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Document 51998IR0157

Avis du Comité des régions sur «Le rôle des autorités locales et régionales en matière de développement touristique et les implications de l'action de l'Union européenne en matière de tourisme»

cdr 157/98 FIN

JO C 293 du 13.10.1999, p. 33 (ES, DA, DE, EL, EN, FR, IT, NL, PT, FI, SV)

51998IR0157

Avis du Comité des régions sur «Le rôle des autorités locales et régionales en matière de développement touristique et les implications de l'action de l'Union européenne en matière de tourisme» cdr 157/98 FIN -

Journal officiel n° C 293 du 13/10/1999 p. 0033


Avis du Comité des régions sur "Le rôle des autorités locales et régionales en matière de développement touristique et les implications de l'action de l'Union européenne en matière de tourisme"

(1999/C 293/08)

LE COMITÉ DES RÉGIONS,

vu la décision de son Bureau en date du 13 mai 1998 d'émettre, conformément à l'article 198 C, quatrième alinéa, du Traité instituant la Communauté européenne, un avis sur "Le rôle des autorités locales et régionales en matière de développement touristique et les implications de l'action de l'Union européenne en matière de tourisme";

vu le projet d'avis (CdR 157/98 rév. 1) adopté par la commission 5, le 26 janvier 1999 (rapporteur: M. Lazaridis);

a adopté lors de sa 29e session plénière des 2 et 3 juin 1999 (séance du 3 juin) l'avis suivant.

1. Introduction

1.1. De prime abord, on peut avoir l'impression que la contribution que l'UE apporte au tourisme par ses actions en la matière n'est que partiellement liée à la question du rôle des collectivités locales et régionales dans le domaine du développement touristique, étant entendu que notre intérêt doit aller à ce second dossier et que c'est lui que nous devons aborder, analyser et, in fine, soumettre et mettre concrètement en exergue - en ne nous contentant pas de mots - à l'échelon communautaire.

1.2. C'est en 1986 que l'UE a manifesté pour la première fois un intérêt officiel pour le tourisme, en instaurant le Comité consultatif du tourisme. Rassemblant des représentants choisis parmi les instances publiques compétentes des États membres de ce qui était alors la CEE et parmi les associations professionnelles du secteur au niveau européen, ce groupe avait reçu pour mission de remplir un rôle de conseiller auprès de la Commission européenne et, plus particulièrement, de sa vingt-troisième direction générale, qui comporte une unité "Tourisme". À l'époque, il était apparu que même si le traité fondateur de la CEE exclut totalement le tourisme du domaine de compétence de la Communauté, la création d'un tel organe était indispensable du fait de la place énorme occupée par cette activité dans l'économie de plusieurs États membres et celle de la Communauté européenne dans son ensemble. Aujourd'hui, elle apparaît d'autant plus fondée que la Commission elle-même associe désormais, à juste titre, le tourisme à la culture et à l'environnement, dans le contexte de la promotion des pactes locaux pour l'emploi, comme le montre par exemple le séminaire "Culture, environnement, tourisme et emploi" organisé par la Commission à Via Reggio, les 2 et 3 octobre 1997 (annexe I).

Un simple coup d'oeil sur les statistiques du secteur suffit à démontrer formellement qu'il en va bien ainsi pour l'Europe: en 1997, on a comptabilisé 360,816 millions d'arrivées d'étrangers aux frontières de ses États (qu'ils soient membres de l'UE ou non), de sorte que, selon ce critère, elle reste la première destination touristique de tous les continents et grandes zones géographiques du globe, totalisant 58,8 % de toutes les arrivées et 49,2 % des recettes touristiques dans le monde. La Communauté européenne, pour sa part, a accueilli 247,951 millions (68,7 %) de tous ces touristes arrivés sur le sol européen et a récolté 167,156 milliards de dollars (76,7 %) des dépenses qu'ils y ont réalisées. Onze États membres figurent sur la liste des vingt premières destinations mondiales de 1997 classées en fonction des arrivées internationales; ils sont douze dans le palmarès des vingt plus gros chiffres d'affaires nationaux. D'autre part, les États membres se retrouvent également à douze parmi les vingt pays qui viennent en tête des dépenses touristiques à l'échelle mondiale, l'Europe étant tout à la fois, du point de vue des flux touristiques, un marché-source et un marché-cible d'une taille colossale. En conclusion, il est clair que la Communauté européenne dispose d'une industrie touristique qui est des plus remarquables, du point de vue de la demande comme de celui de l'offre, joue un rôle économique et social notoire et aurait dû être considérée comme un enjeu prioritaire par la CEE et devrait l'être par l'UE qui en a pris le relais. Indépendamment de l'impact direct du tourisme sur la création d'emplois, qui est analysé en détail ci-dessous, il ne faut pas perdre de vue la contribution qu'il apporte à la convergence sociale, non seulement dans les États membres de l'UE, mais également dans les pays tiers. La libre circulation des touristes s'accompagne de l'échange d'expériences, de ressources et de traditions culturelles, et rapproche également les hommes.

