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Document 62007CJ0288

    Sommaire de l'arrêt

    Affaire C-288/07

    Commissioners of Her Majesty’s Revenue & Customs

    contre

    Isle of Wight Council e.a.

    [demande de décision préjudicielle, introduite par la High Court of Justice (England & Wales) (Chancery Division)]

    «Sixième directive TVA — Article 4, paragraphe 5 — Activités accomplies par un organisme de droit public — Exploitation de parcs de stationnement payants — Distorsions de concurrence — Signification des expressions ‘conduirait à’ et ‘d’une certaine importance’»

    Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 12 juin 2008   I - 7208

    Arrêt de la Cour (grande chambre) du 16 septembre 2008   I - 7219

    Sommaire de l'arrêt

    1. Dispositions fiscales – Harmonisation des législations – Taxes sur le chiffre d'affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Assujettis – Organismes de droit public

      (Directive du Conseil 77/388, art. 4, § 5, al. 2)

    2. Dispositions fiscales – Harmonisation des législations – Taxes sur le chiffre d'affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Assujettis – Organismes de droit public

      (Directive du Conseil 77/388, art. 4, § 5, al. 2)

    3. Dispositions fiscales – Harmonisation des législations – Taxes sur le chiffre d'affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Assujettis – Organismes de droit public

      (Directive du Conseil 77/388, art. 4, § 5, al. 2)

    1.  L'article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprété en ce sens que les distorsions de concurrence d'une certaine importance auxquelles conduirait le non-assujettissement des organismes de droit public agissant en tant qu'autorités publiques doivent être évaluées par rapport à l'activité en cause, en tant que telle, sans que cette évaluation porte sur un marché local en particulier.

      En effet, un organisme de droit public peut être chargé, en vertu du droit national, de l’exercice de certaines activités de nature essentiellement économique dans le cadre d’un régime juridique qui lui est particulier, ces mêmes activités pouvant également être exercées en parallèle par des opérateurs privés, de telle sorte que le non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée dudit organisme peut avoir pour résultat la survenance de certaines distorsions de concurrence.

      L'article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive, vise à éviter ce résultat indésirable en prévoyant que les activités précisément énumérées à l'annexe D de cette directive sont, «en tout état de cause», à moins qu'elles ne soient négligeables, assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, quand bien même elles sont exercées par les organismes de droit public agissant en tant qu'autorités publiques. En d'autres termes, le non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des organismes de droit public pour ces activités est présumé conduire à des distorsions de concurrence, à moins que lesdites activités ne soient négligeables. Il ressort ainsi de l'article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive que l'assujettissement desdits organismes à la taxe résulte de l'exercice des activités énumérées à l'annexe D de cette même directive en tant que telles, indépendamment de la question de savoir si un organisme de droit public donné fait face ou non à une concurrence au niveau du marché local sur lequel il exerce ces mêmes activités.

      En outre, peuvent exister, au niveau national, d'autres activités de nature essentiellement économique, non énumérées à l'annexe D de la sixième directive, dont la liste peut varier d'un État membre à l'autre ou d'un secteur économique à l'autre, qui sont exercées en parallèle tant par des organismes de droit public en leur qualité d'autorités publiques que par des opérateurs privés. C'est précisément à ces activités que s'applique l'article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive, qui prévoit que les organismes de droit public, même lorsqu'ils agissent en tant qu'autorités publiques, doivent être considérés comme des assujettis dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance.

      Les deuxième et troisième alinéas dudit article 4, paragraphe 5, sont, par conséquent, étroitement liés dans la mesure où ils poursuivent le même objectif, à savoir l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des organismes de droit public, même lorsque ces derniers agissent en tant qu'autorités publiques. Ces alinéas sont ainsi soumis à la même logique, par laquelle le législateur communautaire a entendu limiter le champ d'application du non-assujettissement des organismes de droit public, afin que soit respectée la règle générale, énoncée aux articles 2, point 1, et 4, paragraphes 1 et 2, de cette directive, selon laquelle toute activité de nature économique est, en principe, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. Par conséquent, les deuxième et troisième alinéas de l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive doivent être interprétés dans leur ensemble. Il s'ensuit que l'assujettissement des organismes de droit public à la taxe sur la valeur ajoutée, que ce soit sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive, ou sur celui du troisième alinéa de cette disposition, résulte de l'exercice d'une activité donnée en tant que telle, indépendamment de la question de savoir si lesdits organismes font face ou non à une concurrence au niveau du marché local sur lequel ils accomplissent cette activité.

