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Document 62005TJ0299

Sommaire de l'arrêt

Affaire T-299/05

Shanghai Excell M&E Enterprise Co. Ltd et Shanghai Adeptech Precision Co. Ltd

contre

Conseil de l’Union européenne

«Dumping — Importations de certaines balances électroniques originaires de Chine — Statut d’entreprise évoluant en économie de marché — Article 2, paragraphe 7, sous a) et c), et paragraphe 10, et article 11, paragraphe 9, du règlement (CE) no 384/96»

Arrêt du Tribunal (première chambre) du 18 mars 2009   II ‐ 572

Sommaire de l’arrêt

  1. Recours en annulation – Intérêt à agir – Intérêt s’appréciant à la date d’introduction du recours – Recours d’un importateur visant à contester la procédure ayant conduit à l’imposition d’un droit antidumping – Droit antidumping expiré

    (Art. 230 CE et 233, al. 1, CE)

  2. Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Traitement individuel des entreprises exportatrices d’un pays n’ayant pas une économie de marché – Conditions – Pouvoir d’appréciation des institutions – Contrôle juridictionnel – Limites

    (Règlement du Conseil no 384/96)

  3. Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Marge de dumping – Détermination de la valeur normale – Importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché tels que visés à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement no 384/96 – Application des règles relatives aux pays à économie de marché – Interprétation stricte – Application réservée aux producteurs satisfaisant aux conditions cumulatives énoncées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), dudit règlement

    (Règlement du Conseil no 384/96, art. 2, § 7)

  4. Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Marge de dumping – Détermination de la valeur normale – Importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché tels que visés à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement no 384/96 – Procédure d’évaluation des conditions permettant à un producteur de pouvoir bénéficier du statut d’entreprise évoluant en économie de marché

    [Règlement du Conseil no 384/96, art. 2, § 7, c)]

  5. Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Procédure de réexamen – Détermination de la valeur normale – Méthode, suivie pendant l’enquête initiale, non conforme aux dispositions de l’article 2 du règlement no 384/96

    (Règlement du Conseil no 384/96, art. 2, 17 et 11, § 9)

  6. Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Marge de dumping – Détermination de la valeur normale – Recours à la valeur construite

    (Règlement du Conseil no 384/96, art. 2, § 10)

  7. Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Marge de dumping – Comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation – Ajustements

    (Règlement du Conseil no 384/96, art. 2, § 10)

  1.  L’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci, sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté.

    Toutefois, le fait que l’acte attaqué en annulation cesse de produire des effets en cours d’instance n’entraîne pas, à lui seul, l’obligation pour le juge communautaire de prononcer un non-lieu à statuer pour défaut d’objet ou pour défaut d’intérêt à agir à la date du prononcé de l’arrêt. En outre, un requérant peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte d’une institution communautaire pour permettre d’éviter que l’illégalité dont celui-ci est prétendument entaché ne se reproduise à l’avenir. Un tel intérêt à agir découle de l’article 233, premier alinéa, CE, en vertu duquel les institutions dont émane l’acte annulé sont tenues de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt. Un tel intérêt à agir ne saurait exister que si l’illégalité alléguée est susceptible de se reproduire à l’avenir indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu au recours formé par le requérant.

    Tel est le cas d’un recours en annulation introduit par des entreprises soumises à un droit antidumping à la suite d’une procédure de réexamen, alors même que ledit droit n’est plus d’application, dans la mesure où elles contestent la procédure qui a conduit à son imposition. En effet, contrairement à l’appréciation sur le fond de l’existence d’une pratique de dumping, les modalités d’une procédure de réexamen sont susceptibles d’être reprises à l’avenir dans le cadre de procédures analogues, de sorte que les requérantes conservent un intérêt à agir contre le règlement attaqué, même s’il est désormais privé d’effet à leur égard, dans la perspective de procédures antidumping futures dirigées contre elles.

