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Document 62019TJ0684

    Arrêt du Tribunal (deuxième chambre élargie) du 16 mars 2022.
    Magyar Energetikai és Közmű-szabályozási Hivatal (MEKH) et FGSZ Földgázszállító Zrt. contre Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie.
    Énergie – Règlement (UE) 2017/459 – Code de réseau adopté par la Commission incluant un « processus relatif aux capacités supplémentaires » – Décision de l’ACER approuvant la réalisation d’un projet de capacité supplémentaire – Exception d’illégalité – Incompétence de la Commission – Article 6, paragraphe 11, article 7, paragraphe 3, et article 8, paragraphe 6, du règlement (CE) no 715/2009.
    Affaires jointes T-684/19 et T-704/19.

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2022:138

    Affaires jointes T‑684/19 et T‑704/19

    Magyar Energetikai és Közmű-szabályozási Hivatal (MEKH)
    et
    FGSZ Földgázszállító Zrt.

    contre

    Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie

    Arrêt du Tribunal (deuxième chambre élargie) du 16 mars 2022

    « Énergie – Règlement (UE) 2017/459 – Code de réseau adopté par la Commission incluant un « processus relatif aux capacités supplémentaires » – Décision de l’ACER approuvant la réalisation d’un projet de capacité supplémentaire – Exception d’illégalité – Incompétence de la Commission – Article 6, paragraphe 11, article 7, paragraphe 3, et article 8, paragraphe 6, du règlement (CE) no 715/2009 »

    1. Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Conditions de recevabilité – Décision de l’agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) approuvant la réalisation d’un projet de capacités supplémentaires sur un réseau de transport de gaz naturel – Acte instituant l’ACER prévoyant une voie de recours interne contre la décision de l’ACER – Recours en annulation introduit contre la décision de l’ACER sans épuisement de la voie de recours interne – Irrecevabilité

      (Art. 263, 5e al., TFUE ; règlement du Parlement européen et du Conseil 2019/942, considérant 34 et art. 28 et 29)

      (voir points 29-32, 35-39, 41, 42)

    2. Actes des institutions – Application dans le temps – Règles de procédure – Règles de fond – Distinction

      (voir point 33)

    3. Recours en annulation – Recours dirigé contre une décision de la commission de recours de l’agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) – Acte instituant l’ACER excluant la possibilité d’avancer devant le Tribunal des moyens non présentés devant ladite commission – Exception d’illégalité soulevée pour la première fois dans le cadre du recours en annulation – Recevabilité

      (Art. 263 et 277 TFUE ; règlement du Parlement européen et du Conseil 2019/942, art. 29)

      (voir points 47-51)

    4. Exception d’illégalité – Portée – Actes dont l’illégalité peut être excipée – Règlement n’ayant pas été attaqué sur le fondement de l’article 263 TFUE – Exception d’illégalité introduite par une autorité nationale n’étant pas à l’évidence recevable à agir en annulation – Recevabilité

      (Art. 263, 4e al., et 277 TFUE ; règlement de la Commission 2017/459)

      (voir points 54, 55)

    5. Exception d’illégalité – Portée – Actes dont l’illégalité peut être excipée – Acte de caractère général fondant la décision attaquée – Nécessité d’un lien juridique entre l’acte attaqué et l’acte général contesté

      (Art. 277 TFUE)

      (voir point 58)

    6. Rapprochement des législations – Mesures de rapprochement – Règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel – Règlement no 715/2009 – Conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel – Habilitation de la Commission pour établir des codes de réseau dans certains domaines – Portée – Code de réseau adopté par la Commission incluant un processus relatif aux capacités supplémentaires – Inadmissibilité

      (Règlement du Parlement européen et du Conseil no 715/2009, art. 6, § 11, 1er al., et 8, § 6 ; règlement de la Commission 2017/459, art. 22 à 31 ; directive du Parlement européen et du Conseil 2009/73)

      (voir points 66-74, 95-97, 100, 102-105, 109,110, 114, 119, 123-126, 128, 134, 135)

    7. Rapprochement des législations – Mesures de rapprochement – Règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel – Règlement no 715/2009 – Conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel – Établissement de codes de réseau – Règlement de la Commission établissant un code de réseau sur les mécanismes d’attribution des capacités dans les systèmes de transport de gaz – Mise en œuvre d’un processus relatif aux capacités supplémentaires – Mesure destinée à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur du gaz – Base juridique – Article 114 TFUE

      (Art. 114 TFUE ; règlement du Parlement européen et du Conseil no 715/2009, art. 1er ; règlement de la Commission 2017/459, art. 22 à 31)

      (voir points 83-88)

    8. Institutions de l’Union européenne – Exercice des compétences – Pouvoir conféré à la Commission pour l’adoption d’actes délégués – Obligation de ne pas modifier des éléments essentiels de l’acte législatif de base – Règlement de base habilitant la Commission à adopter des codes de réseau dans certains domaines – Code de réseau comportant des règles relatives à un domaine non visé par le règlement de base – Inadmissibilité – Modification concernant un élément essentiel du règlement de base

