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Document 52001AE1124

Avis du Comité économique et social sur le thème "Renforcement de la qualité de la politique sociale et de l'emploi"

JO C 311 du 7.11.2001, p. 54–59 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

52001AE1124

Avis du Comité économique et social sur le thème "Renforcement de la qualité de la politique sociale et de l'emploi"

Journal officiel n° C 311 du 07/11/2001 p. 0054 - 0059


Avis du Comité économique et social sur le thème "Renforcement de la qualité de la politique sociale et de l'emploi"

(2001/C 311/12)

Le 25 juin 2001, la Commission a décidé, conformément à l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur le thème susmentionné.

La section "Emploi, affaires sociales, citoyenneté", chargée d'élaborer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 5 septembre 2001 (rapporteur: M. Bloch-Lainé).

Lors de sa 384e session plénière des 12 et 13 septembre 2001 (séance du 12 septembre 2001), le Comité économique et social a adopté le présent avis par 86 voix pour, 0 voix contre et 1 abstention.

AVERTISSEMENT

Le thème du présent avis est "renforcement de la qualité de la politique sociale et de l'emploi". Mais l'avis porte essentiellement sur la qualité de l'emploi. Il ne fait qu'effleurer ses liens avec l'autre composante, beaucoup plus vaste, du sujet. L'explication en est la suivante: le Comité est parfaitement conscient des interactions qui existent entre plusieurs volets de la politique sociale et la qualité de l'emploi. Celle-ci dépend bien évidemment de facteurs exogènes et d'abord de son adossement à des politiques sociales cohérentes et pertinentes.

Cependant, le groupe d'étude qui a préparé l'élaboration de l'avis a travaillé à un moment où il ne connaissait pas encore le texte de la communication - qui était en voie d'élaboration - projetée par la Commission en la matière. D'autre part, les délais impartis ne permettaient pas de rédiger un texte couvrant la totalité du thème et qui n'eut pas été superficiel. Enfin et surtout, il importe de rappeler que son avis devait principalement répondre à un souhait nettement exprimé par la Ministre belge de l'Emploi et de la Politique de l'égalité des chances, qui a souligné, dans un message au Président du CES, l'importance attachée, dans le programme de la présidence de son pays, au chantier de la qualité de l'emploi et a souhaité que le Comité émette un avis sur ce chapitre déterminé.

1. Préambule: quelques réflexions générales

1.1. L'intérêt porté par les États européens et les institutions de l'Union à la "qualité de l'emploi" n'est pas récent. La question a donné lieu à de multiples et excellents travaux parmi lesquels il convient de mentionner particulièrement le Livre blanc "Croissance, Compétitivité, Emploi" dû à Jacques Delors. Une étape importante a été franchie par les orientations du Conseil européen de Lisbonne, concernant la nécessité d'une "stratégie globale", d'une "politique active" tendant à promouvoir des emplois non seulement "plus nombreux" mais aussi "de meilleure qualité". Le Conseil de Nice a approfondi, élargi et prolongé le sillon, après l'adoption d'un "Agenda pour la politique sociale". Enfin, l'année suivante, à Stockholm, ont été formulées des conclusions développant et précisant le champ des actions à mener. Les conclusions établies à cet égard fixent des objectifs clairs et ambitieux.

1.2. Le sujet "qualité de l'emploi" émerge donc en tant que thème à part entière de la réflexion institutionnelle sur le modèle social européen et sur la stratégie économique de l'Union (cf. Le Conseil de Lisbonne).

1.2.1. Cette émergence opportune s'inscrit dans une évolution logique où a été reconnu le fait que la politique sociale à condition qu'elle fût judicieuse, était un agent majeur d'efficacité et de compétitivité productives.

1.2.2. Dans l'édification de l'Europe, la préoccupation de qualité est soulignée avec une insistance constante. Or ce qu'on nomme "qualité de la vie" dépend, à l'évidence, dans une large mesure, non seulement, bien sûr, de la quantité d'emplois offerts, mais aussi des dispositifs dans lesquels on travaille: liberté de choix; respect de la dignité humaine; égalité de traitement; rémunération décente; conditions d'exercice des tâches; environnement; santé et sécurité; possibilité de formation; motivations; consultation et participation des salariés, etc.

