EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62015FJ0111

Arrêt du Tribunal de la fonction publique (troisième chambre) du 25 mai 2016.
GW contre Commission européenne.
Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Prise en charge de frais médicaux – Examen concret et circonstancié.
Affaire F-111/15.

Court reports – Reports of Staff Cases

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

25 mai 2016

GW

contre

Commission européenne

«Fonction publique — Fonctionnaires — Sécurité sociale — Prise en charge de frais médicaux — Examen concret et circonstancié»

Objet :

Recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis, par lequel GW demande au Tribunal d’annuler la décision de la Commission européenne refusant de considérer comme remboursables le coût des soins de santé de son épouse (ci-après « Mme T. ») repris aux décomptes nos 67 et 68 du 7 février 2014 et no 72 du 12 mars 2014.

Décision :

La décision de la Commission européenne refusant de considérer comme remboursables les frais, figurant aux décomptes nos 67 et 68, du 7 février 2014, et no 72, du 12 mars 2014, relatifs à des soins de santé de Mme T. est annulée. La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par GW.

Sommaire

  1. Recours des fonctionnaires – Recours dirigé contre la décision de rejet de la réclamation – Effet – Saisine du juge de l’acte contesté – Condition – Motivation de la décision de rejet devant coïncider avec l’acte contesté

    (Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

  2. Fonctionnaires – Sécurité sociale – Assurance maladie – Frais de maladie – Remboursement – Refus – Traitements considérés comme non fonctionnels ou non nécessaires – Refus fondé sur un avis du médecin-conseil – Contrôle juridictionnel – Limites

    (Statut des fonctionnaires, art. 72, § 1)

  3. Fonctionnaires – Sécurité sociale – Assurance maladie – Frais de maladie – Remboursement – Obligations des institutions – Respect du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude en cas de frais d’hospitalisation – Refus de prise en charge lors de la possibilité d’un traitement ambulatoire pour les prestations médicales nécessitant autrefois une hospitalisation – Charge de la preuve du caractère nécessaire d’une hospitalisation incombant à l’affilié

    (Statut des fonctionnaires, art. 72 ; réglementation relative à la couverture des risques de maladie, art. 43, 49 et 52 ; règlement du Parlement et du Conseil no 966/2012, art. 30)

  1.  Compte tenu de sa finalité même, qui est de permettre à l’administration de revoir sa décision, la procédure précontentieuse présente un caractère évolutif, de sorte que, dans le système des voies de recours prévu aux articles 90 et 91 du statut, l’administration peut, tout en rejetant la réclamation, être conduite à modifier, au vu de celle-ci, les motifs sur le fondement desquels elle avait adopté l’acte contesté. Pour autant, c’est bien la légalité de l’acte initial faisant grief qui est examinée, et ce au regard des motifs contenus dans la décision de rejet de la réclamation. Il s’ensuit que, lorsqu’un bureau liquidateur refuse la prise en charge de certains frais médicaux sur la base d’un avis défavorable et succinct de son médecin-conseil et que l’intéressé introduit une réclamation, il est loisible à l’administration, en vue de répondre à cette réclamation, de fournir des motifs plus explicites au cours de la procédure précontentieuse. De tels motifs, spécifiques relatifs au cas individuel, communiqués avant l’introduction du recours juridictionnel, sont censés coïncider avec la décision de refus et doivent donc être considérés comme des éléments d’information pertinents pour apprécier la légalité de cette dernière.

    (voir point 36)

    Référence à :

    Tribunal de l’Union européenne : arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, point 56

    Tribunal de la fonction publique : arrêt du 26 mars 2014, CP/Parlement, F‑8/13, EU:F:2014:44, point 21 et jurisprudence citée

  2.  Dans le cadre de l’assurance maladie, si l’affilié au régime commun d’assurance maladie (RCAM) peut légitimement considérer que ses frais médicaux seront, en principe, remboursés dans la limite des plafonds prévus à l’article 72, paragraphe 1, du statut, le remboursement de certains frais peut néanmoins être légalement refusé par le bureau liquidateur concerné si, après avis du médecin-conseil et, éventuellement, après avis du conseil médical, ledit bureau estime que ces frais se rapportent à un traitement ou à des prestations dont la validité scientifique n’est pas prouvée. Il est en effet pleinement justifié que le coût de traitements ou de prestations dont l’utilité thérapeutique ou la fiabilité comme moyens de diagnostic est scientifiquement contestée ne soient pas pris en charge par le RCAM, dont le financement incombe aux affiliés et aux institutions. C’est dans l’objectif d’éviter d’interminables ou inextricables débats d’experts que les appréciations portées dans ce cadre ont été confiées aux instances médicales du RCAM, à savoir les médecins-conseils et le conseil médical, à charge pour ces instances de se prononcer sur la base de la littérature scientifique, si nécessaire après avis de spécialistes ou de sommités médicales dans le domaine concerné.

