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Document 32016D0695

Décision (UE) 2016/695 de la Commission du 17 juillet 2013 concernant l'aide d'État SA.30068 C 33/2010 (ex N 700/2009) en faveur des producteurs de métaux non ferreux pour les coûts des émissions de CO2 inclus dans le prix de l'électricité [notifiée sous le numéro C(2013) 4420] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

JO L 120 du 5.5.2016, p. 15–32 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

Legal status of the document In force

ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2016/695/oj

5.5.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 120/15


DÉCISION (UE) 2016/695 DE LA COMMISSION

du 17 juillet 2013

concernant l'aide d'État SA.30068 C 33/2010 (ex N 700/2009) en faveur des producteurs de métaux non ferreux pour les coûts des émissions de CO2 inclus dans le prix de l'électricité

[notifiée sous le numéro C(2013) 4420]

(Le texte en langue allemande est le seul faisant foi)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après le «TFUE»), et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après l'«accord EEE»), et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations (1) conformément auxdits articles et vu ces observations,

considérant ce qui suit:

1.   PROCÉDURE

(1)

Par lettre du 17 décembre 2009, l'Allemagne a notifié à la Commission une aide en faveur de producteurs de métaux non ferreux. Le 16 février et le 9 juillet 2010, la Commission a demandé des informations complémentaires, lesquelles lui ont été transmises par l'Allemagne le 10 mai 2010 et le 21 septembre 2010.

(2)

Par lettre du 17 novembre 2010, la Commission a informé l'Allemagne de sa décision d'ouvrir, au sujet de l'aide en cause, la procédure formelle d'examen prévue à l'article 108, paragraphe 2, du TFUE (ci-après la «décision d'ouvrir la procédure»).

(3)

Le 21 février 2011, l'Allemagne a présenté ses observations concernant la décision d'ouvrir la procédure.

(4)

La décision d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne  (2). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur le régime d'aides.

(5)

La Commission a reçu des observations de plusieurs tiers. Le 24 août 2011, elle a transmis ces observations à l'Allemagne, qui les a commentées par lettre du 26 septembre 2011.

2.   DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE LA MESURE

2.1.   OBJECTIF

(6)

La présente décision a pour objet un régime par lequel l'Allemagne envisageait d'accorder une aide à des producteurs de métaux non ferreux. La mesure vise à compenser une partie des coûts indirects des émissions de CO2 inclus dans le prix de l'électricité générés en 2009. Selon l'Allemagne, l'industrie des métaux non ferreux, c'est-à-dire les producteurs d'aluminium de première fusion (code NACE 24.42), de zinc (code NACE 24.43) et de cuivre (code NACE 24.44), était confrontée à des difficultés économiques.

(7)

Selon l'Allemagne, deux éléments expliquaient cette situation: premièrement, la crise financière qui a éclaté en 2008 a entraîné une baisse des prix mondiaux des métaux à la bourse des métaux de Londres (London Metal Exchange, ci-après la «LME»); deuxièmement, les coûts indirects des émissions de CO2 fixés par le SEQE ont maintenu les prix de l'électricité dans l'Union à un niveau élevé. La combinaison des prix bas des métaux non ferreux sur le marché mondial et des prix élevés de l'électricité dans l'Union a affaibli la compétitivité des producteurs de métaux non ferreux de l'Union européenne par rapport à celle des producteurs de pays tiers.

(8)

L'Allemagne indique que le désavantage concurrentiel pourrait inciter les producteurs européens de métaux non ferreux à réduire leur capacité de production ou à délocaliser leur production dans des pays tiers, où les coûts des émissions de CO2 ne sont pas élevés. Les délocalisations de producteurs allemands de métaux non ferreux pourraient avoir de graves conséquences pour les industries en aval (comme le secteur de la construction, l'industrie automobile, la construction mécanique, l'aérospatiale), qui sont d'une grande importance pour l'industrie allemande et européenne. En outre, une telle délocalisation dans des pays extérieurs à l'Union entraînerait, à l'échelle mondiale, une augmentation des émissions de CO2, étant donné que dans ce cas, la production de métaux non ferreux serait soumise à des contraintes en matière d'émission carbone moins sévères que dans l'Union, où un plafond d'émissions contraignant s'applique (fuite de carbone, aussi connue sous le nom de carbon leakage).

(9)

L'Allemagne en conclut que la mesure prévue est un moyen approprié pour empêcher une délocalisation et ses effets négatifs sur l'industrie de l'Union ainsi que sur les efforts fournis par l'Union pour réduire les émissions de CO2.

(10)

Avant de notifier le régime actuel, l'Allemagne avait fait de même pour un régime identique (avant de se rétracter), qu'elle avait toutefois justifié par sa volonté d'améliorer la compétitivité des producteurs allemands de métaux non ferreux par rapport à celle des producteurs d'autres États membres et de pays tiers.

2.2   BASE JURIDIQUE

(11)

Le régime a pour base juridique la loi sur le deuxième budget supplémentaire du 2 juillet 2009, et en particulier le poste budgétaire 683 03, et la directive du 6 août 2009 visant à soutenir la production de métaux non ferreux respectueux de l'environnement.

2.3.   BÉNÉFICIAIRES

(12)

L'aide peut être accordée aux producteurs d'aluminium, de zinc (à l'exception du plomb et de l'étain) et de cuivre, à condition que le site de production se trouve en Allemagne, que la production nécessite plus de 10 GWh/an d'électricité et que les coûts d'électricité représentent plus de 15 % de la valeur ajoutée brute. Le coût du premier GWh d'électricité consommé annuellement est exclu de la compensation (franchise). L'Allemagne a fait savoir que 11 bénéficiaires avaient introduit des demandes. Selon les informations disponibles, 80 % de l'aide sont octroyés à trois producteurs d'aluminium, dont un doit recevoir à lui seul ([…] (*)) […] % de l'aide.

2.4.   MONTANT DE L'AIDE ET DURÉE

(13)

Le montant total de l'aide devait s'élever à au moins 40 millions d'EUR et être accordé pour le second semestre de 2009 (3). Le régime d'aides comporte une clause suspensive et les aides ne sont accordées qu'après avoir été autorisées par la Commission.

2.5.   FORME DE L'AIDE ET FINANCEMENT

(14)

Les bénéficiaires devaient solliciter l'aide auprès l'Office fédéral allemand de l'économie et du contrôle des exportations (BAFA). Le montant de chaque aide dépend de la consommation d'électricité du demandeur concerné. Seule la consommation d'électricité directement liée au processus de production est éligible au bénéfice de l'aide. En ce qui concerne l'aluminium, la compensation n'est accordée que pour les frais d'électricité liés à l'électrolyse, tandis que pour le cuivre et le zinc, elle l'est aussi pour d'autres processus de production électro-intensifs (fours électriques, par exemple). Dans le cas du zinc et du cuivre, une distinction entre la production primaire et la production secondaire n'est pas possible, ni même nécessaire, étant donné que les différences d'intensité de la consommation électrique sont minimes.

(15)

L'aide est accordée aux bénéficiaires sous la forme de subventions directes. Elle est financée par le budget de l'État fédéral et accordée sous la forme de versements compensatoires pour le coût des émissions de CO2 générés par la consommation d'électricité dépassant 1 GWh/an. L'aide est calculée sur la base de la consommation annuelle d'électricité du demandeur (moins 1 GWh), laquelle est multipliée par un certain montant par MWh, fixé en fonction du sous-secteur (aluminium, cuivre, zinc).

(16)

Selon les données fournies par l'Allemagne, ces montants sont calculés sur la base d'un coût des émissions de CO2 égal à 19 EUR/MWh, ce qui se justifie par le fait que cela correspond à environ 0,75 % des coûts moyens des quotas de CO2 dans l'Union au second semestre de 2009, lesquels s'élevaient à environ 24 EUR. De ce montant, l'Allemagne déduit une décote de 10 %, ce qui donne une compensation maximale de 17 EUR/MWh pour l'aluminium. Les facteurs de compensation appliqués aux autres métaux sont inférieurs: 16 EUR/MWh pour le zinc et 9 EUR/MWh pour le cuivre. Les montants exacts de l'aide pour les différents bénéficiaires dépendent de leur consommation d'électricité au cours du deuxième semestre de 2009, étant donné que le montant de l'aide est calculé sur la base de la consommation réelle des bénéficiaires et du prix par MWh de l'électricité nécessaire à la production d'aluminium, de zinc et de cuivre susmentionné.

(17)

En cas d'arrêt de la production avant la fin de 2010 ou de délocalisation de cette dernière hors d'Allemagne, l'entreprise concernée doit rembourser la totalité de l'aide perçue jusqu'alors.

3.   DÉCISION D'OUVRIR LA PROCÉDURE

(18)

Dans sa décision d'ouvrir la procédure, la Commission a exprimé des doutes quant à la compatibilité de l'aide d'État avec le marché intérieur et a invité toutes les parties intéressées à présenter leurs observations sur les différents aspects de l'aide.

(19)

Après avoir constaté qu'aucun cadre communautaire ou directive spécifiques n'était manifestement applicable en l'espèce, la Commission a examiné les trois arguments que l'Allemagne avait invoqués sur la base de l'article 107, paragraphe 3, point b), et de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE.

(20)

L'Allemagne a tout d'abord soutenu que l'aide visait à aider le secteur des métaux non ferreux à remédier à une perturbation grave de l'économie au sens de l'article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE. À cet égard, la Commission a soulevé la question de savoir si la chute des prix des métaux non ferreux dans les années 2008/2009 devait effectivement être considérée comme une perturbation grave de l'économie et si les producteurs de métaux non ferreux étaient aussi étroitement liés aux secteurs situés en aval que l'Allemagne le prétendait (4).

(21)

Deuxièmement, l'Allemagne a avancé que le régime notifié représentait une aide destinée à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques au sens de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE, et ce dans l'intérêt des producteurs allemands d'aluminium de première fusion, de zinc et de cuivre. Dans une première série d'arguments, l'Allemagne a fait valoir que les coûts indirects liés aux émissions de CO2 qui ont été répercutés sur les prix de l'électricité comportaient le risque que les producteurs de métaux non ferreux en Allemagne réduisent leurs capacités de production, voire les délocalisent dans des pays extérieurs à l'Union, et déplacent donc en même temps les émissions de CO2 correspondantes (fuite de carbone — carbon leakage).