2. La contribution des autorités locales et régionales au développement touristique de l'UE

2.1. Le tourisme et le produit offert par l'industrie touristique sont intimement liés à l'environnement naturel et immobilier et, partant, à la géographie du site concerné; autrement dit, ils sont en relation directe avec les lieux et les régions. D'autre part, l'environnement constitue en soi un capital considérable que les villes et les régions peuvent exploiter dans le cadre du développement touristique durable. Telle est la raison pour laquelle les collectivités locales et régionales des États membres ont reçu d'entrée de jeu des compétences en matière de développement touristique.

2.2. L'"offre touristique" est constituée par toute une chaîne de services et d'infrastructures indissociables qui sont assurés par le secteur public, qu'il s'agisse des autorités étatiques ou des collectivités territoriales et englobent, dans l'ordre, tous les moyens de déplacement du touriste dans une région, l'état du réseau routier, les types de transports, privés ou publics, l'adduction d'eau et les égouts, l'environnement, tant naturel qu'urbain, les équipements touristiques proprement dits, la qualité de la vie dans les régions de tourisme, l'accessibilité et la gestion des sites et monuments archéologiques, l'organisation de manifestations culturelles et récréatives, la structuration de l'information touristique ainsi que la promotion adéquate de chaque zone touristique dans le pays et à l'étranger. En plus d'enrichir l'"offre touristique" grâce aux programmes des régions dans ce domaine, le développement culturel peut participer à une dynamique économique locale et régionale de diverses manières: a) en créant des emplois dans l'industrie culturelle ou dans le secteur du patrimoine culturel, b) en renforçant le pouvoir d'attraction des régions pour les investisseurs potentiels, c) en contribuant à l'insertion sociale de groupes marginalisés (cf. "La culture, une ressource pour les régions", Commission européenne, d) en stimulant, par la création de réseaux culturels, les relations avec les régions qui possèdent des caractéristiques ou des signes identitaires semblables, e) en contribuant à la protection et à la réhabilitation du patrimoine régional.

2.3. Le large éventail des actions d'amont et d'aval, des activités et des services dont il est ici question est déjà assumé en grande partie par les collectivités locales et régionales, qui y sont d'ailleurs encouragées par les principes généraux et les tendances dans l'UE, qui vont dans le sens de la décentralisation, ainsi que par un très grand nombre de programmes communautaires de financement de nature non spécifique. Ces initiatives et actions doivent s'inscrire dans des stratégies intégrées de développement touristique, en lien avec la culture, l'éducation, l'emploi, l'environnement, les infrastructures et l'aménagement du territoire, afin de favoriser le développement du secteur privé et de rendre les régions et les villes plus attrayantes pour les investissements en créant les conditions d'une collaboration harmonieuse et d'une action partenariale et coordonnée du public et du privé. De par leur connaissance du tissu local, les collectivités territoriales ont un rôle important à jouer comme fédératrices des énergies en matière d'animation touristique.

L'UE et les États membres doivent assister les collectivités régionales et locales pour les aider à professionnaliser leur démarche et monter des projets viables, réellement adaptés aux besoins d'aujourd'hui et de demain et donc créateurs d'emplois durables.

2.4. À l'heure actuelle, on peut constater, pour ne prendre que cet exemple, que certaines régions sont systématiquement présentes dans les grands salons du tourisme organisés à l'étranger ou diffusent une abondante documentation touristique spécialisée, sous forme imprimée ou électronique, tandis que d'autres, tirant notamment parti du cadre financier fourni par l'UE, ont choisi de réaliser avec discernement des travaux d'infrastructure touristique qui consolideront et enrichiront leur offre en la matière.

2.5. D'autres administrations territoriales, enfin, ne se contentent pas de mettre en oeuvre des ressources nationales mais mobilisent aussi et surtout celles du secteur privé, auquel elles donnent la possibilité de jouer, dans le cadre d'une relation contractuelle claire et bien définie, un rôle de partenaire de l'effort de promotion du produit touristique offert. Ces collectivités locales et régionales tentent en l'occurrence de se trouver des interlocuteurs sociaux, qui peuvent être des entrepreneurs, des patrons de restaurants ou de salons de consommation, voire des chauffeurs de taxi vivant du tourisme, et d'élaborer des programmes de développement touristique accordés à leurs spécificités de terrain, en étoffant leur produit avec de nouveaux atouts et en en corrigeant les faiblesses.

