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Document 62016TJ0061

Arrêt du Tribunal (huitième chambre) du 7 décembre 2017.
The Coca-Cola Company contre Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle.
Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative Master – Marques de l’Union européenne figuratives antérieures Coca-Cola et nationale figurative antérieure C – Motif relatif de refus – Profit indûment tiré de la renommée des marques antérieures – Éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale, en dehors de l’Union, d’un signe comprenant la marque demandée – Déductions logiques – Décision prise à la suite de l’annulation par le Tribunal d’une décision antérieure – Article 8, paragraphe 5, et article 65, paragraphe 6, du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 5, et article 72, paragraphe 6, du règlement (UE) 2017/1001].
Affaire T-61/16.

Court reports – general

Affaire T‑61/16

The Coca-Cola Company

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative Master – Marques de l’Union européenne figuratives antérieures Coca-Cola et nationale figurative antérieure C – Motif relatif de refus – Profit indûment tiré de la renommée des marques antérieures – Éléments de preuve relatifs à l’utilisation commerciale, en dehors de l’Union, d’un signe comprenant la marque demandée – Déductions logiques – Décision prise à la suite de l’annulation par le Tribunal d’une décision antérieure – Article 8, paragraphe 5, et article 65, paragraphe 6, du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 5, et article 72, paragraphe 6, du règlement (UE) 2017/1001] »

Sommaire – Arrêt du Tribunal (huitième chambre) du 7 décembre 2017

  1. Marque de l’Union européenne – Procédure de recours – Recours devant le juge de l’Union – Compétence du Tribunal – Injonction adressée à l’Office – Exclusion

    (Art. 266 TFUE ; règlement du Conseil no 207/2009, art. 65, § 6)

  2. Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs relatifs de refus – Opposition par le titulaire d’une marque antérieure identique ou similaire jouissant d’une renommée – Protection de la marque antérieure renommée élargie à des produits ou à des services non similaires – Conditions – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure – Préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure – Critères d’appréciation

    (Règlement du Conseil no 207/2009, art. 8, § 5)

  3. Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs relatifs de refus – Opposition par le titulaire d’une marque antérieure identique ou similaire jouissant d’une renommée – Protection de la marque antérieure renommée élargie à des produits ou à des services non similaires – Preuves à apporter par le titulaire – Risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice

    (Règlement du Conseil no 207/2009, art. 8, § 5)

  4. Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs absolus de refus – Marques dépourvues de caractère distinctif – Exception – Acquisition du caractère distinctif par l’usage – Usage d’une marque en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci

    (Règlement du Conseil no 207/2009, art. 7, § 3)

  5. Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs relatifs de refus – Opposition par le titulaire d’une marque antérieure identique ou similaire jouissant d’une renommée – Protection de la marque antérieure renommée élargie à des produits ou à des services non similaires – Preuves à apporter par le titulaire – Risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice – Usage en dehors de l’Union

    (Règlement du Conseil no 207/2009, art. 8, § 5)

  6. Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs relatifs de refus – Opposition par le titulaire d’une marque antérieure identique ou similaire jouissant d’une renommée – Protection de la marque antérieure renommée élargie à des produits ou à des services non similaires – Marque figurative Master et marques figuratives Coca-Cola et C

    (Règlement du Conseil no 207/2009, art. 8, § 5)

  7. Marque de l’Union européenne – Procédure de recours – Recours devant le juge de l’Union – Compétence du Tribunal – Contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours – Contrôle de la qualification juridique donnée aux faits du litige

    (Règlement du Conseil no 207/2009, art. 65, § 2)

  8. Marque de l’Union européenne – Procédure de recours – Recours devant les chambres de recours – Compétence des chambres de recours – Nouvel examen complet du fond

    (Règlement du Conseil no 207/2009, art. 64, § 1)

  1.  Voir le texte de la décision.

    (voir points 34, 35)

  2.  Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 sur la marque de l’Union européenne que son application est soumise aux conditions suivantes : premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit ; deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée en opposition ; troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porte préjudice. Ces conditions sont cumulatives et l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition.

    S’agissant de cette troisième condition, il convient de rappeler que le risque de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure est notamment établi en cas de tentative d’exploitation et de parasitisme manifestes dans le sillage d’une marque renommée et qu’il y est, dès lors, fait référence par la notion de « risque de parasitisme ». En d’autres termes, il s’agit du risque que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée.

    Afin de déterminer si l’usage du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, il y a lieu de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés. S’agissant de l’intensité de la renommée et du degré de caractère distinctif de la marque, la Cour a jugé que plus le caractère distinctif et la renommée de cette marque seront importants, plus l’existence d’une atteinte sera aisément admise. Il résulte également de la jurisprudence que plus l’évocation de la marque par le signe est immédiate et forte, plus est important le risque que l’utilisation actuelle ou future du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice.

    (voir points 64-66)

  3.  Il appartient au titulaire de la marque antérieure qui se prévaut de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 sur la marque de l’Union européenne, de rapporter la preuve que l’usage de la marque postérieure tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de sa marque antérieure. À cette fin, le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque, comme le confirme la rédaction au conditionnel de ladite disposition. En effet, lorsqu’il est prévisible qu’une telle atteinte découlera de l’usage que le titulaire de la marque postérieure peut être amené à faire de sa marque, le titulaire de la marque antérieure ne saurait être obligé d’en attendre la réalisation effective pour pouvoir faire interdire ledit usage. Toutefois, le titulaire de la marque antérieure doit établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur ou, en d’autres termes, apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice.