(22)

La Commission a toutefois émis des doutes sur divers aspects de ce raisonnement:

il n'est pas certain que l'aide soit nécessaire et appropriée, étant donné que les informations communiquées par l'Allemagne ne permettent pas de constater l'existence d'un risque de fuite de carbone. En particulier, la Commission ne dispose d'aucune information sur les coûts des bénéficiaires. En outre, certains bénéficiaires ont manifestement dégagé un bénéfice au cours de la période en question, ce qui ne permet pas de démontrer qu'ils étaient effectivement exposés à une pression les incitant à délocaliser. En outre, le risque réel de voir des capacités de production délocalisées dans des pays situés en dehors de l'Union ou de l'EEE n'a pas pu être constaté (5),

rien ne permet non plus d'affirmer que l'aide, qui a été limitée au second semestre de 2009, inciterait les bénéficiaires à maintenir leurs sites de production en Allemagne (6),

en outre, la Commission a émis des doutes sur la proportionnalité du régime, étant donné que l'Allemagne n'avait pas communiqué suffisamment d'éléments prouvant qu'il ne pouvait y avoir de surcompensation (7),

par ailleurs, la Commission a exprimé des doutes au sujet de l'équilibre entre les intérêts visés par le régime, car on ne peut exclure que l'aide soit susceptible d'entraîner de graves distorsions de la concurrence, en particulier au détriment des producteurs de métaux non ferreux d'autres États membres de l'Union/l'EEE, surtout si ceux-ci disposent d'un avantage naturel découlant de leur situation, du fait qu'ils peuvent disposer d'électricité à moindres frais (8).

(23)

L'Allemagne a expliqué, dans une deuxième série d'arguments, que le régime constituait une aide destinée à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques au sens de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE, au moyen de laquelle elle visait à empêcher la perte d'emplois dans l'industrie des métaux non ferreux et les secteurs situés en aval. La Commission avait notamment des doutes quant aux questions de savoir si le régime pouvait avoir pour objectif d'intérêt général d'empêcher des pertes d'emploi, si les activités économiques en aval étaient effectivement si fortement touchées et si une aide d'État constituait un instrument approprié pour atteindre cet objectif (9).

4.   OBSERVATIONS DES TIERS ET DES PARTIES INTÉRESSÉS

(24)

Entre le 3 mai et le 13 mai 2011, la Commission a reçu des observations de douze parties intéressées:

six d'entre elles étaient des producteurs de métaux non ferreux qui avaient demandé des aides ([…], […], […], […] et […]) ou qui possédaient une filiale qui était un bénéficiaire potentiel ([…]). […], […] et […] sont des producteurs d'aluminium. […] produit du cuivre et […] du zinc,

cinq associations professionnelles ont également communiqué des observations, trois d'entre elles représentant l'industrie chimique au niveau allemand, à savoir la fédération des industries chimiques (VCI), l'association des industriels produisant leur propre électricité (VIK) et l'association professionnelle métaux (WVM), les deux autres représentant l'industrie métallurgique au niveau européen, à savoir Euroalliages et Eurométaux,

des observations écrites ont été envoyées par un syndicat allemand, à savoir le syndicat des travailleurs des secteurs de l'industrie minière, de la chimie et de l'énergie (IG BCE).

(25)

Toutes les parties intéressées se sont globalement déclarées favorables à la mesure d'aide (10). Elles ont précisé que le risque de fuite de carbone avait déjà été reconnu par la législation de l'Union et qu'il n'était donc pas nécessaire d'en apporter une nouvelle fois la preuve. À supposer même qu'une preuve soit nécessaire, l'existence d'un tel risque pour l'industrie des métaux non ferreux peut, selon elles, être établie du fait que le secteur apparaît, sur le marché mondial, comme un preneur de prix et que les fournisseurs d'électricité avaient déjà répercuté les coûts liés aux émissions de CO2 avant 2013 (c'est-à-dire avant que les lignes directrices concernant certaines aides d'État dans le contexte du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre après 2012 — ci-après les «lignes directrices SEQE» — ne deviennent applicables).

(26)

Elles ont en outre indiqué que l'aide avait un effet incitatif dès lors que la simple annonce de ce régime a conduit certains producteurs à maintenir leur production. Enfin, elles ont insisté sur le fait que l'aide ne faussait pas la concurrence, mais remédiait à une grave distorsion de celle-ci, imputable au SEQE, par rapport aux producteurs établis dans des pays non membres de l'Union ou de l'EEE. À l'appui de cette affirmation, plusieurs bénéficiaires potentiels et une association professionnelle ont fait valoir que les prix de l'électricité dans l'Union convergeaient, de sorte que les délocalisations se feraient non au sein de l'Union, mais à l'extérieur de l'Union. Certaines parties intéressées, telles que, par exemple, le syndicat allemand, semblent toutefois d'avis que les producteurs établis en Allemagne sont plus durement touchés par les coûts indirects liés au SEQE que les producteurs établis dans d'autres États membres de l'Union où les contrats à long terme ont maintenu les prix à un bas niveau.

5.   POSITION DE L'ALLEMAGNE

(27)

Dans son avis sur la décision d'ouvrir la procédure, l'Allemagne a confirmé une nouvelle fois son point de vue selon lequel le régime d'aides est compatible avec le marché intérieur. Les deux motifs à l'origine du régime — plus précisément la crise financière et économique et la compensation pour les secteurs et sous-secteurs exposés à un risque de fuite de carbone — devaient, selon elle, être reconnus comme des facteurs à prendre en compte lors du contrôle des aides d'État.

(28)

En particulier, l'Allemagne a une nouvelle fois fait savoir que le risque de fuite de carbone auquel étaient exposés les bénéficiaires en 2009 avait déjà été pris en compte par le droit de l'Union en vigueur, à savoir principalement par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil (11) et la décision 2010/2/UE de la Commission (12), et que l'Allemagne avait en tout cas déjà fourni des preuves suffisantes de l'existence de ce risque. Cela est également prouvé par les récentes fermetures d'entreprises en Allemagne et au Royaume-Uni. En outre, l'Allemagne a qualifié le régime d'aides de moyen approprié pour empêcher une fuite de carbone, étant donné que les alternatives mentionnées dans la décision de la Commission d'ouvrir la procédure sont moins efficaces.

(29)

En outre, l'Allemagne a maintenu son point de vue selon lequel l'aide est proportionnée, en particulier en raison de la brièveté de sa durée d'application (six mois). Elle a admis que la mesure pouvait entraîner une surcompensation, mais a indiqué que, pour cette raison, une décote de 10 % et une franchise (égale au montant des coûts indirects pour une consommation de 1 GWh) étaient prévues. En outre, elle s'est déclarée disposée à apporter, sur la base d'une proposition de la Commission allant dans ce sens, des modifications au calcul des montants des aides. Enfin, l'Allemagne a renvoyé à la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la compétitivité des industries des métaux, du 22 février 2008 — Contribution à la stratégie pour la croissance et l'emploi de l'Union européenne, ainsi qu'à la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 28 octobre 2010 intitulée «Une politique industrielle intégrée à l'ère de la mondialisation — Mettre la compétitivité et le développement durable sur le devant de la scène», dans lesquelles la Commission avait souligné combien il est important de maintenir globalement la compétitivité des industries des métaux et des secteurs qui sont des grands consommateurs d'énergie (13).

(30)

Réagissant aux observations écrites des parties intéressées, l'Allemagne a souligné que personne n'avait exprimé de craintes au sujet d'éventuelles distorsions de la concurrence dans le marché intérieur, mais qu'au contraire, toutes les parties intéressées, et notamment aussi les organisations professionnelles, qui représentaient des concurrents potentiels des bénéficiaires aux niveaux national et européen, s'étaient prononcées en faveur de la mesure. De plus, les parties intéressées ont présenté, selon elle, des informations complémentaires et des arguments qui ont confirmé que l'industrie des métaux non ferreux était bel et bien exposée à un risque de fuite de carbone au cours du second semestre de 2009.

6.   APPRÉCIATION DE L'AIDE

(31)

La Commission a examiné la mesure proposée conformément aux articles 107 et suivants du TFUE et aux articles 61 et suivants de l'accord EEE (14). Après avoir examiné les arguments présentés par l'Allemagne et d'autres parties intéressées, la Commission est parvenue à la conclusion que l'appréciation du régime notifié qu'elle avait exposée dans la décision d'ouvrir la procédure restait valable, puisqu'aucun nouvel élément qui soit susceptible de conduire à une modification de cette appréciation n'a été présenté, sous réserve des explications figurant ci-après.

6.1.   EXISTENCE D'UNE AIDE D'ÉTAT

(32)

Une mesure constitue une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, si les quatre conditions suivantes sont remplies: premièrement, la mesure confère un avantage aux bénéficiaires; deuxièmement, la mesure est financée par l'État ou au moyen de ressources d'État; troisièmement, la mesure procure un avantage sélectif à certaines entreprises ou certaines productions; quatrièmement, la mesure est susceptible d'affecter les échanges entre États membres et d'entraîner une distorsion de la concurrence sur le marché intérieur.

(33)

Ainsi que la Commission l'a souligné dans sa décision d'ouvrir la procédure, le régime d'aides remplit toutes ces conditions (15). L'aide provient de ressources d'État puisqu'elle est financée par le budget fédéral. Elle confère un avantage aux bénéficiaires dès lors qu'elle allège les charges qui «normalement grèvent le budget d'une entreprise» (16) (à savoir les frais d'électricité). La mesure est sélective car elle n'est accordée qu'à des bénéficiaires opérant dans des secteurs déterminés à l'avance (aluminium, cuivre et zinc) et est ensuite limitée, dans ces secteurs, aux gros consommateurs finals d'électricité (usagers consommant plus de 10 GWh par an). Elle est susceptible d'affecter les échanges entre États membres et d'entraîner une distorsion de la concurrence, étant donné que les bénéficiaires opèrent dans un secteur économique dans lequel il existe une concurrence à l'intérieur de l'Union. Indépendamment de la question de savoir si certains métaux non ferreux font réellement l'objet d'échanges entre États membres, les producteurs de l'Union se font concurrence sur le marché mondial et un avantage conféré à l'un d'entre eux pourrait entraîner chez les autres une baisse des ventes ou rendre difficile une hausse des ventes.

(34)

La mesure notifiée constitue par conséquent une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE. L'Allemagne et les parties intéressées ne contestent pas cette conclusion.

6.2.   LÉGALITÉ DE L'AIDE

(35)

Le projet de loi relatif à la mise à exécution du régime d'aides notifié dispose que le paiement de l'aide est subordonné à son autorisation par la Commission européenne. En notifiant la mesure d'aide avant sa mise à exécution, l'Allemagne a respecté l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE.

6.3.   COMPATIBILITÉ DE L'AIDE AVEC LE MARCHÉ INTÉRIEUR

(36)

La mesure en cause constituant une aide d'État, la Commission doit examiner si elle est compatible avec le marché intérieur. Par dérogation à l'interdiction générale d'accorder des aides d'État énoncée à l'article 107, paragraphe 1, du TFUE, une aide peut être considérée comme compatible avec le marché intérieur si elle relève d'une des catégories énumérées à l'article 107, paragraphe 3.

(37)

L'Allemagne considère le régime comme une aide d'État compatible avec le marché intérieur et a fait valoir qu'il devait contribuer à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre au sens de l'article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE.

(38)

Par ailleurs, l'Allemagne soutient que l'aide est compatible avec le marché intérieur conformément à l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE, étant donné que la mesure vise à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques.