    De plus, un requérant peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte l’affectant directement pour obtenir la constatation, par le juge communautaire, d’une illégalité commise à son égard, de sorte qu’une telle constatation puisse servir de base à un éventuel recours en indemnité destiné à réparer de façon adéquate le dommage causé par l’acte attaqué. En outre, une constatation d’illégalité pourrait constituer la base d’une éventuelle négociation extrajudiciaire entre le Conseil et les requérantes visant à réparer le dommage subi par ces dernières.

    De surcroît, considérer que les actes adoptés par les institutions ayant des effets limités dans le temps et cessant de produire ceux-ci après l’introduction d’un recours en annulation, mais avant que le Tribunal ne puisse prononcer l’arrêt pertinent, échappent à tout contrôle juridictionnel, s’ils n’ont pas donné lieu à la perception de sommes, serait incompatible avec l’esprit de l’article 230 CE, qui présuppose que dans une communauté de droit, comme la Communauté européenne, ni les États membres ni les institutions ne peuvent échapper au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle de base qu’est le traité ni au droit qui découle de ce dernier.

    (cf. points 43, 46, 48-51, 53, 55-57)

  2.  Dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Il en résulte que le contrôle du juge communautaire sur les appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits, ou de l’absence de détournement de pouvoir. Il en va de même en ce qui concerne des situations de fait, d’ordre juridique et politique, qui se manifestent dans le pays concerné et que les institutions communautaires doivent évaluer pour déterminer si un exportateur agit dans les conditions du marché sans intervention significative de l’État et peut, par suite, bénéficier de l’octroi du statut propre aux entreprises évoluant en économie de marché.

    Il relève de la marge d’appréciation des institutions communautaires d’examiner la conformité de la comptabilité des entreprises voulant bénéficier du statut d’entreprise évoluant en économie de marché avec les standards comptables internationalement reconnus de leur choix. Il appartient aux entreprises en cause, si elles ne sont pas d’accord avec ce choix, de démontrer que les standards sélectionnés par les institutions ne sont pas internationalement reconnus ou que les éventuelles violations par leur comptabilité desdits standards ne constituent pas de telles violations à la lumière d’autres standards internationalement reconnus.

    (cf. points 79-81, 90, 255)

  3.  La méthode de détermination de la valeur normale d’un produit visée à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement antidumping de base no 384/96, en tant qu’exception à la méthode spécifique prévue à cette fin à l’article 2, paragraphe 7, sous a), cette dernière étant en principe applicable dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, doit être interprétée strictement.

    En outre, la charge de la preuve incombe au producteur-exportateur qui souhaite bénéficier du statut d’entreprise évoluant en économie de marché. En effet, l’article 2, paragraphe 7, sous c), dudit règlement de base prévoit que la requête «doit […] contenir des preuves suffisantes». Partant, il n’incombe pas aux institutions communautaires de prouver que le producteur-exportateur ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier dudit statut. Il appartient, en revanche, aux institutions communautaires d’apprécier si les éléments fournis par le producteur-exportateur sont suffisants pour démontrer que les conditions cumulatives posées par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base sont remplies et au juge communautaire de vérifier si cette appréciation est entachée d’une erreur manifeste.

    (cf. points 76, 82, 83)

  4.  Dans le cadre de la procédure d’évaluation des conditions permettant à un producteur de pouvoir bénéficier du statut d’entreprise évoluant en économie de marché, l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement antidumping de base no 384/96, qui prévoit un délai de trois mois à compter de l’ouverture de l’enquête par la Commission, ne contient aucune indication quant aux conséquences d’un dépassement de ce délai. En particulier, cet article ne précise pas si un tel dépassement entraîne l’octroi obligatoire dudit statut ou l’impossibilité de continuer l’enquête, seules raisons pour lesquelles un règlement instituant des droits antidumping définitifs, adopté à la suite d’une décision sur l’octroi dudit statut, pourrait être annulé automatiquement du fait dudit dépassement. Partant, dans la mesure où une telle précision ne ressort pas davantage d’une autre disposition du règlement de base, il est nécessaire d’examiner la finalité et la structure dudit règlement afin de déterminer s’il doit être interprété en ce sens qu’il impose l’octroi obligatoire dudit statut ou l’impossibilité de continuer l’enquête de réexamen concernée lorsque le délai de trois mois est dépassé par la Commission.

