L'Agenda 2000 comporte un soutien spécifique aux protéagineux en plus de l'aide unique, mais au total le concours à ces productions est en forte diminution; ce qui entraîne un désintérêt à l'égard de ces cultures. Ainsi le total des superficies emblavées en 2000 est inférieur de 11 % à celles de 1990. Il en va de même pour la production qui a diminué de 25 % en 10 ans. Il semble donc essentiel de retrouver au niveau européen ce potentiel de production qui bénéficiait de débouchés avant la réforme de la PAC.

    6.6. Dans la mesure où les accords de "Blair House" ne concernent pas ces productions, le Comité souligne que le maintien d'un différentiel d'aide de l'ordre de 20 EUR/t assurerait un nouvel attrait de ces productions pour les agriculteurs. Il peut s'agir d'une revalorisation de l'aide spécifique aux cultures protéagineuses de l'ordre de 11 EUR/t. Cette aide pourrait aussi être basée sur la prise en compte de l'intérêt agronomique de ces plantes dans le cycle de rotation des cultures. Elle pourrait s'intégrer dans le cadre du second pilier de la PAC.

    6.7. D'un point de vue budgétaire, les deux hypothèses de la Commission présentent un coût supplémentaire compris entre 47 millions d'EUR pour un relèvement de l'aide de 6 EUR/t et de 220 millions d'EUR pour un relèvement de l'aide de 27,5 EUR/t. Donc, la proposition du Comité engendrerait un coût supplémentaire de l'ordre de 100 millions d'EUR pour une superficie supplémentaire de l'ordre de 150000 ha.

    6.8. En outre le Comité souligne que la variété lupinus luteus devrait bénéficier du même soutien que le lupinus alba et anhustifolia. Cette plante est très bien adaptée au climat méditerranéen en raison de sa résistance à la sécheresse et aux maladies cryptogamiques. Elle a également un rôle très important dans l'amélioration de la structure du sol. Elle peut aussi jouer un rôle important dans la prévention des feux de forêts et favorise l'élevage extensif.

    6.9. Le Comité rappelle que dans son avis concernant la culture de légumineuses fourragères biologiques sur jachères(13), il avait regretté le manque de portée de la proposition de la Commission. Il propose que ces cultures soient autorisées pour l'ensemble des exploitations sans restriction de mode de production étant donné leur adaptation au climat sec et leur intérêt pour l'environnement.

    C. Le développement des filières non alimentaires

    6.10. La diversité des sources d'approvisionnement des matières riches en protéines peut également être assurée par la diversité des origines soit des tourteaux pour les oléagineux, soit des drêches pour la production d'éthanol. Concernant le marché des corps gras d'origine végétale, il est fortement lié à l'évolution de l'huile de palme. Il apparaît donc que le développement des débouchés non alimentaires soit la seule voie envisageable. Elle induira une augmentation des coproduits utilisables dans l'alimentation animale. Donc, un accroissement de l'utilisation des biocarburants contribue d'une part à lutter contre l'effet de serre et d'autre part à réduire la dépendance de l'Union européenne en protéines végétales (cette contribution à la diminution du CO2 devra être calculée et valorisée).

    6.11. Actuellement le développement de l'utilisation du diester est principalement dépendante de la situation de la fiscalité des biocarburants. C'est pourquoi, soit le statut fiscal des biocarburants doit être consolidé au niveau communautaire, soit un niveau d'incorporation minimum dans les carburants devrait être appliqué. Il est également nécessaire de revoir le règlement de ces productions pour lui donner un caractère incitatif et non dissuasif comme c'est le cas actuellement.

    D. Le maintien d'un niveau de compétitivité relative avec les tourteaux de soja

    6.12. Si l'entrée en vigueur de l'Agenda 2000 permet à ce secteur de ne plus subir les contraintes de l'accord de Blair House dès la campagne 2002/2003, son application a entraîné une réduction du soutien aux oléagineux. En outre, le Comité souligne les effets accentués par l'abandon des mesures de régionalisation des concours à la production d'oléagineux qu'avaient adopté certains États membres. Ce qui a modifié l'équilibre des activités agricoles entre différentes régions.

    6.13. De plus, ces productions se trouvent également confrontées à une concurrence externe vis-à-vis de l'augmentation des soutiens américains à ce secteur. En effet, les producteurs américains perçoivent une aide à l'hectare et un prix minimum garanti grâce à une aide couplée: le marketing loan (différentiel entre un prix minimum et le prix du marché mondial). Le régime d'aide mis en place aux États-Unis a l'inconvénient majeur de fausser l'équilibre du marché mondial (pour rappel les États-Unis produisent 45 % de la production mondiale d'oléagineux). Il convient également de rappeler, qu'aux États-Unis, le rendement du soja est bien inférieur au rendement du maïs et que de ce fait le prix du soja devrait être 2 à 2,5 fois le prix du maïs. Si le prix du soja est 2 fois celui du maïs, le maïs se développe au détriment du soja. Si le ratio est de 2,5, c'est le soja qui se développe au détriment du maïs. Les États-Unis ayant jugé le marché du soja plus porteur, ils appliquent une politique favorable au développement du soja. Dans le même temps, l'Union européenne, avec l'application de l'Agenda 2000, fait symétriquement l'inverse.