(39)

La Commission dispose par principe, en ce qui concerne les aides d'État relevant de l'article 107, paragraphe 3, du TFUE (17), d'une large marge d'appréciation et elle a publié des lignes directrices et des communications énonçant les critères selon lesquels certains types d'aide peuvent être déclarés compatibles avec le marché intérieur. Conformément à la jurisprudence constante, la Commission est tenue de respecter les lignes directrices et les communications qu'elle a publiées dans le cadre du contrôle des aides dans la mesure où elles ne dérogent pas aux dispositions du TFUE et où elles sont acceptées par les États membres (18).

(40)

Il convient tout d'abord de constater que les aides d'État que l'Allemagne souhaite accorder aux producteurs de métaux non ferreux peuvent être considérées comme des aides au fonctionnement, c'est-à-dire comme des «aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu'elle-même aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales» (19). Selon la Cour, de telles aides altèrent les conditions des échanges dans une mesure «contraire à l'intérêt commun» (20) et ne peuvent pas, en principe, être considérées comme compatibles avec le marché intérieur.

(41)

Toutefois, des aides au fonctionnement peuvent être accordées à titre exceptionnel dans des situations bien définies. Aussi la Commission examinera-t-elle si la mesure proposée est compatible. Il convient tout d'abord d'examiner si l'aide notifiée entre dans le champ d'application d'une ou de plusieurs lignes directrices ou communications. Si tel est le cas, la Commission est tenue, lorsqu'elle exerce son pouvoir d'appréciation conformément à l'article 107, paragraphe 3, du TFUE, de respecter les lignes directrices ou communications concernées. Si tel n'est pas le cas, la Commission doit déterminer si l'aide peut être considérée comme directement compatible avec le marché intérieur conformément à l'article 107, paragraphe 3, point b), et/ou à l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE.

6.3.1.   Lignes directrices, cadres et règlements spécifiques

(42)

Dans sa décision d'ouvrir la procédure, la Commission a déjà exclu l'application de certaines lignes directrices, à savoir les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (21), qui s'appliquent aux entreprises en difficulté, notamment celles qui remplissent, selon le droit national qui leur est applicable, les conditions de soumission à une procédure collective d'insolvabilité. Dans le régime d'aides notifié par l'Allemagne, les entreprises pour lesquelles une procédure d'insolvabilité a été demandée ou ouverte sont toutefois expressément exclues du bénéfice de l'aide (22), et l'Allemagne n'a pas laissé entendre que des entreprises en difficulté au sens de ces lignes directrices pouvaient prétendre d'une quelconque autre manière au bénéfice de la mesure en question.

(43)

L'application du règlement (CE) no 800/2008 de la Commission (23) a, elle aussi, été exclue par la Commission. Le règlement (CE) no 800/2008 contient certes un cadre pour certains types d'aide à l'investissement ou à l'emploi, mais le régime notifié ne relevait d'aucune des dérogations prévues par ce règlement (24).

(44)

En ce qui concerne les lignes directrices concernant les aides d'État à la protection de l'environnement (25), la Commission a estimé qu'aucune des dispositions de ces lignes directrices ne se rapportait à la fuite de carbone. Par conséquent, la possibilité qu'un État membre octroie des aides visant à empêcher une fuite de carbone (26) n'est pas couverte, selon elle, par ces lignes directrices.

(45)

La Commission a en outre considéré que le régime d'aides ne relevait pas du champ d'application du cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser l'accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle (ci-après le «cadre temporaire») (27), qui a été conçu pour «débloquer l'octroi de prêts par les banques aux entreprises, en permettant ainsi à ces dernières de continuer d'avoir accès au financement». Elle est parvenue à cette conclusion car, comme l'Allemagne l'avait elle-même admis (28), la mesure ne visait pas à faciliter l'accès des bénéficiaires potentiels au financement.

(46)

En ce qui concerne les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale pour la période 2007-2013 (29), la Commission a estimé qu'à ce stade, la mesure n'entrait pas dans le champ d'application de ces lignes directrices (30). Il ressort clairement de l'objectif de la mesure notifiée que cette dernière ne vise pas à remédier à des handicaps typiques dans les régions dans lesquelles les bénéficiaires ont leur siège (tel qu'un niveau de vie particulièrement bas ou une faible densité de population).

(47)

Étant donné que ni l'Allemagne ni d'autres parties intéressées n'ont fourni d'informations supplémentaires sur la possible application du règlement (CE) no 800/2008, des lignes directrices concernant les aides d'État à la protection de l'environnement, du cadre communautaire temporaire ou des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale pour la période 2007-2013, la Commission estime qu'il n'y a pas lieu de s'écarter de son appréciation initiale.

(48)

Après l'adoption de la décision d'ouvrir la procédure, la Commission a publié les lignes directrices SEQE (31). La section 3.1 de ces lignes directrices fixe les conditions auxquelles les États membres peuvent accorder des aides d'État destinées à compenser partiellement les coûts liés au SEQE qui ont été répercutés sur les prix de l'électricité («coûts indirects liés au SEQE»). Le point 6 des lignes directrices définit toutefois le champ d'application comme suit: «Étant donné que les dispositions introduites par la directive 2009/29/CE seront applicables à compter du 1er janvier 2013, une aide d'État ne peut être considérée comme nécessaire pour alléger une quelconque charge résultant de cette directive qu'à partir de cette date. En conséquence, les mesures concernées par les présentes lignes directrices ne peuvent être autorisées que pour les coûts supportés à partir du 1er janvier 2013.» Le champ d'application des lignes directrices se limite à la troisième phase du SEQE («SEQE 3»), qui commence en 2013, étant donné que, d'une part, la Commission n'avait reçu aucune indication claire qu'une fuite de carbone existait déjà avant cette période et que, d'autre part, les informations recueillies et les études disponibles incitaient à penser qu'un tel risque pourrait devenir réalité avec l'abaissement des plafonds d'émission pour les quotas du SEQE et le passage accru de l'allocation gratuite des quotas à un système d'enchères.

(49)

La Commission en conclut donc que la mesure ne relève du champ d'application d'aucune des lignes directrices.

6.3.2.   Article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE

(50)

En vertu de l'article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE, la Commission est en droit de déclarer une aide compatible avec le marché intérieur si elle est destinée «à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre». Constitue une perturbation grave de l'économie d'un État membre toute perturbation entraînant de graves difficultés économiques et sociales et affectant l'ensemble de l'économie de l'État membre concerné et pas seulement celle d'une de ses régions ou parties de territoire. Cette disposition, dans la mesure où elle constitue une exception, doit être interprétée de manière restrictive (32).

(51)

L'Allemagne a déclaré que la crise économique de 2008 avait entraîné une baisse des prix mondiaux des métaux non ferreux à la bourse des métaux de Londres (LME), alors que les prix de l'électricité de l'industrie se sont maintenus à un niveau élevé, principalement en raison du SEQE. Par conséquent, les producteurs de métaux non ferreux sont, selon elle, des preneurs de prix en ce sens qu'ils n'avaient pas la possibilité d'exercer une influence sur les prix à la LME ou, à défaut, de répercuter les coûts de production plus élevés sur leurs clients. Compte tenu de leur coopération étroite avec les secteurs en aval (notamment l'industrie automobile et le secteur électronique) et de l'interdépendance entre ces producteurs et ces secteurs, des réductions de capacité, voire une délocalisation de sites auraient de graves conséquences pour d'autres secteurs de l'économie. Pour l'Allemagne, il existe un risque de perdre irréversiblement des chaînes de valeur entières à cause de la crise.

(52)

D'autres parties intéressées se sont ralliées aux arguments de l'Allemagne et ont mis en garde contre le risque de perte de capacités dans le secteur de la production de métaux non ferreux. Ainsi, […] attire l'attention sur les difficultés auxquelles l'industrie européenne est confrontée en matière d'approvisionnement en terres rares provenant de Chine et fait remarquer que les secteurs en aval qui ont besoin de métaux non ferreux pourraient être confrontés aux mêmes difficultés si les capacités de production au sein de l'Union ne sont pas maintenues. Des parties intéressées telles que […] ont en outre invoqué la collaboration étroite entre les producteurs de métaux non ferreux et leurs clients en aval dans la mise au point de nouveaux produits et la promotion de l'innovation. Elles craignent que ce potentiel d'innovation ne soit irrémédiablement perdu si la production de métaux non ferreux ne bénéficie pas d'un soutien.

(53)

En 2009, la Commission a adopté le cadre communautaire temporaire (33). Comme déjà indiqué au considérant 45, la Commission a reconnu, par l'adoption de ce cadre, que la crise financière entraînait une perturbation grave de l'économie des États membres, cette perturbation consistant en une influence directe de la crise sur le secteur bancaire, ainsi qu'en l'impact indirect de cette dernière sur l'économie réelle, dans la mesure où les entreprises éprouvaient des difficultés à accéder à des financements à des conditions abordables. Ce n'est toutefois pas à cette perturbation-là que l'Allemagne voulait remédier au moyen de son régime d'aides.

(54)

En ce qui concerne la question de savoir si la situation économique dans laquelle se trouvaient les producteurs de métaux non ferreux au cours du deuxième semestre de 2009 doit être considérée comme une perturbation grave au sens de l'article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE, la procédure formelle d'examen n'a pas permis d'établir l'existence d'une telle perturbation. La Commission estime que la disposition figurant à l'article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE doit être interprétée de manière restrictive, c'est-à-dire dans le sens où elle vise à remédier à des perturbations majeures affectant de nombreux secteurs économiques ou autres dont le fonctionnement est particulièrement important pour l'ensemble de l'économie en raison de leur importance systémique. À cet égard, le tribunal de première instance de l'Union européenne a jugé que la perturbation en question devait affecter l'ensemble de l'économie de l'État membre concerné, et pas seulement celle d'une de ses régions ou parties de territoire (34). Par conséquent, la Commission a décidé qu'une aide visant à «remédier aux difficultés non pas du secteur économique dans son ensemble, mais d'un seul bénéficiaire …» (35) ne saurait constituer un remède à une perturbation grave de l'économie. Il ressort de cette jurisprudence que l'article 107, paragraphe 3, point b), requiert l'existence d'une perturbation d'une certaine gravité. Jusqu'à présent, aucun élément de preuve n'a été fourni pour démontrer qu'une partie importante de l'économie allemande avait souffert d'une perturbation grave. En outre, on ne voit pas comment il serait possible de remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre en accordant des aides d'État à seulement 11 bénéficiaires.

