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Document 32006D0948

    2006/948/CE: Décision de la Commission du 4 juillet 2006 concernant l'aide d'État que l'Italie entend mettre à exécution en faveur de Cantieri Navali Termoli S.p.A [n o C 48/2004 (ex N 595/2003)] [notifiée sous le numéro C(2006) 2972] Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE

    JO L 383 du 28.12.2006, p. 53–60 (ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, NL, PL, PT, SK, SL, FI, SV)

    Legal status of the document In force

    ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2006/948/oj

    28.12.2006   

    FR

    Journal officiel de l'Union européenne

    L 383/53


    DÉCISION DE LA COMMISSION

    du 4 juillet 2006

    concernant l'Aide d'État que l'Italie entend mettre à exécution en faveur de Cantieri Navali Termoli S.p.A (n. C 48/2004 (ex N 595/2003))

    [notifiée sous le numéro C(2006) 2972]

    (Le texte en langue italienne est le seul faisant foi)

    (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

    (2006/948/CE)

    LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

    vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

    vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

    vu le règlement (CE) no 1540/98 du Conseil concernant les aides à la construction navale (1) (ci-après dénommé le «règlement sur la construction navale»), et notamment son article 3, paragraphe 2,

    après avoir invité les parties intéressées à présenter des observations (2) et vu les observations transmises,

    considérant ce qui suit:

    (1)

    Par leur lettre du 22 décembre 2003, enregistrée le même jour, les autorités italiennes ont notifié à la Commission, conformément à l'article 3, paragraphe 2, du règlement sur la construction navale (1), la demande d'octroi d'une prorogation du délai de trois ans établi pour la livraison d'un navire, dénommé C.180, qui bénéficie d'aides au fonctionnement. Le navire est construit par Cantieri Navali Termoli S.p.A. (ci-après dénommés le «chantier naval»).

    (2)

    Par sa lettre du 30 décembre 2004, la Commission a notifié à l'Italie sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'encontre de la mesure notifiée.

    (3)

    Cette décision de la Commission a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne  (2). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures en cause.

    (4)

    Par ses lettres des 28 janvier 2005, 1er avril 2005, 1er juin 2005 et 6 juillet 2005, enregistrées respectivement les 2 février 2005, 6 avril 2005, 6 juin 2005 et 7 juillet 2005, l'Italie a demandé la prorogation du délai de présentation des observations relatives à la décision de la Commission d'ouvrir la procédure, la Commission y a répondu par ses lettres datées, respectivement, des 4 février 2005, 8 avril 2005, 29 juin 2005 et 17 juillet 2005.

    (5)

    L'Italie a communiqué ses commentaires par sa lettre du 26 juillet 2005, enregistrée le 29 juillet 2005. La Commission a demandé des informations complémentaires par sa lettre du 6 janvier 2006, à laquelle les autorités italiennes ont répondu par les lettres des 23 janvier 2006 et 2 février 2006, dans lesquelles elles demandaient la prorogation du délai de réponse. Par ses lettres des 27 janvier 2006 et 9 février 2006, la Commission a accordé cette prorogation. Par leur lettre du 6 mars 2006, enregistrée le même jour, les autorités italiennes ont transmis les informations complémentaires demandées, complétées par la lettre du 6 avril 2006.

    (6)

    La Commission n'a pas reçu d'observations de parties intéressées.

    (7)

    L'Italie a demandé à la Commission l'octroi d'une prorogation du délai final de livraison du 31 décembre 2003 couvert par le règlement sur la construction navale, auquel est subordonnée l'utilisation d'aides au fonctionnement liées à des contrats portant sur des navires. La demande de prorogation présentée concerne un navire appelé C.180, construit par Cantieri Navali Termoli S.p.A., un chantier naval situé en Molise. La prorogation avait d'abord été demandée jusqu'au 31 octobre 2004 (10 mois).

    (8)

    Le contrat de construction signé le 30 décembre 2000 fixait, à l'origine, le délai de livraison au 30 juin 2003. Le navire avait été commandé par Marnavi S.p.A., un armateur italien, pour le transport de produits chimiques et pétroliers. Concernant le contrat précité, l'armateur avait reçu la promesse de pouvoir bénéficier d'une aide au fonctionnement de 9 %, soit environ 3,9 millions d'EUROS, pour ce navire, conformément aux dispositions de l'article 3, paragraphe 1, du règlement sur la construction navale.

