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Document 32024H02807

Recommandation (UE) du Conseil du 12 avril 2024 concernant la politique économique de la zone euro

ST/6316/2024/INIT

JO C, C/2024/2807, 23.4.2024, ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2024/2807/oj (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, GA, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2024/2807/oj

European flag

Journal officiel
de l'Union européenne

FR

Série C


C/2024/2807

23.4.2024

RECOMMANDATION (UE) DU CONSEIL

du 12 avril 2024

concernant la politique économique de la zone euro

(C/2024/2807)

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 136 en liaison avec l'article 121, paragraphe 2,

vu le règlement (CE) no 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques (1), et notamment son article 5, paragraphe 2,

vu le règlement (UE) no 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques (2), et notamment son article 6, paragraphe 1,

vu la recommandation de la Commission européenne,

vu les conclusions du Conseil européen,

vu l'avis du comité économique et financier,

vu l'avis du comité de politique économique,

considérant ce qui suit:

(1)

L'économie de la zone euro s'est montrée résiliente face aux chocs économiques majeurs survenus ces dernières années, reflétant également les mesures énergiques et coordonnées prises en temps utile, mais elle a récemment perdu de son élan. Après s'être nettement redressée en 2021 et 2022, la croissance de la zone euro devrait ralentir pour s'établir à 0,6 % en 2023. Les effets du niveau toujours élevé, quoique plus modéré, des prix à la consommation pour la plupart des biens et des services, se sont fait lourdement sentir sur l'économie, malgré le reflux des prix de l'énergie, tandis que la demande extérieure n'apporte guère de soutien solide. Parallèlement, l'effet du resserrement de la politique monétaire se transmet à l'ensemble de l'économie. Pour ce qui est des points positifs, le marché du travail reste dynamique, affichant un taux de chômage historiquement bas, qui varie cependant entre les États membres et entre leurs régions, et des taux records d'activité et d'emploi, même si des signes de fléchissement commencent à pointer. En 2024, la croissance devrait progressivement se redresser pour atteindre 1,2 %, sous l'effet de l'expansion continue de l'emploi et de la hausse des salaires réels, alors que l'inflation continue de diminuer. Les perspectives restent entourées d'incertitudes et de risques élevés, principalement liés à l'évolution de la guerre d'agression menée actuellement par la Russie contre l'Ukraine, à la situation au Moyen-Orient à la suite des attaques terroristes brutales et aveugles perpétrées par le Hamas contre Israël, qui sont susceptibles d'entraîner de nouvelles perturbations des approvisionnements énergétiques, avec une incidence importante sur les prix de l'énergie, et aux risques associés à un ralentissement structurel en Chine. En outre, l'incidence à retardement des politiques de lutte contre l'inflation et leurs effets possibles sur l'activité économique peuvent accroître les risques entourant les perspectives. Celles-ci sont également plombées par des changements structurels liés, en particulier, à l'intensification des effets du changement climatique, dont témoignent les conditions météorologiques extrêmes ainsi que les incendies de forêt et les inondations sans précédent.

(2)

Après le pic observé en octobre 2022, l'inflation globale dans la zone euro s'est modérée principalement sous l'effet du recul des prix de l'énergie, mais aussi d'une atténuation progressive plus générale en ce qui concerne les autres composantes. Néanmoins, le taux d'inflation des produits alimentaires et des services demeure à un niveau élevé, touchant en particulier les plus vulnérables, et les tensions inflationnistes restent importantes dans un certain nombre d'États membres. L'inflation devrait tomber à 3,2 % en 2024, restant ainsi supérieure à l'objectif de 2 % de la Banque centrale européenne (BCE), alors qu'elle devrait diminuer pour s'établir à 2,2 % en 2025. Ce processus de désinflation est favorisé par le relèvement des taux d'intérêt de la BCE, le plus rapide et le plus vigoureux jamais observé depuis la création de l'union économique et monétaire (UEM). Les rendements souverains ont augmenté dans la zone euro, mais les écarts de taux sont restés relativement stables. La BCE a exprimé à plusieurs reprises son intention de maintenir aussi longtemps que nécessaire les taux d'intérêt à un niveau élevé afin de ramener l'inflation au niveau cible et elle a précisé que la politique monétaire future continuerait de suivre une approche fondée sur les données.

