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Document 62015TJ0760

    Arrêt du Tribunal (septième chambre élargie) du 24 septembre 2019.
    Royaume des Pays-Bas e.a. contre Commission européenne.
    Aides d’État – Aide mise en exécution par les Pays-Bas – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et illégale et ordonnant sa récupération – Décision fiscale anticipée (tax ruling) – Prix de transfert – Calcul de l’assiette d’imposition – Principe de pleine concurrence – Avantage – Système de référence – Autonomie fiscale et procédurale des États membres.
    Affaires T-760/15 et T-636/16.

    Court reports – general – 'Information on unpublished decisions' section

    ECLI identifier: ECLI:EU:T:2019:669

    Affaires T‑760/15 et T‑636/16

    Royaume des Pays-Bas e.a.

    contre

    Commission européenne

    Arrêt du Tribunal (septième chambre élargie) du 24 septembre 2019

    « Aides d’État – Aide mise en exécution par les Pays-Bas – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et illégale et ordonnant sa récupération – Décision fiscale anticipée (tax ruling) – Prix de transfert – Calcul de l’assiette d’imposition – Principe de pleine concurrence – Avantage – Système de référence – Autonomie fiscale et procédurale des États membres »

    1. Procédure juridictionnelle – Requête introductive d’instance – Exigences de forme – Identification de l’objet du litige – Exposé sommaire des moyens invoqués – Écrits annexés à la requête – Recevabilité – Conditions

      [Statut de la Cour de justice, art. 21 ; règlement de procédure du Tribunal, art. 76, d)]

      (voir points 114-117)

    2. Aides accordées par les États – Notion – Octroi d’un avantage aux bénéficiaires – Décision fiscale anticipée relative aux prix de transfert d’une entreprise intégrée – Examen du traitement fiscal des transactions intragroupe au regard du principe de pleine concurrence – Admissibilité – Contrôle juridictionnel – Portée

      (Art. 107, § 1, TFUE)

      (voir points 136-156, 197-199)

    3. Aides accordées par les États – Notion – Intervention de l’État dans des domaines n’ayant pas fait l’objet d’une harmonisation dans l’Union européenne – Fiscalité directe – Inclusion – Désignation de la base d’imposition et répartition de la charge fiscale – Compétences des États membres – Limites

      (Art. 107 TFUE)

      (voir points 158-160)

    4. Aides accordées par les États – Notion – Octroi d’un avantage aux bénéficiaires – Décision fiscale anticipée relative aux prix de transfert d’une entreprise intégrée – Examen de la méthode de détermination des prix de transfert validée dans ladite décision au regard du principe de pleine concurrence – Erreurs méthodologiques identifiées par la Commission – Erreurs n’aboutissant pas nécessairement à un traitement fiscal avantageux

      (Art. 107, § 1, TFUE)

      (voir points 186-193, 200-203, 206-216)

    5. Aides accordées par les États – Notion – Octroi d’un avantage aux bénéficiaires – Décision fiscale anticipée relative aux prix de transfert d’une entreprise intégrée – Traitement fiscal avantageux – Charge de la preuve incombant à la Commission – Absence de preuve d’un avantage fiscal

      (Art. 107, § 1, TFUE)

      (voir points 194-196, 359, 371-373, 403, 501, 548, 549)

    6. Aides accordées par les États – Notion – Octroi d’un avantage aux bénéficiaires – Décision fiscale anticipée relative aux prix de transfert d’une entreprise intégrée – Traitement fiscal avantageux – Appréciation au regard des informations disponibles ou raisonnablement prévisibles au moment de l’adoption de ladite décision

      (Art. 107, § 1, TFUE)

      (voir points 241-251, 271, 288, 396)

    7. Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Décision de la Commission en matière d’aides d’État – Examen de l’existence d’un avantage

      (Art. 107, § 1, et 296, § 2, TFUE)

      (voir points 420-432)

    Résumé

    Dans l’arrêt du 24 septembre 2019, Pays-Bas e.a./Commission (T‑760/15 et T‑636/16), la septième chambre élargie du Tribunal a annulé la décision de la Commission européenne qualifiant d’aide d’État un accord préalable en matière de prix conclu par les autorités fiscales néerlandaises avec l’entreprise Starbucks Manufacturing Emea BV ( 1 ) (ci‑après « SMBV »).

    SMBV est une filiale du groupe Starbucks qui est chargée de certaines activités de production et de distribution au sein dudit groupe. Le 28 avril 2008, les autorités fiscales néerlandaises ont conclu un accord préalable en matière de prix avec SMBV (ci-après l’« accord préalable »), ayant pour objet de déterminer la rémunération de SMBV pour ses activités au sein du groupe Starbucks. La rémunération de SMBV a, par la suite, servi à déterminer annuellement le bénéfice imposable de SMBV au titre de l’impôt sur les sociétés aux Pays-Bas. Le 21 octobre 2015, la Commission a adopté sa décision qualifiant, d’une part, l’accord préalable d’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant, d’autre part, la récupération de cette aide. Le Royaume des Pays-Bas, d’un côté, et Starbucks Corp. et SMBV, d’un autre côté, ont chacun introduit un recours en annulation contre cette décision.