(55)

L'argument selon lequel une baisse de la production de métaux non ferreux en Allemagne aurait un impact considérable sur les industries en aval est contredit, dans une certaine mesure, par un constat présenté par les autres parties intéressées: un producteur de métaux non ferreux s'est référé à l'intensité des échanges dans le secteur de la production de métaux non ferreux en Allemagne et en Europe, soulignant que les producteurs européens pouvaient encore invoquer l'avantage de la proximité avec les clients par rapport à leurs concurrents de pays tiers. Alors que ces derniers devaient procéder à des investissements de stockage pour approvisionner le marché européen, les entreprises européennes pouvaient produire sur demande grâce à leur proximité géographique avec les sites de leurs clients. Le producteur qui a avancé cet argument craignait toutefois que cet avantage ne soit rapidement annulé par une augmentation des coûts d'électricité, tandis que, dans le même temps, les coûts supplémentaires pour les clients seraient relativement modérés. Si les coûts d'électricité en Europe devaient effectivement continuer à augmenter, les clients pourraient avoir un intérêt croissant à se détourner des producteurs de métaux non ferreux de l'Union pour acheter ces produits à des producteurs de pays tiers (qui transporteraient leurs produits vers l'Europe et les y entreposeraient). Selon cette thèse, les secteurs économiques en aval seraient en principe en mesure de se rabattre sur le marché mondial sans être menacés dans leur existence. La possibilité que les producteurs en aval délocalisent leur production indique en soi que les industries en aval pourraient parfaitement s'appuyer sur des fournisseurs en dehors de l'Allemagne.

(56)

L'Allemagne n'a toutefois pas fourni suffisamment d'éléments permettant de conclure que les difficultés économiques des trois secteurs en cause sont d'une ampleur telle ou influent sur leurs secteurs connexes dans des proportions telles que la situation examinée constitue une perturbation grave de l'économie d'un État membre au sens de l'article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE.

6.3.3.   Article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE

(57)

L'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE prévoit que «les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun» peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur. Selon la jurisprudence constante de la Cour, la Commission peut déclarer une aide d'État compatible avec le marché intérieur lorsque cette aide poursuit un objectif d'intérêt commun (36), est nécessaire pour atteindre cet objectif (37) et n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

(58)

Selon une pratique constante de la Commission (38) des mesures peuvent être déclarées compatibles avec le marché intérieur directement sur la base de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE, dans la mesure où elles sont nécessaires et appropriées et où la contribution positive à la réalisation de l'objectif d'intérêt commun l'emporte sur les effets négatifs sur les échanges et la concurrence. Par conséquent, la Commission juge approprié d'examiner les questions suivantes:

1)

La mesure d'aide prévue poursuit-elle un objectif d'intérêt commun bien défini?

2)

L'aide peut-elle être considérée comme un instrument approprié pour atteindre l'objectif d'intérêt commun? En particulier,

a)

l'aide constitue-t-elle un instrument approprié et nécessaire ou, en d'autres termes, existe-t-il d'autres instruments plus appropriés?

b)

L'aide a-t-elle un effet incitatif, c'est-à-dire modifie-t-elle le comportement des entreprises?

c)

L'aide est-elle proportionnée ou, en d'autres termes, le même changement de comportement pourrait-il aussi être obtenu avec des aides d'État moins importantes?

3)

Les distorsions de concurrence et les effets sur les échanges sont-ils limités, de sorte que le bilan est positif dans l'ensemble?

(59)

Pour justifier la compatibilité de l'aide avec le marché intérieur au sens de l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE, l'Allemagne a avancé deux séries d'arguments: d'une part, elle a fait valoir que l'aide était nécessaire pour empêcher des fermetures d'entreprise en Allemagne en raison de délocalisations dans des pays tiers qui ne font pas partie du SEQE et ne doivent pas supporter des coûts liés aux émissions de CO2 comparables (prévention des fuites de carbone); d'autre part, elle a déclaré que l'aide était nécessaire pour empêcher une délocalisation dans des pays tiers, qui porterait préjudice à la fois à la structure industrielle et à l'emploi (prévention de la perte d'emplois).

6.3.3.1.   Prévention des fuites de carbone

Objectif d'intérêt commun

(60)

La protection de l'environnement est reconnue comme objectif d'intérêt commun. Étant donné que le droit de l'environnement au sein de l'Union pourrait conduire à des fuites de carbone vers d'autres parties du monde, où ces émissions continueraient à constituer une menace pour l'environnement, la prévention de ces fuites peut être considérée comme une contribution à la protection de l'environnement. Cela est exprimé sans équivoque dans la législation de l'Union, et notamment dans la directive 2009/29/CE (39), dont le considérant 27 s'énonce comme suit:

«Les États membres peuvent estimer nécessaire de compenser temporairement certaines installations qui ont été considérées comme exposées à un risque significatif de fuite de carbone pour les coûts liés aux émissions de gaz à effet de serre répercutés sur les prix de l'électricité. Ce soutien ne devrait être accordé que s'il est nécessaire et proportionné et qu'il assure le maintien des mesures d'encouragement du système communautaire en faveur des économies d'énergie et du déplacement de la demande de l'électricité “grise” à l'électricité “verte”.»

(61)

En outre, la prévention des fuites de carbone a été reconnue comme objectif environnemental dans les lignes directrices concernant le SEQE (40), en particulier aux points 7 et 8:

«7.

En vertu de l'article 10 bis, paragraphe 6, de la directive relative au SEQE, les États membres sont autorisés à accorder des aides d'État en faveur des secteurs ou des sous-secteurs considérés comme exposés à un risque significatif de fuite de carbone en raison des coûts liés aux émissions de gaz à effet de serre répercutés sur les prix de l'électricité (ci-après les “coûts des émissions indirectes”), afin de compenser ces coûts, dès lors que les règles en matière d'aides d'État sont respectées. Aux fins des présentes lignes directrices, on entend par “fuite de carbone” la perspective d'une augmentation des émissions mondiales de gaz à effet de serre imputable aux délocalisations de productions en dehors de l'Union décidées en raison de l'impossibilité pour les entreprises concernées de répercuter les augmentations de coûts induites par le SEQE de l'Union européenne sur leurs clients sans subir d'importantes pertes de parts de marché.

8.

Parer au risque de fuite de carbone sert un objectif environnemental, étant donné que l'aide vise à éviter toute augmentation des émissions mondiales de gaz à effet de serre due à des délocalisations de productions en dehors de l'Union, en l'absence d'accord international contraignant concernant la réduction de ces émissions. Cependant, les aides accordées pour les coûts des émissions indirectes peuvent avoir des effets négatifs sur l'efficacité du SEQE de l'Union européenne. Si elles sont mal ciblées, les aides risquent de soulager leurs bénéficiaires du coût de leurs émissions indirectes, limitant ainsi les incitations à réduire les émissions et à innover dans le secteur concerné. L'essentiel des coûts liés à la réduction des émissions devrait alors être supporté par d'autres secteurs de l'économie. De telles aides d'État peuvent en outre générer d'importantes distorsions de concurrence dans le marché intérieur, notamment lorsque des entreprises d'un même secteur sont traitées différemment d'un État membre à un autre en raison de contraintes budgétaires différentes. C'est pourquoi les présentes lignes directrices doivent répondre à trois objectifs spécifiques: réduire autant que possible le risque de fuite de carbone, maintenir l'objectif du SEQE de l'Union européenne de réaliser la décarbonisation avec un bon rapport coût-efficacité et limiter au minimum les distorsions de concurrence dans le marché intérieur.»

(62)

La prévention des fuites de carbone peut donc être mise en relation avec la préservation de l'environnement et en particulier avec la protection de l'environnement en tant qu'objectif d'intérêt commun.

Moyen approprié et nécessaire

(63)

L'aide doit constituer un moyen approprié et nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi. Un moyen est approprié et nécessaire lorsqu'il n'existe pas d'autre moyen qui permette d'obtenir les mêmes résultats tout en ayant un effet de distorsion de la concurrence moins important.

(64)

Pour déterminer, en l'espèce, si le paiement de l'aide au titre de la mesure notifiée est nécessaire et approprié, il doit d'abord être démontré que, dans les secteurs éligibles à une aide (production d'aluminium, de cuivre et de zinc en Allemagne), il existait effectivement un risque de fuite de carbone au second semestre de 2009.

(65)

L'Allemagne a soutenu que le risque de fuite de carbone avait déjà été reconnu pour l'année 2009, plus précisément par la décision 2010/2/UE (41). Ce risque aurait déjà existé pendant la deuxième période d'échanges du SEQE (2008-2012, «SEQE-2») et la transition vers la troisième période d'échanges du SEQE n'aurait pas constitué un saut qualitatif.

(66)

Dans sa décision d'ouvrir la procédure, la Commission a rappelé, entre autres, que les États membres étaient convenus, dans la directive 2009/29/CE (42), d'introduire le mécanisme de prévention des fuites de carbone seulement à partir de 2013. Cela semblait justifié, car, à partir de 2013, un plafond d'émissions de CO2 plus strict allait s'appliquer et, si tous les autres facteurs restaient inchangés, cela entraînerait vraisemblablement une augmentation des prix des émissions de CO2  (43). En outre, l'Allemagne a constaté que le débat sur le risque de fuite de carbone pendant la deuxième période d'échanges du SEQE (2008-2012) n'avait pas abouti à des résultats concluants en ce qui concerne l'ampleur de cette fuite. Une nouvelle étude indique qu'il existait peut-être une fuite de carbone dans le secteur de l'aluminium en 2009, mais pas pour la production de cuivre et de zinc. En tout état de cause, il a semblé opportun d'établir des critères uniformes à l'échelle de l'Union pour ce type d'aides (44). Pour la troisième période d'échanges du SEQE, ces critères se trouvent dans les lignes directrices concernant le SEQE.

(67)

Tout comme l'Allemagne, les parties intéressées ont fait valoir que le risque de fuite de carbone dans l'industrie des métaux non ferreux avait déjà été reconnu par l'article 10 bis, paragraphe 6, de la directive 2009/29/CE, ainsi que par la décision no 2010/2/UE. C'est la raison pour laquelle elles ont remis en question la nécessité d'un examen séparé, auquel la Commission avait fait référence dans sa décision d'ouvrir la procédure.

(68)

En outre, certaines parties intéressées ont fortement insisté sur le fait que l'examen ne devait pas être mené de façon trop stricte. Au sujet de la constatation faite par la Commission dans la décision d'ouverture, selon laquelle les principaux bénéficiaires seraient restés rentables au cours de la période d'aide prévue (45), certains producteurs de métaux non ferreux ont souligné que leurs succursales allemandes étaient en réalité peu rentables et que certaines d'entre elles n'atteignaient pas les rendements financiers qui sont considérés comme acceptables pour ce type d'activité, et qu'il serait dès lors trop restrictif de reconnaître la nécessité et l'effet incitatif d'une aide seulement si le bénéficiaire est au bord de la faillite.

(69)

En outre, certains producteurs, par exemple […], […], […] et […], ont précisé que l'enjeu de la fuite de carbone ne consistait pas uniquement à savoir si celle-ci entraînerait en définitive une fermeture des sites et une migration vers un pays non membre de l'Union européenne. La question serait plutôt de savoir si les bénéficiaires étaient prêts à investir dans leurs succursales allemandes ou non. La mesure notifiée favoriserait les investissements et le fait de pouvoir compter sur une aide serait précisément une incitation à maintenir la production et à investir largement dans les sites de production en Allemagne.

