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Document 62019CJ0903

Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 4 février 2021.
DQ contre Ministre de la Transition écologique et solidaire et Ministre de l'Action et des Comptes publics.
Demande de décision préjudicielle, introduite par le Conseil d'État (France).
Renvoi préjudiciel – Fonction publique – Transfert des droits à pension d’ancienneté – Statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Article 11 de l’annexe VIII – Fonctionnaires et agents temporaires réintégrant leur administration nationale d’origine après une période de disponibilité et l’exercice de fonctions dans une institution de l’Union.
Affaire C-903/19.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:95

 ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

4 février 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fonction publique – Transfert des droits à pension d’ancienneté – Statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Article 11 de l’annexe VIII – Fonctionnaires et agents temporaires réintégrant leur administration nationale d’origine après une période de disponibilité et l’exercice de fonctions dans une institution de l’Union »

Dans l’affaire C‑903/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Conseil d’État (France), par décision du 2 décembre 2019, parvenue à la Cour le 10 décembre 2019, dans la procédure

DQ

contre

Ministre de la Transition écologique et solidaire,

Ministre de l’Action et des Comptes publics,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Wahl, président de chambre, M. F. Biltgen (rapporteur) et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement français, par Mmes A.-L. Desjonquères et N. Vincent ainsi que par M. A. Ferrand, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. B. Mongin et Mme M. Brauhoff, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DQ au ministre de la Transition écologique et solidaire ainsi qu’au ministre de l’Action et des Comptes publics au sujet de sa demande tendant au transfert de l’équivalent actuariel de ses droits à pension d’ancienneté acquis auprès du régime de pensions de l’Union européenne.

Le cadre juridique

3

Le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO 2004, L 124, p. 1), a introduit une réforme du statut. L’une des innovations apportées par ce règlement concerne les règles en matière de portabilité des droits à pension d’ancienneté.

4

Le considérant 32 dudit règlement expose :

« Il convient de modifier les règles relatives à l’indemnité de départ pour tenir compte de la réglementation communautaire en matière de portabilité des droits à pension. À cet effet, il y a lieu de corriger certaines incohérences et d’introduire plus de flexibilité. »

5

L’annexe VIII du statut, intitulé « Modalités du régime de pensions », dispose, à son article 11 :

« 1.   Le fonctionnaire qui cesse ses fonctions pour :

entrer au service d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale ayant conclu un accord avec l’Union,

exercer une activité salariée ou non salariée au titre de laquelle il acquiert des droits à pension dans un régime dont les organismes gestionnaires ont conclu un accord avec l’Union,

a le droit de faire transférer l’équivalent actuariel, actualisé à la date de transfert effectif, de ses droits à pension d’ancienneté, qu’il a acquis auprès de l’Union, à la caisse de pension de cette administration, de cette organisation, ou à la caisse auprès de laquelle le fonctionnaire acquiert des droits à pension d’ancienneté au titre de son activité salariée ou non salariée.

2.   Le fonctionnaire qui entre au service de l’Union après avoir :

cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale

ou

exercé une activité salariée ou non salariée,

a la faculté, entre le moment de sa titularisation et le moment où il obtient le droit à une pension d’ancienneté au sens de l’article 77 du statut, de faire verser à l’Union le capital, actualisé jusqu'à la date du transfert effectif, représentant les droits à pension qu’il a acquis au titre des activités visées ci-dessus.

[...]

3.   Le paragraphe 2 est également applicable au fonctionnaire réintégré à l’expiration d’un détachement prévu à l’article 37 paragraphe 1 sous b) deuxième tiret, ainsi qu’au fonctionnaire réintégré à l’expiration d’un congé de convenance personnelle prévu à l’article 40 du statut. »

6

L’article 12 de cette annexe est libellé comme suit :