(3)

Le choc énergétique a entamé la compétitivité des coûts dans la zone euro, en particulier pour les États membres et les industries les plus énergivores. Jusqu'à présent, l'incidence négative de la hausse des coûts a été atténuée par l'évolution des taux de change et par les mesures temporaires adoptées par les gouvernements dans le but de soutenir les entreprises et les ménages vulnérables. Cependant, le coût élevé de l'énergie, conjugué aux différences d'intensité énergétique et d'approvisionnement énergétique des économies des États membres, ainsi qu'aux différences dans les structures de marché et les réponses stratégiques des États membres, a contribué à faire naître d'importants écarts d'inflation au sein de la zone euro. Malgré la baisse des prix de l'énergie en 2023, ces écarts d'inflation ne se sont pour l'instant que partiellement résorbés. Conjuguées à la dispersion de la croissance des salaires au cours des deux dernières années, les différences de prix pourraient, si elles perdurent, se traduire par des écarts durables de compétitivité entre les États membres de la zone euro et contribuer à des déséquilibres macroéconomiques susceptibles de compromettre le bon fonctionnement de la zone euro. C'est pourquoi il est important de remédier à tous les déséquilibres macroéconomiques. À moyen terme, la capacité de la zone euro et des États membres à renforcer la productivité dépend, en partie, de la capacité de soutenir l'innovation et l'investissement. À cet égard, la perspective d'un possible maintien des prix de l'énergie et des coûts à un niveau perpétuellement plus élevé que ceux des partenaires commerciaux, conjugué à un écart persistant de croissance de la productivité par rapport aux pairs et à des risques croissants de fragmentation géoéconomique, placerait l'économie de la zone euro en situation de désavantage.

(4)

L'environnement macroéconomique actuel, qui est caractérisé par des incertitudes persistantes, une inflation élevée et une compétitivité menacée dans la zone euro, nécessite un programme d'action ambitieux. À court terme, le retour du taux d'inflation au niveau cible de 2 % fixé par la BCE demeure une priorité. En outre, des différences persistantes de taux d'inflation entre les États membres pourraient se traduire par des divergences de compétitivité. La politique budgétaire devrait éviter d'accentuer les tensions inflationnistes. Les revenus réels ont diminué en 2022, ce qui appelle une évolution des salaires de nature à atténuer la perte de pouvoir d'achat, en particulier pour les bas salaires. Dans le même temps, les effets de second tour sur l'inflation et la compétitivité devraient être étroitement surveillés par les pouvoirs publics et pris en compte dans la formation des salaires. En outre, il demeure essentiel de limiter les risques entourant la stabilité macrofinancière ainsi que l'incidence macroéconomique du durcissement des conditions financières. À l'avenir, la zone euro doit continuer à promouvoir une croissance inclusive et durable et à préserver sa compétitivité mondiale, tout en évitant les divergences en son sein. À cet égard, les réformes et les investissements jouent un rôle déterminant, y compris les réformes et les investissements visant à favoriser la double transition écologique et numérique ainsi que la résilience de la zone euro. La participation effective et en temps utile des partenaires sociaux et un dialogue social renforcé sont essentiels pour appuyer l'élaboration des politiques et permettre une large appropriation de ces dernières afin de favoriser leur mise en œuvre.

(5)