    À cet égard, il ressort d’une lecture des dispositions du règlement de base concernant d’autres délais, notamment ceux visés aux articles 8, paragraphe 5, et 9, paragraphes 2 et 4, que, lorsque le règlement de base entend sanctionner l’inobservation d’un délai procédural par les institutions par une acceptation de plein droit d’une demande, ou par d’autres conséquences concrètes, il l’indique expressément. En outre, il ressort de la finalité et de la structure du règlement de base que, au moins dans le cadre de certaines enquêtes de réexamen, celui-ci doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que le dépassement par la Commission du délai de trois mois propre à l’enquête empêche les institutions communautaires d’adopter un règlement imposant aux entreprises en cause des droits antidumping. En effet, il serait inapproprié de conclure que, si les entreprises concernées par une enquête de réexamen étaient établies dans un pays n’ayant pas d’économie de marché et demandaient à bénéficier dudit statut, la Commission devrait s’abstenir de poursuivre l’enquête à leur égard si elle dépassait le délai de trois mois, car cela nuirait au but de la demande initiale de ces entreprises, à savoir l’obtention d’un réexamen de leur situation individuelle. Il serait également inapproprié de conclure que la Commission devrait engager une nouvelle enquête, dans la mesure où cela ne ferait qu’aggraver en pratique la méconnaissance dudit délai.

    De plus, le délai de trois mois, imposé en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base, a pour objet d’assurer que la question de savoir si le producteur remplit les critères mentionnés audit article ne soit pas tranchée en fonction de son effet sur le calcul de la marge de dumping. Ainsi, la dernière phrase de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base s’oppose à ce que les institutions, après avoir adopté une décision sur le statut d’entreprise évoluant en économie de marché, réévaluent par la suite les informations dont elles disposaient à cet égard. Partant, l’effet utile dudit délai ne serait pas remis en cause si, pendant la période comprise entre l’expiration du délai de trois mois et la décision sur ledit statut, et eu égard aux circonstances de l’espèce, il y avait lieu de constater que les entreprises demandant la reconnaissance dudit statut avaient mis la Commission dans l’impossibilité de savoir quel effet pourrait avoir sa décision concernant ce statut sur le calcul de la marge de dumping.

    Enfin, en l’absence d’une disposition prévoyant soit expressément, soit implicitement, les conséquences du dépassement d’un délai procédural, un tel dépassement ne peut entraîner l’annulation en tout ou en partie de l’acte dont le processus d’adoption comprend le délai en cause que s’il est établi que, en l’absence de cette prétendue irrégularité, ledit acte aurait pu avoir un contenu différent.

    (cf. points 116, 117, 119, 120, 122, 124, 125, 127, 128, 138)

  5.  Bien que l’article 11, paragraphe 9, du règlement antidumping de base no 384/96 prévoie que, dans toutes les enquêtes de réexamen effectuées en vertu dudit article, la Commission applique, dans la mesure où les circonstances n’ont pas changé, la même méthode que dans l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit, il ressort également dudit article que la méthode appliquée doit être conforme aux dispositions des articles 2 et 17 du règlement de base.

