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Document 62013FJ0008

    CP / Parlement

    ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
    DE L’UNION EUROPÉENNE
    (troisième chambre)

    26 mars 2014

    Affaire F‑8/13

    CP

    contre

    Parlement européen

    « Fonction publique – Fonctionnaire – Chef d’unité – Période d’essai – Non-confirmation dans les fonctions de chef d’unité – Réaffectation dans une fonction autre que d’encadrement – Règles internes du Parlement »

    Objet :      Recours, introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis, selon lequel CP demande, d’une part, l’annulation de la décision du 23 mars 2012 par laquelle le Parlement européen ne l’a pas confirmé dans ses fonctions de chef d’unité, ainsi que, d’autre part, la réparation des préjudices subis en raison de l’illégalité de cette décision.

    Décision :      La décision du 23 mars 2012 par laquelle le Parlement européen n’a pas confirmé CP dans ses fonctions de chef d’unité et l’a transféré avec son emploi à la direction générale « Politiques internes de l’Union » est annulée. Le recours est rejeté pour le surplus. Le Parlement européen supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens de CP.

    Sommaire

    1.      Recours des fonctionnaires – Recours dirigé contre la décision de rejet de la réclamation – Effet – Saisine du juge de l’acte contesté – Condition – Motivation de la décision de rejet devant coïncider avec l’acte contesté

    (Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

    2.      Fonctionnaires – Organisation des services – Affectation du personnel – Réaffectation – Pouvoir d’appréciation de l’administration – Limites – Intérêt du service – Réaffectation sur une fonction autre que d’encadrement d’un chef d’unité n’ayant pas donné satisfaction – Admissibilité

    (Statut des fonctionnaires, art. 7, § 1, et 51)

    3.      Fonctionnaires – Vacance d’emploi – Pourvoi par voie de mutation – Période d’essai – Établissement d’un programme d’action en cas de difficultés éprouvées par le fonctionnaire – Obligation de participation de l’intéressé dans l’élaboration du programme – Obligation de l’administration d’agir promptement dès la survenance de difficultés

    (Statut des fonctionnaires, art. 21 et 21 bis ; réglementation interne du Parlement européen relative à la confirmation dans des fonctions de chef d’unité, de directeur et de directeur général)

    4.      Fonctionnaires – Vacance d’emploi – Pourvoi par voie de mutation – Période d’essai – Fixation des objectifs à atteindre au début d’une période d’évaluation – Inobservation – Conséquence – Censure de l’évaluation

    (Statut des fonctionnaires, art. 43 ; réglementation interne du Parlement européen relative à la confirmation dans des fonctions de chef d’unité, de directeur et de directeur général)

    5.      Fonctionnaires – Principes – Droits de la défense – Obligation d’entendre l’intéressé avant l’adoption d’un acte lui faisant grief – Portée – Application aux mesures de réaffectation

    (Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 41, § 2)

    6.      Fonctionnaires – Organisation des services – Affectation du personnel – Réaffectation – Pouvoir d’appréciation de l’administration – Devoir de sollicitude incombant à l’administration – Prise en considération des intérêts de l’agent concerné – Contrôle juridictionnel – Limites

    (Statut des fonctionnaires, art. 7, § 1)

    1.      Les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de la fonction publique de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome.

    Toutefois, compte tenu de sa finalité même, qui est de permettre à l’administration de revoir sa décision, la procédure précontentieuse présente un caractère évolutif, de sorte que, dans le système des voies de recours prévu aux articles 90 et 91 du statut, l’administration peut, tout en rejetant la réclamation, être conduite à modifier les motifs sur le fondement desquels elle avait adopté l’acte contesté. Pour autant, lorsque la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation tend seulement à répondre à cette dernière, c’est bien la légalité de l’acte initial faisant grief qui est examinée, et ce, au regard des motifs contenus dans la décision de rejet de la réclamation.