Après avoir été fortement expansionniste de 2020 à 2022 en raison de la crise, permettant ainsi de contribuer à faire face aux chocs extérieurs et à protéger les ménages vulnérables et les entreprises viables, l'orientation budgétaire globale dans la zone euro devrait être restrictive en 2023 et 2024, ce qui cadre avec la nécessité de réduire les niveaux de déficit et de dette publics et d'éviter d'alimenter les tensions inflationnistes, tout en maintenant une certaine réactivité compte tenu du haut niveau d'incertitude. Entre 2020 et 2022, l'orientation budgétaire expansionniste de la zone euro, de l'ordre de 4 % du produit intérieur brut (PIB), a soutenu l'économie face à la crise de la COVID-19 et à l'envolée des prix de l'énergie à la suite de l'invasion militaire à grande échelle menée par la Russie contre l'Ukraine. En 2023 et 2024, l'orientation budgétaire agrégée devrait devenir restrictive, de 0,5 % du PIB pour les deux années, principalement en raison de l'abandon quasi complet des mesures de soutien à l'énergie liées à la crise. L'orientation budgétaire globale restrictive attendue en 2023 et 2024 contribuera à rétablir des marges de manœuvre budgétaires au fil du temps et ainsi à améliorer la viabilité des finances publiques. Il est donc essentiel de faire en sorte que les limites de croissance des dépenses nettes recommandées par le Conseil de l'Union européenne (Conseil) soient respectées. S'il faut maintenir une stratégie budgétaire prudente, il est également nécessaire de préserver les investissements publics et de les augmenter autant que possible, au besoin, et de promouvoir davantage l'investissement privé, afin de soutenir la compétitivité, une croissance durable et inclusive à long terme ainsi qu'une transition écologique et numérique équitable. En 2023 et 2024, l'investissement public devrait encore progresser dans la plupart des États membres, toujours avec le soutien de la facilité pour la reprise et la résilience établie par le règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil (3) (FRR) et d'autres fonds de l'Union. Les finances publiques sont également plombées par des coûts élevés, tels que le vieillissement de la population, la défense, ainsi que le différentiel moins favorable entre taux d'intérêt et taux de croissance. Dans le cadre de leurs recommandations par pays, un certain nombre d'États membres de la zone euro ont été invités à prendre des mesures pour améliorer la viabilité de leurs systèmes de retraite et de soins de santé et à adopter des réformes fiscales. Conduire des réexamens des dépenses publiques en tant que partie intégrante des procédures budgétaires annuelles et pluriannuelles contribuerait à améliorer l'efficacité et la qualité des dépenses publiques. Il convient que les réexamens des dépenses publiques aient une portée, un mandat et une méthode clairement définis, et que leurs résultats soient clairement communiqués au public. Les mesures visant à lutter contre la planification fiscale agressive, l'évasion fiscale et la fraude fiscale peuvent également rendre les systèmes fiscaux plus efficaces et plus justes, tout en soutenant la reprise et l'augmentation des recettes.

(6)

Le ratio agrégé dette/PIB de la zone euro devrait enregistrer une baisse cumulée de 2,8 points de pourcentage au cours de la période 2023-2024, pour s'établir à 89,7 % du PIB à la fin de 2024. Ce recul est principalement dû au taux de croissance du PIB nominal, qui dépasse le taux d'intérêt moyen payé sur l'encours de la dette. Toutefois, la dette reste élevée dans plusieurs États membres et les taux d'intérêt globalement plus élevés se traduiront progressivement par des coûts plus élevés du service de la dette, ce qui aura une incidence négative sur la dynamique de la dette, toutes choses étant égales par ailleurs. En décembre 2023, le Conseil est parvenu à un accord concernant le train de mesures sur le réexamen de la gouvernance économique, qui comprend un règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la coordination efficace des politiques économiques et à la surveillance budgétaire multilatérale et abrogeant le règlement (CE) no 1466/97 du Conseil, un règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs et une directive du Conseil modifiant la directive 2011/85/UE sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres. La réforme du cadre de gouvernance économique vise à promouvoir des ajustements budgétaires réalistes, soutenus et progressifs, guidés par des plans à moyen terme spécifiques à chaque pays, et à renforcer la croissance durable en encourageant les réformes et les investissements pertinents. Le cadre de gouvernance économique réformé apportera davantage de clarté et de prévisibilité pour la politique budgétaire à l'avenir, en favorisant à la fois la soutenabilité de la dette et la croissance économique.