« 1.   Le fonctionnaire n’ayant pas l’âge de la retraite qui cesse définitivement ses fonctions pour une raison autre que le décès ou l’invalidité et qui ne peut bénéficier d’une pension d’ancienneté immédiate ou différée a droit, lors de son départ :

a)

s’il a accompli moins d’un an de service, et pour autant qu’il n’ait pas bénéficié de l’application de l’article 11, paragraphe 2, au versement d’une allocation de départ égale au triple des sommes retenues sur son traitement de base au titre de sa contribution à sa pension d’ancienneté, déduction faite des montants éventuellement versés en application des articles 42 et 112 du régime applicable aux autres agents ;

b)

dans les autres cas, à l’application des dispositions de l’article 11, paragraphe 1, ou au versement de l’équivalent actuariel à une assurance privée ou à un fonds de pension de son choix qui garantisse :

i)

que l’intéressé ne pourra bénéficier d’un remboursement du capital ;

ii)

que l’intéressé percevra une rente mensuelle au plus tôt à partir de l’âge de 60 ans et au plus tard à partir de l’âge de 66 ans ;

iii)

que ses ayants droit bénéficieront des prestations de réversion ou de survie ;

iv)

que le transfert vers une autre assurance ou un autre fonds ne sera autorisé qu’aux mêmes conditions que celles décrites aux points i), ii) et iii).

2.   Par dérogation au paragraphe 1, point b), le fonctionnaire n’ayant pas l’âge de la retraite qui, depuis son entrée en fonction, a effectué des versements pour la constitution ou le maintien de ses droits à pension à un régime de pensions national ou à une assurance privée ou à un fonds de pension de son choix qui remplit les conditions mentionnées au paragraphe 1, qui cesse définitivement ses fonctions pour une raison autre que le décès ou l’invalidité et qui ne peut bénéficier d’une pension d’ancienneté immédiate ou différée a droit, lors de son départ, au versement d’une allocation de départ égale à l’équivalent actuariel de ses droits à pension acquis pendant son service dans les institutions. Dans ce cas, les montants versés pour la constitution ou le maintien de ses droits à pension dans le régime de pensions national en application des articles 42 ou 112 du régime applicable aux autres agents sont déduits de l’allocation de départ. »

7

Aux termes de l’article 39, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne :

« Lors de la cessation de ses fonctions, l’agent [...] a droit à la pension d’ancienneté, au transfert de l’équivalent actuariel ou au versement de l’allocation de départ dans les conditions prévues au titre V, chapitre 3, du statut et à l’annexe VIII du statut [...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

8

Le requérant au principal est agent titulaire de la fonction publique de l’État français depuis le 1er septembre 2006 et exerce les fonctions de technicien supérieur du développement durable à la direction départementale des territoires du Bas-Rhin (France).

9

Pendant la période allant du 1er avril 2011 au 31 août 2013, il a été placé en disponibilité pour convenances personnelles en raison d’un emploi d’agent contractuel occupé auprès de la Commission européenne.

10

Après avoir réintégré son administration d’origine à l’issue de cette période de disponibilité, il a demandé le transfert, vers le régime des retraites des fonctionnaires de l’État, de l’équivalent actuariel de ses droits à pension d’ancienneté acquis dans le régime de pensions de l’Union, en se prévalant des dispositions de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut.

11

Cette demande a été rejetée par deux décisions des 10 juillet et 17 septembre 2014.

12

Le requérant au principal a introduit une demande d’annulation de ces décisions devant le tribunal administratif de Strasbourg (France), qui a été rejetée par jugement du 19 octobre 2016.

13

Le requérant au principal s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’État (France), en invoquant une méconnaissance du principe d’égalité de traitement en ce que le tribunal administratif de Strasbourg a jugé que le bénéfice du transfert de l’équivalent actuariel des droits à pension d’ancienneté en cause est réservé aux seuls agents et fonctionnaires de l’Union qui font l’objet d’une affectation initiale au sein d’une administration d’un État membre, à l’exclusion de ceux qui y retournent à l’issue d’une disponibilité pour convenances personnelles.

14

Estimant que la réponse au moyen soulevé n’est pas évidente et que l’interprétation de l’article 11 de l’annexe VIII du statut est déterminante pour la solution du litige dont il est saisi, le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Le bénéfice des dispositions du [paragraphe] 1 de l’article 11 de l’annexe VIII du [statut] est-il réservé aux seuls fonctionnaires et agents contractuels affectés pour la première fois au sein d’une administration nationale après avoir été employés en qualité de fonctionnaire, agent contractuel ou agent temporaire dans une institution de l’Union [...] ou est-il ouvert également aux fonctionnaires et agents contractuels retournant au service d’une administration nationale après avoir exercé des fonctions dans une institution de l’Union [...] et avoir été, pendant cette période, placés en disponibilité ou congé pour convenances personnelles ? »