2.6. Certaines collectivités régionales et locales ont élaboré pour leur territoire un plan de développement touristique ayant pour objectif de dresser un état des lieux, de mobiliser les acteurs locaux et d'adopter des orientations dans le domaine touristique. Il apparaît que les pouvoirs publics des municipalités et des régions ont non seulement consenti un sérieux effort dans le domaine des infrastructures de portée locale (plages aménagées, centres culturels, places publiques, signalisation, contrôles, etc.) mais ont également joué, de manière directe ou indirecte, un rôle entrepreneurial et engrangé des résultats économiques appréciables.

2.7. Pour cette action, ils peuvent disposer des instruments suivants:

2.7.1. les sommes que les budgets nationaux et communautaires allouent aux régions (et pour l'affectation desquelles elles sont pleinement compétentes);

2.7.2. leur fiscalité propre;

2.7.3. les mécanismes de soutien institués au niveau national;

2.7.4. les législations nationales qui leur cèdent des compétences et les concours financiers destinés à encourager les politiques dans le secteur du tourisme.

3. Objectifs et visées de l'action des collectivités locales et régionales

3.1. Leviers de développement pour le secteur du tourisme, les autorités locales et régionales peuvent apporter une contribution positive par les biais suivants:

3.1.1. Grâce à elles, les acteurs privés impliqués dans le secteur touristique peuvent parvenir plus facilement à conjuguer leurs forces pour mieux coordonner leurs initiatives.

3.1.2. Par leur action, elles peuvent établir la communication entre les partenaires sociaux afin de garantir certains résultats grâce à la collégialité et à la concertation entre les intervenants. Parce que leur activité est de nature locale, elles sont à même d'assurer l'affinage optimal de l'offre touristique en fonction des spécificités du lieu, en modulant selon le type de tourisme qui s'y développe (estival, hivernal, sportif, etc.) les interventions environnementales, culturelles ou autres qui s'avèrent nécessaires. Grâce à cette démarche qui part de la base, les résultats auxquels les pactes territoriaux peuvent aboutir dans le domaine du tourisme seront plus appréciables, en quantité comme en qualité: on relèvera à cet égard que les nombreux pactes pilotes des régions communautaires, qui ont été approuvés par la Commission, comportent dans bon nombre de cas des actions touristiques (annexe 2). Par conséquent, la collaboration des autorités locales et régionales avec le secteur touristique privé est indispensable, étant donné qu'elle permettra une utilisation plus appropriée des ressources potentielles de la localité ou de la région.

3.1.3. Côtoyant en permanence les problématiques locales et régionales, les collectivités régionales et locales ont la capacité de s'informer immédiatement des répercussions des initiatives envisagées. Les collectivités locales, ainsi que les collectivités régionales, peuvent exercer des contrôles plus directs et plus efficaces que d'autres niveaux de décision et de développer des programmes d'action souples. Toutefois, l'insuffisance des pouvoirs dont elles disposent s'il n'a pas été procédé à une décentralisation adéquate entraîne souvent certains retards ou certaines dérives dans la poursuite de leurs objectifs. Plus elles sont assujetties aux autorités centrales, plus elles seront réticentes à jouer le rôle qui doit être le leur, conscientes qu'elles seront de l'indigence de leurs compétences. Dès lors, l'absence de décentralisation appropriée aux niveaux régional et local retarde ou dénature ces activités.

De même les entreprises privées doivent réfléchir en profondeur à leurs comportements et à leurs attitudes et tendre à une utilisation plus large et plus intelligente de leur environnement, en consacrant toutes les ressources publiques dont elles peuvent disposer à enrichir et à améliorer leur gamme de produits touristiques et accroître ainsi leur potentiel en matière d'emploi, d'économies et d'offres complémentaires, en d'autres termes, à augmenter de manière globale, à travers le phénomène touristique, le potentiel des collectivités locales et régionales.

3.1.4. Plus le degré de compétence touristique des autorités locales et régionales sur de nombreux "processus productifs du tourisme" sera élevé, plus grand sera le développement de ce dernier. Ces autorités doivent s'impliquer non seulement dans les processus de contrôle mais également dans les processus de développement, d'innovation et de compétitivité permanents dans le secteur du tourisme. Cet engagement amélioré de leur part devra également couvrir l'acquisition immédiate de connaissances techniques et d'un savoir-faire touristique de la part de tous les acteurs concernés par le tourisme dans les collectivités locales et régionales

3.1.5. L'absence d'une communication interrégionale adéquate et stratégique empêche bien souvent de tirer parti des possibilités de collaboration mutuelle qui pourraient enrichir la réalité touristique des régions concernées. Il doit exister deux aspects fonctionnels dans notre tissu touristique: la compétence propre de chaque région et la coopération directe avec d'autres régions pour un bénéfice mutuel.

