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Document 62016CJ0165
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 14 novembre 2017.
Toufik Lounes contre Secretary of State for the Home Department.
Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Article 21 TFUE – Directive 2004/38/CE – Bénéficiaires – Double nationalité – Citoyen de l’Union ayant acquis la nationalité de l’État membre d’accueil tout en conservant sa nationalité d’origine – Droit de séjour, dans cet État membre, d’un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille du citoyen de l’Union.
Affaire C-165/16.
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 14 novembre 2017.
Toufik Lounes contre Secretary of State for the Home Department.
Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Article 21 TFUE – Directive 2004/38/CE – Bénéficiaires – Double nationalité – Citoyen de l’Union ayant acquis la nationalité de l’État membre d’accueil tout en conservant sa nationalité d’origine – Droit de séjour, dans cet État membre, d’un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille du citoyen de l’Union.
Affaire C-165/16.
Affaire C‑165/16
Toufik Lounes
contre
Secretary of State for the Home Department
[demande de décision préjudicielle,
introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court)]
« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Article 21 TFUE – Directive 2004/38/CE – Bénéficiaires – Double nationalité – Citoyen de l’Union ayant acquis la nationalité de l’État membre d’accueil tout en conservant sa nationalité d’origine – Droit de séjour, dans cet État membre, d’un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille du citoyen de l’Union »
Sommaire – Arrêt de la Cour (grande chambre) du 14 novembre 2017
Citoyenneté de l’Union–Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres–Directive 2004/38–Bénéficiaires–Membres de la famille d’un citoyen de l’Union ressortissants d’un État tiers séjournant dans l’État membre de la nationalité du citoyen–Exclusion–Citoyen de l’Union ayant acquis la nationalité de l’État membre d’accueil tout en conservant sa nationalité d’origine–Absence d’incidence
(Directive du Parlement européen et du Conseil 2004/38, art. 3, § 1, 7, § 1, et 16, § 1)
Citoyenneté de l’Union–Dispositions du traité–Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres–Membres de la famille d’un citoyen de l’Union ressortissants d’un État tiers séjournant dans l’État membre d’accueil–Citoyen de l’Union ayant acquis la nationalité de l’État membre d’accueil tout en conservant sa nationalité d’origine–Droit de séjour dérivé dans l’État membre d’accueil–Conditions
(Art. 21, § 1, TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2004/38, art. 7, § 1, et 16, § 1)
La directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doit être interprétée en ce sens que, dans une situation dans laquelle un citoyen de l’Union européenne a fait usage de sa liberté de circulation en se rendant et en séjournant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité en vertu de l’article 7, paragraphe 1, ou de l’article 16, paragraphe 1, de cette directive, puis a acquis la nationalité de cet État membre, tout en conservant également sa nationalité d’origine, et, plusieurs années après, s’est marié avec un ressortissant d’un État tiers avec lequel il continue de résider sur le territoire dudit État membre, ce ressortissant ne bénéficie pas d’un droit de séjour dérivé dans l’État membre en question sur le fondement des dispositions de ladite directive.
En effet, il ressort du libellé de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive que relèvent de son champ d’application et sont bénéficiaires des droits conférés par celle-ci les citoyens de l’Union qui se rendent ou séjournent dans un « État membre autre que celui dont [ils ont] la nationalité », ainsi que les membres de leur famille, tels que définis à l’article 2, point 2, de ladite directive, qui les accompagnent ou les rejoignent (arrêt du 12 mars 2014, O. et B., C‑456/12, EU:C:2014:135, point 38).