1.2.3. Les acteurs de la construction européenne ont affirmé la volonté de faire en sorte que les emplois créés sur le territoire de l'Union soient porteurs du plus possible de valeur ajoutée et d'épanouissement humain. Il importe de veiller attentivement à la réalisation de cette ambition; de mesurer l'évolution des réalités et des performances en la matière et de prendre toutes dispositions utiles en vue d'assurer la conformité des réalités aux intentions annoncées.

1.2.4. Il existe au niveau européen, en articulation avec les États membres, un arsenal d'outils d'analyse et de réflexions organisées permettant de rencontrer le souci de privilégier la création d'emplois de qualité.

1.3. L'indéniable complexité du sujet ne saurait justifier qu'on se rallie à une objection parfois exprimée et que résume ainsi - pour la combattre - un récent document de l'OIT(1): "Le standard de travail décent est inapplicable à des situations et des pays très dissemblables; à moins de le relativiser au point de le priver de tout contenu réel".

Certes, les situations diffèrent d'une économie à l'autre; les rythmes et les marges de progrès escomptables ne sont pas partout les mêmes et les facteurs de subjectivité quant à l'appréciation de la qualité sont dans ce domaine comme en d'autres souvent prégnants.

1.4. Le présent avis se concentre sur trois axes:

- la mise en relief d'éléments de constat;

- l'évocation d'un petit nombre de thèmes clés;

- quelques recommandations.

2. Des constats

2.1. Les sources documentaires permettant d'établir des constats sont nombreuses. Elles procèdent de démarches méthodologiques de natures très différentes. C'est ainsi, par exemple, que l'Agence de Dublin a effectué en 2000 une enquête se situant dans la ligne de deux autres menées en 1990 et 1995 et fondées sur la perception des salariés quant à la qualité de leurs emplois. La Fondation de Bilbao, a établi des données objectives à partir d'observations utiles. Eurostat, enfin, collecte et assemble des données statistiques indispensables. Demeurent des problèmes de mise a jour, de comparabilité et d'harmonisation des systèmes d'appréciation statistique.

2.2. Tout diagnostic relatif à la qualité de l'emploi doit, pour servir à des préconisations pertinentes et convaincantes, puiser à l'ensemble des bonnes sources et en croiser les apports. Le Comité n'a pas eu, ci-après, la prétention de présenter un tableau général, tant s'en faut. Il s'est seulement efforcé de rappeler un petit nombre d'éléments d'information.

2.3. Sécurité/santé

L'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail a établi un excellent rapport sur "l'état de la STT dans l'Union européenne". Le présent avis ne fait que renvoyer aux indications de ce document. Les "points clés" de l'étude mettent en évidence les marges de progrès à accomplir.

2.4. L'enquête effectuée par l'Agence de Dublin sur la perception par les travailleurs de l'évolution de quelques éléments majeurs de la qualité de l'emploi fait apparaître, entre autres, les appréciations suivantes(2):

- stabilité du "stress";

- augmentation des troubles musculo-squelettiques;

- accroissement de l'intensité du travail;

- légère augmentation de la proportion de salariés ayant reçu une formation offerte par les employeurs;

- persistance de la ségrégation sexuelle;

- le travail temporaire et la "flexibilité" n'entraînent pas une amélioration de la qualité des conditions de travail;

- la violence et le harcèlement restent des problèmes majeurs.

2.5. Autres aspects

2.5.1. Le rapport annuel de la Commission sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes dans l'Union européenne 2000 souligne qu'en matière d'emploi, les inégalités restent marquées, même si elles tendent à diminuer.

3. Des thèmes clés

3.1. Le Comité a concentré son attention sur quelques thèmes choisis en fonction des préoccupations suivantes:

- souligner le lien étroit qui existe, en l'occurrence, entre la qualité de l'emploi et l'efficacité économique de la production ou des services des entreprises européennes;

- marquer la nécessité, s'agissant de l'emploi, de concilier le mieux possible les exigences de la vie professionnelle et les conditions de la vie personnelle et familiale;

- tirer le meilleur parti des apports contenus dans des avis déjà émis à l'issue de travaux effectués par le Comité, et dont la pertinence et l'actualité restent entières.

Il existe, bien sûr, d'autres thèmes de réflexion dignes d'intérêt, tels que celui, par exemple, de la rémunération. Le fait qu'ils ne soient pas abordés dans le présent avis ne signifie pas que le CES les juge secondaires.