      [Règlement du Parlement européen et du Conseil no 715/2009, art. 6, § 11, 2e al., 7, § 3, et 8, § 6, g) ; règlement de la Commission 2017/459, art. 22 à 31 ; directive du Parlement européen et du Conseil 2009/73]

      (voir points 137-141)

    Résumé

    En 2015, FGSZ Földgázszállító Zrt., gestionnaire du réseau de transport de gaz hongrois (ci après « FGSZ »), ainsi que ses homologues bulgare, roumain et autrichien se sont lancés dans un projet de coopération régionale visant à accroître l’indépendance énergétique en introduisant le gaz de la mer Noire. Ce projet prévoyait l’augmentation des capacités supplémentaires à deux points d’interconnexion, dont celui existant entre la Hongrie et l’Autriche (ci-après le « projet HUAT »). À ce titre, FGSZ et son homologue autrichien, Gas Connect Austria GmbH (ci-après « GCA »), ont publié un rapport d’évaluation conjoint, conformément au règlement 2017/459 établissant un code de réseau sur les mécanismes d’attribution des capacités dans les systèmes de transport de gaz ( 1 ).

    En application du même règlement ( 2 ), FGSZ a formellement soumis à l’autorité de régulation de l’énergie et des services publics hongroise, Magyar Energetikai és Közmű-szabályozási Hivatal (MEKH), la proposition de projet HUAT, tout en soulignant qu’elle n’était pas en faveur de la mise en œuvre de ce projet. GCA a, quant à elle, soumis la proposition à l’autorité de régulation des secteurs de l’électricité et du gaz naturel autrichienne, Energie-Control Austria für die Regulierung der Elektrizitäts- und Erdgaswirtschaft (E-Control).

    E-Control a approuvé la proposition de projet HUAT, tandis que MEKH l’a rejetée. Les autorités de régulation nationales n’étant pas parvenues à un accord, l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) a adopté, à son tour, une décision portant approbation de la proposition de projet HUAT (ci-après la « décision initiale »).

    MEKH et FGSZ ont chacune introduit un recours contre la décision initiale devant la commission de recours de l’ACER. Leurs recours ayant été rejetés par ladite commission, MEKH (affaire T‑684/19) et FGSZ (affaire T‑704/19) ont saisi le Tribunal de deux recours en annulation de cette décision de rejet, le recours de MEKH tendant également à l’annulation de la décision initiale. Au soutien de son recours, MEKH excipait notamment de l’illégalité du chapitre V du règlement 2017/459.

    Dans son arrêt, la deuxième chambre élargie du Tribunal, tout en déclarant irrecevable le recours en annulation de MEKH pour autant qu’il est dirigé contre la décision initiale, fait droit à l’exception d’illégalité soulevée par cette dernière et annule, par conséquence, la décision de rejet de la commission de recours de l’ACER.

    Appréciation du Tribunal

    À titre liminaire, le Tribunal déclare irrecevable le recours en annulation de MEKH en ce qu’il est dirigé contre la décision initiale. À cet égard, il relève que la recevabilité d’un recours en annulation formé par des personnes physiques ou morales contre des actes d’ACER destinés à produire des effets juridiques à leur égard est à examiner au regard des modalités particulières prévues par l’acte instituant cette agence, à savoir le règlement 2019/942 ( 3 ). Or, conformément audit règlement, seule la décision de la commission de recours de l’ACER est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal ( 4 ).

    En revanche, nonobstant le fait que MEKH n’avait pas soulevé d’exception d’illégalité du chapitre V du règlement 2017/459 devant la commission de recours de l’ACER, cette exception, invoquée par MEKH devant le Tribunal, est déclarée recevable par celui-ci. En effet, dès lors que seul le juge de l’Union est habilité à constater l’illégalité d’un acte de portée générale ( 5 ), MEKH était en droit de soulever cette exception pour la première fois devant le Tribunal en vue de contester la validité de la décision de rejet de la commission de recours de l’ACER.

    Quant au bien-fondé de cette exception d’illégalité, le Tribunal relève d’abord que le règlement 2017/459, qui établit un code de réseau sur les mécanismes d’attribution des capacités dans les systèmes de transport de gaz, instaure, par son chapitre V, un processus relatif aux capacités supplémentaires qui est susceptible d’imposer une obligation, à la charge des gestionnaires de réseau de transport, de consacrer les investissements nécessaires à la création de capacités supplémentaires sur le réseau. En effet, il ressort des termes mêmes dudit chapitre V ( 6 ) qu’un projet de capacités supplémentaires est lancé lorsque les différentes conditions y prévues sont réunies, ce qui implique que les gestionnaires du réseau de transport sont tenus de procéder aux investissements nécessaires à cette fin.