(7)

Le coût net des mesures d'aide d'urgence prises pour atténuer les conséquences économiques et sociales de la hausse des prix de l'énergie est demeuré élevé en 2023, bien qu'il ait légèrement diminué dans le contexte de la décrue des prix de l'énergie par rapport au pic atteint en 2022. La Commission estime que le coût budgétaire net de ces mesures de soutien d'urgence s'élève à 1,0 % du PIB de la zone euro en 2023, contre 1,3 % en 2022. Même si le ciblage s'est amélioré, près de la moitié de leur coût budgétaire en 2023 provient de mesures portant sur les prix qui ne ciblent pas les ménages et les entreprises vulnérables. Un abandon progressif de la plupart des mesures au cours de l'année 2024 est à présent prévu, en cohérence avec la stabilisation attendue des prix de l'énergie; si ces estimations se concrétisent, le coût budgétaire résiduel sera d'environ 0,2 % du PIB en 2024 pour l'ensemble de la zone euro. Toutefois, si de nouvelles hausses des prix de l'énergie devaient nécessiter de maintenir des mesures de soutien ou d'en adopter de nouvelles, de telles mesures de soutien devraient viser à protéger les ménages et les entreprises vulnérables, être viables sur le plan budgétaire et devraient préserver les incitations aux économies d'énergie. Plus généralement, et au-delà des mesures de soutien à l'énergie liées à la crise, un recours accru à la fiscalité environnementale, conformément au principe du pollueur-payeur, ainsi que la suppression progressive des subventions en faveur des combustibles fossiles, qui ne luttent pas contre la pauvreté énergétique ou n'ont pas d'incidence sur la transition juste, et d'autres subventions préjudiciables à l'environnement, pourraient contribuer à accroître la marge de manœuvre budgétaire des États membres de la zone euro.

(8)

Le maintien d'un niveau suffisamment élevé d'investissements publics de qualité peut contribuer à mobiliser l'investissement privé, à stimuler la croissance potentielle et la compétitivité et à soutenir les transitions écologique et numérique, ainsi qu'à renforcer la résilience sociale et économique. À cet égard, la mise en œuvre intégrale des réformes et des investissements au titre de la FRR et des fonds de la politique de cohésion constitue une priorité. La mise en œuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience est bien engagée, mais les progrès sont variables selon les États membres et dans certains cas, il est nécessaire d'accélérer cette mise en œuvre pour combler les retards accumulés. À la mi-novembre, la Commission avait reçu 34 demandes de paiement de 19 États membres de la zone euro et décaissé un montant total de 162,1 milliards d'EUR sous forme de subventions et de prêts. Ce montant se compose de 51,6 milliards d'EUR qui ont été versés en tant que préfinancement et de 110,5 milliards d'EUR qui ont été versés après que les jalons et les cibles ont été atteints. Le rythme des décaissements en 2023 a été un peu plus lent que prévu, en partie parce que les États membres se concentrent sur la révision de leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience en raison de modifications de l'allocation des subventions, de nouvelles demandes de prêts et de l'introduction des chapitres REPowerEU. Depuis le début de la crise de la COVID-19, dans le cadre de la politique de cohésion, près de 120 milliards d'EUR ont été versés aux États membres de la zone euro au titre du Fonds européen de développement régional, du fonds de cohésion, du fonds social européen et de l'initiative pour l'emploi des jeunes. Dans le contexte de l'examen à mi-parcours de la politique de cohésion, les États membres auront l'occasion de revoir les programmes de la politique de cohésion et de procéder à l'allocation de fonds pour répondre aux besoins urgents et aux défis émergents. Le cycle du Semestre européen 2024 fournira des orientations pour cet examen à mi-parcours et aidera à allouer des financements à la lumière du contexte socio-économique et des difficultés auxquels sont confrontés les États membres et leurs régions, tout en continuant de promouvoir la complémentarité avec la FRR et d'autres fonds de l'Union.