    Toutefois, même si le contrôle du juge ne s’étend pas aux appréciations proprement médicales, il doit s’assurer que le médecin-conseil ou le conseil médical ont procédé à un examen concret et circonstancié de la situation qui leur était soumise, cela d’autant plus lorsque la procédure ne présente pas le même niveau de garantie en termes d’équilibre entre les parties que les procédures prévues par les articles 73 et 78 du statut. En outre, c’est à l’administration qu’il appartient d’établir qu’il a été procédé à un tel examen. Dans le cadre de leur examen concret et circonstancié, les médecins-conseils, le conseil médical et l’administration doivent se prononcer sur la base de la littérature scientifique et, au besoin, après avis de spécialistes, l’examen portant sur le caractère fonctionnel ou non d’un traitement ou d’une hospitalisation étant une question médicale, ils ne sauraient faire abstraction de l’état de santé effectif et complet de la personne concernée. Au demeurant, cette obligation de tenir compte de la situation personnelle de l’affilié au RCAM est imposée par le devoir de sollicitude, lequel recouvre largement l’obligation de procéder à un examen complet et circonstancié. À cet égard, le conseil médical ne dispose que d’une compétence consultative, ainsi qu’il ressort de l’article 41 de la réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires de l’Union européenne. Une recommandation du conseil médical ne constitue pas en tant que telle une norme applicable par l’administration ni, par conséquent, une norme opposable aux fonctionnaires et agents de l’Union. Dans ces conditions, l’avis du conseil médical ne peut lier un médecin-conseil d’une manière qui empêche ce dernier d’examiner si un traitement donné était ou non « fonctionnel » dans le cas concerné.

    (voir points 38 à 40, 49 et 50)

    Référence à :

    Tribunal de l’Union européenne : arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 32, 61 et 88

    Tribunal de la fonction publique : arrêts du 18 septembre 2007, Botos/Commission, F‑10/07, EU:F:2007:161, points 63 et 64 ; du 8 juillet 2008, Birkhoff/Commission, F‑76/07, EU:F:2008:95, point 62, et du 28 septembre 2011, Allen/Commission, F‑23/10, EU:F:2011:162, point 76

  3.  L’article 49 de la réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires de l’Union européenne (la réglementation de couverture), prise sur le fondement de l’article 72 du statut, dispose que « l’objectif financier du régime commun d’assurance maladie (RCAM) est d’assurer un équilibre […] entre les dépenses et les recettes ». De plus, l’article 43 de la réglementation de couverture a rendu le règlement no 966/2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, applicable par analogie à la gestion du RCAM. Or, selon l’article 30 de ce règlement, la Commission, qui gère le RCAM par délégation des autres institutions, doit assurer l’exécution des recettes et des dépenses suivant le principe de bonne gestion financière, conformément aux principes d’économie, d’efficience et d’efficacité. Dans ce contexte, l’article 52 de la réglementation de couverture a confié à la Commission le soin de fixer les règles régissant le remboursement des frais médicaux dans le but de sauvegarder l’équilibre financier du RCAM entre les dépenses et les recettes. En vertu du principe de bonne administration, la Commission et, par extension, les bureaux liquidateurs doivent donc être vigilants afin de ne pas engager inconsidérément les fonds dudit régime.

    Dans cette optique, les progrès de la médecine et les techniques modernes permettent désormais de proposer en traitement ambulatoire des prestations médicales nécessitant autrefois une hospitalisation. Compte tenu de cette réalité et du contexte juridique applicable, il appartient à l’affilié d’être attentif à cette évolution et de justifier le caractère nécessaire d’une hospitalisation, lorsque celui-ci est contesté. À cet égard, les avis exprimés de manière unilatérale par des médecins-conseils relevant des institutions dans le cadre de l’article 72 du statut ne présentent pas le même niveau de garantie en matière d’équilibre entre les parties que ceux formulés par la commission médicale ou la commission d’invalidité sur la base de l’article 73 du même texte. Dans ces conditions, juger que des rapports médicaux fournis a posteriori ne seraient pas probants comme tels reviendrait à priver les affiliés au RCAM d’un moyen élémentaire de défense susceptible d’amener l’administration à revoir sa position.

    (voir points 53, 54 et 60)

    Référence à :

    Tribunal de la fonction publique : arrêts du 28 septembre 2011, Allen/Commission, F‑23/10, EU:F:2011:162, point 69, et du 16 mai 2013, de Pretis Cagnodo et Trampuz de Pretis Cagnodo/Commission, F‑104/10, EU:F:2013:64, points 111 et 112

Top