    6.14. Tant que ce système perdurera, l'Union européenne sera contrainte à adopter un système qui peut se décliner sous 2 formes différentes:

    - par la mise en place d'un filet de sécurité, qui existe dans le secteur des céréales mais pas dans le secteur des oléagineux (Il pourrait s'inspirer du régime mis en place aux États-Unis. Donc, un complément d'aide à la tonne serait appliqué lorsque les cours sont bas et n'existerait pas lorsque les cours sont élevés. On objectera que cette proposition est contraire aux accords de Marrakech mais celle appliquée aux États-Unis l'est également. Il faudra bien que cette question soit clarifiée au cours de la prochaine négociation à l'OMC);

    - par l'étude d'un système d'assurance revenu qui est une solution à l'examen dans de nombreux pays tiers et qui pourrait être testé dans l'Union européenne sur le secteur des oléo-protéagineux.

    E. Utiliser le second pilier de la PAC

    6.15. L'utilisation du second pilier de la Politique Agricole Commune pourrait encourager les agriculteurs pratiquant des rotations culturales équilibrées dans lesquelles un pourcentage de superficie emblavée en plantes oléo-protéagineuses leur serait réservé. Ce complément que l'on pourrait appeler "une aide rotationnelle" présente également l'intérêt de ne pas poser de problèmes spécifiques au regard des règles de l'OMC. Cette solution aurait donc le mérite de favoriser le respect des bonnes pratiques culturales et en même temps d'augmenter les surfaces consacrées aux oléo-protéagineux. Elle est actuellement en cours d'étude à la Commission, elle supposera un engagement contractuel des producteurs, mais on peut espérer que les contraintes administratives, si elles sont nécessaires, ne seront pas dissuasives. Cette proposition ne constitue pas une solution spécifique à la question de l'approvisionnement de l'UE en protéines végétales. Elle y contribue indirectement en augmentant l'attractivité de ces cultures dans le cycle rotationnel.

    6.16. L'effort de recherche consacré aux plantes oléo-protéagineuses est récent, qu'il s'agisse de création variétale, de pratiques agronomiques ou d'utilisation dans l'alimentation animale. Une priorité devrait être retenue au bénéfice de ce secteur dans les programmes de recherche de l'Union.

    7. Conclusions

    7.1. Jusqu'au milieu des années 70, la dépendance alimentaire de l'Union européenne en huile végétale a guidé la politique agricole commune en faveur du secteur des oléagineux, les besoins en matières riches en protéines pour l'alimentation du bétail n'étant pas perçus comme un facteur stratégique. Depuis lors, la prépondérance de la sécurité alimentaire, la lutte contre l'effet de serre et la prise en compte des intérêts environnementaux des activités agricoles replacent le secteur des oléo-protéagineux sur un plan stratégique au niveau communautaire.

    7.2. Par ailleurs, l'augmentation de la consommation européenne des viandes accentue le déficit en protéines végétales de l'UE. Le taux d'autoapprovisionnement s'est dégradé à nouveau depuis 1992. Dans ces conditions, le Comité souligne les faiblesses d'une stratégie communautaire basée essentiellement sur l'approvisionnement à partir du marché mondial. En effet, la situation de l'offre et de la demande est de plus en plus déséquilibrée en faveur des principaux pays producteurs (concentration géographique et économique de la production de soja avec des risques climatiques, prédominance du soja dans les échanges mondiaux et émergence de nouveaux pays fortement consommateur de soja).

    7.3. Le Comité tient à souligner que dans le cadre de l'élargissement de l'Union européenne, les pays candidats présentent également un déficit en protéines végétales. C'est pourquoi le Comité recommande à la Commission de porter une attention particulière au développement de leur production en protéines végétales qui bénéficierait en premier lieu à leur propre marché mais également au marché européen, qui offre un débouché sans fin. Ces éléments pourraient être une des premières bases d'une politique commune appliquée dans ces pays.