(70)

Ces arguments ne sont toutefois pas convaincants. En premier lieu, l'affirmation selon laquelle le risque de fuite de carbone pour le deuxième semestre 2009 a déjà été reconnu dans la directive 2009/29/CE est erronée. L'article 10 bis, paragraphe 6, de la directive 2009/29/CE dispose que: «Les États membres peuvent également prendre des mesures financières en faveur des secteurs ou des sous-secteurs considérés comme exposés à un risque significatif de fuite de carbone en raison des coûts liés aux émissions de gaz à effet de serre répercutés sur les prix de l'électricité, afin de compenser ces coûts et dès lors que ces mesures financières sont conformes aux règles en matière d'aides d'État en vigueur et à venir dans ce domaine.» L'article 10 bis, paragraphe 6, ne constitue donc pas une preuve de l'existence d'un risque de fuite de carbone, mais indique simplement qu'une aide d'État est possible si un tel risque a été constaté. Du reste, la directive 2009/29/CE ne concerne que le SEQE-3, c'est-à-dire la période postérieure à 2013.

(71)

Il en va de même pour la décision no 2010/2/UE (46), qui contient une liste des secteurs et sous-secteurs considérés comme exposés à un risque important de fuite de carbone — mais seulement à partir de 2013, à compter de l'entrée en vigueur de la troisième phase du SEQE. Au regard de ces données, cette décision ne prouve pas qu'il existait un risque de fuite de carbone en 2009.

(72)

Mais surtout, l'objectif de la décision no 2010/2/UE consistait à dresser une liste des secteurs et sous-secteurs auxquels il y a lieu d'allouer gratuitement des quotas du SEQE de l'Union européenne. Cette allocation de quotas à titre gratuit est prévue à l'article 10 bis, paragraphe 12, de la directive 2009/29/CE. La décision no 2010/2/UE est fondée sur l'article 10 bis, paragraphe 13, de la directive 2009/29/CE, cette disposition se référant elle-même clairement à l'article 10 bis, paragraphe 12. Étant donné que l'allocation de quotas à titre gratuit est une mesure destinée à réduire les coûts directs des émissions de CO2 que les secteurs industriels concernés génèrent (par exemple, par leur propre activité de production), la décision susmentionnée ne peut pas être utilisée pour déterminer les secteurs et sous-secteurs susceptibles d'avoir besoin d'une compensation des coûts indirects des émissions de CO2  (47).

(73)

La Commission, qui rejoint en cela les lignes directrices concernant le SEQE, est d'avis qu'une mesure d'aide ne peut être appropriée et nécessaire pour empêcher une fuite de carbone motivée par les coûts indirects liés aux émissions de CO2 que si les trois conditions ci-dessous sont réunies. En premier lieu, il convient de signaler que les bénéficiaires potentiels de l'aide supportent, par leurs coûts d'électricité, une partie substantielle des coûts indirects liés aux émissions de CO2 qui sont répercutés sur les prix de l'électricité. Deuxièmement, ces coûts indirects des émissions de CO2 doivent représenter une part importante des coûts de production des bénéficiaires. En troisième lieu, les bénéficiaires ne peuvent pas être en mesure de répercuter les coûts sur leurs clients. Même si ces conditions sont remplies, il faudrait encore démontrer que des réorientations ou des délocalisations de la production vers des pays situés en dehors de l'Union ou de l'EEE se produiraient, c'est-à-dire que la production serait déplacée vers des pays moins exigeants en matière de réduction des émissions. Des délocalisations de la production au sein du système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne n'entraîneraient aucune fuite de carbone.

(74)

Bien que la plupart des quotas du SEQE aient été attribués gratuitement aux producteurs d'électricité, l'Allemagne a fait valoir, en ce qui concerne la première condition, que, déjà en 2009, les compagnies de distribution d'électricité avaient intégré les coûts des émissions de CO2 comme des coûts d'opportunité et les avaient répercutés sur leurs clients. Les quotas utilisés lors de la production d'électricité seraient certes octroyés gratuitement, mais auraient quand même un «prix», dans la mesure où ils pourraient, en principe, être vendus. Ces coûts d'opportunité auraient été intégrés et répercutés sur les clients.

(75)

Dans son rapport d'analyse d'impact sur les lignes directrices relatives au SEQE (Impact Assessment Report), la Commission est également parvenue à la conclusion que, dans la deuxième période d'échanges du SEQE (2008-2012), les producteurs d'électricité ont réussi à répercuter la plus grande partie de leurs coûts liés aux émissions de CO2, même s'il convient d'ajouter que cette répercussion n'était pas totale, d'après les estimations (48).

(76)

En ce qui concerne la deuxième condition, il convient de noter que l'Allemagne n'a fourni aucune information spécifique sur la part que les coûts indirects des émissions de CO2 représentent dans le coût total de production des bénéficiaires.

(77)

L'Allemagne a fourni des informations générales sur la part des coûts d'électricité dans les coûts totaux. Pour la production de cuivre, la part des coûts d'énergie ou d'électricité dans les coûts de production va de 13 % à plus de 40 %. Pour la production de zinc, ces coûts représentent près de 50 % et, pour l'aluminium, 46 %. La Commission constate qu'il n'existe pas de définition uniforme des coûts totaux pour les différents bénéficiaires, de sorte qu'on ne peut pas comparer ces chiffres. En outre, l'Allemagne a présenté des chiffres se rapportant aux coûts indirects des émissions de CO2 à charge de quatre bénéficiaires (en EUR/MWh). Ces coûts vont de […] EUR/MWh (chez un producteur de cuivre) à […] EUR/MWh (chez un producteur de zinc); dans la production d'aluminium, ils vont de […] EUR/MWh à […] EUR/MWh. Aucune donnée n'a été fournie pour les autres bénéficiaires.

(78)

[…], qui figure parmi les parties intéressées qui sont en même temps bénéficiaires […], a montré que les coûts indirects des émissions de CO2 pour 2009 s'élevaient à […] EUR/MWh, ce qui représentait […] % de ses coûts de production totaux. […] a indiqué que les coûts d'électricité représentaient environ […] % du chiffre d'affaires.

(79)

Sur la base de ces indications très peu spécifiques, la Commission ne peut conclure avec certitude que la deuxième condition est remplie.

(80)

De plus, comme nous l'avons déjà indiqué au considérant 75, les coûts liés aux émissions de CO2 ne sont manifestement pas entièrement répercutés sur les prix de l'électricité. L'ampleur de la répercussion des coûts des émissions de CO2 dépend en grande partie du type de contrat et de la date à laquelle il a été conclu. Ainsi, les informations fournies par […] suggèrent que la part des coûts des émissions de CO2 incluse dans le prix de l'électricité pour la période concernée (de juillet à décembre 2009) était nettement inférieure au prix des quotas à un an (prix à terme) pour 2009.

(81)

Pour démontrer que le risque de fuite de carbone existait en 2009, l'Allemagne et certaines parties intéressées ont renvoyé aux données que la Commission avait recueillies dans le cadre de la préparation des lignes directrices concernant le SEQE. Ces informations ne peuvent toutefois pas être invoquées pour prouver le risque de fuite pour l'industrie allemande en 2009. Premièrement, l'analyse de la Commission qui figure dans le rapport d'analyse d'impact est fondée sur des données agrégées au niveau européen. En conséquence, ces données ne sont guère pertinentes pour examiner les risques de fuite potentiels dans des secteurs industriels précis au niveau des États membres.

(82)

Mais surtout, les éléments exposés dans le rapport d'analyse d'impact se rapportent exclusivement au SEQE-3 et ne sont pas applicables à l'année 2009. Du reste, les différents scénarios de risque qui sont présentés dans le rapport d'analyse d'impact étaient fondés sur l'hypothèse qu'une baisse des plafonds d'émission et un passage à la mise aux enchères se produirait au cours du SEQE-3, et ne reflétaient pas la situation au cours de l'année 2009 (49).

(83)

Aucun élément de preuve concluant n'a donc été présenté à la Commission en ce qui concerne la part réelle des coûts indirects de CO2 dans les coûts de production.

(84)

S'agissant de la troisième condition, à savoir la question de la possibilité de la répercussion des coûts indirects des émissions de CO2 à charge des bénéficiaires sur leurs clients, l'Allemagne et plusieurs parties intéressées ont affirmé que les bénéficiaires ne pouvaient aucunement influer sur le prix des métaux. La production de métaux non ferreux constituant un marché mondial, les prix seraient formés à la bourse des métaux de Londres (LME). De ce fait, les producteurs n'auraient aucune possibilité d'augmenter les prix sans perdre des parts de marché par la même occasion.

(85)

Les informations fournies tendent à confirmer que la troisième condition est remplie, puisque les hausses de coûts importantes ne peuvent être répercutées par les producteurs, du fait que la concurrence revêt une dimension mondiale et qu'elle joue principalement au niveau des prix.

(86)

En définitive, la Commission constate que les informations transmises par l'Allemagne et les parties intéressées ne fournissent aucune preuve concluante que les bénéficiaires potentiels étaient exposés au risque de fuite de carbone parce que les coûts indirects des émissions de CO2 auraient représenté une part importante des coûts de production. Dès lors, il n'a pas été démontré que la mesure était nécessaire et appropriée pour atteindre l'objectif d'intérêt commun — la prévention des fuites de carbone.

Effet incitatif

(87)

Les aides d'État ont un effet incitatif si le bénéficiaire modifie son comportement en vue d'atteindre un objectif d'intérêt commun. Dans sa décision d'ouvrir la procédure, la Commission a indiqué qu'elle n'était notamment pas convaincue que l'aide octroyée dans le cadre de la mesure notifiée était effectivement l'élément qui déciderait les bénéficiaires à maintenir leur production en Allemagne. Indépendamment de la question de savoir si le risque de fuite de carbone en 2009 était réel, la période de mise en œuvre de la mesure, qui, en réalité, ne couvrait que le second semestre de 2009, a été jugée trop courte pour pouvoir influer sur les décisions d'investissement (50).

(88)

L'Allemagne fait valoir que le régime en question devait constituer une passerelle pour la période comprise entre 2009, l'année de crise la plus dure, et 2013, l'année à partir de laquelle il était possible d'introduire un régime d'aides durable sur la base des lignes directrices concernant le SEQE. En outre, l'Allemagne et certaines parties intéressées ont affirmé que le simple fait d'annoncer la mesure notifiée en 2009 avait eu pour effet de préserver les capacités de production (51). Un bénéficiaire, […], a fourni des documents internes pour prouver que l'annonce du gouvernement allemand avait suffi à elle seule à éviter la fermeture de son site de production en Allemagne.

(89)

La Commission constate que les informations disponibles sur l'effet incitatif de l'aide sont contradictoires. D'une part, la production de métaux non ferreux est une activité cyclique, dans laquelle une amélioration de la conjoncture peut entraîner des hausses de production considérables, ce qui conduit, en cas de baisse de la demande, à des surcapacités (52). D'autre part, le problème de la fuite de carbone, qui est à l'origine de la mesure, est lié à la politique environnementale et existe indépendamment d'éventuels problèmes de surcapacité. Comme l'ont indiqué certaines parties intéressées, la fuite de carbone ne peut être évitée que si les entreprises peuvent compter sur une sécurité durable, c'est-à-dire des conditions stables sur le long terme, car c'est la seule chose qui les pousse à investir pour conserver leurs sites de production européens pendant les dix ou vingt prochaines années.