    L’imposition directe relevant de la compétence exclusive des États membres, le Tribunal a, en premier lieu, rappelé que ces derniers devaient néanmoins exercer cette compétence dans le respect du droit de l’Union européenne. Ainsi, les interventions des États membres en matière de fiscalité directe, quand bien même elles auraient porté sur des questions qui n’avaient pas fait l’objet d’une harmonisation dans l’Union, n’étaient pas exclues du champ d’application de la réglementation relative au contrôle des aides d’État. Il en découle que la Commission pouvait qualifier une mesure fiscale telle que l’accord préalable d’aide d’État pour autant que les conditions d’une telle qualification aient été réunies.

    En deuxième lieu, le Tribunal a exposé que, lorsque le droit fiscal national entendait imposer le bénéfice résultant de l’activité économique d’une entreprise intégrée comme s’il avait résulté de transactions effectuées dans des conditions de marché, la Commission pouvait utiliser le principe de pleine concurrence pour contrôler que les transactions intragroupe étaient rémunérées comme si elles avaient été négociées entre des entreprises indépendantes et, partant, si une décision fiscale anticipative avait conféré un avantage à son bénéficiaire au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. À cet égard, le Tribunal a précisé que le principe de pleine concurrence, tel qu’identifié par la Commission dans sa décision, constituait un outil lui permettant de contrôler que les transactions intragroupe étaient rémunérées comme si elles avaient été négociées entre des entreprises indépendantes. Il a constaté ainsi que, compte tenu du droit fiscal néerlandais, cet outil entrait dans le cadre de l’exercice des compétences de la Commission au titre de l’article 107 TFUE. La Commission était donc, en l’espèce, en mesure de vérifier si le niveau de prix pour les transactions intragroupe avalisé par l’accord préalable en cause correspondait à celui qui aurait été négocié dans des conditions de marché.

    En troisième lieu, s’agissant de la démonstration en tant que telle de l’existence d’un avantage, le Tribunal a, toutefois, estimé que la Commission n’était pas parvenue à démontrer que l’accord préalable en cause avait conféré un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en diminuant la charge fiscale de SMBV. Le Tribunal a, plus particulièrement, rejeté les différentes lignes de raisonnement exposées par la Commission, tendant à démontrer que, en entérinant une méthode de détermination des prix de transfert qui ne permettait pas d’aboutir à un résultat de pleine concurrence, l’accord préalable avait conféré un avantage à SMBV.

    Ainsi, le Tribunal a, dans un premier temps, rejeté la ligne de raisonnement selon laquelle l’accord préalable aurait conféré un avantage à SMBV au motif que le choix en lui-même de la méthode de détermination des prix pour les transactions intragroupe ne débouchait pas sur une approximation fiable d’un résultat fondé sur le marché, conformément au principe de pleine concurrence. En effet, le seul non-respect de prescriptions méthodologiques n’aboutissant pas nécessairement à une diminution de la charge fiscale, encore aurait-il fallu que la Commission ait démontré que les erreurs méthodologiques qu’elle avait identifiées dans l’accord préalable en cause ne permettaient pas d’aboutir à une approximation fiable d’un résultat de pleine concurrence et qu’elles avaient abouti à une réduction du bénéfice imposable par rapport à la charge fiscale résultant de l’application des règles d’imposition normales du droit national à une entreprise placée dans une situation factuelle comparable à celle de SMBV et exerçant ses activités dans des conditions de marché. Or, une telle preuve n’avait pas été apportée par la Commission.

    À cet égard, le Tribunal a, notamment, relevé que la Commission n’avait invoqué aucun élément permettant de conclure que la méthode retenue dans l’accord préalable pour déterminer les prix de transfert, à savoir la méthode transactionnelle de la marge nette (ci-après « MTMN »), aboutissait nécessairement à un résultat trop bas, ce qui aurait conféré un avantage à SMBV. De même, le Tribunal a exposé que le seul constat, fait par la Commission, selon lequel l’accord préalable n’avait pas analysé la redevance reversée par SMBV à une entreprise du groupe Starbucks pour l’usage de ses droits de propriété intellectuelle, dont notamment les méthodes de torréfaction et autres savoir-faire en matière de torréfaction, ne suffisait pas à démontrer que cette redevance n’était effectivement pas conforme au principe de pleine concurrence. S’agissant du montant de cette redevance payée par SMBV, aux termes d’une analyse des fonctions de SMBV relatives à la redevance et d’une analyse des accords de torréfaction comparables examinés par la Commission, le Tribunal a, en outre, estimé que la Commission n’avait pas démontré qu’il en résultait un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

    Dans un second temps, le Tribunal a examiné le raisonnement subsidiaire de la Commission selon lequel, à supposer même que la MTMN pouvait être utilisée en l’espèce pour déterminer les prix de transfert, l’accord préalable aurait conféré un avantage à SMBV du fait que les modalités d’application de ladite méthode avalisées par l’accord préalable étaient erronées. À cet égard, le Tribunal a relevé que la Commission n’avait pas démontré que les différentes erreurs qu’elle avait identifiées dans les modalités d’application de la MTMN avaient conféré un avantage à SMBV, que ce soit la validation par l’accord préalable de l’identification de SMBV en tant qu’entité à tester aux fins de l’application de la MTMN, du choix de l’indicateur du niveau de bénéfices pour l’application de la MTMN ou de certaines corrections opérées audit indicateur.


    ( 1 ) Décision (UE) 2017/502 de la Commission, du 21 octobre 2015, concernant l’aide d’État SA.38374 (2014/C ex 2014/NN) mise à exécution par les Pays-Bas en faveur de Starbucks (JO 2017, L 83, p. 38).

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