    (9)

    Toutefois, selon les autorités italiennes, le processus de construction a pris plus de temps que prévu en raison d'un concours de circonstances, à savoir: les répercussions des attentats du 11 septembre 2001, la nécessité qui en a résulté d'adapter le navire aux nouvelles exigences technico-commerciales et l'incidence des deux catastrophes naturelles — un tremblement de terre et des inondations — qui ont frappé la région. Le chantier naval a donc été obligé de demander que le délai final de livraison prévu pour le navire C.180 soit prorogé de dix mois après le 31 décembre 2003, date limite fixée par le règlement sur la construction navale

    (10)

    Dans leur notification, les autorités italiennes ont fait référence à la décision de la Commission du 5 juin 2002, par laquelle celle-ci avait autorisé une prorogation analogue du délai de livraison, après le 31 décembre 2003, de navires de croisière construits sur le chantier naval Meyer Werft de Papenburg, en Allemagne (ci-après la «décision Meyer Werft»). Les autorités italiennes ont surtout mis en évidence de nombreuses analogies fondamentales entre les deux cas, en faisant ressortir les aspects suivants: i) les motivations avancées pour la prorogation (l'impact des attentats terroristes du 11 septembre 2001), ii) le marché concerné (le transport maritime de produits pétroliers et chimiques) et iii) les rapports commerciaux consolidés entre le chantier naval et l'armateur (3). En résumé, les autorités italiennes affirment que la décision Meyer Werft constitue un précédent évident pour l'octroi à titre exceptionnel dans le cas d'espèce. Elles rappellent également que, le 13 novembre 2002, la Commission a adopté une autre décision autorisant la prorogation de la date de livraison d'un navire de croisière construit par le chantier naval Kvaerner Masa en Finlande (ci-après la «décision Kvaerner Masa»), pour des raisons similaires.

    (11)

    Pour justifier leur demande, les autorités italiennes invoquent des circonstances qu'elles jugent exceptionnelles, imprévisibles et extérieures au chantier naval et qui ont provoqué des perturbations inattendues, importantes et justifiables qui se sont répercutées sur le programme de travail du chantier naval. Plus précisément, ces retards sont dus aux facteurs suivants (voir le tableau synoptique 1 ci-après):

    (i)

    Répercussions des attentats du 11 septembre 2001

    Le 1er octobre 2001, avant le commencement des travaux, l'armateur a demandé à Cantieri Navali Termoli de suspendre l'exécution du contrat jusqu'au 30 septembre 2003 plutôt que de l'annuler. L'armateur a finalement annulé la demande de suspension du contrat le 29 septembre 2003.

    (ii)

    Nécessité de modifier le navire pour se conformer aux nouvelles exigences technico-commerciales

    Aux événements précités s'ajoute le fait qu'au moment où il annulait la suspension, l'armateur a demandé que le projet de navire soit modifié — s'écartant ainsi des spécifications figurant initialement dans le contrat — pour tenir compte des nouvelles exigences technico-commerciales. Ces modifications portaient sur la taille et le nombre de réservoirs ainsi que sur la longueur et la largeur totales du navire, dont les plans modifiés ont été soumis pour autorisation au R.I.NA, l'instance italienne de certification. Les modifications ont finalement été officialisées le 10 décembre 2003 dans un avenant au contrat initial de construction.

    (iii)

    Incidence des catastrophes naturelles

    Le 31 octobre 2002, la région Molise a été victime d'un tremblement de terre qui a eu des répercussions sur le chantier naval, les ouvriers et les fournisseurs. Ensuite, entre les 23 et 25 janvier 2003, la région a été frappée par des inondations, qui ont également eu des effets dévastateurs sur le chantier naval, les ouvriers et les fournisseurs. Ces deux catastrophes ont causé au chantier naval un préjudice à la fois direct, en raison de l'inactivité imposée aux ouvriers, et indirect, en raison de l'annulation unilatérale des contrats par les entreprises locales, auxquelles avaient été sous-traités les travaux relatifs au navire C.180, et qui ont invoqué les dommages causés par les catastrophes naturelles à l'infrastructure de production de leurs fournisseurs. Les autorités italiennes ont notamment argué que les événements précités avaient porté préjudice au travail d'ingénierie préparatoire à la phase d'exécution du navire.