    Ensuite, le Tribunal examine si, en élaborant un code de réseau prévoyant un tel processus de création de capacités supplémentaires, la Commission a dépassé les limites de l’habilitation attribuée par le règlement de base, à savoir le règlement no 715/2009 concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel ( 7 ).

    Compte tenu du fait que, en vertu dudit règlement de base, la Commission est seulement habilitée à adopter des codes de réseau dans certains domaines limitativement énumérés et à condition que le réseau européen des gestionnaires de réseau de transport pour le gaz (ci-après le « REGRT ») n’ait pas encore élaboré un tel code dans le domaine concerné ( 8 ), le Tribunal vérifie, en premier lieu, si le chapitre V du règlement 2017/459 est rattachable à l’un des domaines visés.

    À cet égard, il découle d’une interprétation littérale du règlement de base que les domaines y énumérés ne sont pas susceptibles d’inclure la question de la création des capacités supplémentaires sur le réseau. De même, l’interprétation contextuelle dudit règlement révèle une distinction entre, d’une part, les domaines pour lesquels le REGRT est compétent pour élaborer des codes de réseau et, d’autre part, l’encadrement des investissements nécessaires à la création de capacités supplémentaires sur le réseau, pour lesquels le REGRT coordonne l’exercice par les États membres de leur propre compétence. En outre, le Tribunal relève que c’est au titre de la directive 2009/73 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel ( 9 ) que les gestionnaires de réseau de transport sont soumis, le cas échéant, à l’obligation de consacrer les investissements nécessaires à la création de telles capacités supplémentaires. Dans ce cadre, il appartient aux États membres de veiller au respect de cette obligation, sans qu’il soit reconnu au REGRT ou à la Commission une compétence normative à cet égard. Enfin, aucun des motifs du règlement de base ne permet de déceler une finalité consistant à habiliter le REGRT et, par voie de conséquence, la Commission à élaborer un code de réseau s’étendant à la question des investissements nécessaires à la création des capacités supplémentaires.

    Le chapitre V du règlement 2017/459 n’étant pas rattachable à l’un des domaines limitativement énumérés dans le règlement de base, le Tribunal examine, en second lieu, si la Commission était habilitée à adopter les règles régissant le processus relatif aux capacités supplémentaires en vertu d’autres dispositions dudit règlement de base, autorisant la Commission à en modifier les éléments non essentiels à l’occasion de l’adoption d’un code de réseau ( 10 ).

    Or, en vertu d’une jurisprudence constante, les éléments essentiels d’une réglementation de base sont ceux dont l’adoption nécessite d’effectuer des choix politiques relevant des responsabilités propres du législateur de l’Union. En l’espèce, le législateur de l’Union a fait le choix politique de confier la mise en œuvre des règles relatives à la création des capacités supplémentaires aux seuls États membres, l’habilitation reconnue au REGRT et, par extension, à la Commission dans le domaine des règles d’attribution des capacités ( 11 ) ne concernant que les capacités existantes sur le réseau. Il s’ensuit que la modification apportée par le chapitre V, consistant à étendre cette habilitation à la création de capacités supplémentaires, concerne un élément essentiel du règlement de base.

    Concluant, ainsi, que la Commission n’était pas habilitée à instaurer un processus relatif aux capacités supplémentaires, le Tribunal fait droit à l’exception d’illégalité et déclare inapplicable le chapitre V du règlement 2017/459. Comme la décision de rejet de la commission de recours de l’ACER faisait application dudit chapitre, le Tribunal accueille, en outre, les recours en annulation en ce qu’ils sont dirigés contre cette décision, en l’annulant avec effet erga omnes.


    ( 1 ) Article 26 du règlement (UE) 2017/459 de la Commission, du 16 mars 2017, établissant un code de réseau sur les mécanismes d’attribution des capacités dans les systèmes de transport de gaz et abrogeant le règlement (UE) no 984/2013 (JO 2017, L 72, p. 1).

    ( 2 ) Article 28, paragraphe 1, du règlement 2017/459.

    ( 3 ) Règlement (UE) 2019/942 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, instituant une agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (refonte) (JO 2019, L 158, p. 22).

    ( 4 ) Considérant 34 et articles 28 et 29 du règlement 2019/942.

    ( 5 ) Article 277 TFUE.

    ( 6 ) Article 22, paragraphe 3, du règlement 2017/459.

    ( 7 ) Règlement (CE) no 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel et abrogeant le règlement (CE) no 1775/2005 (JO 2009, L 211, p. 36) (ci-après le « règlement de base »).

    ( 8 ) Article 6 du règlement de base.

    ( 9 ) Directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO 2009, L 211, p. 94).

    ( 10 ) Article 6, paragraphe 11, second alinéa, et 7, paragraphe 3, du règlement de base.

    ( 11 ) Article 8, paragraphe 6, sous g), du règlement de base.

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