3.2. Sécurité/santé(3)

3.2.1. Comment rendre la législation européenne plus effective?

- Le Comité a souligné et persiste à marquer l'importance de l'objectif d'harmonisation dans le progrès; cela signifie que des niveaux de protection jugés essentiels, minimaux, ne puissent différer selon la taille des entreprises.

- Il importe de tenir le plus grand compte de la spécificité des PME; non pour les exonérer du respect d'exigences communes; mais pour les aider à y souscrire. Ceci implique que les textes communautaires soient - autant que possible - simples; qu'ils comportent des préconisations pratiques; qu'ils soient élaborés de façon concertée avec les organisations de PME; qu'ils soient répartis par activités; que l'on n'oublie pas qu'il existe des garages, des hôtels restaurants, des menuiseries, des boulangeries, etc. de tailles moyenne qui emploient beaucoup de personnes.

- L'économie ainsi que tous les acteurs du marché du travail, qui ont aussi une responsabilité sociale, pourraient êtres plus actifs en matière de prévention et soutenir les campagnes de formation et d'information en la matière.

- Une législation détaillée, formaliste et sophistiquée, ne serait pas le meilleur moyen d'atteindre pareil objectif. La question de l'efficacité pose celle de l'applicabilité. La législation communautaire ne s'appliquera pas bien s'il n'y a pas complémentarité avec les législations nationales.

- Le contrôle juridique de la transposition d'une directive communautaire est indispensable. Mais il n'est pas suffisant. Il doit être accompagné de vérifications de mise en oeuvre sur le terrain, en concertation avec les partenaires sociaux.

- L'approche des risques de sécurité et de santé doit être adaptée à l'émergence de nouveaux défis, tels que ceux du "stress" au travail, des affections musculo-squelettiques, etc. Ces questions ne peuvent être abordées comme celles des accidents du travail et des maladies professionnelles classiques. En l'occurrence - et cela vaut pour nombre d'autres - la sélection, la capitalisation et la diffusion de mauvais et de bons exemples est nécessaire à l'élaboration de directives utiles.

3.2.2. Employabilité et sécurité/santé

- Les accidents de travail et les autres atteintes à la santé et à la sécurité ont d'abord une importance humaine. Mais ils sont aussi des sources de coûts sociaux pour les entreprises et de charges budgétaires pour les États.

- Il est loin d'être sûr que pareille constatation soit aujourd'hui, en 2001 en Europe, de l'ordre de l'évidence pour tout le monde. Il s'ensuit que des actions et outils doivent être développés pour expliquer et convaincre.

- Le non-respect des normes existantes n'est pas toujours sanctionné.

3.2.3. Comment affronter et traiter les nouveaux risques du travail?

- Ces risques n'ont pas évacué les risques classiques. Ils s'y ajoutent. Ils ne sont pas temporaires. Ils évoluent plus vite que n'évoluent les instruments préposés à les observer.

- Si l'on veut éviter que la législation prenne du retard sur les réalités qu'elle est censée régir, il importe qu'aujourd'hui, plus qu'hier, que les États et la Commission se dotent de moyens de suivi et d'évaluation permanents.

- L'Économie et tous les acteurs du marché du travail devraient jouer un rôle actif en matière d'études et du recherche sur les nouveaux risques.

3.2.4. Les nouvelles formes de travail

- On connaît et on mesure encore singulièrement mal l'étendue des risques de santé et de sécurité liés aux nouvelles formes d'emploi, telles que le télé travail, ainsi qu'à la nature et au développement des emplois intérimaires et des emplois précaires.

- Certains instituts de recherche et statistiques nationaux ont déjà avancé dans le recensement de ce nouveau type de risques. Il serait utile de promouvoir une harmonisation de ces recherches dans les États membres en vue de mieux protéger les travailleurs concernés tout au long de leur vie.