    Tout en reconnaissant que les deux catastrophes sont survenues durant la période de suspension du contrat de construction, les autorités italiennes affirment que ces événements ont bouleversé les programmes de fabrication du chantier naval et elles soulignent que les deux catastrophes ont nécessité l'instauration de l'état d'urgence jusqu'au 1er février 2004, par décret du président du Conseil des ministres.

    Les autorités italiennes ont mis en relief le caractère urgent de l'aide, compte tenu des ressources financières et industrielles limitées dont dispose le chantier naval (4), le prix contractuel du navire ayant été fixé dans la perspective des subventions qui auraient été accordées par la loi. En outre, selon les autorités italiennes, si la prorogation du délai final de livraison du navire (exécuté à 25,65 %, le 16 décembre 2003) n'est pas accordée et si, par conséquent, la construction ne bénéficie pas de l'aide, le navire ne pourra être terminé sans que le chantier naval subisse des dommages économiques considérables, avec la perte d'emplois qui en résulterait tant pour le chantier naval que pour les entreprises travaillant pour ce dernier. Les autorités italiennes ont d'ailleurs précisé que l'armateur Marnavi et le chantier naval ont décidé de résilier le contrat de construction d'un autre navire, appelé C.173 et dont la construction avait été perturbée par les événements en question, et de consacrer les fournitures déjà disponibles au navire C.180.

    Tableau 1

    Tableau synoptique des retards survenus dans la livraison du navire C.180

    Navire

    Cause du retard

    Responsabilité

    Problèmes

    Retards

    (mois)

    Mois supplémentaires

    C.180

    (i)

    Attentats du 11.9.2001:

    suspension et reprise ultérieure de la commande

    Marnavi. S.p.A.

    (armateur)

    Suspension du contrat entre le 1.10.2001 et le 30.9.2003

    Annulation de la suspension le 29.9.2003

    24

    Non spécifié

    (ii)

    Modifications techniques

    Marnavi. S.p.A.

    (armateur)

    Modifications de la taille et du nombre de réservoirs, de la longueur et de la largeur du navire

    Non spécifié

    Non spécifié

    (iii)

    Retards dus aux catastrophes naturelles qui ont frappé la région Molise:

    tremblement de terre 31.10.2002

    inondations entre les 23 et 25.1.2003

    Cas de force majeure

    Incidence des catastrophes naturelles sur le chantier naval, les ouvriers et les sous-traitants

    > 2

    > 2

    Total

    Plus de 2 mois

    Plus de 2 mois

    Prorogation demandée

    10 mois

    (12)

    Dans sa décision d'ouverture de la procédure, la Commission doutait que les raisons invoquées pour justifier le retard dans le cas d'espèce soient conformes à l'article 3, paragraphe 2, 2e alinéa, du règlement sur la construction navale et puissent donc être compatibles avec le marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 3, point e du traité CE.

    (13)

    Afin de dissiper les doutes exprimés par la Commission dans sa décision d'ouverture de la procédure, les autorités italiennes ont transmis des données et des explications supplémentaires afin de confirmer leur thèse sur l'admissibilité des motifs de prorogation du délai de livraison et la compatibilité de la mesure en objet.

    (i)

    Concernant les répercussions des attentats du 11 septembre 2001

    Les autorités italiennes ont affirmé qu'il s'agissait d'événements exceptionnels, imprévisibles et extérieurs au chantier naval et ont soutenu, contrairement à ce que prétend la Commission, que ces événements avaient provoqué des perturbations inattendues, importantes et justifiables du programme de travail du chantier naval.

    Elles défendent notamment leur analyse en arguant que l'évaluation de la Commission repose sur un rapport rédigé à l'automne 2003 (5), soit deux ans après les événements, alors que selon les autorités, ces événements ont eu une incidence sur les stratégies commerciales des opérateurs commerciaux obligés de prendre des décisions au moment des faits — en septembre 2001 — ou au cours des mois qui ont suivi.