3.1.6. L'aspect insaisissable, multidisciplinaire et novateur de nombreux processus touristiques gêne leur compréhension et leur interprétation adéquates de la part de nombreux opérateurs socioéconomiques, et par voie de conséquence empêche la création d'un cadre de compétence harmonieux. Par conséquent, il importe de faire un effort d'interprétation du tourisme en se plaçant dans la perspective des régions européennes, afin de structurer une branche d'activité certes faible et fragile mais qui constitue en même temps un secteur d'avenir et doté d'un fort potentiel.

3.1.7. Pour tout ce qui concerne l'aménagement et la gestion de leur territoire, les collectivités locales et régionales, tout autant que les États, doivent se rappeler qu'il leur faut être capables de répondre non seulement aux attentes de leurs propres citoyens, mais aussi à celles de l'ensemble des visiteurs et touristes, contribuant ainsi à la durabilité et à l'harmonie de leur territoire.

3.2. Du fait des déficiences de la communication interrégionale, au niveau national et européen, il s'est créé un cadre concurrentiel imparfait, qui entraîne des distorsions en la matière et un gaspillage des forces et des ressources mobilisées pour atteindre l'objectif visé.

3.3. La facilité avec laquelle il est possible de définir des buts subjectifs fait parfois surgir des inégalités dans le développement touristique, à l'échelon national, régional et même local. Un développement touristique local et régional harmonieux doit empêcher les altérations et les déformations des particularités de la localité ou de la région; il convient au contraire de promouvoir ces particularités. Habitants et visiteurs sont en effet demandeurs d'une différenciation de plus en plus affirmée.

3.4. Le développement de l'offre touristique et le soutien qui lui est apporté pâtissent tout à la fois de la faiblesse du bagage actuel de connaissances techniques des autorités locales et régionales en fait de tourisme et de l'incapacité des instances nationales et internationales à leur fournir l'appui technique voulu. Il est nécessaire que les régions et les localités soient encouragées à discerner leurs propres objectifs touristiques dans le cadre de stratégies nationales ou européennes, afin que ces divers objectifs puissent être intégrés et leur impact renforcé.

3.5. Les collectivités territoriales n'en consacrent pas moins des moyens financiers importants dans le secteur du développement touristique. L'utilisation des nouvelles technologies, en particulier, permet de mieux faire connaître et de valoriser les territoires au-delà des frontières nationales et européennes. Les collectivités régionales et locales devront également s'assigner comme objectif et comme préoccupation d'effacer les effets, souvent pernicieux, de la concentration excessive du développement touristique dans un site, car ce type de développement aggrave les problèmes régionaux, parmi lesquels figurent l'augmentation de la criminalité, qui va de pair avec l'accroissement de l'insécurité des habitants, ainsi que la distorsion des particularismes locaux et l'altération de la spécificité du potentiel endogène. Les collectivités locales et régionales doivent éviter les conséquences négatives qu'implique souvent le développement touristique, tout en améliorant les services qui permettent de concilier la vie quotidienne des villes et des régions avec la visite et le séjour des touristes.

Ce problème est souvent particulièrement sensible dans les stations balnéaires européennes traditionnelles en déclin et dans les destinations semblables où le manque d'investissements et l'inadaptation aux changements structurels intervenus dans les tendances en matière de vacances ont abouti à la dégradation des infrastructures de séjour, à une hausse du chômage, à un faible niveau des revenus moyens ainsi qu'à un accroissement de la criminalité et du déclin urbain. C'est pourquoi les collectivités locales et régionales doivent s'efforcer de mettre en oeuvre, avec l'aide des autorités nationales et européennes des plans de redéploiement destinés à permettre une plus grande stabilité de l'emploi dans les marchés en expansion du tourisme moderne et hors du secteur touristique.

3.6. Il faut donner un caractère transversal à la politique touristique des administrations locales et régionales en imposant une coordination des différents domaines de compétence afin de générer un effet multiplicateur des actions qui ne seraient plus entreprises isolément domaine par domaine mais en relation les unes avec les autres et dans le même objectif.

4. L'action communautaire actuelle dans le secteur du tourisme: lacunes et points positifs

4.1. Il est patent qu'à l'heure actuelle, les niveaux atteints par le développement touristique varient non seulement d'un État membre à l'autre mais aussi à l'intérieur de chacun d'entre eux et les autorités régionales - comme d'ailleurs celles des États - n'ont pas encore réalisé avec toute la clarté souhaitable que le tourisme constitue une industrie nouvelle nécessitant une approche plus positive si l'on veut réunir les conditions fondamentales d'une convergence en la matière. En fait, l'intérêt que les États membres portent aujourd'hui au tourisme ne présente pas une intensité égale du point de vue social et économique et est fort variable, tout comme leurs politiques divergent manifestement quant à l'ampleur plus ou moins importante qu'ils souhaitent donner à l'intervention communautaire. Le facteur déterminant de cette différenciation réside souvent dans la taille du secteur de la demande touristique du pays concerné, car les intérêts de ce dernier sont relativement contradictoires avec ceux du secteur de l'offre.