(90)

Il est en soi déjà douteux que — comme certaines parties intéressées l'ont affirmé — une aide au fonctionnement soit véritablement l'instrument approprié pour encourager les opérateurs du marché à effectuer des investissements considérables (en comparaison, par exemple, avec une aide à l'investissement ciblée). Même si c'était le cas, l'aide en cause n'a toutefois pas pour objectif d'influer sur les conditions économiques à long terme des producteurs de métaux non ferreux. Elle a pour seul effet de renforcer la position des bénéficiaires en période de surcapacité, alors que d'autres concurrents doivent faire face au problème de surcapacité par leurs propres moyens. Du reste, les observations des parties intéressées sur les effets bénéfiques de l'aide confirment que celle-ci contrecarrerait davantage le ralentissement économique qu'elle ne contribuerait à résoudre le problème structurel potentiel qui tiendrait à ce que des mesures de protection de l'environnement entraînent des coûts d'électricité plus élevés et conduisent à une fuite de carbone.

(91)

Étant donné que la mesure d'aide ne devait être mise à exécution qu'au second semestre de 2009 et que tant la situation du marché des producteurs de métaux non ferreux que les prix à terme des quotas de l'Union ont fortement fluctué avant et après cette période, la Commission considère qu'il est peu probable qu'une aide très limitée dans le temps soit appropriée pour avoir un effet décisif sur les stratégies à moyen et long termes des bénéficiaires en ce qui concerne le maintien et le développement éventuel de leurs capacités dans l'Union. En outre, la Commission estime que les bénéficiaires potentiels pouvaient prévoir, premièrement, que l'octroi de l'autorisation du régime par la Commission prendrait un certain temps et, deuxièmement, que le SEQE-3 contiendrait de toute façon un cadre d'aide. À la lumière de cela et du fait que, jusqu'à présent, aucun des bénéficiaires n'a dû fermer ni délocaliser son site, la Commission conclut que la perspective de pouvoir bénéficier du régime notifié ne figure pas parmi les facteurs qui influent sur la poursuite de l'exploitation des sites de production de métaux non ferreux. Les documents internes soumis par […] indiquent que c'est plutôt l'aide à long terme (qui a commencé en 2009 et qui va au-delà de 2013) qui constitue un facteur essentiel.

(92)

La Commission constate, par conséquent, que l'effet incitatif de l'aide accordée au titre de la mesure n'a pas été démontré.

Proportionnalité

(93)

Une mesure d'aide d'État est proportionnée si l'aide accordée au bénéficiaire est limitée au minimum nécessaire pour atteindre l'objectif d'intérêt commun. Les bénéficiaires ne peuvent donc pas recevoir une aide plus élevée que celle qui est nécessaire pour couvrir la charge financière qui doit être réduite eu égard à l'objectif d'intérêt commun.

(94)

L'Allemagne fait valoir que sa méthodologie exclut une surcompensation des bénéficiaires et que la compensation accordée n'est de toute façon que partielle. Premièrement, l'Allemagne prévoit une franchise à hauteur des coûts indirects des émissions de CO2 résultant de la consommation d'électricité de 1 GWh, de sorte que les bénéficiaires n'obtiendraient une compensation que pour les coûts indirects liés aux émissions de CO2 qui dépassent ce montant. Deuxièmement, l'Allemagne souligne que le montant de l'aide serait réduit d'une marge de sécurité de 10 %. Troisièmement, la fixation de montants d'aide différents pour les trois métaux garantirait que la compensation se limite au minimum.

(95)

Les parties intéressées approuvent globalement la position de l'Allemagne (53) et certaines d'entre elles sont même favorables à une compensation totale des coûts indirects liés aux émissions de CO2.

(96)

Cette méthodologie semble toutefois entachée d'erreurs à plusieurs égards. Cela vaut en premier lieu pour l'exactitude de la détermination des coûts indirects des émissions de CO2. En effet, l'Allemagne prend comme base de départ le prix à terme du quota général pour 2009 (24 EUR/t CO2) et suppose, à partir de la moyenne des émissions de CO2 d'une centrale marginale en Allemagne (0,8 t de CO2/MWh (54)), que la part des coûts indirects liés aux émissions de CO2 incluse dans les coûts d'électricité est égale à 19 EUR par MWh. D'un autre côté, l'Allemagne a admis que la part réelle des coûts liés aux émissions de CO2 dans les coûts de l'électricité d'un bénéficiaire variait en fonction des accords d'approvisionnement, étant donné qu'en règle générale, les entreprises concernées avaient, à un moment donné, conclu des contrats à long terme sur la base des prix fixes de l'électricité et du quota général. Cela a également été confirmé par les observations des parties intéressées. Certaines parties intéressées ont affirmé que les entreprises qui achetaient leur électricité dans le cadre de contrats à long terme étaient effectivement protégées contre les prix des émissions de CO2 inclus dans l'électricité. En outre, les observations de […] montrent que l'intégralité des coûts des émissions de CO2 n'a pas été répercutée sur les prix de l'électricité. L'hypothèse selon laquelle les coûts indirects liés aux émissions de CO2 s'élèvent à 19 EUR/MWh ne tient pas compte de cela et n'exclut pas forcément une surcompensation. Dès lors, la Commission constate que l'Allemagne n'a pas prouvé de manière convaincante que la décote de 10 % destinée à éviter une surcompensation était suffisante, puisqu'elle n'a pas examiné l'ampleur de la répercussion des coûts des émissions de CO2 sur les prix de l'électricité. En particulier, l'Allemagne n'a pas montré comment la proportion de 10 % avait été déterminée. En outre, les informations fournies par les parties intéressées montrent que la décote de 10 % n'est pas suffisante pour éviter une surcompensation.

(97)

En second lieu, l'Allemagne, pour tenir compte de la situation différente des productions d'aluminium, de zinc et de cuivre, a décidé, pour des raisons obscures, que l'aluminium obtiendrait, après déduction d'une marge de sécurité de 10 %, la compensation la plus élevée (17 EUR/MWh), alors que l'aide pour le zinc et le cuivre serait moindre (respectivement 16 et 9 EUR/MWh). Il se peut que la production d'aluminium de première fusion soit plus touchée par la crise économique que, par exemple, la production de cuivre, mais la manière dont les différents montants ont été fixés ne ressort pas suffisamment des informations transmises par l'Allemagne. Dans le même temps, certaines de ces informations font clairement apparaître que le bénéficiaire principal aurait été surcompensé (55). En l'absence d'une explication détaillée concernant les montants des aides pour le zinc et le cuivre, on peut en outre se demander dans quelle mesure ces montants contribueraient efficacement à éviter une fuite de carbone dans les secteurs concernés.

(98)

Partant, la Commission est parvenue à la conclusion que le régime ne garantissait pas une limitation de la compensation au minimum nécessaire.

Distorsion de la concurrence et affectation des échanges; critère de mise en balance

(99)

Pour qu'une aide d'État soit compatible avec le marché intérieur, les distorsions de concurrence provoquées par l'aide et l'affectation des échanges doivent être limitées, de sorte que le bilan global eu égard à l'objectif d'intérêt commun soit positif.

(100)

L'Allemagne fait valoir que le régime n'entraîne pas de distorsions importantes de la concurrence et que, partant, le bilan global est positif. Premièrement, l'Allemagne renvoie à la finalité du régime, qui consiste à soutenir un pilier de l'industrie européenne et à empêcher des fuites de carbone et la perte de savoir-faire industriel qui en résulte. Deuxièmement, l'Allemagne affirme que le régime constitue une compensation pour un désavantage induit par le système d'échange de quotas d'émission et que, loin de fausser la concurrence, il rétablit par conséquent une concurrence loyale.

(101)

Les parties intéressées ont indiqué que, si le risque de distorsion de concurrence dans le marché intérieur existait, il était faible, parce que le régime était destiné à atténuer un désavantage concurrentiel des producteurs de l'Union vis-à-vis des producteurs en dehors de l'Union. La concurrence entre secteurs ne serait pas non plus affectée, puisque le secteur des métaux non ferreux aurait déjà consenti de nombreux efforts pour abaisser son niveau d'émissions de CO2 et serait devenu plus économe en énergie. En outre, les prix de l'électricité au sein de l'Union européenne/l'EEE seraient identiques ou convergeraient à tout le moins, de sorte que les producteurs allemands n'auraient aucun intérêt à délocaliser leurs sites de production vers d'autres États membres de l'Union européenne/l'EEE.

(102)

Cependant, la Commission réfute l'argument selon lequel le régime d'aide n'entraînerait pas de distorsions de concurrence importantes et qu'il aurait au contraire un effet globalement positif. À cet égard, il convient de rappeler que la Commission dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans les affaires d'aides d'État qui relèvent de l'article 107, paragraphe 3, du TFUE.

(103)

Premièrement, ce type d'aide fait partie des subventions étatiques qui faussent le plus la concurrence. Dans son arrêt Siemens, la Cour a déclaré que «les aides au fonctionnement, à savoir les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu'elle-même aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales, ne relèvent en principe pas du champ d'application de [l'article 107, paragraphe 3, TFUE]», étant donné que «ces aides, en principe, faussent les conditions de concurrence dans les secteurs où elles sont octroyées sans pour autant être capables, par leur nature même, d'atteindre [un objectif d'intérêt commun]» (56).

(104)

De même, dans l'affaire C-86/89, Italie/Commission, la Cour de justice a jugé que «l'aide en cause, qui est accordée sans condition spécifique et uniquement en fonction des quantités utilisées, devrait être considérée comme une aide de fonctionnement pour les entreprises concernées et que, en tant que telle, elle altérerait les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun» (57).

(105)

La Commission a elle aussi suivi cette approche, en particulier en ce qui concerne les subventions destinées à couvrir les coûts de l'électricité pour le secteur de l'aluminium (58).

(106)

Toutes les objections qui ont été formulées dans ces affaires antérieures restent valables en l'espèce. L'aide consiste en une subvention octroyée aux producteurs concernés afin de réduire leurs coûts d'électricité. Comme cela a été confirmé par les parties, les coûts d'électricité dans les secteurs couverts par ce régime sont l'une des composantes les plus importantes des coûts de production et en outre l'un des principaux facteurs de production pour lesquels les producteurs se font concurrence.

(107)

De plus, le montant de l'aide accordée est fonction du nombre de MWh consommés et a donc un impact direct sur la compétitivité des entreprises éligibles à une aide pour chaque unité qu'elles produisent au-delà du premier GWh consommé. En outre, l'aide n'est pas liée à un référentiel d'efficacité. Enfin, l'aide n'est même pas liée aux coûts des émissions de CO2 réellement supportés par les bénéficiaires qui sont inclus dans les prix de l'électricité. Elle pourrait même réduire l'incitation à appliquer des procédés de production plus économes en énergie.

