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Document 62021CJ0479

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 16 novembre 2021.
SN et SD.
Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Article 50 TUE – Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique – Article 217 TFUE – Accord de commerce et de coopération avec le Royaume-Uni – Protocole (no 21) sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision-cadre 2002/584/JAI – Maintien par l’accord de retrait, à titre transitoire, du régime du mandat d’arrêt européen à l’égard du Royaume-Uni – Application à un mandat d’arrêt européen des dispositions relatives au mécanisme de remise institué par l’accord de commerce et de coopération avec le Royaume-Uni – Régimes contraignants pour l’Irlande.
Affaire C-479/21 PPU.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:929

Affaire C‑479/21 PPU

SN
et
SD

[demande de décision préjudicielle, introduite par la Supreme Court (Irlande)]

Arrêt de la Cour(grande chambre) du 16 novembre 2021

« Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Article 50 TUE – Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique – Article 217 TFUE – Accord de commerce et de coopération avec le Royaume-Uni – Protocole (no 21) sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Décision-cadre 2002/584/JAI – Maintien par l’accord de retrait, à titre transitoire, du régime du mandat d’arrêt européen à l’égard du Royaume-Uni – Application à un mandat d’arrêt européen des dispositions relatives au mécanisme de remise institué par l’accord de commerce et de coopération avec le Royaume-Uni – Régimes contraignants pour l’Irlande  »

États membres – Retrait de l’Union européenne – Accord de retrait du Royaume-Uni et accord de commerce et de coopération avec le Royaume-Uni – Protocole n

o

21 sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière pénale – Maintien par l’accord de retrait, à titre transitoire, du régime du mandat d’arrêt européen à l’égard du Royaume-Uni – Application à un mandat d’arrêt européen des dispositions relatives au mécanisme de remise institué par l’accord de commerce et de coopération avec le Royaume-Uni – Caractère contraignant de ces régimes pour l’Irlande

[Art. 50 TUE ; art. 217 TFUE ; protocole no 21 annexé aux traités UE et FUE ; accord sur le retrait du Royaume- Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique, art. 62, § 1, b), et 185, 4e al. ; accord de commerce et de coopération UE et CEEA - Royaume-Uni, art. 632]

(voir points 43, 45-51, 53-70 et disp.)

Résumé

Les dispositions concernant le régime du mandat d’arrêt européen à l’égard du Royaume-Uni prévues dans l’accord de retrait et concernant le nouveau mécanisme de remise dans l’accord de commerce et de coopération entre l’UE et cet État tiers sont contraignantes pour l’Irlande

L’inclusion de ces dispositions dans lesdits accords ne justifiait pas l’adjonction d’une base juridique relative à l’espace de liberté, de sécurité et de justice aux fins de la conclusion de ceux-ci, si bien que lesdites dispositions ne requéraient pas, au titre du protocole (n o  21), que l’Irlande soit en mesure de choisir d’y être soumise ou non

En septembre 2020, SD a été arrêté en Irlande en vertu d’un mandat d’arrêt européen (MAE) émis par les autorités judiciaires du Royaume-Uni en mars 2020, en vue de l’exécution d’une peine privative de liberté. SN a quant à lui été arrêté en Irlande en février 2021, en vertu d’un MAE émis par les mêmes autorités en octobre 2020, en vue de l’engagement de poursuites pénales. Depuis leur arrestation, dans l’attente de la décision sur leur remise respective auxdites autorités, les intéressés sont détenus en Irlande. La High Court (Haute Cour, Irlande) ayant constaté que leur placement en détention était régulier et ayant refusé d’ordonner leur mise en liberté, les intéressés ont interjeté appel devant la Supreme Court (Cour suprême, Irlande).

Selon cette dernière juridiction, la loi irlandaise qui transpose la décision-cadre relative au MAE ( 1 ) a vocation à s’appliquer à l’égard d’un pays tiers pour autant qu’il existe un accord en vigueur entre ledit pays et l’Union en vue de la remise de personnes recherchées. Cependant, pour que cette législation s’applique, l’accord concerné, à savoir, en l’espèce, l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de l’Union ( 2 ) et l’accord de commerce et de coopération entre l’Union et cet État tiers ( 3 ), doit être contraignant pour l’Irlande. Or, tel pourrait ne pas être le cas étant donné que ces accords contiennent des mesures, relatives respectivement au régime du mandat d’arrêt européen et au nouveau mécanisme de remise entre l’Union et le Royaume-Uni, relevant de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (ci-après l’« ELSJ ») et qui, à ce titre, ne lient en principe pas l’Irlande en vertu du protocole (no 21) ( 4 ). Or, tant à l’occasion du retrait du Royaume-Uni de l’Union que lors de la conclusion de l’ACC, l’Irlande n’a pas fait usage de la faculté, offerte par ledit protocole (no 21), de se soumettre aux dispositions de ces accords relatives auxdites mesures ( 5 ).