    Selon les autorités italiennes, il est entendu, et confirmé par les rapports Clarkson (6), que ces événements ont eu des répercussions sur tout le marché du transport maritime de marchandises, et pas uniquement sur un type de navires, à savoir les navires de croisière. Pour étayer leur thèse, les autorités italiennes ont fourni de nouvelles informations corroborant l'incidence des événements précités sur la construction du navire, elles ont ainsi transmis une copie des accords d'affrètement passés entre l'armateur Marnavi et la société Novamar, sise à Houston (États-Unis d'Amérique) pour l'affrètement de deux chimiquiers commandés par l'armateur à Cantieri Navali Termoli (7) ainsi que de la résiliation de ces mêmes accords par Novamar après le 11 septembre 2001. Les autorités italiennes affirment donc que ces événements tragiques ont eu un effet analogue sur le navire en question et que, contrairement à ce que prétend la Commission, leur impact ne se limite pas aux navires de croisière. Par conséquent, les autorités italiennes réaffirment leur position selon laquelle l'impact des événements précités est conforme à l'article 3, paragraphe 2, 2e alinéa, troisième phrase, du règlement sur la construction navale.

    (ii)

    Nécessité de modifier le navire pour se conformer aux nouvelles exigences technico-commerciales

    Les autorités italiennes ont fourni des informations relatives aux modifications apportées au navire C.180.

    Elles ont notamment expliqué qu'en 2000, l'armateur et le chantier naval avaient signé des contrats pour la construction de deux chimiquiers dénommés C.173 et C.180; les dates de livraison stipulées au départ dans ces contrats étaient respectivement le 31 mars 2002 et le 30 juin 2003, elles ont ensuite été reportées au 31 mars 2003 et au 31 décembre 2003. Les autorités ont également expliqué que l'impact sur le programme de travail du chantier naval des événements du 11 septembre 2001 et des deux catastrophes naturelles examinées ci-dessous a été tel qu'il n'a été possible de livrer qu'un seul des navires précités pour le 31 décembre 2003.

    Par conséquent, en novembre 2002, l'armateur a décidé de renoncer à la construction en cours d'un des navires sur le chantier naval afin que celui-ci se consacre à l'achèvement de l'autre. Dans les faits, il a d'abord fallu rebaptiser le navire C.173 C.180 — le plus grand des deux chimiquiers commandés par l'armateur –, demander ensuite que des modifications substantielles soient apportées aux caractéristiques structurelles fondamentales du navire C.180 (8), (9), (10), et enfin résilier le contrat relatif au navire C.173. Par conséquent, le chimiquier C.180 (ex C.173) est devenu un navire dont la taille, la vitesse, la capacité et le prix contractuel sont supérieurs à ceux du C.173 initial mais dont les caractéristiques globales sont inférieures à celles stipulées dans le contrat initial pour le navire C.180.

    (iii)

    Incidence des catastrophes naturelles (tremblement de terre du 31 octobre 2002 et inondations survenues entre les 23 et 25 janvier 2003)

    Les autorités italiennes soulignent l'importance et les conséquences des catastrophes précitées qui ont frappé la région où est situé le chantier naval.

    Sur le plan général, elles rappellent que compte tenu de l'ampleur de la zone touchée par les catastrophes et du risque élevé pour le bien-être public et privé, l'état d'urgence a été déclaré dans la région par décret du président du Conseil du 31 octobre 2002 instaurant l'état d'urgence jusqu'au 30 juin 2003, et prorogé jusqu'au 1er février 2004 par le décret du 31 janvier 2003. Ces mêmes autorités attirent également l'attention de la Commission sur le fait qu'après ces événements, et dans le cadre de la révision de la carte des aides à finalité régionale, la Commission (11) a autorisé la prorogation de ces dernières en raison de l'incidence des catastrophes naturelles qui ont frappé la région Molise et Termoli, c'est-à-dire l'endroit où est situé le chantier naval.

    En ce qui concerne le chantier naval, les autorités italiennes ont transmis des informations indiquant qu'après les catastrophes naturelles précitées, entre novembre 2002 et février 2003, le programme de travail du chantier naval a été ralenti en raison du retard initial et de la résiliation ultérieure de nombreux contrats par divers contractants qui fournissaient au chantier naval du matériel et des services essentiels (12) pour la construction du navire C.180 (13) (ex C.173).

    (iv)

    Suspension des travaux sur le navire C.180 (ex C.173) en 2004

    En juillet 2005, en réponse à l'ouverture de l'enquête, les autorités italiennes ont fait savoir à la Commission que la construction était achevée à près de 66 % mais qu'elle avait été suspendue par le chantier naval et que le navire avait été lancé en août 2004, en attendant que la Commission autorise la prorogation du délai de livraison. Par conséquent, conformément à la demande de l'armateur et du chantier naval, les autorités affirment que la prorogation de 10 mois doit prendre effet à la date de la décision de la Commission octroyant la prorogation demandée.