      Le respect du principe de neutralité fiscale est ainsi assuré, étant donné que tous les organismes de droit public sont soit assujettis, soit non assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, la seule entorse à ce principe ne concernant que les rapports entre ces organismes et les opérateurs privés, et cela dans la mesure où les distorsions de concurrence restent mineures. L'appréciation de l'existence de distorsions de concurrence au regard de chacun des marchés locaux sur lesquels les autorités locales opèrent leurs activités présupposerait une réévaluation systématique, sur la base d’analyses économiques souvent complexes, des conditions de concurrence sur une multitude de marchés locaux, dont la détermination peut s’avérer particulièrement difficile dans la mesure où la délimitation de ceux-ci ne coïncide pas nécessairement avec la compétence territoriale des autorités locales. Dans ce cas, ni les autorités locales ni les opérateurs privés ne seraient en mesure de prévoir avec la certitude requise pour conduire leurs affaires si, sur un marché local donné, l'activité exercée par les autorités locales sera ou non soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, ce qui risquerait de compromettre les principes de neutralité fiscale et de sécurité juridique.

      (cf. points 33-41, 46, 49, 51-53, disp. 1)

    2.  Les termes «conduirait à», au sens de l'article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doivent être interprétés en ce sens qu'ils prennent en considération non seulement la concurrence actuelle, mais également la concurrence potentielle, pour autant que la possibilité pour un opérateur privé d'entrer sur le marché pertinent soit réelle, et non purement hypothétique.

      En effet, le non-assujettissement des organismes de droit public à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive constitue une dérogation à la règle générale de l'assujettissement de toute activité de nature économique et, dès lors, il convient d'interpréter cette disposition de manière stricte. Or, l'article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de cette directive restaure ladite règle générale pour éviter que le non-assujettissement de ces organismes conduise à des distorsions de concurrence d'une certaine importance. Cette dernière disposition ne saurait donc recevoir une interprétation étroite.

      Toutefois, la possibilité purement théorique pour un opérateur privé d'entrer sur le marché pertinent, qui ne serait étayée par aucun élément de fait, aucun indice objectif ou aucune analyse du marché, ne saurait être assimilée à l'existence d'une concurrence potentielle. Pour qu'elle le soit, cette possibilité doit être réelle, et non purement hypothétique.

      (cf. points 60, 64, 65, disp. 2)

    3.  L'expression «d'une certaine importance», au sens de l'article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être comprise en ce sens que les distorsions de concurrence actuelles ou potentielles doivent être plus que négligeables.

      En effet, cette expression doit être comprise comme visant à restreindre le champ d'application du non-assujettissement, en vertu de l'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive, des organismes pour lesdites activités. Or, si cette expression devait être comprise comme signifiant notable, voire exceptionnelle, le champ d'application du non-assujettissement des organismes de droit public serait indûment élargi. En revanche, si le non-assujettissement de ces derniers n'était admis que dans le cas où il ne conduirait qu'à des distorsions de concurrence négligeables, sa portée serait effectivement circonscrite.

      Ensuite, il ressort de l'article 4, paragraphe 5, troisième alinéa, de la sixième directive, que le non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des organismes de droit public pour les activités énumérées à l'annexe D de cette directive est admis pour autant que ces activités sont négligeables, présumant ainsi que les distorsions de concurrence qui en résulteraient seraient également négligeables. Dès lors que le deuxième et le troisième alinéas de l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive sont étroitement liés dans la mesure où ils poursuivent le même objectif et qu'ils sont soumis à la même logique, l'expression «d'une certaine importance» doit être comprise en ce sens que le non-assujettissement des organismes publics ne peut être admis que dans le cas où il ne conduirait qu'à des distorsions de concurrence négligeables.

      Enfin, le non-assujettissement desdits organismes à la taxe sur la valeur ajoutée, dans les hypothèses où il ne conduirait à aucune distorsion de concurrence ou conduirait à des distorsions négligeables, porterait l’atteinte la plus restreinte possible au principe de neutralité fiscale.

      (cf. points 72-76, 78, 79, disp. 3)

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