Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62011FJ0052

    De Nicola / BEI

    ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
    DE L’UNION EUROPÉENNE
    (première chambre)

    11 novembre 2014

    Affaire F-52/11

    Carlo De Nicola

    contre

    Banque européenne d’investissement (BEI)

    « Fonction publique – Personnel de la BEI – Harcèlement moral – Procédure d’enquête – Rapport du comité d’enquête – Définition erronée du harcèlement moral – Décision du président de la BEI de ne pas donner suite à la plainte – Annulation – Recours en indemnité »

    Objet :      Recours, introduit au titre de l’article 270 TFUE, par lequel M. De Nicola demande, en substance, d’une part, l’annulation de la décision du 1er septembre 2010 par laquelle le président de la Banque européenne d’investissement (BEI ou ci-après la « Banque ») a rejeté sa plainte pour harcèlement moral et « organisationnel » et, d’autre part, la condamnation de la BEI à réparer les préjudices qu’il estime avoir subis en raison dudit harcèlement.

    Décision :      La décision du 1er septembre 2010 par laquelle le président de la Banque européenne d’investissement a rejeté la plainte pour harcèlement moral de M. De Nicola est annulée. La Banque européenne d’investissement est condamnée à payer à M. De Nicola la somme de 3 000 euros. Le recours est rejeté pour le surplus. La Banque européenne d’investissement supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par M. De Nicola.

    Sommaire

    1.      Recours des fonctionnaires – Agents de la Banque européenne d’investissement – Acte faisant grief – Notion – Acte préparatoire – Avis du comité d’enquête en matière de harcèlement

    (Code de conduite du personnel de la Banque européenne d’investissement art. 3.6 ; Politique en matière de dignité au travail de la Banque européenne d’investissement point 5.5)

    2.      Fonctionnaires – Agents de la Banque européenne d’investissement – Harcèlement moral – Notion – Atteinte à l’estime de soi et à la confiance en soi – Absence d’exigence d’une intention malveillante du harceleur

    (Code de conduite du personnel de la Banque européenne d’investissement, art. 3.6.1 ; Politique en matière de dignité au travail de la Banque européenne d’investissement, art. 2.1)

    3.      Procédure juridictionnelle – Requête introductive d’instance – Exigences de forme – Exposé clair et précis des moyens invoqués

    [Règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, art. 35, § 1, e)]

    1.      Seules font grief les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de ce dernier. Lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, en principe ne constituent des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l’administration au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale. Les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief et ce n’est qu’à l’occasion d’un recours contre la décision prise au terme de la procédure que le requérant peut faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés.

    L’avis du comité d’enquête de la Banque européenne d’investissement compétent au titre de la politique en matière de dignité au travail constitue un acte préparatoire de la décision finale prise par le président de la Banque européenne d’investissement. L’avis dudit comité d’enquête n’étant par conséquent pas un acte attaquable en tant que tel, les conclusions tendant à son annulation doivent être rejetées comme irrecevables.

    En revanche, l’illégalité de l’avis dudit comité d’enquête peut être invoquée à l’appui des conclusions tendant à l’annulation de la décision finale prise par le président de la Banque européenne d’investissement. En effet, il découle de la réglementation interne intitulée « Politique en matière de respect de la dignité de la personne au travail », adoptée par la Banque européenne d’investissement et visée à l’article 3.6 du code de conduite du personnel de la Banque, que l’avis du comité d’enquête constitue une formalité substantielle dont, par voie de conséquence, le non-respect, du fait d’irrégularités d’ordre matériel ou procédural, constitue un vice entachant la légalité de la décision du président de la Banque prise sur la base dudit avis.

    (voir points 142, 144 et 145)

    Référence à :

    Tribunal de première instance : arrêt D/BEI, T-275/02, EU:T:2005:81, points 43 à 46, et la jurisprudence citée

    Tribunal de la fonction publique : arrêt Donati/BCE, F-63/09, EU:F:2012:193, point 139

    2.      Aux termes de l’article 3.6.1 du code de conduite de la Banque européenne d’investissement, le harcèlement moral est défini comme la répétition, au cours d’une période assez longue, de propos, d’attitudes ou d’agissements hostiles ou déplacés, exprimés ou manifestés par un ou plusieurs membres du personnel envers un autre membre du personnel. La politique en matière de dignité au travail de la Banque précise que le fait que le comportement en cause soit intentionnel ou non n’est pas pertinent. Le principe déterminant est que le harcèlement et l’intimidation sont des comportements indésirables et inacceptables qui portent atteinte à l’estime de soi et à la confiance en soi de celui qui en fait l’objet.

    Il s’ensuit que, par rapport à la réglementation interne de la Banque, il y a harcèlement moral, donnant lieu à une obligation d’assistance dans le chef de la Banque, lorsque les propos, les attitudes ou les agissements du harceleur ont entraîné objectivement, et donc par leur contenu, une atteinte à l’estime de soi et à la confiance en soi de la personne qui en a fait l’objet au sein de la Banque.

    N’est pas conforme à cette réglementation interne contraignante l’avis du comité d’enquête en matière de harcèlement moral qui exige qu’une conduite soit intentionnelle pour être constitutive de harcèlement moral.

    (voir points 143, 149, 150 et 154)

    Référence à :

    Tribunal de la fonction publique : arrêt CG/BEI, F-103/11, EU:F:2014:185, point 69

    3.      En vertu de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, la requête doit contenir l’exposé des moyens et des arguments de fait et de droit invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de la fonction publique de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même.

    Il importe d’ajouter que le rôle essentiel de l’avocat, en tant qu’auxiliaire de justice, est précisément celui de faire reposer les conclusions de la requête sur le fondement d’une argumentation en droit suffisamment compréhensible et cohérente, compte tenu du fait que la procédure écrite devant le Tribunal de la fonction publique ne comporte en principe qu’un seul échange de mémoires.

    (voir points 161 et 162)

    Référence à :

    Tribunal de la fonction publique : arrêt AH/Commission, F-76/09, EU:F:2011:12, points 29 et 31, et la jurisprudence citée

    Top