    (voir points 18 et 21)

    Référence à :

    Cour : 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8

    Tribunal de première instance : 6 avril 2006, Camόs Grau/Commission, T‑309/03, point 43

    Tribunal de l’Union européenne : 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, points 55 à 60

    Tribunal de la fonction publique : 15 décembre 2010, Angulo Sánchez/Conseil, F‑67/09, point 70 ; 28 mars 2012, BD/Commission, F‑36/11, point 47

    2.      L’autorité investie du pouvoir de nomination puise directement dans l’article 7, paragraphe 1, du statut le pouvoir de réaffecter des fonctionnaires dans l’intérêt du service, sans que ce pouvoir soit subordonné à l’adoption de règles d’exécution, et il serait contraire à cet intérêt de maintenir dans un poste d’encadrement un fonctionnaire qui, par hypothèse, n’aurait pas fait la preuve d’une compétence adéquate pour l’occuper.

    Dès lors, ladite autorité peut se baser directement sur l’article 7, paragraphe 1, du statut pour réaffecter sur une fonction autre que d’encadrement un chef d’unité n’ayant pas donné satisfaction.

    Par ailleurs, l’article 51 du statut n’est pas de nature à remettre en cause ce qui précède. Cet article vise, en effet, la situation particulière d’un fonctionnaire qui, sur base de plusieurs rapports d’évaluation consécutifs, fait preuve d’insuffisance professionnelle et risque de ce fait un licenciement, une rétrogradation ou un classement dans un groupe de fonctions inférieur avec ou sans maintien du grade. Il a ainsi trait à une situation différente de celle d’un chef d’unité qui n’encourt pas une de ces mesures en cas d’insuffisance.

    (voir points 31 à 33)

    3.      Des règles internes d’une institution, selon lesquelles les notateurs et le fonctionnaire en période d’essai établissent le programme d’action au cours d’un entretien, doivent se lire à la lumière du principe hiérarchique dont la portée est précisée par les articles 21 et 21 bis du statut et en vertu duquel le supérieur a normalement le pouvoir de faire prévaloir sa volonté sur celle de ses subordonnés. Aussi en cas de désaccord, la décision sur le contenu du programme d’action incombe-t-elle au notateur final. Toutefois, la participation du fonctionnaire concerné à l’élaboration du programme d’action se justifie par la nécessité que ce programme prenne adéquatement en compte ses difficultés et réponde à ses besoins. Partant, le programme d’action ne saurait remplir son rôle si ledit fonctionnaire n’a pas été mis en mesure de prendre part à son adoption. Au cas où de telles règles internes ne se bornent pas à prévoir que le fonctionnaire concerné est entendu mais qu’elles l’associent aux notateurs dans l’élaboration du programme d’action, celle-ci doit être qualifiée de substantielle. Cette formalité n’est pas respectée si le programme d’action est établi par les notateurs puis seulement communiqué au fonctionnaire après avoir été arrêté par ceux-ci.

    En outre, même si les règles internes prévoient que la procédure conduisant à l’établissement d’un programme d’action peut être enclenchée à tout moment, il s’ensuit desdites règles que le programme ne peut être établi in extremis. En effet, elles indiquent que la procédure conduisant à l’établissement d’un programme d’action pendant la période d’essai doit être entamée sans délai en cas de difficultés, et établie pour les mois restants, et que l’autorité investie du pouvoir de nomination doit être informée régulièrement de l’évolution de la situation, l’objectif étant clairement de garantir un effet utile à ce programme. Par conséquent, il découle d’une telle disposition, a fortiori si elle est lue à la lumière du devoir de sollicitude, que les notateurs doivent agir promptement, dès la survenance de difficultés.

