Choose the experimental features you want to try

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62014CJ0025

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 17 décembre 2015.
Union des syndicats de l’immobilier (UNIS) contre Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle et du Dialogue social et Syndicat national des résidences de tourisme (SNRT) e.a. et Beaudout Père et Fils SARL contre Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle et du Dialogue social e.a.
Renvoi préjudiciel – Article 56 TFUE – Libre prestation des services – Principes d’égalité de traitement et de non-discrimination – Obligation de transparence – Champ d’application de cette obligation – Conventions collectives nationales – Régime de protection sociale complémentaire au régime général – Désignation d’un organisme assureur chargé de la gestion de ce régime par les partenaires sociaux – Extension de ce régime à l’ensemble des travailleurs salariés et des employeurs de la branche d’activité concernée par arrêté ministériel – Limitation des effets dans le temps d’une décision préjudicielle de la Cour de justice.
Affaires jointes C-25/14 et C-26/14.

Court reports – general

Affaires jointes C‑25/14 et C‑26/14

Union des syndicats de l’immobilier (UNIS)

contre

Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle et du Dialogue social

et

Syndicat national des résidences de tourisme (SNRT) e.a.

et

Beaudout Père et Fils SARL

contre

Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle et du Dialogue social e.a.

[demandes de décision préjudicielle, introduites par le Conseil d’État (France)]

«Renvoi préjudiciel — Article 56 TFUE — Libre prestation des services — Principes d’égalité de traitement et de non-discrimination — Obligation de transparence — Champ d’application de cette obligation — Conventions collectives nationales — Régime de protection sociale complémentaire au régime général — Désignation d’un organisme assureur chargé de la gestion de ce régime par les partenaires sociaux — Extension de ce régime à l’ensemble des travailleurs salariés et des employeurs de la branche d’activité concernée par arrêté ministériel — Limitation des effets dans le temps d’une décision préjudicielle de la Cour de justice»

Sommaire – Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 17 décembre 2015

  1. Libre prestation des services — Dispositions du traité — Octroi d’une concession de services impliquant une intervention des autorités nationales — Respect de l’obligation de transparence — Intérêt transfrontalier certain

    (Art. 56 TFUE)

  2. Questions préjudicielles — Recevabilité — Nécessité de fournir à la Cour suffisamment de précisions sur le contexte factuel et réglementaire — Existence d’un éventuel intérêt transfrontalier — Existence d’éléments permettant une réponse utile

    (Art. 267 TFUE; règlement de procédure de la Cour, art. 94)

  3. Libre prestation des services — Égalité de traitement — Obligation de transparence — Attribution par un accord collectif de la gestion d’un régime de prévoyance complémentaire obligatoire à un opérateur économique unique choisi par les partenaires sociaux — Extension dudit accord à l’ensemble des employeurs et des travailleurs salariés d’une branche d’activité — Absence de publicité adéquate permettant de tenir compte des informations relatives à l’existence d’une offre plus avantageuse — Inadmissibilité

    (Art. 56 TFUE)

  4. Questions préjudicielles — Interprétation — Effets dans le temps des arrêts d’interprétation — Effet rétroactif — Limitation par la Cour — Spécificités dans le domaine des marchés publics — Contrat de prévoyance complémentaire s’inscrivant dans un contexte social particulièrement sensible

  1.  S’agissant des prestations de services qui impliquent une intervention des autorités nationales, tel l’octroi d’une concession de services, l’obligation de transparence s’applique non pas à toute opération, mais uniquement à celles qui présentent un intérêt transfrontalier certain, du fait qu’elles sont objectivement susceptibles d’intéresser des opérateurs économiques établis dans des États membres autres que celui dont relève l’autorité qui les attribue.

    À cet égard, l’existence d’un intérêt transfrontalier certain doit être appréciée sur la base de l’ensemble des critères pertinents, tels que l’importance économique du marché, le lieu géographique de son exécution ou ses aspects techniques, en ayant égard aux caractéristiques propres du marché concerné.

    (cf. points 27, 30)

  2.  Ainsi qu’il résulte de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, celle-ci doit pouvoir trouver dans une demande de décision préjudicielle un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ainsi que du lien existant notamment entre ces données et ces questions. Dès lors, la constatation des éléments nécessaires permettant la vérification de l’existence d’un intérêt transfrontalier certain, de même que, de façon générale, l’ensemble des constatations auxquelles il incombe aux juridictions nationales de procéder et dont dépend l’applicabilité d’un acte de droit dérivé ou du droit primaire de l’Union, devrait être réalisée préalablement à la saisine de la Cour.