Sur la question préjudicielle

15

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut doit être interprété en ce sens que le transfert de l’équivalent actuariel des droits à pension d’ancienneté est réservé aux seuls fonctionnaires et agents contractuels qui intègrent pour la première fois une administration nationale après avoir été employés dans une institution de l’Union ou si ce transfert peut également être demandé par ceux qui y retournent après avoir exercé des fonctions dans une telle institution dans le cadre d’une mise en disponibilité ou d’un congé pour convenances personnelles.

16

À titre liminaire, il convient de rappeler que les dispositions de l’article 11 de l’annexe VIII du statut sont applicables aux agents contractuels, comme le requérant au principal, grâce au renvoi opéré à l’article 39, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne. En effet, cette disposition prévoit que, lors de la cessation de ses fonctions, l’agent a droit à la pension d’ancienneté, au transfert de l’équivalent actuariel ou au versement de l’allocation de départ dans les conditions prévues au titre V, chapitre 3, du statut et à l’annexe VIII de celui-ci.

17

En vertu de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut, tout fonctionnaire ou agent qui cesse ses fonctions pour entrer au service d’une administration ou d’une organisation nationale ou internationale, ou pour exercer une activité salariée ou non salariée, a le droit de faire transférer l’équivalent actuariel des droits à pension d’ancienneté acquis auprès de l’Union.

18

En ce qui concerne le libellé de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut, il convient d’observer que le terme « entrer », dont le sens habituel, lors d’une prise de fonctions, indique le début de l’exercice de ces fonctions ou leur point de départ dans le temps, ne permet pas, à lui seul, de répondre à la question de savoir s’il s’agit de l’entrée initiale en fonction ou si ce terme englobe également la reprise de fonctions.

19

Une interprétation littérale par juxtaposition avec le libellé de l’article 11, paragraphe 3, de l’annexe VIII du statut, qui fait référence au fonctionnaire qui est « réintégré » à l’expiration d’un détachement prévu à l’article 37, premier alinéa, sous b), second tiret, du statut ou à l’expiration d’un congé de convenance personnelle prévu à l’article 40 de celui-ci, ne permet pas non plus de fournir une indication à cet égard. En effet, la rédaction différente des paragraphes 1 et 3 de l’article 11 de l’annexe VIII du statut constitue, à elle seule, une indication quant à leur portée différente. Ainsi, le paragraphe 3 de cet article, qui a trait au cas particulier du fonctionnaire qui a bénéficié d’un détachement ou d’un congé de convenance personnelle prévu par le statut, renvoie expressément aux conditions d’application du paragraphe 2 dudit article.

20

S’agissant de l’interprétation à donner aux termes « entrer au service d’une administration » figurant à l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut, il convient de rappeler qu’il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêt du 15 octobre 2015, Axa Belgium, C‑494/14, EU:C:2015:692, point 21 et jurisprudence citée).

21

Quant au contexte dans lequel s’insère l’article 11 de l’annexe VIII du statut, il importe de rappeler que les dispositions des articles 11 et 12 de cette annexe ont été modifiées par la réforme du statut effectuée par le règlement no 723/2004. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 32 de ce règlement, le législateur de l’Union a voulu modifier les règles relatives à l’indemnité de départ pour tenir compte de la réglementation de l’Union en matière de portabilité des droits à pension d’ancienneté et, à cet effet, corriger certaines incohérences et introduire plus de flexibilité.

22

La modification de ces dispositions reflète la volonté du législateur de l’Union de réduire le nombre de cas dans lesquels les agents n’ayant pas droit à une pension d’ancienneté en raison du fait qu’ils ont accompli moins de dix années de service peuvent recevoir une allocation de départ et d’étendre la possibilité de transfert des droits à pension d’ancienneté vers un autre régime de pensions.