    7.4. Toutefois le développement des filières oléagineuses dans les pays candidats, ne doit pas masquer la fragilité accrue des filières européennes de viandes blanches, due à un taux d'autoapprovisionnement en baisse constante depuis 1992. C'est pourquoi, le Comité recommande à la Commission européenne de mettre en place un plan "protéines végétales" au niveau communautaire, dans le cadre de la révision à mi-parcours de la Politique Agricole Commune, dont les composantes seraient les suivantes:

    - des mesures en faveur des protéagineux: il s'agit de rétablir un revenu équitable à l'égard de ces productions afin de stopper leur déclin et de les redévelopper;

    - assurer le développement des filières non alimentaires(14): le développement des usages non alimentaires à partir des oléagineux vise plusieurs objectifs:

    - contribuer au respect des accords de Kyoto;

    - développer de nouveaux produits plus respectueux de l'environnement;

    - produire des protéines végétales grâce aux tourteaux coproduits de l'huile.

    - mettre en place un filet de sécurité au bénéfice des producteurs d'oléo-protéagineux: l'absence d'un dispositif apportant aux producteurs un minimum de sécurité est l'élément essentiel qui contribue à la désaffection à l'égard de ces productions. En effet, le marché est très volatil. Il est, par ailleurs, faussé par le principal pays producteur mondial dont les agriculteurs sont protégés des fluctuations importantes des prix. Les solutions proposées méritent d'être approfondies afin de les rendre compatibles avec les accords internationaux.

    - utiliser le second pilier de la PAC:

    - les déséquilibres entre productions végétales s'accentuent avec l'Agenda 2000 (absence de filet de sécurité pour les oléo-protéagineux). Ils conduisent à des monocultures de céréales ou de maïs. Il est proposé de corriger cette tendance par des mesures encourageant les bonnes rotations. Il est également proposé de retenir le lupinus luteus comme plante protéagineuse en raison de ses qualités de résistance à la sécheresse pour les zones méditerranéennes et d'élargir la mesure d'autorisation de culture de légumineuses à petites graines sur jachère sans restriction de mode de production;

    - mettre en place un programme de recherche spécifique: ces productions sont encore "jeunes". Elles méritent un effort de recherche particulier.

    7.5. Cet ensemble de mesures que propose le Comité économique et social peut apparaître comme peu ambitieux. Le but n'est pas de produire dans l'Union, même élargie, la totalité des besoins, bien loin de là. Il demeurera un marché disponible et important pour l'Amérique et le Mercosur. L'objectif consiste, devant un problème aux multiples facettes (sécurité alimentaire et d'approvisionnement, réponse à de nouveaux besoins alimentaires ou non alimentaires, promotion d'une agriculture durable), à tenir compte des leçons d'un passé récent et ensuite à offrir aux agriculteurs européens de nouvelles perspectives en produisant ce dont on a besoin et le produire en tenant compte des bonnes pratiques et en tirer un revenu équitable.

    7.6. Lors de la conclusion de l'Agenda 2000, il fut décidé de revoir la question des oléo-protéagineux lors de la révision de la PAC à moyen terme. L'échéance est maintenant proche et c'est l'occasion pour les instances responsables de l'Union européenne de donner un signal d'espoir. Toutefois, le Comité se doit d'attirer l'attention sur le problème prioritaire des prochaines récoltes et demande le maintien, à titre transitoire, du régime spécifique d'aide pour la campagne 2001/2002 en attendant l'introduction de nouvelles mesures pour ce secteur.

    Bruxelles, le 16 janvier 2002.

    Le Président

    du Comité économique et social

    Göke Frerichs

    (1) COM(2001) 148 final/2.

    (2) JO C 204 du 18.7.2000, p. 21.

    (3) JO C 193 du 10.7.2001, p. 42.

    (4) JO C 140 du 18.5.2000, p. 12.

    (5) COM(2001) 425 final.

    (6) Ce chiffre correspond à une estimation calculée sur la base des échanges mondiaux d'oléagineux pour la campagne 1999/2000 et des cours moyens des marchés des différentes matières.

    (7) Le ratio utilisé est celui pour la production de viandes de volaille, de porc ou d'oeufs avec une alimentation issue de matières riches en protéines. Pour les ruminants, le ratio est supérieur dans la mesure où l'alimentation provient de l'herbage et de fourrage, nettement moins concentrés en protéines.

    (8) Commission européenne, 2001, Prospectives sur les marchés agricoles 2001-2008, Bruxelles.

    (9) SEC(2001) 431.

    (10) Commission européenne, 2001, Prospectives sur les marchés agricoles 2001-2008, Bruxelles.

    (11) Commission européenne, 2001, Prospectives sur les marchés agricoles 2001-2008, Bruxelles.

    (12) Commission européenne, 2001, Prospectives sur les marchés agricoles 2001-2008, Bruxelles.

    (13) Avis du CES sur la "Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1251/1999 instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables" (COM(2001) 87 final - 2001/0043 CNS), 2001/0043 CNS du 25.4.2001 publié au JO C 193 du 10.7.2001, pp. 42-44.

    (14) La réglementation européenne en préparation va prévoir soit la défiscalisation ou l'obligation d'incorporation.

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