(108)

En outre, la Commission n'est pas d'avis que le régime d'aide n'entraînerait pas de distorsion de la concurrence au sein de l'Union. Elle fait observer, en premier lieu, que des mesures correctives ont déjà été prises, comme par exemple l'allocation à titre gratuit de quotas du SEQE de l'Union européenne (59). Même si ce mécanisme ne ciblait pas spécifiquement les coûts résultant indirectement du système d'échange de quotas d'émission, il a soulagé l'industrie de l'Union. En second lieu, il existe un risque très élevé que la mesure restreigne la concurrence, car il s'agit d'un instrument ad hoc qui ne fait partie d'aucun cadre harmonisé et a seulement une portée nationale, raison pour laquelle elle ne profitera qu'aux entreprises établies dans l'État membre concerné.

(109)

En outre, l'argument avancé par l'Allemagne et certaines parties intéressées, selon lequel la mesure ne pourrait pas fausser la concurrence à l'intérieur de l'Union, puisqu'elle vise en réalité à restaurer une concurrence loyale par rapport à des concurrents situés en dehors de l'Union, élude le problème. Lorsqu'une aide est octroyée uniquement à des producteurs allemands, afin de les rendre plus compétitifs par rapport à des concurrents de pays tiers, il existe dans le même temps un risque que leur position par rapport à leurs concurrents de l'Union soit elle aussi renforcée (60). Le fait que les bénéficiaires devraient, selon les règles du régime, rembourser l'aide lorsqu'ils ferment un site ou délocalisent une usine vers un pays situé en dehors de l'Allemagne (donc pas seulement dans le cas d'une délocalisation vers l'extérieur de l'Union ou de l'EEE) vient corroborer cette thèse.

(110)

De même, l'argumentation selon laquelle les producteurs de métaux non ferreux allemands ne délocaliseraient de toute façon pas leur production vers d'autres États membres de l'Union européenne/EEE, compte tenu des niveaux comparables auxquels se situent les prix de l'électricité, n'emporte pas la conviction. Les distorsions de concurrence dans le marché intérieur ne se mesurent pas uniquement à l'aune de la délocalisation ou de l'absence de délocalisation des sites de production vers d'autres États membres. Ce type de distorsions apparaît dès que le maintien de capacités de production dans un État membre est rendu possible par des aides d'État, parce que cela a des conséquences sur la rentabilité des capacités de production dans les autres États membres. Certes, l'Allemagne est considérée par certains des producteurs de métaux non ferreux concernés comme le site le plus important dans l'Union européenne, mais il ne s'agit pas du seul (61), de sorte que l'aide fausserait vraisemblablement la concurrence entre producteurs sur tout le territoire de l'Union et de l'EEE. En notifiant préalablement le régime, l'Allemagne avait même déclaré que les producteurs allemands étaient aussi désavantagés par rapport aux concurrents dans d'autres États membres.

(111)

En outre, la Commission redoute qu'un régime tel que celui de l'espèce ne déclenche une course aux subventions entre les États membres, ce qui pourrait entraîner des distorsions importantes dues aux différentes possibilités financières des États membres. Ce risque existe justement en l'espèce, puisque pour 2009, il n'existe aucun cadre harmonisé aux conditions duquel tous les États membres devraient satisfaire.

(112)

Dès lors, même si un objectif d'intérêt général — tel que l'objectif environnemental consistant à prévenir les émissions de CO2 — a été reconnu, il faut absolument veiller à limiter au minimum les effets de distorsion de la concurrence des mesures d'aide à maintenir des conditions de concurrence équitables pour tous les acteurs du marché intérieur.

(113)

L'un des objectifs poursuivis par l'adoption des lignes directrices concernant le SEQE (outre la prévention des fuites de carbone et la préservation de l'efficacité du système d'échange de quotas d'émission) est la plus grande réduction possible des distorsions au sein du marché intérieur (62). De telles distorsions peuvent non seulement apparaître au sein des différents secteurs de l'économie, mais aussi entre ces secteurs. Lorsqu'un État membre adopte des mesures de soutien uniquement pour certains secteurs, les secteurs non soutenus sont susceptibles de devoir supporter des charges accrues pour que les objectifs d'émission de l'État membre en question soient atteints. Or, ainsi qu'il a déjà été indiqué au considérant 48, le régime allemand ne relève pas des lignes directrices concernant le SEQE. Celles-ci s'appliquent seulement à partir de la troisième période d'échanges du SEQE.

(114)

En outre, la Commission constate que le régime d'aide est non seulement susceptible d'entraîner une sérieuse altération des conditions des échanges, mais qu'il est aussi difficile de savoir dans quelle mesure il aurait un effet positif. Pour les raisons exposées aux considérants 63 et suivants, l'Allemagne n'a en particulier pas démontré de manière convaincante que la mesure notifiée était appropriée et nécessaire.

(115)

Partant, la Commission estime que le bilan global de la mesure notifiée n'est pas positif, car le régime peut entraîner d'importantes distorsions de concurrence sur le marché intérieur des métaux non ferreux, alors que ses effets bénéfiques n'ont pas été prouvés de manière convaincante.

Conclusions relatives à la prévention des fuites de carbone

(116)

La Commission est donc d'avis que la mesure ne constitue pas un moyen approprié et nécessaire pour empêcher les fuites de carbone de manière équilibrée et qu'elle est en tout cas de nature à altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Elle ne peut donc pas être considérée comme compatible avec le marché intérieur.

(117)

Même si, comme elle l'a proposé, l'Allemagne avait adapté le régime en modifiant ou en transformant la méthode de calcul de l'aide afin de répondre aux préoccupations de la Commission au sujet de la proportionnalité, cela ne changerait rien à l'appréciation de la Commission quant à l'absence de nécessité et de caractère approprié et quant aux distorsions de concurrence au sein de l'Union. Ce qui importe avant tout, c'est que le risque de fuites de carbone pour l'année 2009 n'a pas été prouvé et que la mesure aurait en tout état de cause des répercussions négatives sur la concurrence.

6.3.3.2.   Sauvegarde des emplois

(118)

L'Allemagne a également souligné que la suppression d'emplois sur son territoire, qui se produirait aussi bien dans l'industrie des métaux non ferreux que dans les secteurs connexes de l'économie si les producteurs de métaux non ferreux réduisaient leurs capacités ou délocalisaient leur production vers des pays tiers, devait être empêchée.

(119)

Dans sa décision d'ouvrir la procédure, la Commission avait déjà mis en doute la possibilité de considérer la prévention des délocalisations dans le but de sauvegarder des emplois comme un objectif d'intérêt commun. En tout état de cause, elle a contesté l'argument avancé par l'Allemagne, selon lequel l'industrie des métaux non ferreux avait subi un choc exogène qui devait être considéré comme une défaillance du marché, laquelle entraînerait des pertes d'emplois. En outre, la Commission avait indiqué qu'elle doutait que les aides au fonctionnement destinées à empêcher la délocalisation d'entreprises soient le moyen de sauvegarder des emplois qui fausse le moins la concurrence, étant donné que les aides destinées à améliorer la situation sur le marché du travail étaient, en règle générale, axées sur des mesures durables telles que l'amélioration de l'éducation et la formation des salariés ou le fait de faciliter l'accès à des financements pour les nouveaux investissements (63).

(120)

Selon l'argumentation de certaines parties intéressées, il existait un risque réel que la production de métaux non ferreux en Europe ne se poursuive pas, compte tenu de la crise économique et financière de 2008 et des coûts indirects des émissions de CO2.

(121)

La Commission rappelle que, tant dans sa pratique décisionnelle que dans la jurisprudence des juridictions de l'Union, on ne rencontre aucun cas dans lequel on a reconnu que le prétendu risque d'une délocalisation en dehors de l'Union justifiait en soi l'octroi d'une aide d'État (64). Étant donné que l'Allemagne n'a avancé aucune justification convaincante, la Commission estime qu'il n'est pas nécessaire de s'écarter de sa pratique décisionnelle.

(122)

Même si un tel objectif était reconnu, la Commission considère que les autres critères de compatibilité ne seraient pas davantage remplis. En effet, une mesure n'est compatible avec le marché intérieur que s'il est démontré qu'elle fournit aux bénéficiaires une incitation claire à modifier leur comportement eu égard aux résultats visés.

(123)

Toutefois, comme cela a déjà été indiqué aux considérants 87 et suivants, la Commission est d'avis que, compte tenu de la brièveté de la période (moins de six mois) et des prétendus problèmes structurels dans le secteur concerné, il n'a pas été démontré que la mesure d'aide influerait sur le comportement des bénéficiaires.

(124)

En outre, une aide d'État doit être limitée au minimum nécessaire pour atteindre l'objectif d'intérêt commun. En l'espèce, le régime notifié devrait donc garantir que l'aide est limitée au montant nécessaire pour éviter la perte d'emplois.

(125)

Comme cela a été constaté, la mesure notifiée ne constitue pas un moyen proportionné pour empêcher les fuites de carbone, étant donné qu'elle ne prévoit pas de garanties suffisantes contre la surcompensation (voir considérants 93 et suivants). Ce constat vaut également ici, puisque la prévention des fuites de carbone et la prévention des pertes d'emplois ont pour dénominateur commun la préservation de la capacité de production. Si une surcompensation se produit pour le premier objectif (parce que l'aide n'est pas proportionnée à l'objectif de préservation de la capacité de production), alors une surcompensation se présentera aussi pour le deuxième objectif.

(126)

Du reste, la justification du fait que le bilan global de la mesure est négatif en ce qui concerne la prévention des fuites de carbone, décrite aux considérants 99 et suivants, reste valable ici. Les aides au fonctionnement destinées à couvrir les coûts courants qu'une entreprise doit normalement supporter faussent énormément la concurrence et sont, en principe, injustifiables; à cet égard, l'objectif d'intérêt commun poursuivi (qu'il s'agisse de prévenir les pertes d'emplois ou les fuites de carbone) importe peu. Le fait que l'aide est un instrument ad hoc et qu'elle est accordée en dehors de tout cadre harmonisé corrobore cette conclusion. Si cette mesure avait été autorisée, elle aurait pu entraîner des pertes d'emploi dans d'autres États membres et déclencher ainsi une course aux subventions dans l'Union.

7.   CONCLUSIONS

(127)

Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut que le régime notifié ne peut être considéré comme compatible avec le marché intérieur.

(128)

Étant donné que l'aide n'a pas été versée, il n'y a pas lieu d'en ordonner la récupération.

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'aide d'État que l'Allemagne envisage de mettre à exécution à partir du 6 août 2009, dans le cadre de la directive visant à soutenir la production de métaux non ferreux notifiée, est incompatible avec le marché intérieur.

Cette aide ne peut, pour cette raison, être mise à exécution.

Article 2

L'Allemagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.

Article 3

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 17 juillet 2013.

Par la Commission

Joaquín ALMUNIA

Vice-président


(1)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22.

(2)  Voir la note de bas de page no 1.

(*)  Couvert par le secret professionnel.

(3)  Les chiffres indiqués ne sont que des estimations provisoires. Le montant réel dépendrait de la consommation des bénéficiaires et de la disponibilité des ressources budgétaires. L'Allemagne a fourni un chiffre plus précis: 47,2 millions d'EUR.