23

Quant à l’objectif poursuivi par la réforme du statut effectuée par le règlement no 723/2004 en instituant la portabilité des droits à pension d’ancienneté comme étant la règle, l’allocation de départ subsistant en tant que mécanisme dérogatoire et exceptionnel auquel s’appliquent des conditions strictes, il convient d’indiquer que le législateur de l’Union a entendu favoriser l’attractivité de la fonction publique de l’Union. À cet égard, le système de transfert des droits à pension d’ancienneté, tel que prévu à l’article 11 de l’annexe VIII du statut, en permettant une coordination entre les régimes nationaux et le régime de pensions de l’Union, vise à faciliter le passage des emplois nationaux, publics ou privés, à l’administration de l’Union et à garantir ainsi à l’Union les meilleures possibilités de choix d’un personnel qualifié déjà doté d’une expérience professionnelle appropriée (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2004, My, C‑293/03, EU:C:2004:821, point 44 et jurisprudence citée).

24

C’est dans le but d’avoir un plus grand choix parmi un personnel doté d’une expérience professionnelle adéquate que le législateur de l’Union a instauré une flexibilité accrue en matière de portabilité des droits à pension d’ancienneté dans les deux sens, mettant ainsi fin aux incertitudes auxquelles certains agents devaient faire face au regard de l’éventualité d’une cessation de leur relation d’emploi et de l’impossibilité d’obtenir des droits à pension d’ancienneté équivalents.

25

Ainsi, si la Cour avait déjà considéré, avant la réforme du statut effectuée par le règlement no 723/2004, que l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut permettait, en cas de retour au régime national, d’y faire transférer l’équivalent actuariel des droits à pension d’ancienneté acquis dans le régime de pensions de l’Union (arrêt du 29 juin 1988, Gritzmann-Martignoni/Commission, 124/87, EU:C:1988:345, point 17), tel est d’autant plus le cas depuis cette réforme.

26

Or, l’interprétation restrictive des conditions de portabilité des droits à pension d’ancienneté prévues à l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut, à laquelle s’est livrée l’administration française, en ce sens que le fonctionnaire national qui a exercé des fonctions pour une durée limitée au sein d’une institution de l’Union se voit refuser la portabilité des droits à pension d’ancienneté acquis pendant cette durée, va clairement à l’encontre de l’objectif poursuivi par cette disposition, consistant à garantir une grande flexibilité en matière de portabilité des droits à pension d’ancienneté et permettant le choix d’un personnel qualifié.

27

Il en découle que le transfert de l’équivalent actuariel des droits à pension d’ancienneté prévu à l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut doit pouvoir être demandé tant par les fonctionnaires et les agents contractuels qui se voient affectés pour la première fois au service d’une administration nationale que par ceux qui y retournent au terme notamment d’une mise en disponibilité ou d’un congé pour convenances personnelles.

28

Toute autre interprétation de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut, qui priverait une personne telle que le requérant au principal de son droit au transfert de l’équivalent actuariel des droits à pension d’ancienneté acquis dans le régime de pensions de l’Union, serait incompatible avec les dispositions du traité FUE relatives au principe de la libre circulation des travailleurs.

29

À cet égard, il importe de rappeler qu’un fonctionnaire ou un agent de l’Union est susceptible de revêtir la qualité de travailleur migrant au sens de l’article 45 TFUE. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante qu’un ressortissant de l’Union travaillant dans un État membre autre que son État membre d’origine ne perd pas la qualité de travailleur, au sens de cet article, du fait qu’il occupe un emploi auprès d’une organisation internationale (arrêts du 16 février 2006, Öberg, C‑185/04, EU:C:2006:107, point 12 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 octobre 2016, Adrien e.a., C‑466/15, EU:C:2016:749, point 24 et jurisprudence citée).

30

Il s’ensuit qu’un ressortissant de l’Union travaillant pour une institution ou un organe de celle-ci dans un État membre autre que son État membre d’origine, tel que le requérant au principal, ne saurait se voir refuser le bénéfice des droits et des avantages sociaux que lui procure l’article 45 TFUE (arrêt du 6 octobre 2016, Adrien e.a., C‑466/15, EU:C:2016:749, point 25 ainsi que jurisprudence citée).

31

Conformément à une jurisprudence constante, l’article 45 TFUE s’oppose à toute mesure qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, des libertés fondamentales garanties par le traité (arrêt du 6 octobre 2016, Adrien e.a., C‑466/15, EU:C:2016:749, point 26 ainsi que jurisprudence citée).