4.2. Certains États membres ne désirent probablement pas que la Communauté intervienne, de façon institutionnelle ou non, dans les mécanismes du marché touristique, censé donner son meilleur rendement dans un environnement de liberté totale, et répugnent peut-être à ce que les secteurs touristiques des États membres distraient des ressources communautaires autres que celles qui leur sont déjà affectées par les fonds structurels. Ces pays émettent en effet des réserves qui témoignent du souci de brider l'interventionnisme caractéristique de l'action actuelle de l'UE ou ont de nature budgétaire, la crainte étant que des crédits supplémentaires ne soient demandés. D'autres États membres, en revanche, veulent arriver à ce que la Communauté s'implique davantage dans le tourisme et accroisse son action en la matière, parce qu'ils sont convaincus que le marché touristique est faussé à certains égards, par exemple du fait de la toute-puissance des voyagistes.

4.3. Ces divergences ont eu pour effet qu'au moment de la révision des traités, l'Union européenne n'est toujours pas parvenue à y faire insérer la mention d'une politique communautaire du tourisme, carence à laquelle nous estimons pour notre part qu'il convient de remédier le plus rapidement possible. Cela veut dire que l'Union européenne devrait avoir les moyens, dans le cadre des compétences qui lui sont transférées, de soutenir également la politique touristique des États membres ou des collectivités régionales et locales de manière appropriée. Compte tenu de l'existence de politiques communautaires portant sur des matières qui intéressent le tourisme (protection des consommateurs et de l'environnement, transports), il y a lieu d'exiger que les demandes légitimes de l'industrie touristique européenne soient suffisamment prises en compte pour assurer sa compétitivité sur le marché mondial du secteur.

Il convient de noter, en particulier, que les interventions et les initiatives de développement régional ne considèrent pas l'axe touristique comme l'une de leurs références prioritaires. La politique touristique devient, comme indiqué ci-dessus, un aspect spécifique qui vient s'ajouter à des interventions et à des politiques plus globales.

4.4. De ce fait, pour respecter un droit communautaire dicté par d'autres champs d'action de l'Union européenne, le tourisme n'a souvent d'autre choix que d'intégrer les surcoûts ainsi engendrés et de s'accommoder du cadre qui lui est imposé, inadapté à ses besoins mais aussi à ses véritables potentialités. Par ailleurs, cette absence d'une politique touristique visible et autonome génère également des inégalités dans le domaine social: pour ne mentionner que cet exemple frappant, le réseau des confédérations européennes des différents secteurs du tourisme ne participe pas directement au dialogue social mais y est représenté par la Confédération de l'industrie, branche de l'économie dont les exigences et les conditions diffèrent totalement des siens, et a auprès de cette organisation le statut de ... conseiller spécial !

L'absence d'une politique touristique empêche également de définir en commun des finalités et des moyens d'actions propres à cette politique, tels l'objectif de justice sociale, en répondant aux attentes légitimes de l'ensemble des populations en matière de droit aux vacances et aux loisirs pour tous.

4.5. Une coopération renforcée des États membres et des régions dans le domaine du tourisme pourrait être nécessaire, surtout si l'on considère que le poids relatif de l'Europe sur le marché mondial du tourisme décline d'année en année, du fait du coût élevé des vacances sur le Vieux continent et de la concurrence de lointaines destinations exotiques. En tant qu'instances responsables de la politique touristique au sein de la politique communautaire, les États membres et les régions ont dès lors le devoir de définir et de mettre en oeuvre une stratégie ciblée et cohérente pour préserver sa place sur le marché international. Un examen sommaire des chiffres enseignera qu'en l'espace de dix ans, de 1988 à 1997, la part de l'Europe communautaire par rapport à l'ensemble du continent a régressé de 74 % à 68,7 % pour le volume d'arrivées et de 82,9 % à 76,7 % pour les recettes.

En outre, au vu de l'enjeu économique et social que représente le tourisme pour les années à venir - les récentes prévisions de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) annoncent le triplement du tourisme international durant les vingt prochaines années -, il est urgent de:

- renforcer la compétitivité du tourisme européen, en prenant pour objectif premier le développement du tourisme dans les zones prioritaires d'aménagement du territoire;

- améliorer les dispositifs de maîtrise du développement et de gestion des sites les plus fréquentés.