    (14)

    Les autorités italiennes concluent que les motifs invoqués pour justifier les retards dans le cas en objet satisfont aux dispositions de l'article 3, paragraphe 2, 2e alinéa, du règlement sur la construction navale et que la prorogation de 10 mois du délai de trois ans pour la livraison à compter de la date d'adoption de la décision définitive de la Commission est compatible avec le marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 3, point e du traité CE.

    (15)

    L'article 87 paragraphe 1, du traité CE dispose que les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres. Selon la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes, la distorsion des échanges subsiste si l'entreprise bénéficiaire exerce une activité économique qui suppose des échanges entre les États membres.

    (16)

    L'article 87, paragraphe 3, point e du traité CE dispose que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les autres catégories d'aides déterminées par décision du Conseil statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission. La Commission constate que sur cette base juridique, le 29 juin 1998, le Conseil a adopté le règlement sur la construction navale. Bien que ce règlement soit venu à échéance le 31 décembre 2003, ses dispositions sont encore applicables dans le cadre de l'évaluation des demandes de prorogation du délai final de livraison, étant donné que l'aide repose sur le règlement même et que l'encadrement des aides d'État à la construction navale (14) n'offre aucune indication à ce sujet.

    (17)

    La Commission observe que la question de la prorogation de la période maximale de livraison est déterminante pour que le contrat puisse bénéficier des aides au fonctionnement, conformément à l'article 3 du règlement sur la construction navale. L'aide au fonctionnement en cause consiste à financer, au moyen de fonds publics, une partie des coûts que le chantier naval doit normalement supporter pour la construction d'un navire. À cela s'ajoute le fait que la construction navale est une activité économique qui suppose des échanges entre États membres. L'aide en question tombe par conséquent sous le coup de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

    (18)

    On rappelle que sur la base du règlement sur la construction navale, on entend par «construction navale» la construction de navires de commerce autopropulsés. Le navire construit par Cantieri Navali Termoli — un chimiquier — est un navire autopropulsé utilisé pour assurer des services maritimes spécialisés, à savoir le transport de produits chimiques et pétroliers, et est donc soumis aux dispositions du règlement précité, conformément à l'article 1er, point a.

    (19)

    L'article 3, paragraphe 1, du règlement sur la construction navale prévoit, jusqu'au 31 décembre 2000, une aide maximale de 9 % au titre des aides au fonctionnement liées à un contrat. Sur la base de l'article 3, paragraphe 2, dudit règlement, le plafond de l'aide applicable au contrat est celui qui est en vigueur à la date de la signature du contrat final. Toutefois, cette disposition n'est pas applicable aux navires livrés plus de trois ans après la date de la signature du contrat final. Dans ce cas, le plafond applicable au contrat est celui qui était en vigueur trois ans avant la date de livraison du navire. Le délai final de livraison d'un navire pouvant encore bénéficier des aides au fonctionnement était donc, en principe, le 31 décembre 2003.

    (20)

    L'aide prévue en faveur du navire concerné serait accordée sur la base de l'article 3 de la loi no 88 du 16 mars 2001, autorisée par la Commission au titre d'aide d'État N 502/00. Le montant accordé s'élèverait à environ 3,9 millions d'EUROS pour le navire C.180, soit un montant ne dépassant pas 9 % de la valeur du contrat en question.

    (21)(22)

    L'article 3, paragraphe 2, 2e alinéa, troisième phrase du règlement sur la construction navale dispose: «La Commission peut néanmoins proroger ce délai de trois ans lorsque cela se justifie en raison de la complexité technique du projet de construction navale concerné ou de retards résultant de perturbations inattendues, importantes et justifiables du plan de charge d'un chantier dues à des circonstances exceptionnelles, imprévisibles et extérieures à l'entreprise.» La Commission fait remarquer que la demande de prorogation est motivée par l'impossibilité pour Cantieri Navali Termoli de terminer le navire en question en raison de retards imprévisibles et extérieurs à l'entreprise.Le règlement sur la construction navale exige que la prorogation du délai final de livraison soit motivée par des circonstances a) exceptionnelles, b) imprévisibles et c) extérieures à l'entreprise. Il convient également de démontrer d) le lien causal entre ces événements et les perturbations inattendues à l'origine du retard ainsi que e) la durée de ces perturbations et f) leur caractère important et justifiable. Les arguments des autorités italiennes sont examinés ci-après.