32

Ainsi, la Cour a jugé que le fait de priver un travailleur du droit à la totalisation des périodes accomplies sous la législation de plusieurs États membres, sans prendre en compte les périodes accomplies dans les organisations internationales, constituerait une entrave à la libre circulation des travailleurs au sens de l’article 45 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2013, Gardella, C‑233/12, EU:C:2013:449, point 45).

33

En l’occurrence, l’interprétation de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut effectuée par l’administration française est de nature à défavoriser les fonctionnaires de l’État membre concerné qui ont fait usage de leur liberté de circulation en acceptant un emploi dans une institution de l’Union, par rapport aux fonctionnaires restés dans cet État membre, ces derniers bénéficiant d’une période de cotisation ininterrompue alors que les premiers, en raison du refus du transfert des droits à pension d’ancienneté acquis dans le régime de pensions de l’Union, devraient subir une interruption de leurs périodes de cotisation.

34

Par ailleurs, la Cour a déjà jugé, s’agissant de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, que, en refusant de prendre les mesures nécessaires au transfert de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat des droits à pension d’ancienneté acquis dans le régime de pensions national au régime de pensions de l’Union, prévu à cet article, cet État membre rend plus difficile le recrutement, par l’Union, de fonctionnaires nationaux ayant une certaine ancienneté, étant donné qu’un tel passage du service national au service des institutions de l’Union aurait pour effet de les priver des droits à pension d’ancienneté auxquels ils auraient droit s’ils n’avaient pas accepté d’entrer au service de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2004, My, C‑293/03, EU:C:2004:821, point 45, et du 4 février 2015, Melchior, C‑647/13, EU:C:2015:54, point 26).

35

Or, de telles conséquences ne sauraient être admises au regard du devoir de coopération et d’assistance loyales qui incombe aux États membres à l’égard de l’Union et qui trouve son expression dans l’obligation, prévue à l’article 4, paragraphe 3, TUE, de faciliter à celle-ci l’accomplissement de sa mission (arrêt du 16 décembre 2004, My, C‑293/03, EU:C:2004:821, point 48, ainsi que ordonnance du 9 juillet 2010, Ricci et Pisaneschi, C‑286/09, non publiée, EU:C:2010:420, point 33).

36

En outre, conformément à la jurisprudence de la Cour, le respect du statut, qui est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable, s’impose aux États membres (arrêts du 20 octobre 1981, Commission/Belgique, 137/80, EU:C:1981:237, point 7, et du 10 mai 2017, de Lobkowicz, C‑690/15, EU:C:2017:355, point 42), en ce compris non seulement les juridictions nationales, mais également tous les organes de l’État membre concerné, y compris les autorités administratives (arrêt du 19 décembre 2019, GRDF, C‑236/18, EU:C:2019:1120, point 35).

37

Il en découle que, en dehors des effets que le statut déploie dans l’ordre intérieur de l’administration de l’Union, il oblige également les États membres dans toute la mesure où leur concours est nécessaire à sa mise en œuvre (arrêts du 20 octobre 1981, Commission/Belgique, 137/80, EU:C:1981:237, point 8, et du 13 février 2019, Rohart, C‑179/18, EU:C:2019:111, point 15 ainsi que jurisprudence citée), et les administrations nationales doivent s’abstenir de toutes mesures tendant à limiter le champ d’application des opportunités offertes par le statut.

38

Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut doit être interprété en ce sens que le transfert de l’équivalent actuariel des droits à pension d’ancienneté peut être demandé tant par les fonctionnaires et les agents contractuels qui intègrent pour la première fois une administration nationale après avoir été employés dans une institution de l’Union que par ceux qui y retournent après avoir exercé des fonctions dans une telle institution dans le cadre d’une mise en disponibilité ou d’un congé pour convenances personnelles.

Sur les dépens

39

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

L’article 11, paragraphe 1, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne doit être interprété en ce sens que le transfert de l’équivalent actuariel des droits à pension d’ancienneté peut être demandé tant par les fonctionnaires et les agents contractuels qui intègrent pour la première fois une administration nationale après avoir été employés dans une institution de l’Union que par ceux qui y retournent après avoir exercé des fonctions dans une telle institution dans le cadre d’une mise en disponibilité ou d’un congé pour convenances personnelles.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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