(9)

Il est essentiel de promouvoir l'investissement privé, l'innovation et le développement des compétences pour améliorer la productivité et renforcer la compétitivité de la zone euro, en particulier pour soutenir les transitions écologique et numérique. La suppression des obstacles à l'investissement, y compris au moyen de réformes destinées à rationaliser et numériser la planification, les procédures d'autorisation et d'autres procédures administratives, contribuerait à stimuler l'investissement privé. La politique industrielle et les politiques axées sur l'offre peuvent également contribuer à soutenir l'investissement, à sauvegarder la compétitivité et à éviter les risques découlant d'une dépendance excessive à l'égard d'un nombre restreint de pays tiers pour des technologies, des matières premières et des intrants industriels essentiels. Dans le cadre de son plan industriel du pacte vert, la Commission a présenté plusieurs initiatives visant à renforcer les secteurs stratégiques, notamment la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre de mesures destiné à renforcer l'écosystème européen de fabrication de produits à technologie pour une industrie «zéro net», la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières critiques et modifiant les règlements (UE) 168/2013, (UE) 2018/858, 2018/1724 et (UE) 2019/1020, et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant la plateforme «Technologies stratégiques pour l'Europe» (STEP) et modifiant la directive 2003/87/CE, les règlements (UE) 2021/1058, (UE) 2021/1056, (UE) 2021/1057, (UE) no 1303/2013, (UE) no 223/2014, (UE) 2021/1060, (UE) 2021/523, (UE) 2021/695, (UE) 2021/697 et (UE) 2021/241 (la proposition STEP). Le Fonds pour l'innovation et le Fonds pour la modernisation apportent également un soutien financier pour favoriser la transition nécessaire dans le secteur privé. En outre, à travers l'adoption de l'encadrement temporaire de crise et de transition pour les aides d'État destinées à soutenir l'économie à la suite de l'agression menée par la Russie contre l'Ukraine, la Commission a permis aux États membres d'exploiter la flexibilité prévue par les règles en matière d'aides d'État pour soutenir des mesures dans des secteurs revêtant une importance essentielle pour la transition vers une économie neutre pour le climat. Alors que les États membres de la zone euro ont pris des mesures pour soutenir les secteurs les plus exposés à la crise énergétique et favoriser la transition écologique, ces mesures sont généralement décidées au niveau national, ce qui comporte un risque de distorsion des conditions de concurrence au sein du marché unique. La proposition STEP vise à répondre au besoin accru d'investissements publics de l'Union dans les technologies stratégiques, vise à mobiliser des investissements privés beaucoup plus importants et peut contribuer à sauvegarder la cohésion et le marché unique. Pour que l'économie de la zone euro soit inclusive, compétitive et résiliente, il est également crucial que les marchés des capitaux soient robustes. Un approfondissement de l'union des marchés des capitaux (UMC) aiderait à mobiliser les financements privés nécessaires aux transitions écologique et numérique, à réduire la fragmentation et à améliorer l'accès au financement. En février 2023, le Conseil européen a invité le Conseil et le Parlement européen à accélérer la mise en œuvre du plan d'action pour l'UMC en faisant avancer et en finalisant les travaux sur les propositions législatives dans ce domaine. En mai 2023, l'Eurogroupe s'est fixé pour objectif de parvenir à un accord d'ici mars 2024 sur les domaines que la Commission devrait examiner afin d'approfondir encore l'UMC. Dans le cadre des travaux sur l'UEM, la Commission a présenté en 2023 un ensemble de propositions relative à un cadre juridique pour un euro numérique, comprenant la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le cours légal des billets de banque et des pièces en euros, la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la fourniture de services en euros numériques par des prestataires de services de paiement établis dans des États membres dont la monnaie n'est pas l'euro et modifiant le règlement (UE) 2021/1230 du Parlement européen et du Conseil, et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'établissement de l'euro numérique. Un euro numérique, qui viendrait compléter les espèces en euros, favoriserait la numérisation de l'économie ainsi que l'innovation dans le domaine des paiements de détail, tout en réduisant la fragmentation des paiements dans l'ensemble de l'Union. L'émission de l'euro numérique créerait une possibilité nouvelle d'utiliser de la monnaie de banque centrale, dénuée de risque, pour les services de paiement européens. Elle faciliterait également les paiements transfrontières et contribuerait à renforcer le rôle international de l'euro ainsi que l'autonomie stratégique ouverte de l'Union.