(4)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérants 92 et suivants.

(5)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérants 51 et suivants.

(6)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérant 69.

(7)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérants 71 et suivants.

(8)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérant 75.

(9)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérants 76 et suivants.

(10)  Certaines parties intéressées ont toutefois adopté une vision plus large et ont plaidé en faveur d'un soutien à long terme. Elles ont formulé des recommandations plus concrètes sur la manière dont ce soutien devait être encadré par les lignes directrices SEQE (qui étaient encore en cours de préparation à l'époque). Entretemps, les lignes directrices SEQE ont été adoptées (JO C 158 du 5.6.2012, p. 4).

(11)  Directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiant la directive 2003/87/CE afin d'améliorer et d'étendre le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (JO L 140 du 5.6.2009, p. 63).

(12)  Décision 2010/2/UE de la Commission du 24 décembre 2009 établissant, conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, la liste des secteurs et sous-secteurs considérés comme exposés à un risque important de fuite de carbone (JO L 1 du 5.1.2010, p. 10).

(13)  COM(2008) 108 final et COM(2010) 614 final.

(14)  L'appréciation réalisée ici est basée sur le TFUE ainsi que sur l'accord EEE. Dans un souci de simplification, il n'est toutefois fait référence qu'aux dispositions du TFUE.

(15)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérants 29 et suivants.

(16)  Arrêt du 15 mars 1994 dans l'affaire C-387/92, Banco Exterior de España/Ayuntamento de Valencia, Rec. 1994, p. I-877, points 12 et 13.

(17)  Arrêt du 21 mars 1990 dans l'affaire C-142/87, Belgique/Commission, Rec. 1990, p. I-959, point 56, et arrêt du 11 juillet 1996 dans l'affaire C-39/94, SFEI e. a./Commission, Rec. 1996, p. I-3547, point 36.

(18)  Arrêt du 24 mars 1993 dans l'affaire C-313/90, CIRFS e.a./Commission, Rec. 1993, p. I-1125, point 36; arrêt du 15 octobre 1996 dans l'affaire C-311/94, IJssel-Vliet/Minister van Economische Zaken, Rec. 1996, p. I-5023, point 43; arrêt du 26 octobre 2002 dans l'affaire C-351/98, Espagne/Commission, Rec. 2002, p. I-8031, point 53.

(19)  Arrêt du 8 juin 1995 dans l'affaire T-459/93, Siemens/Commission, Rec. 1995, p. II-1675, point 48.

(20)  Arrêt du 6 novembre 1990 dans l'affaire C-86/89, Italie/Commission, Rec. 1990, p. I-3891, point 18.

(21)  JO C 244 du 1.10.2004, p. 2. L'application de ces lignes directrices a été prolongée par une communication plus récente (JO C 296 du 2.10.2012, p. 3).

(22)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérant 36.

(23)  Règlement (CE) no 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (JO L 214 du 9.8.2008, p. 3).

(24)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérant 39.

(25)  JO C 82 du 1.4.2008, p. 1.

(26)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22. considérants 41 et suivants.

(27)  JO C 83 du 7.4.2009, p. 1.

(28)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22. considérant 40.

(29)  JO C 54 du 4.3.2006, p. 13.

(30)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22. considérants 37 et suivants.

(31)  Voir la note de bas de page no 10.

(32)  Arrêt du 15 décembre 1999 dans les affaires jointes T-132/96 et T-143/96, Freistaat Sachsen et Volkswagen AG/Commission, Rec. 1999, p. II-3663, point 167; arrêt du 30 septembre 2003 dans l'affaire C-301/96, Allemagne/Commission, Rec. 2003, p. I-9919, point 106.

(33)  Voir la note de bas de page no 27.

(34)  Arrêt du 15 décembre 1999 dans les affaires jointes T-132/96 et T-143/96, Freistaat Sachsen et Volkswagen AG/Commission, Rec. 1999, p. II-3663, point 167.

(35)  Affaire NN 25/2008 (ex CP 15/2008) WestLB Risikoabschirmung, Allemagne (http://ec.europa.eu/competition/state_aid/cases/225266/225266_1154234_37_2.pdf considérant 41).

(36)  Arrêt du 14 janvier 2009 dans l'affaire T-162/06, Kronoply/Commission, Rec. 2009, p. II-1, notamment les points 65, 66, 74 et 75.

(37)  Voir l'arrêt du 7 juin 2001 dans l'affaire T-187/99, Agrana Zucker und Stärke/Commission, Rec. 2001, p. II-1587, point 74; arrêt du 14 mai 2002 dans l'affaire T-126/99, Graphischer Maschinenbau/Commission, Rec. 2002, p. II-2427, points 41 à 43; arrêt du 15 avril 2008 dans l'affaire C-390/06, Nuova Agricast Srl/Ministero delle Attività Produttive, Rec. 2008, p. I-2577, points 68 et 69.

(38)  Encadrement communautaire des aides d'État à la recherche, au développement et à l'innovation (JO C 323 du 30.12.2006, p. 1), section 1.3; lignes directrices concernant les aides d'État à la protection de l'environnement (JO C 82 du 1.4.2008, p. 1), section 1.3.

(39)  Voir la note de bas de page no 11.

(40)  Voir la note de bas de page no 10.

(41)  Voir la note de bas de page no 12.

(42)  Voir la note de bas de page no 39.

(43)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérant 53.

(44)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérant 54.

(45)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérant 64.

(46)  Voir la note de bas de page no 41.

(47)  Dans le cas contraire, il en résulterait une situation dans laquelle les secteurs qui sont mentionnés dans la décision no 2012/2/UE uniquement en raison de leurs émissions directes de CO2 obtiendraient également une compensation pour leurs coûts indirects de CO2.

(48)  Impact Assessment Report accompanying the document Guidelines on certain State aid measures in the context of Greenhouse Gas Émission Allowance Trading Scheme (rapport d'analyse d'impact accompagnant les lignes directrices concernant certaines aides d'État dans le contexte du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre après 2012) du 22 mai 2012, SWD(2012) 130 final, http://ec.europa.eu/competition/sectors/energy/impact_assessment_main%20report_en.pdf, p. 16.

(49)  En ce qui concerne la période précédant la réduction du plafond, la Commission a même indiqué que les auteurs d'études sur la fuite de carbone n'avaient trouvé aucune preuve empirique des fuites de carbone («carbon leakage literature [did] not find empirical proof of carbon leakage»), voir Impact Assessment Report, note de bas de page no 48, p. 13.

(50)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérant 69.

(51)  Le gouvernement allemand avait annoncé que le régime serait mis en place dès que la Commission européenne l'aurait autorisé.

(52)  ECORYS, Competitiveness of the EU Non-Ferrous Metals Industries, 5 avril 2011, http://ec.europa.eu/enterprise/sectors/metals-minerals/files/fn97624_nfm_final_report_5_april_en.pdf, p. 31.

(53)  Par exemple, une partie intéressée — une association d'entreprises — a indiqué que la production du cuivre consommait moins d'énergie que la production d'aluminium et qu'il serait donc approprié de verser uniquement la moitié (9 EUR/MWh) du montant compensatoire accordé pour l'aluminium (17 EUR/MWh).

(54)  Il s'agit manifestement d'un chiffre arrondi qui a été obtenu à partir de la valeur plus précise que l'Allemagne a fournie au cours de la procédure de notification, à savoir 0,75 t CO2/MWh.

(55)  […], producteur d'aluminium, a indiqué que ses coûts indirects liés aux émissions de CO2 s'élevaient en 2009 à […] EUR/MWh, une valeur nettement inférieure au montant de l'aide qui doit s'appliquer dans le cadre du régime d'aides pour la production d'aluminium, soit 17 EUR/MWh.

(56)  Arrêt du 8 juin 1995 dans l'affaire Siemens/Commission, T-459/93, Rec. 1995, p. II-1675, point 48.

(57)  Arrêt du 6 novembre 1990 dans l'affaire C-86/89, Italie/Commission, Rec. 1990, p. I-3891, point 18. Voir aussi l'arrêt du 14 février 1990 dans l'affaire C-301/87, France/Commission, Rec. 1990, p. I-307, point 50.

(58)  Voir la décision 86/60/CEE de la Commission du 14 décembre 1985 relative à l'aide accordée par le Land de Rheinland-Pfalz (République fédérale d'Allemagne) à un producteur d'aluminium de première fusion établi à Ludwigshafen (JO L 72 du 15.3.1986, p. 30); décision 2010/460/CE de la Commission du 19 novembre 2009 relative aux aides d'État C 38/A/04 (ex NN 58/04) et C 36/B/06 (ex NN 38/06) mises à exécution par l'Italie en faveur d'Alcoa Trasformazioni (JO L 227 du 28.8.2010, p. 62); décision 2012/339/UE de la Commission du 13 juillet 2011 concernant l'aide d'État SA.26117 — C 2/10 (ex NN 62/09) mise en œuvre par la Grèce en faveur d'Aluminium of Greece SA (JO L 166 du 27.6.2012, p. 83). Voir également l'affaire SA. 33624 (ex 2011/CP) sur des tarifs d'électricité préférentiels en faveur d'ALRO Slatina S.A. (JO C 268 du 5.9.2012, p. 21).

(59)  En vertu de l'article 10 de la directive 2003/87/CE, les États membres allouent, au cours de la deuxième période d'échanges, «au moins 90 % des quotas à titre gratuit».

(60)  Arrêt du 14 février 1990 dans l'affaire C-301/87, France/Commission, Rec. 1990, p. I-307, point 50.

(61)  En 2009, l'Allemagne, l'Espagne, la France et l'Italie étaient les quatre États membres de l'Union européenne qui produisaient le plus d'aluminium. En 2009, les principaux producteurs d'aluminium de première fusion étaient la France, l'Espagne, les Pays-Bas et l'Allemagne (même si l'Allemagne avait produit les plus grandes quantités de l'année 2000 à l'année 2008). En ce qui concerne la production de cuivre, l'Allemagne et la Pologne occupaient la première place en 2009 et étaient suivies par l'Espagne, la Belgique, le Luxembourg et les pays scandinaves. Les plus grands producteurs de zinc sont l'Espagne, la Finlande et les Pays-Bas. Voir ECORYS, Competitiveness of the EU Non-Ferrous Metals Industries, 5 avril 2011, http://ec.europa.eu/enterprise/sectors/metals-minerals/files/fn97624_nfm_final_report_5_april_en.pdf, p. 43 et suivantes.

(62)  Voir Impact Assessment Report, note de bas de page no 48, p. 22.

(63)  JO C 111 du 9.4.2011, p. 22, considérants 77 et suivants.

(64)  Décision 2008/408/CE de la Commission du 20 novembre 2007 concernant l'aide d'État C 36/A/06 (ex NN 38/06) mise à exécution par l'Italie en faveur de ThyssenKrupp, Cementir et Nuova Terni Industrie Chimiche (JO L 144 du 4.6.2008, p. 37), considérant 145. Voir également la décision 2010/460/CE, considérant 244.


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