    Il s’ensuit que les institutions ne sont pas tenues d’appliquer dans une enquête de réexamen une méthode qui a été suivie pendant l’enquête initiale si celle-ci n’est pas conforme aux dispositions de l’article 2 du règlement de base. En effet, dans le cadre de la comparaison du prix à l’exportation avec la valeur normale, pour des entreprises d’un pays n’ayant pas une économie de marché, auxquelles le statut d’entreprise évoluant en économie de marché n’a pas été reconnu, et pour lesquelles une valeur normale d’un pays analogue a été choisie, toute interprétation contraire aboutirait à une situation absurde dans laquelle, si le Conseil calculait la valeur normale sur la base de l’addition des prix réels à l’exportation ainsi que des prix réels des ventes de l’exportateur du pays analogue choisi, ces entreprises pourraient demander à bon droit l’annulation du règlement leur imposant des droits antidumping, pour violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, tandis que, si le Conseil calculait une valeur normale construite, ces entreprises pourraient demander l’annulation dudit règlement pour violation de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base.

    En outre, l’obligation prévue par l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base ne comporte pas l’obligation ou l’interdiction d’effectuer des visites de vérification dans le cadre de l’enquête de réexamen selon que ces visites aient été effectuées ou non dans le cadre de l’enquête initiale. En effet, la vérification d’une information ne peut pas être considérée comme faisant partie de la méthode choisie pour déterminer l’existence du dumping, mais, uniquement, comme un moyen de se procurer des renseignements permettant d’appliquer la méthode en question.

    (cf. points 176-178, 187)

  6.  Selon l’économie du règlement antidumping de base no 384/96, la construction de la valeur normale vise à déterminer le prix de vente d’un produit tel qu’il serait si ce produit était vendu dans son pays d’origine ou d’exportation et, par conséquent, ce sont les frais afférents aux ventes sur le marché intérieur qui doivent être pris en considération pour calculer la valeur construite. Dans le cadre de la construction de la valeur normale, les institutions ne sont pas tenues de prendre en considération les frais réels de la société examinée, mais une estimation raisonnable des frais de vente, des dépenses administratives et des autres frais généraux que cette société devrait supporter si elle commercialisait le produit en cause en quantités suffisantes dans son État d’origine.

    En ce qui concerne la pratique de déductions correspondant aux commissions d’agence, qui peut s’avérer nécessaire, en vertu de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, pour tenir compte des différences existant entre le prix à l’exportation et la valeur normale affectant leur comparabilité, de telles déductions ne sauraient être pratiquées sur une valeur qui a été construite et qui, partant, n’est pas réelle. En effet, cette valeur ne se voit pas affectée, en principe, d’éléments pouvant nuire à sa comparabilité, tels que l’existence de commissions d’agence, car elle a été artificiellement déterminée en additionnant différents éléments parmi lesquels ne se trouvent pas de payements ou de marges bénéficiaires en faveur de distributeurs, assimilables à une telle commission et devant être déduits.

    (cf. points 258, 266)

  7.  Il ressort tant de la lettre que de l’économie de l’article 2, paragraphe 10, du règlement antidumping de base no 384/96 qu’un ajustement du prix à l’exportation ou de la valeur normale peut être opéré uniquement pour tenir compte des différences concernant des facteurs qui affectent les prix et donc leur comparabilité. Or, tel n’est pas le cas d’une commission qui n’a pas réellement été payée.

    Pour pouvoir opérer un tel ajustement, les institutions doivent se fonder sur des éléments susceptibles de démontrer, ou permettant de déduire, qu’une commission a effectivement été payée et qu’elle est de nature à affecter dans une mesure déterminée la comparabilité entre le prix à l’exportation et la valeur normale.

    Toutefois, l’introduction d’une seconde phrase dans l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base permet désormais d’opérer un ajustement non seulement au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées, mais aussi au titre de la marge perçue par des opérateurs commerciaux du produit s’ils remplissent des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions. Par conséquent, même lorsque aucune commission n’a été versée aux sociétés de commercialisation liées aux producteurs exportateurs, une déduction au titre de commissions d’agence sur le prix à l’exportation est légale, dans la mesure où cette dernière peut être également pratiquée si, aucune commission n’ayant été effectivement versée, les opérateurs commerciaux en cause exercent des fonctions assimilables à celles d’un agent et perçoivent une marge commerciale.

    (cf. points 272, 274, 279, 281, 282)

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