    (i)

    Impact des événements du 11 septembre 2001

    Concernant cet argument, la Commission prend acte du caractère imprévisible de ces événements, extérieurs au chantier naval. Conformément à des décisions précédentes de la Commission, ce motif n'est toutefois pas recevable en l'espèce. En effet, selon la pratique établie de la Commission en matière de décisions (15), «le ralentissement de la croissance économique et la détérioration de la situation du marché concernant un type de navire ne peuvent être considérés comme un événement exceptionnel au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement sur la construction navale.» On rappelle que cette motivation n'a été admise que pour les navires de croisière en raison de l'effet direct de ces événements sur ce type de navires, alors qu'on considère que sur d'autres types de navires, l'impact est indirect et l'effet plus général.

    Dans sa décision d'ouvrir la procédure, la Commission rappelle d'ailleurs que selon le rapport de l'institut Clarkson Research de novembre 2003 (16), «les événements du 11 septembre 2001 ont sans nul doute aggravé les problèmes de l'économie mondiale, qui connaissait déjà une phase de ralentissement.» En outre, en ce qui concerne les investissements relatifs aux chimiquiers dont le port en lourd est inférieur à 20 000 tonnes, comme c'est le cas du navire C.180, le rapport de Clarkson Research énonce: «La période comprise entre 1998 et 2000 n'a pas été marquée par une grande activité et malgré la reprise enregistrée au début de l'année 2001, les niveaux d'activité ont de nouveau diminué durant le dernier trimestre 2001, à un rythme analogue à celui enregistré dans le reste du secteur. Les commandes ont connu une reprise notable au début de l'année 2002 et depuis lors, le niveau est resté plutôt soutenu.»

    De plus, en ce qui concerne les arguments des autorités italiennes mettant en cause la pertinence du jugement de la Commission sur l'impact de ces événements compte tenu du fait qu'il repose sur un rapport ex post, la Commission fait tout d'abord remarquer qu'elle s'est inspirée d'un rapport présenté par les autorités italiennes elles-mêmes; elle souligne ensuite que, dans le cadre de la procédure actuelle, les autorités précitées se basent elles-mêmes sur des rapports datant de la fin 2003; enfin, la Commission relève qu'aucun des rapports ultérieurs auxquels les autorités italiennes font référence ne contredit l'évaluation faite par la Commission sur ce point.

    La Commission rappelle que la présente évaluation du motif cité est conforme à d'autres décisions sur des cas analogues notifiés à l'Italie et concernant la prorogation du délai de trois ans fixé pour la livraison de chimiquiers et pour le transport de GPL.

    (ii)

    Nécessité de modifier le navire pour se conformer aux nouvelles exigences technico-commerciales

    En ce qui concerne le deuxième argument, nous constatons tout d'abord que les modifications techniques ont été effectuées à la demande de l'armateur afin de répondre à de nouvelles exigences technico-commerciales. En outre, selon l'avenant au contrat initial de construction du 10 décembre 2003, le chantier naval avait l'intention de demander à l'armateur un report du délai de livraison du navire C.180, en assumant l'ensemble des frais et des risques liés à l'éventuel octroi/concession de l'aide d'État en faveur de l'armateur.

    La Commission fait observer qu'étant donné que l'armateur peut toujours demander que le contrat de construction soit modifié, de telles modifications représentent une pratique assez courante dans le secteur de la construction navale. Il s'agit d'événements qui relèvent généralement de l'aspect commercial des activités du chantier naval. Ce motif ne peut par conséquent pas être accepté.

    Dans un souci d'exhaustivité, la Commission constate également qu'au cours de l'enquête actuelle, les autorités italiennes ont expliqué que les modifications en question — portant sur les deux navires C.173 et C.180 — avaient déjà été signalées par la société d'affrètement Novamar (États-Unis d'Amérique) dans sa lettre à l'armateur de février 2001 et qu'elles avaient déjà été convenues entre le chantier naval et l'armateur avant la suspension du contrat survenue en 2001. Il convient également de remarquer que, comme l'ont déclaré les autorités italiennes, selon la configuration initiale, le navire C.173 aurait dû être construit longtemps auparavant par un autre chantier naval, frappé par la crise dans les années 90 et, par conséquent, le navire en question appartenait à une catégorie de navires dépassée par une nouvelle génération de taille et de capacité supérieures.