    (voir points 46 et 48)

    Référence à :

    Cour : 7 mai 1991, Interhotel/Commission, C‑291/89, point 17 ; 7 mai 1991, Oliveira/Commission, C‑304/89, point 21

    Tribunal de première instance : 23 mars 2000, Gogos/Commission, T‑95/98, point 53

    4.      La raison d’être de la période d’essai imposée aux nouveaux chefs d’unité d’une institution est suffisamment proche de celle justifiant le stage imposé aux nouveaux fonctionnaires. De même, l’évaluation au terme de la période probatoire présente suffisamment de similitude avec l’évaluation périodique visée à l’article 43 du statut. Or, un stage, pour être significatif, doit s’être déroulé dans des conditions normales. De plus, lorsqu’il existe des règles prescrivant la fixation d’objectifs à un fonctionnaire au début d’une période d’évaluation, la méconnaissance de ces règles a un caractère substantiel et justifie la censure de l’évaluation litigieuse.

    Ainsi, s’il ressort des règles internes d’une institution que la décision de confirmation ou non en qualité de chef d’unité doit résulter d’une évaluation portant sur l’ensemble de la période d’essai au vu des objectifs précis fixés pour cette période, la circonstance selon laquelle l’intéressé n’aurait pas satisfait à un programme d’action ne saurait en aucun cas justifier ladite décision, alors même que ce programme a été établi de manière irrégulière et tardive.

    Par ailleurs, une fiche de description de poste ne saurait, en tant que telle, être considérée comme un document fixant les objectifs d’un fonctionnaire, ces deux catégories de documents ayant des objets et des caractéristiques différents.

    (voir points 57, 58, 65 et 75)

    Référence à :

    Tribunal de première instance : 30 novembre 1994, Correia/Commission, T‑568/93, point 34 ; 28 novembre 2007, Vounakis/Commission, T‑214/05, point 43

    Tribunal de la fonction publique : 13 décembre 2007, Sundholm/Commission, F‑42/06, points 39 à 41 ; 2 juillet 2009, Giannini/Commission, F‑49/08, point 65 ; 10 novembre 2009, N/Parlement, F‑71/08, points 56 à 60 ; 12 mai 2011, AQ/Commission, F‑66/10, points 68 et 88

    5.      Une mesure de réaffectation ne relève pas d’une procédure ouverte à l’encontre du fonctionnaire concerné et, dans ces conditions, celui-ci ne saurait se prévaloir de l’obligation pour l’institution de respecter à son égard les droits de la défense, comme tels. Toutefois, les droits de la défense recouvrent assurément, tout en étant plus étendus, le droit procédural pour toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

    Or, le droit d’être entendu dans toute procédure de cet ordre constitue un principe fondamental du droit de l’Union consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, disposition qui assure le droit à une bonne administration. À cet égard, selon le quatrième considérant de son préambule, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a pour objectif de renforcer la protection des droits fondamentaux en les rendant plus visibles. À l’instar de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le but de ladite charte consiste à protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs.

    (voir points 79 à 81)

    Référence à :

    Cour : 22 novembre 2012, M., C‑277/11, points 81 à 83 ; 18 juillet 2013, Commission/Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, points 98 et 99

    Tribunal de la fonction publique : 5 décembre 2012, Z/Cour de justice, F‑88/09 et F‑48/10, points 144 à 147, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑88/13 P

    6.      Dans le cadre de la réaffectation du fonctionnaire, le devoir de sollicitude impose à l’autorité de procéder à un examen effectif, complet, et circonstancié de la situation au vu de l’intérêt du service et de l’intérêt du fonctionnaire concerné, lequel intérêt s’exprime, le cas échéant, dans les observations que ce dernier formule sur les éléments qui lui sont soumis.

    À cet égard, lorsque l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les institutions soient en mesure d’établir que la décision attaquée a été adoptée moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation.

    (voir points 82 et 83)

    Référence à :

    Cour : 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C‑310/04, point 122 ; 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, point 34

    Tribunal de l’Union européenne : 14 novembre 2013, ICdA e.a./Commission, T‑456/11, point 46

    Tribunal de la fonction publique : 11 juillet 2007, Wils/Parlement, F‑105/05, point 75 ; 23 octobre 2013, D’Agostino/Commission, F‑93/12, point 57, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑670/13 P

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