4.6. Si jusqu'ici, l'UE a fait porter son effort sur certains dossiers bien déterminés (homogénéité de la collecte de statistiques, amélioration de la transmission des connaissances dans le secteur touristique, protection du touriste-consommateur, mise en valeur du patrimoine culturel, qui exige de greffer des valeurs culturelles sur le produit touristique, développement touristique fondé sur les principes de la durabilité, etc.), il convient à présent de consentir un effort pour cerner et mettre en vedette le dynamisme du tourisme en tant que secteur à haute intensité de main-d'oeuvre, créateur d'emplois dans une Europe frappée par le fléau du chômage, en particulier celui des jeunes et des femmes. C'est dans ce but qu'une commission de représentants du monde du tourisme a été constituée, qui a déposé ses conclusions sur ce que devrait être une action communautaire en la matière. Dans l'état actuel des choses, la Commission européenne affecte la petite unité administrative dont elle dispose pour ce domaine à des programmes de recherche et d'information, qui portent par exemple sur le développement touristique des villes et de leurs centres historiques, l'introduction de l'euro dans ce secteur, etc. Les principales conclusions du groupe d'étude de haut niveau sont que la contribution du tourisme à la croissance et à l'emploi mériterait de bénéficier à tous les niveaux d'une reconnaissance accrue, qui devrait déboucher sur une action renforçant son potentiel de développement durable. Par ailleurs, en intégrant davantage les préoccupations et les priorités du tourisme dans le développement et la mise en oeuvre des programmes communautaires, l'UE disposerait d'une occasion exceptionnelle de contribuer à augmenter la compétitivité de l'industrie européenne. Les actions mises en oeuvre par l'UE dans le secteur du tourisme doivent être mieux coordonnées et doivent s'appuyer sur une meilleure coordination des interventions, notamment budgétaires, des diverses directions de la Commission européenne. En outre, si l'on veut optimiser la part prise par le tourisme dans l'essor de l'économie, il est primordial de favoriser des consultations et collaborations efficaces entre toutes les parties concernées au niveau local, régional, national et européen.

4.7. Nous sommes aujourd'hui plus attentifs qu'autrefois à l'enjeu que constitue l'utilisation responsable des ressources non renouvelables et à la nécessité de les préserver à l'intention des générations à venir. Selon les résultats d'une enquête menée par Eurobaromètre en 1996, 98 % des Européens estiment que la protection de l'environnement et la lutte contre la pollution constituent une priorité pour l'Europe et une large majorité (82 %) juge que le problème est aigu et doit être saisi à bras le corps. Cette fibre écologique de la population se traduit également dans la manière dont les vacances sont programmées: la qualité, y compris celle du cadre environnemental et la sécurité personnelle deviennent des facteurs de plus en plus déterminants dans le choix d'une destination. Toutes les branches de l'industrie touristique et les pouvoirs publics des grands sites d'accueil se doivent de prêter attention aux contraintes que les activités touristiques font peser sur les ressources disponibles. Il est nécessaire qu'une évaluation environnementale systématique des grands projets soit menée. Plus positivement, il faut examiner dans quelle mesure le tourisme peut contribuer à préserver le capital de ressources des régions concernées, qu'elles soient produites par l'homme, naturelles ou culturelles.

4.8. Cette corrélation directe entre tourisme, patrimoine culturel et environnement est très largement reconnue. Parce qu'il dépend de ces ressources et y voit des ingrédients fondamentaux pour la production et la commercialisation d'activités récréatives, le tourisme constitue un champ d'expérimentation idéal pour étudier la mise en oeuvre du principe du développement durable. La finalité première de l'activité de la Communauté dans ce domaine consiste à enclencher un "cercle vertueux" qui contribuera à canaliser les rapports entre économie touristique et environnement dans le sens d'une viabilité à long terme.

4.9. Par-delà les efforts louables que certains secteurs de l'industrie touristique, diverses organisations publiques ou privées et des particuliers ont fournis pour assurer la programmation et la gestion du tourisme, il reste place pour des actions coordonnées qui permettent aux parties concernées de se pencher plus systématiquement sur les mesures appliquées dans les différents États membres et régions, afin de repérer et de faire connaître les pratiques les plus recommandables. Il conviendra également de veiller à ce que les touristes et les entreprises touristiques reçoivent des informations sur l'état de l'environnement et des sites culturels dans les régions de destination et de les inciter à adopter un comportement écologiquement mature dans l'utilisation de certaines ressources fragiles.

Il faut en outre promouvoir l'intégration de l'offre touristique et de la production artisanale, artistique et culturelle au niveau local, qui doit être considérée comme un instrument intéressant de soutien du développement territorial.