    À la lumière de ce qui précède, il apparaît évident que les modifications précitées n'étaient ni exceptionnelles ni imprévisibles. Par conséquent, la Commission considère que le motif en question adopté par l'Italie ne peut être retenu.

    (iii)

    Incidence des catastrophes naturelles qui ont frappé la région Molise où est situé le chantier naval

    Il est admis que les tremblements de terre, les inondations et les autres «cas de force majeure» constituent généralement une justification admissible. De même, il est admis que ces événements ont eu des répercussions sur l'activité de la région Molise — comme l'atteste l'état d'urgence décrété par le président du Conseil des ministres — et, potentiellement, sur toute l'activité du chantier naval.

    Toutefois, au sens du règlement sur la construction navale, la prorogation du délai de trois ans pour la livraison constitue une dérogation aux dispositions normales autorisant l'octroi d'aides au fonctionnement liées au contrat, qui a leur tour constituent une dérogation aux dispositions communautaires en matière d'aides d'État. Par conséquent, le principe selon lequel les normes en matière de dérogation doivent être interprétées de manière restrictive prévoit l'obligation de démontrer le lien de causalité directe entre les circonstances présentées comme étant à l'origine du retard et le retard proprement dit subi lors de la construction du navire. À l'inverse, les informations transmises à la Commission, y compris celles fournies par les autorités italiennes après l'ouverture de l'enquête formelle, revêtent un caractère plutôt vague et font globalement référence aux répercussions des catastrophes sans démontrer, en le quantifiant, l'impact précis de ces événements sur le programme de travail du chantier naval et sur la construction du navire en question.

    La Commission constate que malgré les demandes explicites de renseignements et les prorogations importantes des délais de réponse, aucune information détaillée n'a été transmise concernant les répercussions de ces catastrophes sur le programme de travail général du chantier naval ni sur le lien de causalité précis en référence au programme de travail spécifique relatif au navire C.180 (ex C.173). Les autorités italiennes ont, en effet, transmis copie des lettres par lesquelles certaines entreprises fournissant du matériel et des services au chantier naval résiliaient leur contrat; elles n'ont toutefois ni étayé de manière circonstanciée le lien de causalité ni quantifié exactement le retard qui en a résulté pour le programme de travail du chantier naval et pour la construction du navire C.180 (ex C.173) afin de pouvoir justifier la demande de prorogation de 10 mois du délai de livraison.

    (23)

    À la lumière de ce qui précède, la Commission considère que les circonstances exceptionnelles décrites ci-dessus n'ont pas eu, sur le programme de travail spécifique relatif au navire en question, un impact permettant de justifier la demande de prorogation de 10 mois du délai de livraison. En conséquence, les motifs invoqués aux points i), ii) et iii) ne sont pas recevables.

    (24)

    Compte tenu du fait qu'aucun élément de preuve substantiel n'a été fourni, la prorogation ne peut être autorisée sur la base des motifs adoptés.

    (iv)

    Suspension des travaux sur le navire C.180 (ex C.173) en 2004

    La Commission observe également que les autorités italiennes ont fait savoir que la construction du navire C.180 (ex C.173) était achevée à environ 66 % mais que les travaux avaient été suspendus et que le navire avait été lancé en août 2004; les autorités italiennes estimaient donc que la prorogation de 10 mois devait prendre effet à la date de la décision de la Commission autorisant la prorogation demandée.

    Premièrement, la demande présentée par les autorités italiennes pour que la prorogation de 10 mois prenne effet à la date de la décision de la Commission ne peut être considérée comme étant conforme au règlement sur la construction navale car elle engendrerait des retards ultérieurs injustifiés. On notera que la décision de suspendre la construction du navire a été prise par le chantier naval sous sa propre responsabilité et qu'il en a résulté un retard ultérieur ne pouvant être justifié au sens du règlement sur la construction navale.

    En deuxième lieu, la Commission constate que, selon la notification, le navire C.180 (ex C.173) devait être livré pour le 31 octobre 2004. Toutefois, compte tenu de la demande présentée par les autorités italiennes pour que la prorogation de 10 mois prenne effet à la décision de la Commission, considérant le fait que le chantier naval avait lancé le navire inachevé C.180 (ex C.173) en août 2004, il est évident que le chantier naval ne serait pas non plus arrivé à livrer le navire dans le délai initial de prorogation de 10 mois demandé.