Dans son arrêt, la Cour se prononce, en particulier, sur la question de savoir si les bases juridiques de l’accord de retrait et de l’ACC, soit, respectivement, l’article 50, paragraphe 2, TUE (qui prévoit la compétence externe de l’Union de conclure un accord de retrait) et l’article 217 TFUE (prévoyant celle de conclure un accord d’association), sont à elles seules appropriées pour fonder l’inclusion de ces mesures dans ces accords. En effet, à défaut, une base juridique matérielle relative au domaine de l’ELSJ serait requise, déclenchant l’applicabilité du protocole (no 21) et impliquant une inapplicabilité de principe de ces mêmes mesures à l’Irlande.

Appréciation de la Cour

Dans le cadre de la procédure préjudicielle d’urgence, la Cour, réunie en grande chambre, juge que sont contraignantes pour l’Irlande les dispositions de l’accord de retrait qui prévoient le maintien du régime du MAE à l’égard du Royaume-Uni pendant la période de transition et celle de l’ACC prévoyant l’application du régime de remise institué par ce dernier accord à des MAE émis avant la fin de la période de transition et concernant des personnes non encore arrêtées avant la fin de ladite période.

Examinant, en premier lieu, le choix de l’article 50 TUE comme base juridique pour l’accord de retrait, la Cour relève que c’est afin de pouvoir atteindre l’objectif consistant à permettre que le retrait d’un État membre de l’Union se fasse de façon ordonnée que le paragraphe 2 de cette disposition attribue à l’Union seule la compétence de conclure un accord fixant les modalités de ce retrait. Cet accord a vocation à régler, dans tous les domaines relevant des traités, l’ensemble des questions relatives au retrait. C’est donc en application de cette compétence que l’Union a pu conclure l’accord de retrait, lequel prévoit notamment que, sauf disposition contraire de cet accord, le droit de l’Union, y compris la décision-cadre relative au MAE, est applicable au Royaume-Uni pendant la période de transition.

La Cour ajoute que, puisqu’il ne saurait être adjoint à l’article 50, paragraphe 2, TUE des bases juridiques prévoyant des procédures incompatibles avec la procédure prévue à ses paragraphes 2 et 4, il convient d’en déduire que seul l’article 50 TUE peut garantir, dans l’accord de retrait, un traitement cohérent de l’ensemble des domaines relevant desdits traités, permettant d’assurer que le retrait s’opère de façon ordonnée. Ainsi, l’article 50, paragraphe 2, TUE constituant l’unique base juridique appropriée pour conclure l’accord de retrait, le protocole (no 21) ne pouvait trouver à s’appliquer.

Examinant, en second lieu, le choix de l’article 217 TFUE comme base juridique de l’ACC, la Cour relève que les accords conclus sur le fondement de cette disposition peuvent contenir des règles concernant tous les domaines relevant de la compétence de l’Union. Or, étant donné que l’Union dispose, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous j), TFUE, d’une compétence partagée en ce qui concerne le domaine de l’ELSJ, des mesures relevant de ce domaine peuvent être incluses dans un accord d’association tel que l’ACC.

Le mécanisme de remise institué par l’ACC relevant bien de ce domaine de compétence, la Cour examine ensuite si l’inclusion d’un tel mécanisme dans un accord d’association requiert également l’adjonction d’une base juridique spécifique de l’Union relative au domaine de l’ELSJ ( 6 ). À cet égard, étant donné, notamment, la portée étendue de l’ACC, l’inclusion, dans cet accord, de dispositions relevant de l’ELSJ s’intègre dans l’objectif général dudit accord, qui est de jeter les bases d’une relation large entre l’Union et le Royaume-Uni. Le mécanisme de remise institué par l’ACC poursuivant ce seul objectif, il n’est pas nécessaire, comme le prévoit la jurisprudence relative aux actes poursuivant plusieurs objectifs, d’y adjoindre une autre base juridique. Par conséquent, les règles de l’ACC relatives à la remise pouvaient être fondées sur le seul article 217 TFUE, sans que les dispositions du protocole (no 21) trouvent à s’appliquer.


( 1 ) Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24).

( 2 ) Accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7) (ci-après l’« accord de retrait »).

( 3 ) Accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord, d’autre part (JO 2021, L 149, p. 10) (ci-après l’« ACC »).

( 4 ) Protocole (no 21) sur la position du Royaume Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé aux traités UE et FUE (JO 2012, C 326, p. 295) [ci-après le « protocole (no 21) »]. D’après ce protocole, l’Irlande n’est pas liée par les mesures relevant de l’ELSJ, à moins d’avoir manifesté son souhait d’appliquer l’une d’elles.

( 5 ) En vertu de l’article 62, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 185, quatrième alinéa, de l’accord de retrait, le régime du MAE prévu par la décision-cadre relative au MAE est applicable à l’égard du Royaume-Uni pendant la période de transition, à savoir jusqu’au 31 décembre 2020. Aux termes de l’article 632 de l’ACC, les dispositions relatives à la remise prévues par cet ACC sont applicables aux MAE émis conformément à la décision-cadre relative au MAE avant la fin de la période de transition, lorsque la personne recherchée n’a pas été arrêtée aux fins de l’exécution d’un MAE avant la fin de cette même période.

( 6 ) L’article 82, paragraphe 1, second alinéa, sous d), TFUE est cité.

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