4.10. Les actions entreprises pour conforter la qualité de l'environnement, qu'il soit naturel ou marqué par la main de l'homme, revêtent une importance capitale pour la prospérité des régions et des entreprises concernées par le tourisme et constituent une condition essentielle de son développement durable. Dans le marché européen unique instauré par la libre circulation des personnes, le souci de la sécurité de l'ensemble des citoyens (dont les touristes) doit toutefois amener les forces de l'ordre et les instances judiciaires de tous les États membres à renforcer leur collaboration pour prévenir et combattre le crime organisé, la traite des êtres humains, les crimes contre l'enfance, le racisme, la xénophobie, le trafic de stupéfiants, le terrorisme, etc.

4.11. Lors de la mise en oeuvre de ses politiques et de ses actions en 1995/1996, la Communauté s'est constamment efforcée d'intégrer le principe de durabilité dans ses actions et démarches de développement du tourisme. On soulignera que ce dernier est l'un des cinq grands secteurs retenus par la Commission pour l'intégration de cette dimension de pérennité dans d'autres initiatives. Après avoir évalué les résultats de cette ligne de conduite, la Communauté a concentré son attention sur l'unification des mesures existantes et la mise en chantier de nouvelles dispositions législatives et financières sélectives, concernant plus spécifiquement le développement touristique.

4.12. Le tourisme, comme on sait, a tiré le plus grand profit des financements des fonds structurels de l'UE, de ses initiatives communautaires et de ses programmes spéciaux. Ainsi, il a pu affecter à l'hébergement, à ses infrastructures spécifiques ou à sa promotion ciblée les fonds dont il a bénéficié au titre du deuxième cadre communautaire d'appui, d'initiatives comme Interreg II, Leader II ou LIFE. De même, le tourisme tire profit des ressources des fonds structurels, via les grands travaux d'infrastructure générale (grands axes routiers, ports, modernisation du réseau ferroviaire, etc.). Le premier rapport sur la cohésion économique et sociale, adopté par la Commission en 1996, analyse en détail les progrès accomplis sur la voie de la cohésion socioéconomique et la manière dont les différents instruments fournis par la Communauté ont contribué à la rapprocher cet objectif. Ce document donne des exemples de financement communautaire d'activités liées au tourisme. Si l'on peut avancer sans risque d'erreur que les mesures prévues par l'Union européenne pour encourager le tourisme ont largement servi la cause de la convergence économique et sociale, il est difficile de cerner plus précisément leurs effets. En toute hypothèse, l'évaluation fine des effets des politiques structurelles bute sur de gros obstacles, surtout pour un laps de temps aussi réduit, et effectuer cette opération pour le tourisme s'avère encore plus malaisé, étant donné que cette industrie se décompose en un large spectre d'activités économiques intervenant, qui plus est, à des niveaux différents.

4.13. Le tourisme apparaît de plus en plus comme un secteur créateur d'emplois qualifiés et durables et, d'autre part, comme un facteur d'aménagement du territoire: le tourisme est une industrie de main-d'oeuvre non délocalisable et est un secteur constitué par des PME, créatrices d'emplois, implantées sur un large territoire. Le développement touristique dans les régions en retard peut permettre, en valorisant leurs spécificités et leurs atouts, un rattrapage économique et social et un meilleur équilibre territorial.

Ces potentialités justifient la reconnaissance du tourisme à l'échelle européenne afin de lui donner les moyens de relever ces défis.

5. Propositions

5.1. Il serait opportun que les membres du Comité, qui peuvent observer de près les problèmes concrets du secteur touristique et en assurent la gestion dans leurs instances décentralisées, les étudient avec toute la sagacité de leur expérience, afin de déblayer le terrain pour les autres organes de l'UE.

5.2. Le Comité des régions défend l'avis suivant:

Il estime que les actions énumérées ci-après apporteraient un appui de premier plan aux collectivités locales et régionales dans les efforts qu'elles déploient pour assurer un développement durable:

5.2.1. Dans la formulation des politiques communautaires qui ont un rapport avec le tourisme, comme par exemple la protection des consommateurs et de l'environnement, ou les transports, l'UE devrait veiller à ce que les besoins du tourisme soient également pris en considération. Elle devrait en particulier garantir le bon fonctionnement du marché unique, prévenir les situations monopolistiques ou oligopolistiques et adapter les politiques nationales aux besoins de la libre circulation des personnes et des capitaux.

Les collectivités locales et régionales seraient en droit d'être associées plus activement à la conception et la gestion des politiques qui concernent le secteur touristique. Il conviendrait pour cela d'engager une procédure de consultation sur les objectifs souhaitables et de coordonner les actions futures en rapport avec ce secteur, en les intégrant dans le processus de réforme financière engagé dans l'UE (Agenda 2000 et programme-cadre pour la culture 2000).