    L’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, implique une analyse prospective du risque futur et non hypothétique de parasitisme dans l’Union sur la base des éléments actuellement disponibles, mais non l’établissement d’un parasitisme actuel dans l’Union. Alors que le risque de dilution, à savoir le risque qu’il soit porté préjudice au caractère distinctif des marques antérieures, suppose que soit démontrée une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée consécutive à l’usage de la marque postérieure, une telle preuve n’est pas requise pour le risque de parasitisme, à savoir le risque qu’il soit tiré indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures. Au demeurant, le risque de parasitisme est apprécié par rapport au consommateur moyen des produits et des services visés par la marque postérieure, et non par la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure.

    Selon une jurisprudence constante, une conclusion à un risque de parasitisme, de même qu’à un risque de dilution ou de ternissement, peut être établie notamment sur la base de déductions logiques – pour autant qu’elles ne se bornent pas à de simples suppositions – résultant d’une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toutes les autres circonstances de l’espèce.

    En particulier, la Cour a considéré que, dans l’appréciation globale visant à déterminer l’existence d’un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée d’une marque antérieure, il devait notamment être tenu compte du fait que l’usage des emballages et des flacons similaires à ceux des parfums imités avait pour but de profiter, à des fins publicitaires, du caractère distinctif et de la renommée des marques sous lesquelles ces parfums étaient commercialisés. La Cour a également précisé que, lorsqu’un tiers tentait par l’usage d’un signe similaire à une marque renommée de se placer dans le sillage de celle-ci afin de bénéficier de son pouvoir d’attraction, de sa réputation et de son prestige, ainsi que d’exploiter, sans aucune compensation financière et sans devoir déployer des efforts propres à cet égard, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l’image de cette marque, le profit résultant dudit usage devait être considéré comme indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque.

    Enfin, le Tribunal a itérativement jugé qu’il était possible, notamment dans le cas d’une opposition fondée sur une marque bénéficiant d’une renommée exceptionnellement élevée, que la probabilité d’un risque futur non hypothétique de préjudice ou de profit indûment tiré par la marque demandée soit tellement évidente que l’opposant n’ait pas besoin d’invoquer un autre élément factuel à cette fin, ni d’avancer la preuve de l’existence d’un tel élément.

    (voir points 67-70, 102, 106)

  4.  Il ressort de la jurisprudence de la Cour, dans le contexte de l’acquisition du caractère distinctif d’une marque par l’usage et du maintien d’une marque par la preuve de l’usage sérieux, que, de manière générale, la notion d’« usage » d’une marque englobe, de par le sens de ce terme, aussi bien l’usage indépendant de cette marque que son usage en tant que composante d’une autre marque prise dans son ensemble ou en combinaison avec celle-ci. La Cour a également précisé qu’une marque enregistrée qui est uniquement utilisée en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque doit continuer d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause.

    (voir point 75)

  5.  Le principe de territorialité, en droit des marques, implique que c’est le droit de l’État – ou de l’union d’États – où la protection d’une marque est demandée qui détermine les conditions de cette protection. Il doit être précisé que le principe de territorialité implique également que le tribunal d’un État ou d’une union d’États est compétent, en tout ou en partie, pour connaître des faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire de cet État ou de cette union d’États, à l’exclusion d’États tiers.

    Le principe de territorialité en droit des marques n’exclut nullement la prise en compte d’actes d’usage de la marque demandée en dehors de l’Union européenne pour fonder une déduction logique relative à l’utilisation commerciale probable de la marque demandée dans l’Union, afin d’établir l’existence d’un risque qu’un profit soit indûment tiré, dans l’Union, de la renommée d’une marque de l’Union européenne antérieure, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 sur la marque de l’Union européenne.

    Ainsi, des preuves d’un usage concret fait n’importe où dans le monde peuvent fournir une indication sur la manière dont la marque demandée peut être utilisée dans l’Union, de sorte qu’un tel usage en dehors de l’Union peut permettre de déterminer si l’usage de la marque demandée est susceptible de tirer indûment profit de la renommée des marques antérieures.

    Il peut donc être déduit logiquement d’une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne que son titulaire a l’intention de commercialiser ses produits ou services dans l’Union.

    (voir points 81, 88, 95, 96)

  6.  Voir le texte de la décision.

    (voir points 92-108)

  7.  En vertu de l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 sur la marque de l’Union européenne (devenu article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), le Tribunal est appelé à apprécier la légalité des décisions des chambres de recours de l’Office en contrôlant l’application du droit de l’Union effectuée par celles-ci, eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres. Ainsi, dans les limites dudit article, tel qu’interprété par la Cour, le Tribunal peut se livrer à un entier contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’Office, au besoin en recherchant si ces chambres ont donné une qualification juridique exacte aux faits du litige ou si l’appréciation des éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres n’est pas entachée d’erreurs.

    En effet, lorsqu’il est appelé à apprécier la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’Office, le Tribunal ne saurait être lié par une appréciation erronée des faits par cette chambre, dans la mesure où ladite appréciation fait partie des conclusions dont la légalité est contestée devant le Tribunal.

    (voir points 110, 111)

  8.  Voir le texte de la décision.

    (voir point 115)

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