3.3. Les travailleurs âgés(4)

3.3.1. Le Conseil de Lisbonne a fixé l'objectif d'un niveau d'emploi "aussi proche que possible de 70 % d'ici 2010". Atteindre pareil but implique, entre autres conditions, de relever le taux d'emploi des "travailleurs âgés" c'est-à-dire ceux dont l'âge est compris entre 50 et 64 ans. Or, le taux d'emploi de ces personnes décline à des rythmes divers, mais sans exception ni rupture de tendance depuis les années 70, dans tous les États membres de l'Union; tendance que les lignes directrices pour l'emploi en 2000 visent à corriger. C'est un sujet sur lequel on manque de données informatives fiables, notamment quant aux âges effectifs de départ.

3.3.2. La "sortie précoce" est, en général, plus souvent imposée que choisie par celles et ceux qui la vivent. Cette forme de flexibilité résulte plutôt de la situation du marché du travail, des stratégies de restructuration des entreprises et des politiques publiques corrélatives.

3.3.3. L'emploi des travailleurs âgés est devenue une des "marges d'ajustement" de la gestion du personnel des entreprises et services publics (dite celle des "ressources humaines") et des espaces d'action des gouvernements en matière de protection sociale.

3.3.4. Il en résulte, s'agissant de la qualité de l'emploi, l'existence dans les entreprises et les services publics, d'une multitude de "demi-vieux" considérés comme sans avenir, sans utilité et que l'on hésite à promouvoir et à former. Au-delà de toute considération humaniste, il y a un paradoxe: le groupe d'âge des 40-60 ans va constituer à partir de 2001 la composante principale de la population active de l'Union.

3.3.5. Or, toutes les études en témoignent: la multiplication des départs anticipés accentue la dépréciation des travailleurs vieillissants sur le marché de l'emploi. En termes de recrutement, il y a discrimination à l'encontre des travailleurs âgés. Le salarié âgé ou vieillissant se ressent très souvent comme incapable de travail ou inemployable.

3.3.6. Dans pareil contexte, que dire de la "qualité du travail" appliquée au plus grand nombre de travailleurs âgés? Comment promouvoir le relèvement des taux d'activité des salariés de plus de 50 ou 55 ans? Que préconiser de concret? Comment répondre à une demande de plus forte participation des intéressés aux décisions qui les concernent, d'individualisation plus fine des gestions, de tenir le plus grand compte de l'aspiration de nombre de travailleurs, du groupe d'âge 40-60 ans à partir à la retraite à un âge décent?

3.3.7. Il s'agit d'inverser ce qu'on appelle une "tendance lourde". Cela ne saurait relever d'un scénario d'harmonie spontanée. Il ne s'agit pas de demander vulgairement aux entreprises de "faire du neuf avec du vieux". Il s'agit, ni plus ni moins d'engager un changement de culture et une prise de conscience; de faire en sorte que les salariés jugent valorisant de travailler après 55 ans et que les entreprises et les services publics pèsent mieux les apports que peuvent leur fournir les travailleurs dit "vieillissants". Pareille ambition commande de réfléchir à une meilleure gestion prévisionnelle des emplois dans la durée: recrutements et départs, formation continue, mobilité dans l'entreprise, organisation flexible du travail, ergonomie et définition des tâches, changement de comportement au sein des entreprises et des services publics.

3.3.8. Les instances de l'Union peuvent exercer en ce sens des actions déterminantes.

3.3.8.1. En matière de réflexion, sur des sujets tels que l'inflexion des systèmes de rémunération; sur le remplacement des dispositifs de préretraite par des dispositifs de retraite plus flexibles, par exemple.

3.3.8.2. Dans l'ordre de l'action à court terme:

- par une plus vive incitation aux dialogues en direction des partenaires sociaux européens;

- par le développement des échanges de bonnes pratiques;

- par l'élaboration concertée d'un "code de bonne conduite".

3.4. La non-discrimination

Le Comité souhaite qu'à cette étape et sur le sujet considéré, on s'efforce de progresser au regard des quelques "pierres de touche" suivantes:

- non-discrimination sexuelle;

- non-discrimination à l'égard des personnes ayant choisi des horaires flexibles ou le travail à temps partiel;

- protection sociale adéquate des travailleurs atypiques, c'est-à-dire ceux désireux ou tenus de pratiquer la mobilité professionnelle, la mobilité géographique, les contrats à durée déterminée, le travail temporaire;

- développement de la "formation tout au long de la vie" de tous les travailleurs, sans discrimination;

- meilleure participation de ces personnes à la marche des entreprises et des services qui les emploient;

- attention portée aux ressortissants de pays tiers; à la qualité des emplois qui seront offerts à des travailleurs immigrés dont l'Union aura besoin;

- attention portée aux travailleurs handicapés.