    Par conséquent, la demande formulée par les autorités italiennes doit être rejetée eu égard à la suspension injustifiée des travaux survenue en 2004.

    (25)

    À la lumière de ce qui précède, la Commission conclut que la mesure examinée constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. Les informations transmises par les autorités italiennes, y compris au cours de l'enquête formelle, ont confirmé les doutes de la Commission selon lesquels les causes des retards invoquées dans le cas d'espèce ne répondraient pas aux dispositions de l'article 3, paragraphe 2, 2e alinéa du règlement sur la construction navale et que, par conséquent, la mesure examinée ne serait pas compatible avec le marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 3, point e du traité CE.

    Au vu de ces conclusions, la Commission,

    A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

    Article premier

    Le délai de livraison de trois ans prévu par l'article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1540/98 ne peut pas être prorogé pour le navire C.180 (ex C.173) construit par Cantieri Navali Termoli S.p.A.

    En conséquence, l'aide au fonctionnement liée au contrat concernant ledit navire ne peut pas être mise à exécution.

    Article 2

    L'Italie informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.

    Article 3

    La République italienne est destinataire de la présente décision.

    Fait à Bruxelles, le 4 juillet 2006.

    Par la Commission

    Neelie KROES

    Membre de la Commission


    (1)  JO L 202 du 18.7.1998, p. 1.

    (2)  JO C 42 du 18.2.2005, p. 15.

    (3)  Entre 2000 et 2004, les commandes de Marnavi ont représenté 43 % du chiffre d'affaires de Cantieri Navali Termoli; durant la période qui a précédé, 1995-1999, le chiffre d'affaires correspondant était presque égal à zéro.

    (4)  Le chantier naval est une entreprise de très petite taille qui emploie 51 personnes.

    (5)  Les autorités italiennes précisent que la référence faite par la Commission au rapport Clarkson à la note 11 de la décision d'ouverture de la procédure est inexacte car elle indique novembre 2003 au lieu d'octobre 2003.

    (6)  Clarkson «Shipping Review & Outlook» de l'automne 2003, pp. 7-44 et p. 127; Clarkson «Review of Tanker/Chemical/Small LPG Markets and Newbuilding Investment over 2001 and onwards», octobre 2003, pp. 17-20.

    (7)  Les navires en question sont le C.173 et le C.180 examinés ci-après.

    (8)  Qui concernent notamment la taille et le nombre de réservoirs, ainsi que la longueur et la largeur du navire.

    (9)  Les autorités italiennes déclarent que ces modifications concernaient à la fois le C.173 initial et le C.180 (ex C.173) et qu'elles avaient été convenues entre l'armateur et le chantier naval avant la suspension du contrat en 2001 à la suite de la lettre de Novamar de février 2001 qui annonçait que les deux navires pouvaient faire l'objet de modifications. Les autorités précitées déclarent également que les travaux portant sur le navire C.180 modifié (ex C.173) étaient déjà en cours avant que soit officialisé l'avenant au contrat, en décembre 2003.

    (10)  Selon l'interprétation donnée par les autorités italiennes des décisions de la Commission no 691/2003 du 9.7.2003 et no 727/1993 du 21.12.1993, le type de navire et les modifications en question justifieraient la dérogation au motif de la «complexité technique» admise par la Commission.

    (11)  Décision C(2004) 3344 de la Commission du 8 septembre 2004 concernant l'aide d'État N 147/2004.

    (12)  Il s'agit des sous-structures de la coque, des services de charpenterie et d'équipement du navire, de la fourniture de tôles d'acier inoxydable, de la fourniture et du montage des installations électriques ainsi que des services de conseil pour la transformation du navire C.173 (rebaptisé C.180) afin d'en augmenter la capacité et la puissance.

    (13)  À la suite de la résiliation de ces contrats, le chantier naval a été obligé d'invoquer la clause de «force majeure» auprès de l'armateur, poussant celui-ci à décider d'abandonner la construction d'un des deux navires commandés au chantier naval.

    (14)  JO C 317 du 30.12.2003, p. 11.

    (15)  Voir cas N 99/02 (JO C 262 du 29.10.2002), prolongation du délai de livraison pour deux navires construits par le chantier naval d'Odense (Danemark).

    (16)  «Review of Tanker/Chemical/Small LPG Markets & Newbuilding Investment over 2001 e onwards», Clarkson Research, novembre 2003, pp. 19-20.


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