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Document 62009TJ0320

    Planet / Commission

    Affaire T‑320/09

    Planet AE Anonymi Etaireia Parochis Symvouleftikon Ypiresion

    contre

    Commission européenne

    «Protection des intérêts financiers de l’Union — Système d’alerte précoce (SAP) permettant d’identifier le niveau de risque associé aux attributaires des marchés — Enquête de l’OLAF sur l’exécution d’un marché public concernant un projet de modernisation institutionnelle en Syrie — Décisions d’activer les signalements W1a et W1b — Base juridique — Droits fondamentaux — Obligation de motivation»

    Sommaire – Arrêt du Tribunal (huitième chambre) du 22 avril 2015

    1. Recours en annulation – Intérêt à agir – Intérêt s’appréciant à la date d’introduction du recours – Recours dirigé contre la décision d’inscrire le requérant dans le système d’alerte précoce à l’usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives – Suppression en cours d’instance de l’inscription – Absence d’incidence – Fondement d’un éventuel recours en indemnité – Maintien de l’intérêt à agir

      (Art. 263 TFUE ; décision de la Commission 2008/969)

    2. Recours en annulation – Moyens – Incompétence de l’institution auteur de l’acte attaqué – Moyen d’ordre public – Incompétence de l’institution auteur de l’acte constituant la base juridique de l’acte attaqué – Absence de caractère d’ordre public du moyen – Circonstance n’excluant pas un examen d’office

      (Art. 263 TFUE)

    3. Commission – Compétences – Exécution du budget communautaire – Décision d’instituer un système d’alerte précoce permettant d’inscrire, en tant qu’entités représentant un risque financier pour l’Union, des personnes faisant l’objet d’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude – Défaut de base légale – Incompétence de la Commission

      (Art. 5 CE, 274 CE et 279 CE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 48, § 1 ; règlement du Conseil no 1605/2002, art. 51, 59, § 2, et 95, § 1 ; décision de la Commission 2008/969)

    4. Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Appréciation de l’obligation de motivation en fonction des circonstances de l’espèce

      (Art. 253 CE)

    5. Ressources propres de l’Union européenne – Protection des intérêts financiers de l’Union – Lutte contre la fraude et autres activités illégales – Système d’alerte précoce à l’usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives – Absence de communication à une personne inscrite dans le système de la décision d’inscription – Violation des droits de la défense et de l’obligation de motivation

      (Art. 253 CE ; décision de la Commission 2008/969)

    1.  Voir le texte de la décision.

      (cf. points 27, 28, 30-32)

    2.  L’incompétence de l’institution qui a adopté un acte attaqué dans le cadre d’un recours en annulation représente un moyen d’annulation d’ordre public qui doit être relevé d’office par le juge de l’Union, alors même qu’aucune des parties ne lui a demandé de le faire. S’agissant de la question de l’incompétence de l’institution ayant adopté l’acte sur la base duquel l’acte attaqué a été pris, si le juge de l’Union n’est pas obligé de soulever d’office cette question, il se peut qu’il soit amené à le faire. Tel peut être le cas en fonction des éléments versés au dossier ou s’il s’agit d’un vice revêtant un caractère manifeste, autrement dit si le juge de l’Union peut aisément le déceler et l’identifier comme tel.

      (cf. point 35)

    3.  Il ne ressort ni des dispositions de l’article 274 CE ni de celles du règlement no 1605/2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, que la Commission dispose de la compétence explicite pour adopter, en vue de lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, la décision 2008/969 relative au système d’alerte précoce à l’usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives. Certes, selon l’article 274 CE, la Commission exécute le budget de l’Union conformément aux dispositions des règlements pris en exécution de l’article 279 CE. Ce dernier prévoit le recours à la procédure législative ordinaire. Toutefois, le règlement no 1605/2002, dont la base légale est l’article 279 CE, ne fait pas état d’un système tel que le système d’alerte précoce. Ledit règlement prévoit, à son article 95, paragraphe 1, uniquement l’institution d’une base de données centrale portant sur les candidats et les soumissionnaires qui sont dans l’une des situations d’exclusion obligatoire visées par le règlement.

      De même, nonobstant le fait qu’un système d’alerte puisse être un instrument utile dans le cadre des tâches de la Commission en tant que gardienne et exécutante du budget de l’Union, ceci ne saurait permettre de conclure à l’existence d’un pouvoir implicite d’adopter la décision 2008/969. En effet, bien que la Commission soit habilitée à organiser son fonctionnement interne afin d’assurer un fonctionnement le plus efficace possible, conformément à l’article 51 et à l’article 59, paragraphe 2, du règlement no 1605/2002, il n’en demeure pas moins que son pouvoir d’autoréglementation trouve ses limites dans les attributions qui lui sont confiées. Or, si les mesures internes ne produisent des effets que dans la sphère interne de l’administration et ne créent aucun droit ou obligation pour les tiers, tel n’est pas le cas de la décision 2008/969 qui a vocation à produire des effets juridiques vers l’extérieur.

      En outre, alors que le législateur de l’Union a créé une base légale pour les signalements d’exclusion, il n’a pas estimé opportun de le faire pour les autres signalements figurant dans la décision 2008/969. De plus, contrairement aux signalements W5 qui se basent sur des éléments objectifs et, dans une certaine mesure, avérés, l’inscription du signalement W1a ou W1b en vertu de la décision 2008/969 est la conséquence d’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude, bien que des constatations de fraudes ou d’erreurs administratives n’aient pas encore été établies. Au demeurant, on ne saurait accepter, sans méconnaître les droits fondamentaux, parmi lesquels figure la présomption d’innocence consacrée à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’adage qui potest majus potest et minus. Or, à la différence des signalements d’exclusion, il est incontestable que les signalements W1a et W1b visent une situation dans laquelle des enquêtes sont encore en cours et donc dans laquelle un juge n’a pas encore établi une culpabilité. Partant, si la Commission estime nécessaire de prendre des mesures préventives, à un stade précoce, elle a besoin, d’autant plus pour cette raison, d’une base légale permettant de créer un tel système d’alerte et de prendre des mesures y afférant, système qui respecte les droits de la défense, le principe de proportionnalité ainsi que le principe de sécurité juridique, ce dernier impliquant que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables.

      (cf. points 43, 45, 58, 59, 61-67)

    4.  Voir le texte de la décision.

      (cf. points 77, 78)

    5.  Viole l’obligation de motivation ainsi que les droits de la défense une décision de la Commission d’inscrire une entité dans le système d’alerte précoce institué par la décision 2008/969 relative audit système à l’usage des ordonnateurs de la Commission et des agences exécutives, sans communiquer ladite décision à la personne concernée, dès lors que cette dernière n’a, de ce fait, pas eu la possibilité de faire ses observations à cet égard et n’a pas eu non plus connaissance des motifs justifiant son inscription dans le système d’alerte.

      En effet, les droits de la défense doivent toujours être assurés, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. Il en va de même en ce qui concerne l’obligation de motivation. Or, bien que l’objectif poursuivi par la décision 2008/969 soit de protéger le budget de l’Union par des mesures de prudence, cela ne justifie nullement une absence de communication. À cet égard, même à supposer que le système d’alerte précoce ait été construit en tant qu’instrument interne, il n’en demeure pas moins que l’inscription dans ledit système entraîne des conséquences juridiques pour la personne inscrite concernée, impliquant que les droits de la défense, y inclus l’obligation de motivation, doivent être respectés.

      (cf. points 79, 83, 86, 87)

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