3.5. Accès à la formation et à la qualification

La construction européenne a fait et proclamé le choix d'une économie fondée sur la connaissance. À cet égard, le Comité souligne deux points, parmi les multiples volets de cet immense défi.

3.5.1. Le risque existe d'un phénomène d'exclusion, de "société à plusieurs vitesses" où seule une fraction des personnes au travail seraient en situation d'acquérir les moyens et les chances durables d'une bonne employabilité. Pareille perspective ne relève pas de la fiction. Il importe de la conjurer si l'on veut éviter l'apparition et le développement lent, larvé, pernicieux, d'une nouvelle forme de fracture sociale.

3.5.2. L'un des champs d'expansion possible de ce risque tient à ce que nombre d'activités à caractère traditionnel (hôtellerie, nettoyage mécanique de réparation, stations services, emplois de proximité, artisanat, etc.) sont peu en mesure d'offrir elles-mêmes des voies d'accès aux nouvelles technologies et connaissances. Les personnes qu'elles emploient sont menacées de n'être guère en phase, dans leurs parcours de vie, avec une société qui évolue. Il importe d'inventer et mettre en place, en la matière, des possibilités de formation continue; et à tout le moins, de ne pas sous-estimer la question.

3.6. Vie professionnelle et vie privée et familiale

3.6.1. Référence a été faite ci-dessus, dans le préambule du présente texte, à la qualité de la vie, pour rappeler l'évidence selon laquelle la qualité de l'emploi en est un élément déterminant.

On croise ici un terme générique, commode, "mis à toutes les sauces": flexibilité. Ce concept, est ambigu. Il faut, dans le thème sous revue, en élaguer les connotations quasi idéologiques: la flexibilité n'est pas un idéal, c'est un instrument.

3.6.2. Il s'agit de noter que ce mot désigne, tout à la fois, des aspirations individuelles diversifiées, formulées par un nombre considérable de personnes employées, à raison d'un désir de mieux-vivre: à commencer par l'aspiration à un temps et des horaires de travail "choisis" et des impératifs considérés comme vitaux par des responsables d'entreprises ou de services publics soucieux de compétitivité et d'efficacité vis-à-vis de leurs clients ou de leurs usagers.

3.6.3. Il s'agit de mieux connaître et analyser, pour préconiser des progrès, les conditions dans lesquelles s'effectuent la rencontre, les rencontres, entre des considérations de nature et d'inspiration différentes; d'examiner leurs interactions.

3.6.4. Il s'agit de mutualiser, d'échanger la connaissance des expériences, des conflits et des accords de volonté survenus.

3.6.5. Il s'agit aussi de prêter, peut-être, un peu plus d'attention à des facteurs concrets, tels que celui de la durée des temps de déplacement requis pour se rendre sur son lieu de travail et rentrer chez soi; ainsi que l'existence ou l'absence, de services et d'équipements sociaux de proximité consacrés aux enfants.

3.7. Information et participation des personnes employées

L'accent est mis ici sur une réalité: la qualité de l'emploi ne peut être accrue qu'à partir de démarches fondées sur l'information et la participation avec des moyens accrus et approfondis d'implication des salariés dans la conduite de processus de changement économique. La variété des situations à traiter et la volonté des personnes d'être partenaires des prises de décision qui les concernent sont telles qu'aucune directive, qu'aucun règlement, n'ont de chances, en l'espèce, d'atteindre leurs objectifs s'ils ne sont pas, peu ou prou, de genèse contractuelle. Tout cela, au demeurant, n'est pas en contradiction avec l'ambition d'une économie européenne fondée sur la connaissance. Qu'on le veuille ou non, pareille économie ne saurait, sans se contredire elle-même, s'établir durablement sur le modèle d'une ruche d'abeilles programmées par des gènes instinctifs et hiérarchiques; sur des croyances édictées et subies. L'expérience, contractuelle concertative, participative de nos pays, s'agissant des relations de travail est un atout précieux pour le développement du modèle économique et social européen.