    Cependant, en raison de l’esprit de coopération qui préside aux rapports entre les juridictions nationales et la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle, l’absence de telles constatations préalables par la juridiction de renvoi relatives à l’existence d’un éventuel intérêt transfrontalier certain ne conduit pas nécessairement à l’irrecevabilité de la demande si la Cour, eu égard aux éléments qui ressortent du dossier, estime qu’elle est en mesure de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi. Tel est notamment le cas lorsque la décision de renvoi contient suffisamment d’éléments pertinents pour l’appréciation de l’existence éventuelle d’un tel intérêt.

    (cf. points 28, 29)

  3.  L’obligation de transparence, qui découle de l’article 56 TFUE, s’oppose à l’extension, par un État membre, à l’ensemble des employeurs et des travailleurs salariés d’une branche d’activité, d’un accord collectif, conclu par les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs salariés pour cette branche d’activité, qui confie à un unique opérateur économique, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d’un régime de prévoyance complémentaire obligatoire institué au profit des travailleurs salariés, sans que la réglementation nationale prévoie une publicité adéquate permettant à l’autorité publique compétente de tenir pleinement compte des informations relatives à l’existence d’une offre plus avantageuse.

    En effet, dès lors que c’est l’intervention d’une autorité publique qui est à l’origine de la création d’un droit exclusif, elle doit, en principe, avoir lieu dans le respect de l’obligation de transparence découlant de l’article 56 TFUE. À cet égard, l’objet de ladite décision d’extension, à savoir l’accord en cause, n’a pas pour conséquence de soustraire cette décision aux exigences de transparence résultant de l’article 56 TFUE.

    Sans nécessairement impliquer une obligation de procéder à un appel d’offres, l’obligation de transparence implique un degré de publicité adéquat permettant, d’une part, une ouverture à la concurrence et, d’autre part, le contrôle de l’impartialité de la procédure d’attribution. Or, ni le fait que les conventions et les accords collectifs ainsi que les avenants à ceux-ci font l’objet d’un dépôt auprès d’une autorité administrative et peuvent être consultés sur Internet, ni la publication dans un journal officiel d’un avis selon lequel il est envisagé d’engager une procédure d’extension d’un tel avenant, ni la possibilité pour tout intéressé de faire connaître ses observations à la suite de cette publication ne présentent, même pris ensemble, un degré de publicité adéquat, permettant d’assurer que les opérateurs intéressés puissent, conformément aux objectifs de l’obligation de transparence, manifester leur intérêt quant à la gestion du régime de prévoyance avant que la décision d’extension intervienne en toute impartialité.

    (cf. points 36, 37, 44-46 et disp.)

  4.  La Cour ne peut être amenée qu’à titre tout à fait exceptionnel à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi.

    Dans le domaine des marchés publics, les articles 2 quinquies et 2 septies de la directive 89/665, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, telle que modifiée par la directive 2007/66, lus à la lumière des considérants 25 à 27 de la directive 2007/66, permettent aux États membres de limiter, sous certaines conditions, la possibilité d’introduire des recours contre des marchés conclus en méconnaissance du droit de l’Union. Il en découle que, dans certaines circonstances, l’intérêt qu’il y a d’éviter une incertitude juridique peut justifier de faire prévaloir la stabilité des situations contractuelles déjà mises en exécution sur le respect du droit de l’Union.

    Lorsque, dans un contexte social particulièrement sensible, un arrêt de la Cour a précisé une situation juridique concernant la portée concrète de l’obligation de transparence découlant de l’article 56 TFUE, situation sur le fondement de laquelle des employeurs et des travailleurs salariés, n’ayant pas été directement impliqués dans une procédure d’extension à l’ensemble des employeurs et des travailleurs de la branche concernée d’accords collectifs désignant une institution de prévoyance en tant qu’unique organisme gestionnaire d’un ou de plusieurs régimes complémentaires de prévoyance ou de remboursement de frais de soins de santé, ont conclu des engagements contractuels leur accordant des garanties de prévoyance complémentaire, il y lieu de considérer que les effets de cet arrêt ne concerneront pas les accords collectifs portant désignation d’un organisme unique pour la gestion d’un régime de prévoyance complémentaire ayant été rendus obligatoires par une autorité publique pour l’ensemble des employeurs et des travailleurs salariés d’une branche d’activité avant la date de son prononcé, sans préjudice des recours juridictionnels introduits avant cette date.

    (cf. points 50-53 et disp.)

Top