(10)

Bien qu'il perde de l'élan, le marché du travail reste résilient. L'emploi a continué de croître en 2023, de même que les heures travaillées, dans un contexte marqué par une pénurie de main-d'œuvre et de compétences et par une tendance accrue à la rétention de main-d'œuvre de la part des entreprises. Malgré une bonne performance globale dans tous les États membres, certains groupes continuent d'être sous-représentés sur le marché du travail parmi lesquels les femmes, les jeunes, les personnes ayant un faible niveau de compétences et les personnes handicapées. Les politiques actives du marché du travail, ainsi que l'accès à des services d'éducation et d'accueil des jeunes enfants abordables et de qualité, ainsi qu'à des soins de longue durée, jouent un rôle essentiel pour renforcer la participation au marché du travail et soutenir l'offre de compétences et l'acquisition de ces dernières, y compris pour les transitions écologique et numérique, ce qui exerce une incidence positive sur la croissance du PIB potentiel et la compétitivité à long terme. La promotion de meilleures conditions de travail, en complément de l'exploitation des talents au sein de l'Union, la gestion de la migration légale en provenance de pays tiers, ainsi que le respect et l'application des droits sociaux et du travail, peuvent aider à remédier aux pénuries de main-d'œuvre et de compétences. Les États membres de la zone euro ont délivré 664 000 premiers permis de travail à des ressortissants de pays tiers à des fins d'emploi en 2022, un nombre qui a presque triplé au cours des 10 années précédentes.

(11)

Les salaires nominaux ont augmenté en 2022 (+4,8 %) et au cours des premiers mois de 2023, sous l'effet d'une forte inflation et de tensions sur les marchés du travail. Si la croissance des salaires nominaux a un peu atténué la perte de pouvoir d'achat, elle a néanmoins été inférieure à l'inflation (baisse de 3,7 % des salaires réels en 2022). La croissance des salaires nominaux devrait être forte en 2023 et 2024, tandis que les salaires réels devraient augmenter modérément, renforçant la demande intérieure. Dans le même temps, la croissance attendue des salaires peut entraîner des répercussions sur les prix ayant une forte composante de main-d'œuvre intérieure, comme les prix des services, cette incidence sur les prix étant cependant susceptible d'être amortie si le terrain précédemment gagné par les bénéfices unitaires est à nouveau cédé. Une hausse des salaires, si elle ne s'accompagne pas de gains de productivité, pourrait également entraîner des répercussions sur la compétitivité, et des divergences durables au sein de la zone euro peuvent, entre autres facteurs, conduire à des déséquilibres macroéconomiques. Par conséquent, conformément aux pratiques nationales et dans le respect du rôle des partenaires sociaux, les accords salariaux devraient refléter de manière appropriée les évolutions dans la zone euro, en plus des dynamiques sectorielles et nationales.

(12)

La hausse du coût de la vie, principalement liée à la crise énergétique et à la détérioration des termes de l'échange qui en découle, a eu une incidence négative sur les revenus réels ainsi que des conséquences sociales importantes. En 2022, les prix ont augmenté de 17,5 % pour le logement, l'eau, l'électricité, le gaz et les autres combustibles, de 10,5 % pour les denrées alimentaires et les boissons non alcoolisées et de 11,2 % pour les transports. Les ménages à faibles revenus ont pâti d'ajustements particulièrement marqués du coût de la vie. Plus de la moitié des États membres de la zone euro ont enregistré une augmentation du taux de privation matérielle et sociale et une hausse de la précarité énergétique, malgré l'évolution des salaires nominaux et les mécanismes de soutien. Dans plusieurs États membres, l'augmentation du coût de la vie a touché de manière disproportionnée les personnes âgées et les personnes vivant dans les zones rurales.