5.2.2. L'UE se doit de soutenir la politique de décentralisation, grâce à laquelle les collectivités locales et régionales seront assurées de pouvoir agir à armes égales sur le terrain économique pour assurer leur développement, en particulier leur développement touristique, notamment pour les projets de sauvetage des savoir-faire artisanaux de niche qui s'emploient à mettre en valeur les spécificités et les traditions locales.

L'Union doit garantir l'utilisation efficace des ressources, éviter des actions isolées ne présentant pas une valeur ajoutée communautaire évidente et concentrer de préférence ses efforts sur l'encouragement des actions de coopération entre les collectivités locales et régionales, notamment lorsqu'elles recouvrent une dimension transnationale ou lorsqu'elles sont susceptibles d'avoir des retombées sensibles pour le secteur touristique dans son ensemble.

5.2.3. L'UE devrait poursuivre ses propres programmes de financement, et transférer aux municipalités et aux régions la faculté d'utiliser ces ressources dans le sens de la durabilité, de façon à permettre ainsi aux collectivités territoriales de remplir mieux encore les fonctions qu'elles peuvent assumer ou assument d'ores et déjà à cet égard.

5.2.4. Les États membres sont invités à utiliser une partie des ressources des Fonds structurels, dans le cadre des projets de développement et des programmes en faveur du tourisme encore à présenter, afin de renforcer également à cette occasion la collaboration de l'UE avec les collectivités locales et régionales ainsi que la coopération interrégionale, transnationale et transfrontalière en faveur du développement du tourisme.

5.2.4a. Il conviendrait de favoriser, dans les limites des aides d'État autorisées, une intégration spécifique des programmes de financement communautaires et du système de financement national destiné à développer l'esprit d'entreprise et l'emploi dans le domaine touristique.

5.2.5. Il faudrait améliorer la formation et encourager la reconnaissance multilatérale des diplômes dans le secteur du tourisme en augmentant le niveau d'excellence de la préparation des professionnels et en visant ainsi au renforcement d'un tourisme de qualité.

5.2.6. Il serait nécessaire d'observer davantage les conséquences sur l'emploi des aides versées, en privilégiant les emplois non saisonniers.

5.2.7. Il y a lieu de promouvoir la coopération interrégionale en vue de mieux exploiter le potentiel des touristes de provenance non européenne. Une mesure particulièrement utile consisterait à créer des réseaux internationaux qui réuniraient en particulier des pouvoirs régionaux et locaux et auraient pour vocation d'assurer des échanges de savoir-faire et une promotion commune d'offres intégrées, de produits traditionnels et d'expériences dans le domaine du tourisme, notamment en encourageant la mise en place de circuits régionaux et en assurant la promotion et le soutien des initiatives engagées par le Conseil des communes et régions d'Europe et l'Assemblée des régions d'Europe ainsi que par les réseaux régionaux ou communaux à base sectorielle ou géographique. L'instauration d'un système homogène de données statistiques et de contrôle de qualité serait particulièrement bienvenue.

5.2.8. Les besoins concrets de l'Europe d'aujourd'hui sont d'assurer la convergence économique et sociale, de mettre en place les conditions nécessaires au développement de l'économie de ses États membres, de ses régions et de ses communes et de garantir l'emploi. Le tourisme constitue indéniablement une branche d'activité qui connaît un essor économique, social, culturel et environnemental et contribue à créer des postes de travail. L'Union européenne doit par conséquent soutenir les collaborations entre le secteur public et le secteur privé, en reconnaissant que, dans ces synergies, les pouvoirs locaux et régionaux ont à jouer un rôle moteur pour atteindre les objectifs de la gestion intégrée du tourisme, laquelle passe notamment par la diffusion des exemples de bonnes pratiques dans ce domaine.

Bruxelles, le 3 juin 1999.

Le Président

du Comité des régions

Manfred DAMMEYER

ANNEXE I

à l'avis du Comité des régions

Liste de pactes pilotes territoriaux pour l'emploi

Des actions touristiques et culturelles sont prévues dans les régions du tableau qui sont soulignées.

(Source:

DG XVI)

Liste des promoteurs techniques hommes des pactes territoriaux pour l'emploi

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ANNEXE II

à l'avis du Comité des régions

TABLEAU N° 1

Nombre d'emplois culturels directs dans les pays de l'Union Européenne

>TABLE>

TABLEAU N° 2

Nombre d'emplois culturels directs dans les pays de l'Union Européenne, sans les métiers d'art

>TABLE>

TABLEAU N° 3

Nombre d'emplois culturels directs dans les pays de l'Union Européenne en % de la population active

>TABLE>

TABLEAU N° 4

Nombre d'emplois culturels directs dans les pays de l'Union Européenne en % de la population active, métiers d'art exclus

>TABLE>

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