4. Quelques recommandations

4.1. Outre la construction d'indicateurs et l'échange de bonnes pratiques, l'usage d'outils législatifs doit également pouvoir être envisagé afin de progresser dans la dimension de la qualité de l'emploi.

4.2. Elles sont centrées sur la question, aussi primordiale que difficile des indicateurs.

La nécessité de progresser en ce domaine a été soulignée par le Conseil européen de Stockholm.

Le CES a rendu le 1er mars 2001(5) un avis qui répertorie les conditions à remplir pour que des indicateurs européens soient performants (voire notamment ses paragraphes 1.2, 2.1, 2.3, 2.8, 3.2).

4.3. Le Comité à ce stade, n'a pas entendu prendre parti sur la question du principe, débattue tant au sein du Conseil qu'en celui de la Commission, de savoir s'il conviendra durablement à l'avenir, de couvrir de façon exhaustive l'ensemble du champ ou de cibler l'effort sur un nombre limité d'outils. Mais il estime qu'au moment présent, il importe d'optimiser l'usage de quelques bons indicateurs existants. Il souligne que pour être bon, un indicateur doit comporter les qualités suivantes: être objectif, apte à mesurer des résultats, cerner l'essence d'un problème et être d'une interprétation claire, être précis, équilibré, susceptible de permettre des comparaisons fiables; périodiquement revisité mis a jour, et reformé si nécessaire sans conduire les États membres, les entreprises et les citoyens à une charge administrative et financière additionnelle.

4.4. Il recommande d'accorder en première phase, une attention particulière aux "indicateurs possibles" suivants figurant dans la communication de la Commission(6) et qui se rattachent aux "Thèmes clés" évoqués au point n° 3 ci-dessus.

4.4.1. Sécurité santé

- Indicateurs composites des accidents du travail - fatals et graves - y compris les coûts;

- Niveaux de stress et autres difficultés concernant les relations de travail.

4.4.2. Travailleurs âgés

- Taux d'emploi

4.4.3. Non-discrimination

- Écarts de rémunération entre les sexes, moyennant des ajustements appropriés.

4.4.4. Formation tout au long de la vie

- Proportion de travailleurs suivant une formation ou d'autres formes d'éducation ou de formation tout au long de la vie.

4.4.5. Vie professionnelle et vie privée familiale

- Possibilités de congé de maternité et de congé parental, et taux d'utilisation.

4.4.6. Information et participation des travailleurs

- Champ d'application des conventions collectives et nombre d'entreprises de niveau européen disposant de comités d'entreprise.

4.4.7. Égalité de traitement pour les ressortissants de pays tiers

- Non-discrimination, différences de rémunération, type de contrat, promotion et formation continue.

4.5. À côté des indicateurs - pas à leur place, mais en complément - il importe, comme le soulignent tous les bons rapports et avis sur ce sujet, de collecter, capitaliser et diffuser toutes informations utiles sur les expériences et réalisations effectuées sur le territoire de l'Union; celles qui ont réussi bien sûr; mais aussi celles qui ont échoués. Il ne s'agit pas en l'espèce de faire du "Bench-marking" un moyen de classement entre bons et mauvais élèves; il s'agit de mettre en commun les enseignements de l'expérience.

La complexité et l'importance des efforts à fournir pour que la qualité du travail progresse dans la durée sur les territoires de l'Union sont telles que toutes les énergies disponibles doivent être sollicitées, mises en commun et articulées.

4.6. Le Comité économique et social qui représente divers acteurs de la société civile organisée ne demande qu'à être mis à contribution, dans sa fonction consultative, sur une question concrète aussi majeure que celle de la qualité de l'emploi.

Bruxelles, le 12 septembre 2001.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) "Recent work issues and policies" - janvier 2001.

(2) On est là, certes, dans le champ du "ressenti" plus que dans celui du "chiffré". Est-ce, pour autant, négligeable? Que quiconque le pense le dise ouvertement.

(3) Voir aussi "Vers une stratégie communautaire sur la santé et la sécurité au travail", JO C 260 du 17.9.2001 et "Santé et sécurité sur le lieu de travail", JO C 51 du 23.2.2000.

(4) Voir aussi l'avis du CES sur "Les travailleurs âgés", JO C 14 du 16.1.2001.

(5) Indicateurs structurels, JO C 139 du 11.5.2001.

(6) COM(2001) 313 final du 20.6.2001.

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