(13)

Le secteur bancaire de la zone euro s'est révélé résilient malgré divers épisodes de turbulences accrues sur les marchés. Le secteur bancaire de la zone euro est à présent bien capitalisé et rentable, comme l'ont confirmé les tests de résistance effectués à l'échelle de l'Union par l'Autorité bancaire européenne en 2023 instituée par le règlement (UE) no 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil (4). Sur fond de durcissement de la politique monétaire et des critères d'approbation des prêts, les flux de crédit au secteur privé ralentissement fortement. En ce qui concerne l'avenir, il existe un risque de dégradation de la qualité des actifs en cas de forte détérioration des perspectives macroéconomiques, conjuguée au maintien de taux d'intérêt élevés pendant une période prolongée. Dans le même temps, il se peut que le secteur de l'intermédiation financière non bancaire soit confronté à des vulnérabilités. Dans un contexte de durcissement des conditions de financement, la surveillance des risques en temps utile, le dialogue proactif avec les débiteurs et la gestion active des prêts non performants seront importants pour préserver la capacité du secteur financier à financer l'économie. D'autres risques menaçant les marchés financiers peuvent émerger. En particulier, une hausse des primes de risque dans un contexte de resserrement de la liquidité pourrait se traduire par une correction plus forte et potentiellement désordonnée des prix des actifs. L'ajustement en cours sur les marchés de l'immobilier résidentiel et commercial doit également être surveillé de près. La hausse des taux d'intérêt et une détérioration des capacités à assurer le service de la dette pourraient conduire à une forte correction des prix de l'immobilier et engendrer une instabilité financière.

(14)

Dans la déclaration du sommet de la zone euro de mars 2023, les dirigeants de la zone euro ont réitéré leur engagement à achever l'union bancaire, conformément à la déclaration de l'Eurogroupe du 16 juin 2022. Dans ce contexte, en avril 2023, la Commission a présenté une proposition de réforme du cadre pour la gestion des crises bancaires et la garantie des dépôts. La proposition vise à mettre en place un cadre adapté aux banques défaillantes, quels que soient leur taille et leur modèle d'entreprise, y compris lorsqu'il s'agit d'acteurs de relativement petite taille, et, de cette manière, à préserver la stabilité financière, à réduire au minimum l'utilisation de fonds publics et à renforcer la confiance des déposants. L'Eurogroupe s'est engagé à réexaminer ultérieurement l'état de l'union bancaire et à définir, de manière consensuelle, d'éventuelles nouvelles mesures concernant les autres éléments en suspens, en vue de renforcer et de parachever l'union bancaire. En outre, la ratification du traité révisé établissant le mécanisme européen de stabilité, permettant l'introduction du filet de sécurité commun pour le Fonds de résolution unique, établi par le règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil (5), renforcerait encore la résilience de la zone euro.

RECOMMANDE que les États membres de la zone euro prennent des mesures individuellement, y compris dans le cadre de la mise en œuvre de leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience, et collectivement, au sein de l'Eurogroupe, pour la période 2024-2025, en vue d'atteindre les objectifs suivants:

1.

Adopter des politiques budgétaires coordonnées et prudentes pour maintenir la dette à des niveaux prudents ou placer les ratios d'endettement sur une trajectoire descendante plausible. Même si les politiques devraient rester réactives compte tenu de l'incertitude qui règne, parvenir à une orientation budgétaire globalement restrictive dans la zone euro, conformément aux recommandations par pays du Conseil, et renforcer ainsi la viabilité des finances publiques et éviter d'alimenter les tensions inflationnistes. Supprimer progressivement, dans les meilleurs délais en 2024, les mesures de soutien d'urgence liées à l'énergie et affecter les économies ainsi réalisées à la réduction des déficits. Élaborer des stratégies budgétaires pour parvenir à une position budgétaire prudente à moyen terme et renforcer la soutenabilité de la dette si nécessaire, par un assainissement déterminé, différencié, progressif et réaliste, conjugué à des investissements publics et des réformes de qualité, notamment pour parvenir à une croissance durable plus forte et pour renforcer la résilience de la zone euro face aux défis futurs. Si nécessaire, inclure dans ces stratégies des mesures visant à accroître encore l'efficacité et la qualité des dépenses publiques et à améliorer la viabilité et l'adéquation des systèmes de retraite, de soins de santé et de soins de longue durée.

2.

Maintenir un niveau élevé d'investissements publics, afin de soutenir les transitions écologique et numérique, de renforcer la productivité et la compétitivité et de stimuler la résilience économique et sociale. Veiller à la mise en œuvre continue, rapide et effective des plans pour la reprise et la résilience, y compris leurs chapitres REPowerEU. Tirer pleinement parti des programmes de la politique de cohésion et veiller à ce que l'examen à mi-parcours des programmes de la politique de cohésion tienne compte, entre autres, des nouveaux défis et des recommandations recensés dans le cadre du Semestre européen et des progrès accomplis dans la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, sans pour autant réduire leur ambition globale.