En outre, si cette directive a pour but de faciliter et de renforcer l’exercice du droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, il n’en demeure pas moins que son objet concerne, ainsi qu’il ressort de son article 1er, sous a), les conditions d’exercice de ce droit (arrêts du 5 mai 2011, McCarthy, C‑434/09, EU:C:2011:277, point 33, ainsi que du 12 mars 2014, O. et B., C‑456/12, EU:C:2014:135, point 41). C’est ainsi que la Cour a jugé que, dès lors que, en vertu d’un principe de droit international, un État membre ne saurait refuser à ses propres ressortissants le droit d’entrer sur son territoire et d’y demeurer et que ceux-ci y jouissent donc d’un droit de séjour inconditionnel, ladite directive n’a pas vocation à régir le séjour d’un citoyen de l’Union dans l’État membre dont celui-ci possède la nationalité.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la directive 2004/38 ne trouve plus à s’appliquer à la situation de Mme Ormazabal depuis que cette dernière a été naturalisée au Royaume-Uni. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que Mme Ormazabal a fait usage de sa liberté de circulation en se rendant et en séjournant au Royaume-Uni et a conservé sa nationalité espagnole en plus de la citoyenneté britannique. En effet, malgré cette double circonstance, il reste que, depuis l’acquisition de cette citoyenneté, Mme Ormazabal ne séjourne plus dans un « État membre autre que celui dont [elle] a la nationalité », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, et ne relève, partant, plus de la notion de « bénéficiaire » de ladite directive, au sens de cette disposition.
Compte tenu de la jurisprudence rappelée aux points 32 et 37 du présent arrêt, son conjoint ressortissant d’un État tiers, M. Lounes, ne relève pas non plus de cette notion et ne peut donc pas bénéficier d’un droit de séjour dérivé au Royaume-Uni sur le fondement de cette même directive.
(voir points 34, 36, 37, 42, 43, 44, 62 et disp.)
La directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doit être interprétée en ce sens que, dans une situation dans laquelle un citoyen de l’Union européenne a fait usage de sa liberté de circulation en se rendant et en séjournant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité en vertu de l’article 7, paragraphe 1, ou de l’article 16, paragraphe 1, de cette directive, puis a acquis la nationalité de cet État membre, tout en conservant également sa nationalité d’origine, et, plusieurs années après, s’est marié avec un ressortissant d’un État tiers avec lequel il continue de résider sur le territoire dudit État membre, ce ressortissant ne bénéficie pas d’un droit de séjour dérivé dans l’État membre en question sur le fondement des dispositions de ladite directive. Il peut toutefois bénéficier d’un tel droit de séjour en vertu de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, dans des conditions qui ne doivent pas être plus strictes que celles prévues par la directive 2004/38 pour l’octroi dudit droit à un ressortissant d’un État tiers membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui a exercé son droit de libre circulation en s’établissant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité.
En l’occurrence, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que fait, en substance, valoir le gouvernement du Royaume-Uni, la situation d’un ressortissant d’un État membre, tel que Mme Ormazabal, qui a exercé sa liberté de circulation en se rendant et en séjournant légalement sur le territoire d’un autre État membre, ne saurait être assimilée à une situation purement interne en raison du seul fait que ce ressortissant, lors de ce séjour, a acquis la nationalité de l’État membre d’accueil en sus de sa nationalité d’origine.
Les droits reconnus aux ressortissants des États membres par l’article 21, paragraphe 1, TFUE incluent celui de mener une vie familiale normale dans l’État membre d’accueil, en y bénéficiant de la présence, à leurs côtés, des membres de leur famille (voir, par analogie, arrêt du 25 juillet 2008, Metock e.a., C‑127/08, EU:C:2008:449, point 62). La circonstance qu’un ressortissant d’un État membre, qui s’est rendu et séjourne dans un autre État membre, acquiert, par la suite, la nationalité de ce dernier État membre en sus de sa nationalité d’origine ne saurait impliquer qu’il serait privé de ce droit, sous peine de méconnaître l’effet utile de l’article 21, paragraphe 1, TFUE.
L’effet utile des droits conférés aux citoyens de l’Union par l’article 21, paragraphe 1, TFUE exige qu’un citoyen dans une situation telle que celle de Mme Ormazabal puisse continuer à jouir, dans l’État membre d’accueil, des droits tirés de ladite disposition, après avoir acquis la nationalité de cet État membre en sus de sa nationalité d’origine, et, en particulier, puisse développer une vie de famille avec son conjoint ressortissant d’un État tiers, par l’octroi d’un droit de séjour dérivé à ce dernier.
(voir points 49, 52, 53, 60, 62 et disp.)