3.

Conformément aux pratiques nationales et dans le respect du rôle des partenaires sociaux, favoriser une évolution des salaires qui atténue la perte de pouvoir d'achat, en particulier pour les personnes à faibles revenus, en tenant dûment compte des risques pour la dynamique de l'inflation et la dynamique de la compétitivité, ainsi qu'en évitant des divergences durables au sein de la zone euro. Promouvoir la reconversion et le perfectionnement professionnels, y compris pour les transitions écologique et numérique. Mettre en œuvre des politiques actives du marché du travail afin de remédier aux pénuries de main-d'œuvre et de compétences et d'accroître la productivité et la croissance. Promouvoir de meilleures conditions de travail pour attirer et retenir les travailleurs afin de remédier aux pénuries de main-d'œuvre. Prendre des mesures pour faciliter la migration légale gérée des travailleurs de pays tiers pour les métiers en tension, en pleine complémentarité avec l'exploitation des talents au sein de l'Union. Sauvegarder et renforcer des systèmes de protection et d'inclusion sociales adaptés et durables. Garantir la participation effective des partenaires sociaux à l'élaboration des politiques et renforcer le dialogue social.

4.

Supprimer les obstacles à l'investissement afin de combler le déficit d'investissement existant pour les transitions écologique et numérique. Améliorer l'accès au financement, en particulier pour les entreprises et les petites et moyennes entreprises innovantes, grâce à de nouveaux progrès dans l'approfondissement et le renforcement de l'union des marchés des capitaux. Veiller à ce que le soutien public aux secteurs stratégiques pertinents soit ciblé, sans distorsion des conditions de concurrence au sein du marché unique et avec pour visée de renforcer la compétitivité de la zone euro et l'autonomie stratégique ouverte de l'Union. Continuer à renforcer le rôle international de l'euro et faire encore progresser les travaux sur l'euro numérique.

5.

Préserver la stabilité macrofinancière, maintenir les canaux de crédit à l'économie et éviter le risque de fragmentation financière. Surveiller les risques liés au durcissement des conditions financières, en particulier ceux liés à la qualité des actifs et aux corrections potentielles des prix des actifs, y compris sur les marchés immobiliers. Suivre les évolutions dans le secteur bancaire et dans celui de l'intermédiation financière non bancaire afin d'éviter la constitution de risques systémiques et des retombées négatives sur l'économie. Achever l'union bancaire en poursuivant les travaux sur tous les éléments en suspens.

6.

De nouvelles mesures visant à approfondir l'Union économique et monétaire (UEM) devraient tenir compte des enseignements tirés de la conception et de la mise en œuvre de la réponse économique globale apportée par l'Union à la crise de la COVID-19. Les progrès réalisés dans l'approfondissement de l'UEM devraient se poursuivre dans le plein respect du marché intérieur de l'Union et de manière ouverte et transparente à l'égard des États membres n'appartenant pas à la zone euro.

Fait à Luxembourg, le 12 avril 2024.

Par le Conseil

Le président / La présidente

V. VAN PETEGHEM


(1)   JO L 209 du 2.8.1997, p. 1, ELI: http://data.europa.eu/eli/reg/1997/1466/oj.

(2)   JO L 306 du 23.11.2011, p. 25, ELI: http://data.europa.eu/eli/reg/2011/1176/oj.

(3)  Règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience (JO L 57 du 18.2.2021, p. 17, ELI: http://data.europa.eu/eli/reg/2021/241/oj).

(4)  Règlement (UE) no 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision no 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission (JO L 331 du 15.12.2010, p. 12).

(5)  Règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d'investissement dans le cadre d'un mécanisme de résolution unique et d'un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO L 225 du 30.7.2014, p. 1).


ELI: http://data.europa.eu/eli/C/2024/2807/oj

ISSN 1977-0936 (electronic edition)


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